Abstracts
Résumé
Toute controverse technologique est socialement et culturellement marquée. Son étude est essentielle car cette « crise de l’expertise » structure les communautés savantes en marquant le moment ou le scientifique est amené à se justifier, et ceci souvent face avec une communauté dite de profanes. En partant de l’exemple des controverses autour du complexe nucléaire de Sellafield, nous analysons la manière dont la controverse technologique constitue une fenêtre d’analyse sur l’expertise en matière de risques industriels. Puis considérant le fait technologique, cette étude définit comment les mutations provoquées par ces controverses matérialisent le passage d’un modèle technocratique accompagné d’un déficit informationnel chez les profanes, à un modèle plus nuancé dans lequel des profanes en sont venus à pénétrer la sphère des scientifiques et à s’approprier certaines des caractéristiques de leur expertise. Même si la maitrise du fait technique pur demeure l’apanage des spécialistes, les profanes tentent ici de légitimer leur propre discours, Nous démontrons que la distinction traditionnelle entre experts et profanes a été abolie au profit de la mise en place d’un continuum d’expertise du profane total au scientifique le plus spécialisé, gradation déterminée par le degré d’implication. La notion de monopole de l’expertise est ici remise en question alors que les profanes affirment de volonté de prendre part au débat, en dépit de son extrême technicité. Enfin, les controverses passées ont ainsi également permis une redéfinition du rôle du profane dans le processus décisionnel pour un Etat qui dorénavant favorise –en apparence du moins - la participation citoyenne.
Mots-clés :
- controverse,
- risque nucléaire,
- expertise,
- profane,
- citoyen,
- gouvernance
Abstract
All technological controversies are socially and culturally framed. Studying those moments of “expertise in crisis” has become increasingly crucial since they structure scientific communities at a landmark moment when scientists are compelled to justify their decisions, often before a community of laypeople. Using the example of the Sellafield nuclear site and the controversies it gave birth to, we shall analyze the way technological controversies provide a valuable analytical framework on the forms of expertise related to nuclear risks. Then focussing on technological facts, the present study shall assess how the transformations triggered by those controversies have embodied a shift from a technocratic model, related to an information deficit among the laypeople, to a more nuanced model in which laypeople to a certain extent succeeded in entering the scientific sphere. Even though mastering the sheer technical facts remains the prerogative of the scientists, laypeople are thus trying to legitimize their own discourses. We shall demonstrate how the traditional divide between experts and laypeople has somehow been abolished and replaced by a continuum of expertise ranging from the most inexperimented to the most specialized actors, depending on their involvement. Laypeople have questioned the monopoly of the institutional expertise and asserted their wish to participate in the debate – in spite of its technical nature. Ultimately, the previous controversies also helped reconstruct the role laypeople are playing in the decision-making process, as the State – theoretically at least – is increasingly favouring an improved form of public participation.
Keywords:
- controversy,
- nuclear risks,
- expertise,
- laypersons,
- citizen,
- governance
Appendices
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