Cet ouvrage collectif, sous la direction de Léon Robichaud, Harold Bérubé et Donald Fyson et appuyé par le Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal (LHPM), le réseau Villes Régions Monde (VRM) et le Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ), est le résultat d’une journée d’étude tenue à l’UQÀM (Montréal) en 2012. À l’occasion du 370e anniversaire de la fondation de Ville-Marie, des chercheurs se sont rassemblés pour discuter de gouvernance, un concept faisant l’objet de multiples débats académiques. Ce livre, qui réunit neuf contributions de chercheurs spécialistes de l’histoire, de la politique et de l’urbanisme montréalais, examine « les pratiques et les mécanismes de gouverner, d’administrer [et] de gérer » (p. 2) la ville et la région de Montréal depuis quatre siècles. Le découpage temporel employé met en lumière l’évolution des rapports de pouvoir et des enjeux. Léon Robichaud se penche tout d’abord sur la période de la gouvernance judiciaire (1642-1840). Son survol historique de la gouvernance de Montréal sous le Régime français permet de saisir le contexte de formation de la ville. Il analyse de nombreuses ordonnances de police – base de l’administration civile coloniale – visant à maintenir la tranquillité et le bien-être des habitants. Donald Fyson traite, quant à lui, de la gouvernance municipale avant l’incorporation de la ville de Montréal. Adoptant une vision élargie de la gouvernance municipale ne se résumant pas à l’activité d’une corporation municipale, il constate la très grande diversité des instances étatiques locales entre 1760 et 1840 et ainsi le morcellement des structures de gouvernance. Le rôle des juges de paix est, selon lui, un indicateur clé de l’évolution de la gouvernance municipale avant et après l’incorporation. La période allant de l’incorporation de la ville à la Première Guerre mondiale (1840-1914) est abordée sous l’angle de la matérialité par Michèle Dagenais. Elle propose d’éclaircir le processus de changement du mode de gouvernement local en analysant la mise en place des réseaux d’eau potable et d’eaux usées, des services qui ont joué un rôle essentiel dans la structuration des rapports sociaux et politiques. Son approche préconise l’historicisation des pratiques et des rationalités des autorités municipales afin d’expliquer les mutations de la gouvernance montréalaise. Par ailleurs, Nicolas Kenny situe le cas montréalais dans l’historiographie des liens entre le corps et l’environnement urbain dans les villes occidentales au milieu du XIXe siècle. Il souligne l’importance des expériences sensorielles concrètes (les odeurs dégoutantes par exemple) pour les acteurs de la scène municipale. Ainsi, le corps apparaît comme un élément central des enjeux liés à la gouvernance, car « gouverner pour le corps suppose aussi de gouverner par le corps » (p. 69). Raphaël Fischler, quant à lui, se penche sur l’émergence du zonage à Montréal. Il présente une série de règlements concernant la construction et l’utilisation du sol mis en place entre 1841 et 1913. Selon lui, « la règlementation du développement urbain est un prisme à travers lequel on peut examiner la fonction municipale dans son ensemble, voire la régulation sociale d’une société » (p. 73). L’élaboration des règlements de zonage dans la ville industrielle rend compte de la répartition des pouvoirs, de la création de nouveaux savoirs et de la relation entre la population et les élus. Fischler montre que pendant longtemps, une forme d’urbanisme de la règlementation (normes pour l’action individuelle) a dominé sur l’urbanisme de planification (objectifs pour l’action collective) dans la pratique montréalaise. La période 1914-1960, où Montréal et ses banlieues dominent la scène nationale, est marquée par des critiques de corruption de l’administration montréalaise. Si Nicolas Kenny aborde le nettoyage matériel de la ville, Mathieu Lapointe se penche sur un …
Léon Robichaud, Harold Bérubé et Donald Fyson,dir. La gouvernance montréalaise : de la ville-frontière à la métropole. Montréal : Multimondes, 2014, 182 p., coll. « Cahiers de l’Institut du patrimoine de l’UQAM »[Record]
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Giselle Giral
Candidate au doctorat en histoire, Université Laval