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Cet ouvrage collectif est le résultat d’un colloque tenu à l’Université Laval (Québec) en 2009, sur le thème Capitales et patrimoines au xxie siècle. Cette manifestation scientifique était le résultat d’une collaboration entre des institutions québécoises (IPAC – Institut du patrimoine culturel de l’Université Laval, et CELAT – Centre interuniversitaire d’études sur les lettres, les arts et les traditions) et françaises (LAHIC – Laboratoire d’Anthropologie et d’Histoire sur l’Institution de la Culture – Équipe du IIAC, CNRS – EHESS, Paris). Quoique l’on puisse ne pas être d’accord avec la prémisse d’une relation peu évidente entre les capitales et les patrimoines, on ne peut en revanche qu’abonder dans le sens des directeurs de cette publication quant à la nécessité d’approfondir les recherches sur les relations entre ces deux éléments. En ce sens, ce livre est déjà une contribution notable aux études urbaines et aux études patrimoniales.
On notera également l’intérêt du travail d’introduction historique et théorique sur la notion de « capitale », qui donne beaucoup d’éléments de compréhension utiles au lecteur, spécialiste ou pas. Les questions qui y sont posées quand à l’éventualité d’une « fin » ou d’un « autre temps » des capitales (p. 25) délimitent les contours de la problématique de l’ouvrage : qu’est-ce qui fait aujourd’hui une « capitale » et quel rôle joue le patrimoine dans cette affirmation ? Autour de ce questionnement, le livre se divise en trois parties qui sont autant de relations différentes entre « capitales » et « patrimoines » et qui correspondent à trois « moments », trois « temporalités », mais aussi trois dimensions (politique, culturelle et historique) des villes globalisées. La première partie jette un regard sur les capitales qui affirment leur caractère politique à travers leurs actions sur le patrimoine, que ce soit la construction de « nouveaux » patrimoines, la destruction d’éléments anciens jugés indignes ou dépassés, ou encore les velléités de reconstruction de monuments disparus, abouties ou non. La deuxième partie aborde plutôt l’influence de l’insertion des capitales dans le réseau mondial sur leur(s) patrimoine(s) et comment ces objets patrimoniaux peuvent changer de statut et de signification pour répondre à la globalisation et aux désirs de ces villes de se distinguer comme centre d’une culture universalisée. Enfin, la troisième partie rapporte surtout des cas où le patrimoine participe de la restitution d’une certaine historicité des villes qui pourrait être nécessaire à l’affirmation du fait capitulaire. Finalement, la postface d’Olivier Mongin rappelle le caractère hybride des villes capitales, « articulation entre le local et le monde » (p. 418), qui gagnent effectivement à être étudiées comme « objet » plutôt que comme « terrain » (p. 27).
S’il est vrai que les villes capitales ne sont que rarement l’objet des études touristiques et patrimoniales, il nous semble cependant un peu extrême de dire qu’elles sont considérées, dans ces travaux, comme « semblable[s] à toute autre ville » (p. 235). En effet, leur insertion dans les flux internationaux et leur prédominance politique, économique ou encore culturelle font d’elles des lieux propices à l’existence des pratiques touristiques et des phénomènes patrimoniaux. Omettre ce contexte particulier rendrait ces analyses bien peu pertinentes. En revanche, il est vrai que la recherche scientifique s’est assez peu intéressée au fait capitulaire et à son évolution dans le contexte de la mondialisation des échanges et des flux. Or il apparaît tout à fait justifié à la lecture de cet ouvrage de se demander s’il est encore pertinent de parler de « capitale », et dans quelles conditions, tant le terme semble recouvrir des réalités différentes qui ne sont pas sans rappeler certaines critiques du « tout-patrimonial ». Pourtant, comme le patrimoine qui a su se diversifier en se transformant et en s’imposant comme un fait social distinctif, le fait capitulaire semble répondre à une aspiration à la démarcation, à l’affirmation d’un caractère unique devenu nécessaire par la mise en réseau mondiale des villes.
Ce que cet ouvrage semble mettre clairement en évidence, c’est donc la nécessité d’interroger les « villes capitales » et le « fait capitulaire » d’une façon nouvelle, dans la tension que cette reconnaissance implique entre le local et le global. Mais pour ce faire, il apparaît nécessaire d’effectuer une double opération que les contributions de cet ouvrage ne réussissent pas toutes. En effet, comme le souligne les directeurs de cette publication, il faut dans un premier temps s’affranchir de l’urbanité des capitales, de leur condition de ville, afin de constituer le fait capitulaire en objet de l’étude et non en contexte. Cela semble une nécessité pour mettre en évidence les « valeurs capitales » dont parle Mongin (p. 419), tout comme la compréhension du patrimoine nécessite d’en identifier les différentes « couches » de signification et les différentes valeurs patrimoniales. Cependant, une seconde opération de recontextualisation dans le fait urbain, propre à chaque cas, paraît nécessaire pour en permettre la compréhension, car ces villes restent aussi des villes, et si certaines semblent détachées de leur réalité territoriale et sociale, c’est parce que cette réalité existe aux yeux du chercheur. Si l’introduction des directeurs de l’ouvrage pose avec acuité la question d’une redéfinition de ce qu’est une « capitale », ce questionnement est moins explicite dans les contributions qui interrogent surtout la, ou plutôt les notions de patrimoine, et le rôle de celui-ci dans l’affirmation de ces villes sur la scène mondiale. Si l’on aurait pu souhaiter donc que les textes questionnent un peu plus ce « fait capitulaire », on n’en oubliera pas pour autant que l’ensemble de l’ouvrage, avec les textes de préface, de postface et d’introduction, permet sans aucun doute d’amorcer une réflexion sur ce sujet et remplit son objectif de « défrichage scientifique » en suscitant chez le lecteur de nombreuses questions propres à générer d’autres recherches dans cette voie.