Dans La ville : phénomène de représentation, ouvrage publié sous la direction de Lucie K. Morisset et de Marie-Ève Breton, les auteurs font le pari de traiter de la ville comme objet, tentant de se démarquer des approches dites des Urban Studies. Les auteurs de ce collectif explorent ainsi le phénomène qu’est la ville sous cinq aspects particuliers. D’abord, l’ouvrage traite des considérations épistémologiques eu égard à l’analyse du caractère signifiant des villes. La seconde partie s’intéresse à la construction de l’expression identitaire des villes suivant l’analyse des discours et des actes architecturaux/aménagistes. Dans la même veine, la troisième partie illustre combien les représentations de la ville peuvent être associées à un caractère mythique. La dynamique ville-nature est revisitée habilement dans la quatrième partie de l’ouvrage alors que la dernière section utilise diverses oeuvres littéraires pour dégager une image de la ville. S’appuyant largement sur les travaux d’André Corboz, les auteurs cherchent à se démarquer de certaines approches, entre autres, des analyses positivistes du phénomène urbain. Soulevant au passage que ces approches enfermeraient les chercheurs dans leurs méthodes, les auteurs n’en viennent pas moins à en proposer une, ce qui semble un peu paradoxal, à prime abord. Certes, la méthode suggérée, à laquelle les auteurs prêtent des capacités herméneutiques, embrasse de très nombreux aspects liés à l’étude du phénomène urbain. L’ouvrage propose ainsi plusieurs concepts et un effort de modélisation qui méritent d’être soulignés. Les thèses de l’ouvrage sont abondamment documentées en évoquant entres autres les villes de Montréal, Québec, Los Angeles et Nice. Si le récit de la modernisation de Québec est bien illustré et bien situé dans le contexte nord-américain, il en va de même de la création de mégalopoles américaines qui se distinguent de leurs cousines européennes, et ce, à partir de leurs mythes fondateurs respectifs. L’ouvrage permet ainsi de dégager une meilleure compréhension de l’établissement urbain en évitant de porter des jugements sur les diverses approches urbanistiques. Le point de vue du citoyen n’est pas en reste dans quelques textes traitant de l’espace vécu, dont l’un réfère au concept de cartes mentales (Céline Verguet) comme outil adéquat de connaissance des représentations spatiales. L’opposition apparente entre ville et nature est étudiée ici dans un contexte dynamique. Plusieurs idées maîtresses émanent de ces analyses : la réconciliation ville-nature (Michèle Dagenais), interpénétration, monumentalité et vides structurants (Yves Chalas), pour n’en mentionner que quelques-unes. Si l’utilisation de la nature en ville n’a plus rien de commun avec les ornements de jadis et que nous assistons de plus en plus à la création de bâtiments verts, il y a lieu de s’interroger sur ce courant, comme le fait Daniel Le Couédic. Alors que la valeur écologique de certains travaux demeure discutable le nouveau rapport ville-nature s’inscrit sous l’égide du développement durable, un concept dont certains aspects seraient associés à de lointaines conceptions du monde (« antédiluvien »). Enfin, Joëlle Salomon Cavin propose une typologie des rapports ville-nature tout en relatant et en remettant en perspective des visions anti-urbaines. La dernière partie, intitulée « La ville, espace inventé, lieu de réalisation » rappelle comment des oeuvres littéraires très diversifiées peuvent nous en apprendre sur la représentation de la ville. Il est intéressant de noter combien le portrait d’une ville émanant de revues, recueils de poèmes, romans ou autres, est parfois diffus. Pour paraphraser le titre du chapitre de Jean-François Chassay, l’image de la ville dégagée à partir de l’étude de ces textes se situe souvent « entre les lignes ». Cette section de l’ouvrage aborde le fait urbain via sa constituante culturelle. Qu’il soit question du rapport …
Morisset, Lucie K. et Marie-Ève Breton (sous la direction de). La ville : phénomène de représentation. Québec : Presses de l’Université du Québec, 2011. 334 p.[Record]
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Laurent Richard
Centre interuniversitaire d’études québécoises, Université Laval