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Ville et patrimoine : vers une meilleure compréhension du patrimoine urbain[Record]

  • Claudine Déom

Les mots « ville » et « patrimoine » entretiennent une relation qui pourrait être considérée comme antonymique. En effet, l’objectif de pérennité et de continuation de la conservation du patrimoine culturel semble difficile à concilier avec les transformations sociales, économiques et physiques des milieux urbains, d’autant plus que ces changements sont garants de leur survie tout en étant associé à leur dynamisme. C’est à partir du 19e siècle, avec l’avènement de la révolution industrielle, que des transformations profondes et marquantes s’opèrent dans les villes. Sur le continent européen, certaines cités voient disparaître des quartiers anciens en entier au nom d’améliorations civiques qui visaient alors une meilleure hygiène publique, une circulation plus fluide et l’aménagement d’espaces verts. À cette époque, la notion de patrimoine, « mot et chose modernes » pour reprendre les paroles du célèbre architecte-restaurateur français Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc, demeure centrée sur la restauration des monuments historiques. Ce n’est qu’au siècle suivant que s’initie progressivement une réflexion à propos du contexte environnant des monuments et du tissu urbain mineur. La reconstruction des villes européennes au lendemain de la Première et de la Seconde Guerre mondiale en encourage la poursuite, notamment par la publication d’écrits théoriques, dont un des plus importants demeure celui de Gustavo Giovannoni, Vecchie città ed edilizia nuova (L’urbanisme face aux villes anciennes) publié pour la première fois en 1931. La notion d’un patrimoine urbain émerge ainsi progressivement et se concrétise notamment par la création de secteurs urbains historiques au cours des années 1960 tant en Amérique du Nord que sur le Vieux Continent. Force est de constater que l’idée d’un patrimoine urbain – par opposition à un patrimoine architectural – est complexe, surtout lorsqu’il s’agit d’en assurer la conservation. Celle-ci ne peut que difficilement se concevoir en fonction de préceptes fondés sur la préservation de l’objet d’art institués au fil du temps par les conservateurs d’art et d’architecture. L’expérience des secteurs urbains historiques a clairement démontré les défis que pose l’adéquation entre l’évolution économique et sociale d’un milieu et la conservation de ses attributs physiques (volumétrie des bâtiments, matériaux, trame urbaine, topographie, etc.). Certaines de ces zones, telles que le centre urbain historique de Saint-Pétersbourg ou celui d’Édimbourg, passent parfois pour sclérosées pour le rejet de projets d’architecture contemporaine contrastant tant par leur dimension que par leur forme et leur matérialité avec le tissu urbain existant. D’autres, tels que le Vieux-Québec, hautement sollicités par l’industrie touristique, risquent de nos jours l’atrophie en raison du départ des résidents. La réflexion à propos de la conservation du patrimoine des villes met de plus en plus l’accent sur l’importance des modes de vie et des pratiques culturelles et sociales véhiculées par les collectivités qui l’habitent. Il s’agit d’ailleurs d’un des principaux messages communiqués dans La Recommandation concernant le paysage urbain historique, un document rédigé dans le but de favoriser une meilleure harmonisation entre les politiques en conservation du patrimoine des villes et le développement urbain. Le texte fut adopté par le Conseil général de l’UNESCO en 2011. Curieusement, certaines des idées qu’il contient ne sont pas étrangères à des écrits au sujet de la ville datant des années 1960, plus particulièrement ceux de Jane Jacobs qui, sans pour autant évoquer le patrimoine stricto sensu, insistait sur la pertinence de maintenir des formes urbaines traditionnelles en raison de leur capacité d’assurer une qualité de vie à l’échelle du quartier. Tel qu’en témoignent les contributions à ce numéro spécial de la Revue d’histoire urbaine/Urban History Review, les décennies 1950, 1960 et 1970 constituent une période riche en expériences pouvant alimenter la réflexion à propos …

Appendices

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