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Noizet, Hélène. La fabrique de la ville. Espaces et société à Tours (IXe–XIIIe siècle). Paris, Publications de la Sorbonne, 2007. 504 p.[Record]

  • Lyse Roy

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  • Lyse Roy
    Université du Québec à Montréal

La ville de Tours est bien connue des médiévistes grâce notamment aux travaux de Bernard Chevalier qui a analysé ses transformations topographiques et matérielles, ses institutions, ses activités économiques et sociales, ainsi que ses rapports avec le pouvoir à la fin du Moyen Âge. L’intérêt de l’ouvrage d’Hélène Noizet ne réside pas seulement dans la proposition d’une étude de la ville consacrée au Moyen Âge central, mais plutôt dans sa façon d’aborder la ville par une approche tout à fait différente et originale. En effet, l’auteur prend pour objet d’étude la dimension spatiale de la ville et intègre dans son analyse historique d’autres disciplines des sciences sociales comme la géographie, l’archéologie et la sociologie. L’ouvrage analyse, sur la longue durée, le processus d’urbanisation qui se caractérise par une « augmentation constante de la diversification et de la densification sociospatiales, c’est-à-dire à la fois des sociétés et de la structure matérielle urbaine » (p. 405). L’étude porte sur deux quartiers de Tours : les quartiers Saint-Martin et Saint-Julien, qui ont connu une configuration spatiale différente. L’auteur part d’abord de la prémisse que « la ville est un impensé ». La ville médiévale, en effet, n’est pas le produit d’une réflexion consciente des acteurs sociaux, elle n’est pas planifiée ni formulée précisément, ni même conçue par eux comme un projet à construire. Toutefois, l’organisation de l’espace urbain n’est pas le fruit du hasard. Le concept central de l’ouvrage est celui de « fabrique de la ville » tel que défini par Henri Galinié, c’est-à-dire « l’interaction permanente et dialectique des multiples configurations sociales, historiquement situées, avec la structure spatiale de la ville» (p. 16). Ainsi, la matérialité de la ville est conçue en relation dynamique avec les activités sociales. Cet ouvrage est issu d’une thèse d’histoire médiévale, dirigée par Henri Galinié, soutenue en 2003 à l’université de Tours. L’ouvrage est divisé en cinq parties. Les quatre premières parties repèrent les moments forts qui ont favorisé la structuration de l’espace urbain. À partir d’une analyse fine des sources diplomatiques et archéologiques, l’auteur montre l’interaction des différents acteurs (c.-à-d. les chanoines de Saint-Martin, les moines de Saint-Julien, les bourgeois, les officiers royaux, le comte, l’archevêque) avec l’espace urbain, leur rapport à la ville et leurs activités sociales dans la ville. L’analyse révèle quatre périodes chronologiques dans la structuration de l’espace urbain. La première couvre les années 774 à 918. Important lieu de pèlerinage au haut Moyen Âge, Saint-Martin adopte au IXe siècle un régime canonial, sous la pression du pouvoir carolingien. Pour faire vivre les 200 chanoines du chapitre un système complexe d’approvisionnement se met en place par l’exploitation des ressources des possessions périphériques du chapitre, et la circulation des personnes et des biens profite tant des voies terrestres que fluviales. Cette partie montre aussi que Saint-Martin a bénéficié de la bienveillance des robertiens qui ont formé une dynastie d’abbés laïcs depuis le dernier tiers du IXe siècle. La deuxième période allant de l’an 918 à 1119 est caractérisée notamment par l’émergence d’une nouvelle entité territoriale, rivale de la cité de Tours, Châteauneuf où l’espace est conçu pour permettre les liens sociaux entre les laïcs et les chanoines. Par ailleurs, le monastère de Saint-Julien connaît une refondation en 940 sous l’initiative de Téotolon (ancien chanoine de Saint-Martin, puis archevêque de Tours). Le monastère adopte la règle bénédictine et s’installe dans la partie centrale de Tours (entre la cité et Châteauneuf) dans une zone rurale. Il connaît une faible interaction avec les laïcs et profite des infrastructures économiques de Saint-Martin pour son approvisionnement, moins lourd puisque la communauté ne rassemble qu’une quarantaine de …