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  • Patrick Hersant

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  • Patrick Hersant
    Université Paris 8

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Cover of Brouillons de traduction, Volume 36, Number 2, 2e semestre 2023, pp. 9-387, TTR

« Who would care? » Cette réponse de Barbara Wright à Breon Mitchell, qui demandait à la traductrice de Queneau, de Pinget et de Sarraute si elle acceptait de lui confier sa correspondance professionnelle et ses brouillons, nul doute que bien d’autres traducteurs auraient pu la formuler avec la même sincère incrédulité (Mitchell, 2013, p. 125). Si Wright a fini par se laisser convaincre, et par remettre au directeur de la Lilly Library de quoi remplir des dizaines de boîtes d’archives, nombre de ses collègues se sont gardés de « livrer [leur] vie entière à quiconque voudrait y fourrer le nez » (ibid., p. 126). Ainsi d’innombrables manuscrits de traduction, jugés inutiles par leurs propres auteurs une fois le travail achevé, ont-ils fini à la poubelle. Leur rareté même, que constatent et déplorent depuis vingt ans généticiens et traductologues, est en passe de devenir un lieu commun (Durand-Bogaert, 2014, p. 8; Samoyault, 2014, p. 59; Hersant, 2018, §1). Si la raison implicite de cet escamotage semble compréhensible – à quoi bon révéler ses ignorances, ses hésitations, ses erreurs? –, elle n’en est pas moins regrettable. Une autre grande traductrice, Laure Bataillon, s’en désolait déjà voici près de quarante ans : trop peu de traducteurs, écrivait-elle, estiment Elle-même, hélas, n’a pas déposé dans une institution les manuscrits et autres documents de travail qui nous auraient permis de l’observer, rétrospectivement, en train de traduire Cortázar, Puig ou Borges. Du moins, sur une note manuscrite qui a survécu par miracle, nous donne-t-elle un aperçu de sa méthode de travail : Le processus est ici clairement résumé, étape par étape; seules manquent les précieuses traces matérielles qui lui auraient donné corps. Le premier jet, les annotations marginales, la consultation de dictionnaires, une éventuelle collaboration avec l’auteur, la mise au net, les révisions finales, la correction des épreuves d’imprimerie : voilà précisément ce que révèlent – et exposent à l’analyse – les documents de travail des traducteurs, du tout premier brouillon aux dernières épreuves. Pour tenter de comprendre au terme de quelles opérations mentales et scripturales un texte « devient », dans une autre langue, un autre texte, il a longtemps fallu s’en remettre à ce qu’en disaient les traducteurs – que ce soit dans un entretien, une préface ou des notes en bas de page –, c’est-à-dire à des propos parfois très éclairants, mais partiaux et partiels par nature. Longtemps, la traductologie a ignoré ou sous-estimé l’intérêt potentiel des brouillons de traduction, qui, au-delà de leur valeur patrimoniale et de leur dimension « magique » (Cordingley et Hersant, 2021, p. 18), sont pourtant à même de nous renseigner sur telle entreprise particulière ou sur la pratique traductive en général. Dès 1978, le lexicographe Reinhard Hartmann appelait de ses voeux une « textologie comparative génétique » permettant d’observer « la traduction en acte », et fournissait en guise d’illustration plusieurs versions très remaniées – manuscrit, tapuscrit, épreuves – d’une longue phrase tirée d’un roman d’E.M. Remarque et traduite en anglais par Wesley Wheen (Hartmann, 1981, p. 204). Reprenant et commentant ces mêmes exemples une quinzaine d’années plus tard, Gideon Toury attirait de nouveau l’attention de ses collègues sur l’intérêt scientifique que présentaient à ses yeux la « reconstitution du geste traductif » et ce qu’il nommait les « solutions intérimaires » menant du premier jet à la traduction publiée (2012 [1995], pp. 218-226). Une quinzaine d’années plus tard – encore –, Jeremy Munday proposait à son tour une étude de cas pour illustrer l’intérêt des brouillons de traduction : non plus une simple phrase, cette fois, mais un paragraphe entier d’une traduction de …

Appendices