Routledge continue d’ajouter des titres à la collection de Handbooks sur des sujets d’actualité en traductologie. Le dernier de la collection, The Routledge Handbook of Translation and Activism, est un travail collectif coordonné par Rebecca R. Gould, professeure du monde islamique et de littérature comparée de la University of Birmingham, et par Kayvan Tahmasebian, poète et traducteur iranien, qui fait des études postdoctorales à la même université. Ce volume se divise en huit parties pour un total de 30 chapitres, plus l’introduction des éditeurs. Parmi les atouts de l’ouvrage se distingue l’analyse de quatre paradigmes dans le domaine de la traduction activiste présentés par plusieurs des auteurs dans leurs chapitres respectifs. Ces paradigmes sont « witness-bearer, voice-giver, vernacular mediator, revolutionary » (p. 2). Il est logique de supposer qu’ils se chevauchent, mais l’effort de distinction est louable. Dans le premier des cas, il s’agit d’un effacement des frontières entre le rôle d’auteur et de traducteur, où l’exemple des poètes auto-traducteurs en exile ou en prison est avancé. Dans le deuxième, on examine surtout les exemples des interprètes des communautés en détresse (refugiés et migrants dans leurs pays d’accueil), qui véhiculent non seulement un message équivalent, mais également des perspectives et des expériences des personnes opprimées ou réduites au silence (p. 2). Le troisième paradigme concerne le rôle du traducteur dans la défense et la diffusion des langues dites « mineures » vers les langues majoritaires ou métropolitaines et vice-versa. Il s’agit bien d’un processus dans lequel le traducteur s’insère à contrecourant d’une certaine mondialisation qui érode la diversité culturelle et linguistique, contribuant même à l’invention de nouvelles formes et à l’émergence de nouveaux sens à partir de juxtapositions linguistiques heureuses, voire inattendues (p. 3). Le quatrième paradigme explore la dimension d’engagement physique ou virtuel autant individuel que collectif, favorisant de nouvelles alliances de classe, l’analyse des conséquences d’une révolution, ainsi que des médiateurs du débat qui précède une révolution, notamment dans les réseaux sociaux (p. 3). Il va sans dire que ces quatre paradigmes ne sont pas les seuls que l’on trouve présentement dans les recherches sur la traduction activiste. Renée Desjardins a résumé dans Translation and Social Media. In Theory, in Training and in Professional Practice (2017) les analyses critiques d’au moins deux autres attitudes vis-à-vis de l’activisme traductif : le « slacktivism » (slacktivisme ou activisme paresseux) et le « feel-good activism » (activisme de plaisir) (2017, pp. 25-27), aussi appelé « pleasure activism » (Maree Brown, 2019). Sous une optique de la pensée de la complexité, un activisme traductif de la repolitisation s’avère plus caractéristique au XXIe siècle et est déployé sur les réseaux sociaux en ligne dans les pays développés de l’Occident. Il sert d’alternative à celui de la réidéologisation, qui a été bien connu au XXe siècle, et qui a été traditionnellement mené par des organisations politiques partisanes (Colón Rodríguez, 2019). Il y a donc d’ores et déjà besoin d’élargir l’analyse proposée par le Handbook. La première partie de l’ouvrage, intitulée « Theorizing Translation and Activism », présente cinq chapitres et deux textes traduits qui ont une évidente intention de faire connaître à un public international la pensée de deux représentants de marque de la nouvelle gauche japonaise et iranienne : Yoshimoto Taka’aki et Morad Farhadpour respectivement. L’objectif est certes louable; le concept de « situatedness » (p. 54) appliqué à la traduction activiste y est développé en profondeur, mais le titre propose plus qu’il n’apporte. On s’attendait à une théorisation plus poussée, compte tenu qu’il s’agit d’un premier ouvrage collectif des Handbooks de Routledge sur le …
Appendices
Bibliographie
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