Cet ouvrage de Michel Ballard publié à titre posthume apporte un nouvel éclairage sur la place de la traduction dans l’Antiquité depuis l’Égypte ancienne jusqu’à saint Jérôme, soit de 3000 avant l’ère commune environ jusqu’à 420. Il s’agit du dernier opus sur l’histoire de la traduction dans l’Antiquité du chercheur internationalement reconnu qu’était Michel Ballard, agrégé d’anglais et docteur d’état en traductologie, professeur émérite de l’Université d’Artois, docteur honoris causa des Universités de Genève et Timisoara, historien et didacticien de la traduction et auteur de nombreux ouvrages. Michel Ballard étant décédé avant d’avoir pu achever son oeuvre, Yves Chevrel, professeur émérite à l’Université de Paris-Sorbonne, et Christian Balliu, professeur à l’Université libre de Bruxelles, ont contribué à son achèvement sous la direction de Lieven D’hulst, Mickaël Mariaule et Corinne Wecksteen-Quinio à partir du manuscrit inachevé de l’auteur. À la fois concis et détaillé, l’ouvrage est composé de huit chapitres relativement autonomes, chacun consacré à la traduction pendant une période de l’Antiquité et précédé d’une brève mise en contexte du thème étudié. Il s’appuie sur les recherches de deux volumes précédents de Michel Ballard, De Cicéron à Benjamin et Histoire de la traduction, et propose une vue plus approfondie de la traduction dans l’Antiquité que ces deux derniers ouvrages. Après une courte introduction, l’auteur nous entraîne à l’époque de l’Égypte ancienne, sujet du premier chapitre. Il se penche d’abord sur l’interprétation et ensuite sur la traduction. En effet, l’oralité ayant précédé l’écriture dans l’histoire de l’espèce humaine, l’interprétation a précédé la traduction proprement dite. La présence d’interprètes en Égypte ancienne est attestée, entre autres grâce à des inscriptions sur les parois des tombes des princes d’Éléphantine (IIIe millénaire av. è.c.). En comparaison, peu de témoignages existent sur la traduction à cette période de l’Antiquité. Citons tout de même un exemple : les tablettes d’El-Amarna, qui sont des lettres reçues par le pharaon Akhénaton de la part de civilisations mésopotamiennes. Il ressort, à la lecture de ce premier chapitre, un déséquilibre entre l’interprétation et la traduction en Égypte ancienne, l’écriture étant réservée à « transcrire l’histoire et les mythes religieux de cette civilisation » (p. 18). Ballard s’interroge à savoir s’il s’agit d’une « conscience exagérée de la valeur culturelle des productions nationales » (p. 19) – les Égyptiens, comme plus tard les Grecs, considéraient les autres peuples comme barbares – ou d’une « conception déjà réaliste du langage qui génère une méfiance fondamentale à l’égard de tout changement de vecteur » (ibid.), entraînant donc une préférence pour la traduction orale. Dans le deuxième chapitre, l’auteur met en parallèle la découverte de l’art assyrien au milieu du XIXe siècle et les recherches sur les inscriptions en caractères cunéiformes qui mèneront à la découverte du sumérien et de l’akkadien. Citant Jean Bottéro (Kramer, 1994 [1957], p. 1), il affirme que « la découverte du monde sumérien “n’a pas été d’abord le fait de fouilleurs et d’archéologues, mais de déchiffreurs, de philologues et de linguistes” » (p. 22). La civilisation sumérienne a vu naître l’écriture au milieu du IVe millénaire av. è.c. Les premiers pictogrammes deviendront progressivement plus élaborés et polysémiques. Vers le IIIe millénaire av. è.c., des signes seront utilisés pour leur sonorité, un peu à la façon d’un rébus, puis vers 2700 av. è.c. apparaît un embryon de lexicographie. Entre 2350 et 2300 av. è.c., l’akkadien, parlé dans tout l’état d’Akkad au sud de la Mésopotamie, devient la langue diplomatique du Proche-Orient jusqu’en Égypte. Le sumérien demeure la langue savante, ce qui entraîne dans cet état bilingue des rapports linguistiques touchant la traduction et la …
Appendices
Bibliographie
- Ballard, Michel (2007 [1992]). De Cicéron à Benjamin : Traducteurs, traductions, réflexions. Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion.
- Ballard, Michel (2013). Histoire de la traduction. Repères historiques et culturels. Bruxelles, De Boeck, coll. « Traducto ».