Comptes rendus

Geraldine Brodie. The Translator on Stage. Londres et New York, Bloomsbury, 2018, coll. « Literatures, Cultures, Translation », 195 p.[Record]

  • Nicole Nolette

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  • Nicole Nolette
    University of Waterloo

L’ouvrage de Geraldine Brodie, The Translator on Stage, est une intervention importante dans le sous-champ des études sur la traduction théâtrale. Il offre une cartographie saisissante de la pratique de la traduction dans l’écologie théâtrale contemporaine de Londres. Dans cette étude expressément cibliste et descriptive (à la Gideon Toury), l’objectif premier est de décrire la place du traducteur, son agentivité, ses choix stratégiques et son positionnement dans la création collaborative de traductions et de productions théâtrales visant le public londonien. La description du milieu contemporain où les traductions sont jouées compte donc davantage que celle de la provenance et de la trajectoire originales de textes dramatiques aux appartenances linguistiques diverses et qui vont du répertoire classique aux tendances performatives les plus récentes. L’ouvrage pose en outre certaines sous-hypothèses qui nuancent les travaux précédents de Lawrence Venuti (2008), Susan Bassnett (1991) et Margherita Laera (2014) : celle de l’invisibilité de la traduction littérale ou directe; celle de la rentabilité de la traduction dans la programmation théâtrale; et enfin celle de l’indifférenciation entre adaptation et traduction dans le milieu londonien. L’introduction de l’ouvrage permet à Brodie de développer une méthodologie tout à fait innovatrice en études de la traduction théâtrale, où les soucis de représentativité ou de cohérence du corpus priment habituellement. La chercheuse met plutôt en place un échantillonnage aléatoire, suivant en cela l’exemple de la sociologie des acteurs-réseaux de Bruno Latour (précédemment sondée par Sirkku Aaltonen (2013) pour comprendre le processus de traduction théâtrale d’Incendies de Wajdi Mouawad en Finlande), mais aussi sa propre expérience inusitée comme auditrice fiscale. L’échantillon se circonscrit autour des mois d’avril, mai et juin de la programmation théâtrale de 2005, mois moins aptes aux perturbations occasionnées par les Fêtes et la saison estivale, et année choisie pour sa proximité (celle de la mémoire vivante), mais aussi sa légère distance (d’où la disponibilité des matériaux dans les archives). Suivant un dépouillement des spectacles annoncés dans The Official Guide of the Society of London Theatre de la section « Culture » de l’hebdomadaire Sunday Times pendant cette période, Brodie identifie huit pièces jouées en traduction dans les grands théâtres de Londres : la version de Hecuba d’Euripide par Tony Harrison au Royal Shakespeare Company; Festen de Thomas Vinterberg, Mogens Rukov et Bo hr. Hansen dans une traduction indirecte de David Eldridge à l’Almeida; l’adaptation de Mike Poulton de Don Carlos de Friedrich Schiller au Crucible Theatre; The Woman Before de l’auteur contemporain Roland Schimmelpfennig dans une traduction de David Tushingham au Royal Court Downstairs; la pièce Hedda Gabler de Henrik Ibsen présentée dans une version de Richard Rose à l’Almeida; The UN Inspector d’après Nikolai Gogol dans une adaptation libre de David Farr au National Olivier; la version indirecte par le dramaturge David Hare de The House of Bernarda Alba de Federico García Lorca au National Lyttleton; Way to Heaven de Juan Mayorga dans une traduction du traductologue David Johnston au Royal Court Upstairs. Ainsi que l’affirme Brodie, « [t]his systematic collection of plays, ranging from classical tragedy to contemporary drama, would rarely be discussed as a body, but in fact is representative of the variety regularly available on the London stage. » (p. 9) Cette représentativité fait toute la force de l’étude de Brodie; on sort de l’ouvrage avec l’impression de sortir d’un travail approfondi sur le terrain, avec une connaissance des acteurs majeurs de la scène théâtrale et traductionnelle. Mine de renseignements sur les productions théâtrales depuis les premiers jours de leur commande jusqu’à leur réception, le deuxième chapitre reconnaît également l’expérience subjective de la chercheuse comme spectatrice. La plupart des productions traduites …

Appendices