Abstracts
Résumé
En 1993, au lendemain du règne thatchérien, Irvine Welsh, auteur écossais alors inconnu, était propulsé au firmament des vedettes littéraires grâce à Trainspotting, un texte coup de poing mettant en scène de jeunes héroïnomanes écossais qui s’opposent au système de la seule manière qu’ils le peuvent : à coup d’injections. En les faisant s’exprimer dans une version extrêmement codée du scots, Welsh déployait un système discursif unique et volontairement difficile à déchiffrer, véritable doigt d’honneur à l’élite littéraire anglophone et aux conventions de l’écriture. Dans cet article, j’aborde premièrement l’importance du sociolecte scots dans l’oeuvre de Welsh, au moyen d’une analyse du contexte sociohistorique de l’oeuvre et de sa réception. Deuxièmement et à contresens des traducteurs français (Lindor Fall en 1996, Étienne en 2011), qui livrent des versions qui répriment l’insubordination de l’original aux normes de la langue, je présente une « systématique de la déformation » basée sur des études sociolinguistiques du français québécois, qui permet de ré-énoncer, pour le lecteur francophone, la puissance expressive et la portée politique de la voix de ce texte culte. Par l’utilisation d’une variante du français québécois vernaculaire comme outil de traduction, j’espère ménager dans l’espace littéraire francophone une ouverture qui permette d’éviter la notion d’intraduisible lorsque l’on parle des sociolectes.
Mots-clés :
- Henri Meschonnic,
- sociolecte,
- sociolinguistique,
- Irvine Welsh,
- Trainspotting
Abstract
In 1993, in the aftermath of the Thatcherian era, Irvine Welsh, then an unknown Scottish writer, was propelled in the high spheres of the literary scene, thanks to Trainspotting, a hard-hitting novel featuring drug-addled Scottish twenty-somethings that oppose the system the only way they can: through injections of heroin. By making them talk in an extremely cryptic version of Scots, Welsh put forth a unique discursive system that mocks both the English-speaking literary elites and the writing conventions of English. In this article, I examine the significance of the Scots sociolect in Welsh’s novel through an analysis of its socio-historical context and reception, and show how the novel’s French translators (Lindor Fall in 1996 and Étienne in 2011) produced versions that suppress the insubordination of the source text’s language. I then present a “system of textual deformation” anchored in Québécois sociolinguistic studies, that reproduces, for the French-speaking reader, the political significance and expressive strength of this cult novel’s Meschonnician voice. By using a variation of Quebec’s vernacular French as a translation tool, I strive to create a space, in the francophone literary landscape, where sociolects are no longer considered untranslatable.
Keywords:
- Henri Meschonnic,
- sociolects,
- sociolinguistics,
- Irvine Welsh,
- Trainspotting
Appendices
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