TTR
Traduction, terminologie, rédaction
Volume 24, Number 2, 2e semestre 2011 Cartographie des métodologies en traduction Charting research methods in translation studies Guest-edited by Clara Foz and Ryan Fraser
Table of contents (16 articles)
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Présentation
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Empirical Studies in Translation: Methodological and Epistemological Questions
Wilhelm Neunzig
pp. 15–39
AbstractEN:
When a qualitative leap forward is taken in any scientific discipline, the change is usually accompanied by an increased interest in research. This occurred in Translation Studies in the 1950s and in the 1990s. This paper outlines some of the most important epistemological and methodological questions faced by researchers who want to apply the so called “scientific method” to empirical research in translation. We will discuss the main steps in the research process: designing an experiment, selecting subjects or the object of study, defining experimental and control groups, controlling independent variables, choosing instruments that will measure what we want to measure and which will give us reliable data to analyse. The whole procedure should be intelligible and transparent, the objectives relevant and the results clear.
FR:
Dans tout domaine scientifique, lorsqu’un saut qualitatif se produit, il est généralement accompagné d´une véritable passion pour la recherche. C’est ce qui est advenu en traduction, tout d’abord dans les années 1950 et ensuite dans les années 1990. L’objectif de ce travail est d’examiner certaines des principales questions de méthodologie et d´épistémologie auxquelles se trouve confrontée la recherche empirique en traduction lorsqu’il s’agit d’appliquer ce qu’il est convenu d’appeler la « méthode scientifique ». Nous étudierons les points essentiels devant être pris en considération au cours du processus de recherche : conception de l’étude, sélection des individus et des sujets de la recherche, définition des groupes expérimentaux et de contrôle, contrôle des variables indépendantes et choix des instruments servant à mesurer les paramètres pertinents afin d’obtenir des données fiables. Une telle procédure devrait être caractérisée par l’intelligibilité et la transparence du processus scientifique, ainsi que par la pertinence des objectifs et la clarté des résultats.
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La recherche traductologique : méthodes ou approche?
Daniel Gile
pp. 41–64
AbstractFR:
Les approches prévalentes dans la recherche traductologique sous sa forme universitaire peuvent être classées en deux grandes catégories, l’une relevant des sciences humaines (ASH) et l’autre s’inspirant de la recherche scientifique canonique (ASC). Les méthodes employées dans cette dernière se distinguent souvent par leur complexité relative, mais aussi par leur caractère plus ou moins intrusif. Les traductologues non formés aux méthodes de recherche sont parfois attirés par la puissance potentielle des méthodes avancées et des nouvelles technologies, mais leur emploi peut s’avérer contre-productif quand elles n’ont qu’une faible valeur ajoutée pour un gros coût en ressources et quand elles menacent la validité écologique de l’étude.
EN:
Prevalent approaches in the academic component of Translation Studies research can be divided into two main categories, one falling under the human science disciplines (HSA or Human Sciences Approaches), and the other based on canonical science (CSA or Canonical Scientific Approach). Methods used in the latter are often relatively complex and intrusive. Translation scholars without research training are sometimes drawn to the potential strengths of advanced methods and new technology. However, the use of these methods may prove to be counterproductive when they add little value for the high cost of resources, and when they jeopardize the ecological validity of the study.
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The Significance of Hypotheses
Andrew Chesterman
pp. 65–86
AbstractEN:
The paper examines the idea that all research methodology is based on hypotheses of different kinds, both interpretive and empirical. Interpretive hypotheses (that something is usefully interpreted as something) can be tested pragmatically, but are not falsifiable; they underlie all empirical research. As an example of empirical hypotheses we focus first on the descriptive type, and in particular the literal translation hypothesis. This states that translators tend to proceed from more literal to less literal versions as they process a given text chunk. This hypothesis serves to illustrate the main criteria according to which any hypothesis can be claimed to be significant. These criteria are: explicitness, multiple testability, theoretical implications, applicability, surprise value, and explanatory power. Several other fairly well-known hypotheses in Translation Studies are also referred to.
FR:
Cet article examine l’idée que toute méthodologie se base sur des hypothèses, que ces dernières soient interprétatives ou descriptives. On peut soumettre les hypothèses interprétatives (où l’on considère qu’un phénomène donné peut être utilement interprété comme quelque chose) à des tests pragmatiques, mais elles ne sont pas falsifiables; ces hypothèses soutiennent toute recherche empirique. A titre d’exemple d’hypothèses empiriques, nous prenons d’abord le type descriptif, plus particulièrement l’hypothèse de traduction littérale. Selon celle-ci, les traducteurs ont tendance à passer d’une version plus littérale à une version moins littérale lors du maniement d’un segment de texte. Nous nous servons de cette hypothèse pour illustrer les critères principaux selon lesquels n’importe quelle hypothèse peut s’avérer signifiante. Les critères sont : leur nature explicite, une testabilité multiple, leurs implications théoriques, leurs applications, leur valeur de surprise et leur puissance explicative. Nous faisons référence aussi à d’autres hypothèses assez connues en traductologie.
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Where is the “History” in Translation Histories?
Anne Malena
pp. 87–115
AbstractEN:
This paper explores two interrelated problems of method of concern to translation historians and that are part of the overarching issue of interdisciplinarity. The first has to do with conflicting methods used in history and the second with deciding whether or not it is necessary for a translation scholar to define her or his philosophical position with regards to history. This article is part of a book project on the history of translation in Louisiana, which has been understudied. The writing of a translation history implies the act of rendering visible what has been obscured by the official grand narrative of History, or what Nietzsche called “monumental” history. To look for translation where officially there was none, or very little, amounts to search for multiple histories of people who do not necessarily fit into the dominant definition of what it means to be American, because they spoke languages other than English and adhered to cultural practices that resisted melting into the common pot. From this perspective history is viewed as discourse because, very much like translation, it is made up of language, seen as living matter shaped and manipulated by power relations. The focus of the study is two local 19th-century historians from Louisiana who repeatedly doubled up as translators—from French to English and back into French—to produce histories of Louisiana. The conclusion states that translation historians are first historiographers, imbued with all the disciplinary and ethical responsibilities that entails. Since historiography forms a nexus for history and translation, it is not only necessary to theorize both but also to develop methods that can be integral to both.
FR:
Cette étude se penche sur deux problèmes méthodiques reliés entre eux qui préoccupent les historiens de la traduction et font partie de la question globale de l’interdisciplinarité. Il s’agit premièrement des méthodes divergentes utilisées en histoire et deuxièmement, il s’agit de savoir s’il est nécessaire qu’un/e traductologue définisse sa propre position philosophique en ce qui concerne l’histoire. Le présent article est un fragment d’un futur livre sur l’histoire de la traduction en Louisiane, un sujet jusqu’ici peu étudié. L’écriture d’une histoire de la traduction oblige à remettre au jour ce qui a été occulté par l’Histoire officielle, ou ce que Nietzsche a appelé l’«histoire monumentale ». Chercher des traductions là où, officiellement, il n’en existe pas, ou si peu, signifie aller à la recherche des multiples histoires de gens qui ne correspondent pas à l’identité américaine dominante parce qu’ils parlaient des langues autres que l’anglais et adhéraient à des pratiques culturelles qui les empêchaient de se fondre dans le creuset américain. Dans cette perspective, l’histoire est discours parce que, à l’instar de la traduction, elle est faite de langage, elle est une matière vivante modelée et manipulée par les relations de pouvoir. Notre étude analyse le cas de deux historiens de la Louisiane du XIXe siècle qui, dans une sorte d’aller-retour, eurent recours à la traduction — du français vers l’anglais, puis retour au français — pour rédiger leur propre histoire de la Louisiane. Nous en venons à la conclusion que les historiens de la traduction sont d’abord des historiographes, conscients des responsabilités professionnelles et éthiques que cela entraîne. Histoire et traduction sont liées par l’historiographie; c’est pour cette raison qu’il est nécessaire, non seulement d’élaborer des théories, mais aussi de développer des méthodes pouvant intégrer les deux disciplines.
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Contribution de l’étude de la traduction des contextes minorisés à la méthodologie de la recherche en traductologie : le cas basque
Aiora Jaka
pp. 117–142
AbstractFR:
Le présent article vise à mettre en lumière la contribution que l’étude de la traduction dans les contextes minorisés peut apporter à la méthodologie de la recherche en traductologie. En analysant des exemples tirés de l’histoire de la traduction basque, l’article montre que la traduction dans ce type de système marginal n’est souvent qu’un autre moyen de réécriture, qui ne diffère guère d’autres procédés littéraires tels que l’adaptation ou la transformation. Une méthodologie de recherche pouvant servir à expliquer tous ces phénomènes de traduction devrait donc surmonter la définition trop restreinte tenue par le discours traditionnel de la traduction, et adopter une perspective interdisciplinaire permettant d’élargir la définition de la traduction. Dans ce sens, les théories postcoloniales ainsi que d’autres approches issues du « power turn » en traductologie offrent d’excellents outils pour l’étude de la traduction dans les systèmes littéraires minorisés en général et dans le contexte basque en particulier.
EN:
This paper aims to show how the study of translation in minoritized contexts can contribute to research methodology in Translation Studies. Analysing some examples from the history of Basque translation, this article demonstrates that translation in this type of marginal system is often nothing more than another way of rewriting, which does not differ much from other literary procedures such as adaptation or transformation. A research methodology that can explain all these translation phenomena should thus overcome the overly restrictive definition maintained by the traditional discourse of translation and adopt an interdisciplinary perspective that broadens the definition of translation. In this respect, postcolonial theories as well as other approaches derived from the “power turn” in Translation Studies can provide excellent tools for the study of translation in minoritized literary systems in general, and in the Basque context in particular.
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Un poème de Pizarnik sous toutes ses coutures : vers une nouvelle méthode d’analyse des traductions poétiques
Madeleine Stratford
pp. 143–176
AbstractFR:
Depuis John Dryden, la plupart des typologies de traductions poétiques sont de nature prescriptive, tendent à se fonder sur une conception restrictive du genre poétique et ne renvoient souvent qu’à une facette du texte. Puisque nous considérons que la traduction du vers peut être traitée sous trois aspects différents (conceptuel, sonore et spatial), nous proposons une méthode d’analyse susceptible de donner lieu à une catégorisation plus spécifique des traductions. Ensuite, nous appliquons notre méthodologie à l’analyse de six versions anglaises du premier poème d’Árbol de Diana de l’auteure argentine Alejandra Pizarnik (1936-1972). Cette étude de cas montrera comment une analyse rigoureuse des aspects conceptuel, sonore et spatial peut aider à identifier les particularités du poème source, puis à évaluer dans quelle mesure elles ont été accueillies dans ses traductions.
EN:
Since John Dryden, most typologies of poetic translations are prescriptive, based on a restrictive conception of the poetic genre, and focused solely on one aspect of the poem. Considering that verse translation can be dealt with from three different angles (concept, sound and space), we first present a method of analysis likely to help classify poetry translations in a more precise manner. We then apply our methodology to the analysis of six English versions of the first poem of Árbol de Diana by Argentine author Alejandra Pizarnik (1936-1972). This case study will show how a rigorous analysis of the source poem according to its conceptual content as well as its treatment of sound and space, may help identify its particular features and determine how they have been integrated, if at all, in the target poem.
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Problems in Translating Culture: The Translated Titles of Fusheng Liuji
Charles Kwong
pp. 177–206
AbstractEN:
Translating culture poses fundamental problems of perception and conception far deeper than matters of linguistic expression. This essay explores some of these problems by examining Fusheng liuji (Six Records of a Floating Life), a Chinese autobiographical text that has been translated into fourteen Asian and European languages. Even without going into the details of the rendered versions, one can notice various forms of intercultural mediation and reshaping in the translated titles and added subtitles. At one end is direct, partly helpless substitution: lexically flawless “float” cannot encompass the rich matrix of philosophical connotations and artistic resonances of fu in the source culture. At the other end is active reshaping: recasting, addition and omission based on interpretive (mis)reading, including a reduction of imagistic language into abstract concept (e.g., fu becomes “fleeting”). Through examining 17 renditions of the title of Fusheng liuji, this essay offers a case study that helps to cast light on the unavoidable factor of intercultural mediation in the translation process, with special focus on the translation of philosophical and aesthetic concepts. Some forms of mediation carry more significant effects than others, and there may be differences in verbal resources and orientations in various languages worthy of notice.
FR:
La traduction des cultures soulève des questions fondamentales de perception et de préconception qui vont au-delà des préoccupations purement linguistiques d’énonciation. Dans cet article, nous nous pencherons sur certaines de ces questions en examinant Fusheng Liuji (Six Records of a Floating Life), un texte autobiographique chinois, traduit en 14 langues asiatiques et européennes. Sans même devoir plonger dans les détails des traductions de l’ouvrage, il est possible de remarquer plusieurs formes de médiation et de remodelage interculturel dans les traductions des titres et des sous-titres ajoutés. À une extrémité du spectre, on trouve des substitutions directes, en partie inévitables : l’équivalent lexical exact « float » ne peut rendre le riche tissu de connotations philosophiques et de résonnances artistiques que « fu » évoque dans la culture source. À l’autre extrémité, on constate un remodelage actif : réaménagements, ajouts et omissions, basés sur une (fausse) lecture interprétative, incluant la réduction d’une langue imagée à un concept abstrait (par exemple, « fu » devient « fleeting ». En examinant 17 traductions du titre Fusheng Liuji, l’article propose une étude de cas qui permet de faire la lumière sur la médiation interculturelle, composant inévitable du processus de la traduction, tout en portant une attention particulière à la traduction de concepts philosophiques et esthétiques. Certaines formes de médiations sont porteuses de répercussions plus significatives que d’autres et il est possible de relever, selon les langues, des variations de ressources et d’orientations sur le plan verbal qui méritent qu’on s’y attarde.
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Expatriation et traduction : Chester Himes traduit dans le champ français du roman policier (1957-1960)
Jean-Marc Gouanvic
pp. 207–230
AbstractFR:
L’oeuvre de l’écrivain américain Chester Himes comporte sept romans policiers qui ont la particularité d’avoir été d’abord écrits en anglo-américain, puis traduits et publiés en français, enfin publiés pour la première fois en anglo-américain aux États-Unis dans une version différente de la version originale, source de la traduction. Le présent article tente d’analyser les déterminations qui sont à l’origine du fort intérêt de Himes pour le roman policier, en resituant les conditions qui l’ont amené à se tourner vers le genre. Nous examinons l’habitus de Himes, le rôle essentiel joué par Marcel Duhamel (directeur de la Série Noire), par le champ français du roman policier et par la traduction (en la personne de la traductrice Minnie Danzas), ainsi que l’illusio spécifique de ses romans policiers et tout spécialement The Five-Cornered Square et sa traduction, La reine des pommes. Nous voyons, pour finir, comment le succès rencontré par La reine des pommes en 1958 a élargi considérablement la gamme des possibles narratifs dans le champ français du roman policier.
EN:
The work of the American writer Chester Himes includes seven detective novels that are distinct in that they were first written in American English, then translated and published in French, and finally published in American English in the United States for the first time in a different version from the original source text. This article attempts to analyze the determining factors that gave rise to Himes’ deep interest in detective fiction, contextualizing the conditions that drove him to the genre. We examine Himes’ habitus, the essential role played by Marcel Duhamel (the director of the Série Noire), the French field of detective fiction and the translation (Minnie Danzas, translator), as well as the specific illusio of his detective novels, particularly The Five-Cornered Square and its translation, La reine des pommes. Finally, we see how the success of La reine des pommes in 1958 considerably broadened the range of narrative possibilities in the French field of detective fiction.
Comptes rendus
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Norman Cheadle and Lucien Pelletier, eds. Canadian Cultural Exchange: Translation and Transculturation/Échanges culturels au Canada : Traduction et transculturation. Waterloo, Wilfred Laurier University Press, 2007, 432 p.
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Francisco Lafarga et Luis Pegenaute, dir. Diccionario histórico de la traducción en España. Madrid, Gredos, 2009, 1192 p.
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Eugenia Loffredo and Manuela Perteghella, eds. One Poem in Search of a Translator: Rewriting “Les Fenêtres” by Apollinaire. Oxford and New York, Peter Lang, 2009, 284 p.
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Alexis Nouss. Paul Celan. Les lieux d’un déplacement. Paris, Le Bord de l’eau, 2010, 381 p.
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Fabio Regattin. Le jeu des mots. Réflexions sur la traduction des jeux linguistiques. Bologne, I libri di Emil, 2009, 159 p.
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Geneviève Roux-Faucard. Poétique du récit traduit. Paris, Lettres modernes Minard, 2008, 276 p.
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Maria Tymoczko. Enlarging Translation, Empowering Translators. St. Jerome, Manchester, 2007, 353 p.