Comptes rendus

Jane Koustas. Les belles étrangères: Canadians in Paris. Ottawa, University of Ottawa Press, 2008, 181 p.[Record]

  • Julie Turcotte

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  • Julie Turcotte
    Université McGill

Le titre de l’ouvrage de Jane Koustas fait référence à un événement littéraire tenu annuellement à Paris : lors de son édition de 1996, le festival Les Belles Étrangères (qui réunit, comme son nom l’indique, des écrivains représentatifs de ces littératures dites étrangères) accueillait certains auteurs anglo-canadiens parmi les plus connus en France. Comme le suggère d’emblée l’auteure, le seul nom du festival laisse déjà deviner quelque chose de l’attitude du milieu littéraire français face aux oeuvres étrangères, notamment celles lui arrivant du Canada anglais; car bien qu’elles soient effectivement reçues en tant que littérature étrangère, les oeuvres canadiennes sont lues en traduction française et sans qu’il soit presque jamais fait mention, curieusement, du passage d’une langue à une autre. L’étude de Koustas aborde donc la question de la traduction et de la publication des auteurs canadiens à Paris et s’articule autour d’un concept tiré des théories de la réception développées par Robert Jauss (1982) et Wolfgang Iser (1978) : celui de l’« horizon d’attente » (horizon of expectations) du public cible. Cet horizon est déterminé par l’expérience sociale et littéraire préalable que le lecteur d’une culture donnée possède au moment où il aborde une oeuvre littéraire. Le public est quant à lui envisagé en tant que communauté interprétative (Fish, 1980) partageant un certain nombre de points de vue, critères et attentes en matière de littérature, et possédant un système de références commun qui non seulement détermine les conditions de réception des oeuvres dans le polysystème littéraire de la société, mais qui façonne aussi les conditions de production de la littérature au sein de cette société. Le concept d’horizon d’attente se révèle particulièrement pertinent dans la présente étude, puisqu’il permet à l’auteure d’interroger, d’une part, les raisons qui motivent les éditeurs français à publier tels auteurs canadiens et à laisser de côté tels autres, et, d’autre part, à se pencher sur la réception des oeuvres qui parviennent à se faire lire en France, par une communauté interprétative distincte de celle à laquelle ces oeuvres étaient destinées en premier lieu. Comme point de départ de ses recherches, Koustas s’est penchée sur les critiques et les comptes rendus parus sur la « CanLit » dans la presse française, considérant que l’avis des critiques littéraires, quoique ne pouvant être tenu pour représentatif de la totalité du lectorat et présentant forcément un côté subjectif et personnel, reflète néanmoins dans son ensemble la réception des oeuvres étrangères dans la communauté interprétative – de même qu’elle contribue à l’influencer, par l’accueil favorable ou défavorable qu’elle réserve à ces ouvrages. L’un des constats déterminants de cette étude réside dans le fait que les lecteurs français, lorsqu’ils se tournent vers un auteur canadien, tendent à le faire en ayant en tête qu’il s’agit de littérature proprement canadienne (par opposition à américaine ou britannique) et, dans bien des cas, en espérant que cet auteur sera à même de leur procurer une image claire et une compréhension accrue de la réalité canadienne. Pour mieux illustrer son propos, Koustas fait appel à l’analogie d’abord utilisée par Michael Cronin entre la traduction et une carte postale (2000, p. 56) : les Français s’attendraient à retrouver dans la littérature anglo-canadienne une certaine image du Canada qui, paradoxalement, repose surtout sur des clichés et des stéréotypes déjà bien implantés dans la culture cible (le « Grand Nord blanc », la nature et les paysages, la problématique de l’identité, pour n’en nommer que quelques-uns); autrement dit, des images de type carte postale qui n’offrent, par ailleurs, qu’un aperçu très limité de la réalité canadienne. Le mérite littéraire des oeuvres elles-mêmes est donc relégué, …

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