Avec Translation as Reparation, Paul Bandia entend à la fois contribuer à la critique littéraire et enrichir la théorie de la traduction postcoloniale. C’est entre autres parce que la littérature postcoloniale remet en cause les binarités sur lesquelles une certaine théorie de la traduction s’est construite (notamment celle opposant texte source à texte cible comme entités monolithes), qu’elle vient enrichir la recherche en traductologie, nous rappelle-t-il. L’auteur déplore le peu d’ouvrages que la critique postcoloniale a jusqu’ici consacré à la littérature africaine, notamment par rapport aux études relatives au sous-continent indien, aux Amériques et aux Caraïbes. Translation as Reparation encouragera, espère-t-il, d’autres traductologues à se vouer pleinement à la problématique africaine. Il est bon de préciser que l’ouvrage insiste surtout sur les stratégies d’écriture (auto‑)traductive déployées par les écrivains africains, dans la mesure où ces stratégies peuvent constituer un paradigme intéressant pour les traducteurs. Ce paradigme traductif est présenté essentiellement dans le sixième chapitre, consacré à la traduction interlinguistique en tant que telle. Globalement, l’ouvrage traite des littératures africaines francophones et anglophones, respectivement traduites en anglais et en français. Le premier des sept chapitres aborde la question de la langue d’écriture et des politiques linguistiques mises en oeuvre dans les anciennes colonies. Bien que le sujet reste hautement polémique, écrire dans une langue europhone plutôt qu’en vernaculaire constitue le choix d’une majorité d’écrivains africains, notamment pour toucher un public beaucoup plus large et transcender les barrières tant ethniques que linguistiques sur le territoire africain. Cela dit, si le médium europhone offre les avantages d’une lingua franca, il est loin de correspondre à un usage standard. Comme Achebe l’avait revendiqué à son époque, il s’agit d’inventer une nouvelle langue et de créer de nouvelles normes esthétiques, bien que cette créativité langagière ne puisse être dissociée des politiques linguistiques autrefois exercées par les pouvoirs coloniaux. Si la Grande-Bretagne voyait la coexistence de l’anglais et des vernaculaires d’un bon oeil – parce que cette situation servait ses propres intérêts – la France pratiquait quant à elle une politique d’assimilation stricte, décourageant fortement l’utilisation des langues locales et condamnant toute déviation linguistique par rapport au français de l’Hexagone. Ces divergences en matière de politique linguistique peuvent justifier le fait que les écrivains africains anglophones aient pu, avant leurs homologues francophones, proposer des oeuvres novatrices en allant puiser dans leurs traditions orales. En matière de réception, Bandia identifie différents groupes de critiques. Tout d’abord, il présente les afrocentristes qui s’opposent aux Africains encourageant l’écriture europhone, et définit ensuite – pour l’Europe – une échelle de critiques allant des plus libéraux (qui peuvent être guidés par des motivations très diverses, depuis la soif d’exotisme jusqu’à la défense de la subversion) aux plus conservateurs – c’est-à-dire les eurocentristes. Ces clivages au sein de la critique peuvent expliquer notamment pourquoi Kourouma s’était vu refuser la publication de son premier roman en France alors que les Presses de l’Université de Montréal, dans un territoire plus tolérant en matière de créativité langagière, avaient accepté de l’éditer, et ce dès 1968; mais cet exemple illustre également le fait que les écrivains africains francophones ont émergé bien après que leurs compatriotes anglophones ont vu leur littérature reconnue à l’échelle internationale. Si la critique, disparate et partagée, est loin d’être unanime sur ce que le roman africain devrait être, il faut néanmoins reconnaître que cette littérature propose une esthétique nouvelle qui puise notamment – mais pas exclusivement – dans un héritage oral traduit dans le texte. Le second chapitre développe l’acception de traduction au sens de transposition et présente le cadre théorique choisi par l’auteur. Bandia s’appuie d’une part sur van …
Appendices
Références
- BUZELIN, Hélène (2005). Sur le terrain de la traduction : Parcours traductologique au coeur du roman de Samuel Selvon The Lonely Londoners. Toronto, Éditions du Gref.
- GYASI, Kwaku Addae (2006). The Francophone African Text: Translation and the Postcolonial Experience. New York, NY et Oxford, UK, Peter Lang Publishing.
- MEYLAERTS, Reine (2008). « Identité “propre” ou identité “empruntée” des littératures mineures? Hétérolinguisme dans la traduction littéraire intra-belge ». Alternative francophone, 1, 1, pp. 29-45. Disponible à : <http://ejournals.library.ualberta.ca/index.php/af/article/view/4135/3373> [consulté le 27 janvier 2009].
- MOSCALIUC, Mihaela (2006). « Immigrant Narratives as Palimpsestic Translations ». Interculturalidad & Traducción, 2, Departamento de Filología Moderna, Universidad de León, pp. 95-125.