De prime abord, l’ouvrage que nous proposent Weissbort et Eysteinsson impressionne par son ampleur et sa richesse. Les auteurs ont en effet rassemblé une anthologie aux visées pédagogiques qui répondra sans aucun doute aux attentes des spécialistes de la littérature comparée, et peut-être même à d’autres. En effet, même si l’ouvrage est destiné d’abord et avant tout aux comparatistes, les auteurs n’ont pas hésité pour autant à puiser à la source de quelques traductologues oeuvrant hors des sentiers littéraires. Cependant, si l’on devait faire un reproche à l’ouvrage, ce serait d’être en grande partie eurocentriste, voire anglocentriste, hormis pour quelques textes de la première partie portant sur la traduction à une époque antérieure à l’apparition de la langue anglaise et une ou deux incursions du côté des langues asiatiques dans la dernière partie. Par ailleurs, l’ouvrage accorde une place de choix aux chercheurs modernes et contemporains, même si, à notre avis, plusieurs noms brillent par leur absence. On s’explique mal ces lacunes par le simple fait que les corpus et les auteurs retenus sont issus principalement de la traduction littéraire car, si le texte pragmatique ne jouit pas du même prestige que le texte littéraire, il n’en demeure pas moins que, chez les contemporains, d’aucuns s’intéressant essentiellement à la traduction pragmatique ont apporté à la recherche des contributions remarquables dont peuvent bénéficier les traducteurs littéraires. Discipline transdisciplinaire par excellence, la traductologie ne devrait plus souffrir ce type de cloisonnement arbitraire. En ce qui concerne la structure de l’ouvrage, on trouve deux grandes parties, la première, intitulée From Antiquity to Modern Times, suivant une périodisation allant de Cicéron à Caxton, d’une part, jusqu’au XIXe siècle, d’autre part, en passant par l’époque de la Réformation et de la Renaissance. La seconde grande partie, quant à elle, se divise en deux sous-sections, soit From Pound to Nabokov, puis Recent and Contemporary Writings. Tout en étant le plus bref, le chapitre premier couvre de loin la plus grande tranche d’histoire. Par conséquent, c’est par l’ampleur de la période plutôt que par la profondeur d’analyse que se caractérise le chapitre. Ce traitement peut s’expliquer également en partie par le fait que le chapitre s’intéresse sans contredit à la traduction comme phénomène littéraire dans le monde anglophone. La plupart des écrits-phares sur la traduction (par Cicéron, Horace et Jérôme), qui sont cités ultérieurement dans l’ouvrage, de la Renaissance au XIXe siècle, sont également inclus dans cette partie. Caractéristique des recueils historiques, l’ouvrage comprend également un certain nombre d’anecdotes mémorables, comme celle de la traduction du Tanakh qui a mené à la Septante. D’ailleurs, dans ce premier chapitre, la traduction des Écritures occupe une place de choix. Le chapitre 2, From the Reformation and the Renaissance to the Eighteenth Century, s’intéresse à la traduction de la Bible en Angleterre, incluant un commentaire de Martin Luther sur la traduction. En dépit du grand intérêt que cette période comporte pour l’étude de la traduction littéraire, y compris la traduction biblique, les auteurs n’ont pas jugé opportun d’aller au-delà du phénomène de la traduction biblique dans la langue du peuple pour se pencher sur l’importance du rôle de la traduction dans le mouvement de la Réforme, c’est-à-dire sur tous les « problèmes » de traduction qui ont donné lieu à des interprétations nouvelles et ouvert la porte à de nouvelles manières d’interpréter les Écritures. Ce chapitre accorde également une place de choix à plusieurs traducteurs de renom, y compris Dryden, Pope et Johnson. On note au passage quelques sections sur la traduction en anglais d’auteurs français, plus particulièrement Étienne Dolet, Joachim du Bellay et …
Daniel Weissbort et Astradur Eysteinsson, dirs. Translation. Theory and Practice. A Historical Reader. Oxford et New York, Oxford University Press, 2006, xiv + 650 p.[Record]
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Marco A. Fiola
Université Ryerson