
TTR
Traduction, terminologie, re?daction
Volume 19, Number 2, 2e semestre 2006 Traduire les Amériques Translating the Americas Guest-edited by Clara Foz and Marc Charron
Table of contents (15 articles)
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In memoriam Daniel Simeoni
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Présentation
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Lorsque l’histoire de la traduction sert à réviser l’histoire
Gertrudis Payàs
pp. 15–36
AbstractFR:
Qu’est-ce que l’histoire de la traduction peut apporter de nouveau à l’histoire? Voici la question à laquelle cet article tente de répondre en analysant deux exemples tirés de l’histoire de la traduction au Mexique et au Chili. La transmission des mythes fondateurs au Mexique à partir des premières transcriptions de discours en langue nahuatl alphabétisée, ainsi que l’activité de traduction promue par les premiers gouvernements républicains indépendants au Chili, montrent que l’histoire de la traduction, avec ses méthodes et perspectives, peut introduire des interrogations dans l’historiographie, et qu’elle peut et doit aussi tenir un dialogue avec l’histoire générale et ses sous-disciplines, telles que l’histoire intellectuelle ou l’histoire du livre et de la lecture.
EN:
What may translation history contribute to history? We will try to answer this question by examining two examples from translation history in Mexico and Chile. The transmission of the foundation myths in Mexico, from the first alphabetical transcriptions into Nahuatl, as well as the translation activity promoted by Chile’s first Republican governments, reveal that the history of translation, with its methods and perspectives, can introduce interrogations in historiography, and that it can and must also establish a dialogue with general history and its subdisciplines, such as intellectual history and the history of the book and reading.
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Jorge Luis Borges’s Partial Argentine Ulysses: A Foundational (Mis-)Translation
Sergio Waisman
pp. 37–51
AbstractEN:
In this article, I first introduce the deconstructionist idea of the error (drawn primarily from Paul de Man) as a potentially productive category, then combine this idea with what I call Borges’s theory of mis-translation, to analyze the foundational role of (mis-)translation in Argentine literature, focusing specifically on Borges’s 1925 version of the last page of James Joyce’s Ulysses. I go on to discuss Borges’s theory of mis-translation and its importance within an Argentine as well as a transnational context. In essays such as “Las versiones homéricas” [The Homeric Versions] and “Los traductores de Las 1001 Noches” [The Translators of The 1001 Nights], Borges posits that translations are not necessarily inferior to originals, and that a translation’s merits may actually reside in its creative infidelities. After delineating Borges’s irreverent position on translation, I carefully analyze Borges’s 1925 translation of the last page of Joyce’s Ulysses, to examine how Borges uses (mis-)translation to create a partial Argentine version of Joyce’s Modernist novel, which serves, among other things, a paradoxical foundational role in Argentine and Latin American literatures.
FR:
Dans le présent article, je me penche d’abord sur l’idée déconstructionniste de l’erreur, tirée principalement des écrits de Paul de Man, comme un élément potentiellement productif. Je combine ensuite cette idée avec ce que je nomme la théorie de la métraduction chez Borges, ce qui me permettra d’en analyser le rôle fondateur pour la littérature argentine, en prenant comme objet d’étude la version de 1925 faite par Borges de la dernière page du roman Ulysses, de James Joyce. Je poursuis ma réflexion en abordant la théorie de la métraduction chez Borges et son importance tant en Argentine qu’au-delà des frontières de ce pays. Dans ses essais tels que « Las versiones homéricas » [Les versions homériques] et « Los traductores de Las 1001 Noches » [Les traducteurs des 1001 nuits], Borges soutient que les traductions ne sont pas nécessairement inférieures aux originaux et que le mérite d’une traduction réside peut-être précisément dans ses infidélités créatrices. Après avoir cerné la position irrévérencieuse de Borges sur la traduction, j’analyse de près sa traduction de 1925 de la dernière page de Ulysses, afin de montrer comment Borges utilise la métraduction pour créer une version partielle argentine du roman moderniste de Joyce qui joue notamment un rôle fondateur paradoxal dans les littératures argentine et latino-américaine.
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Approches textuelles pour la traduction du poème au Brésil
Álvaro Faleiros
pp. 53–65
AbstractFR:
La traduction du poème au Brésil a connu un grand essor pendant la période appelée par Bassnett « post-coloniale ». Les traducteurs de cette génération, notamment les frères Augusto et Haroldo de Campos, défendent la transcréation et la transculturation, c’est-à-dire, le fait que le traducteur réinvente le poème et devient son co-auteur. En outre, depuis les années 1980, de nouvelles approches que l’on appelle « textuelles » développent d’autres instruments d’analyse et de production textuelle de traductions. Notre objectif est d’analyser cette nouvelle tendance et d’essayer de comprendre son rapport avec ladite génération post-coloniale.
EN:
The translation of poetry in Brazil saw a remarkable development in a period referred to by Bassnett as “post-colonial”. The translators of this generation, namely the brothers Augusto and Haroldo de Campos, defend transcreation and transculturation, in other words, the fact that the translator reinvents the poem and becomes its co-author. Furthermore, since the 1980s, new approaches called “textual approaches” have developed additional instruments of analysis and textual translation productions. My aim is to analyze this new trend and try to understand their relation with the so-called post-colonial generation.
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Les Créoles de la Nouvelle-Orléans ou comment jouer son identité par la traduction
Anne Malena
pp. 67–88
AbstractFR:
Cette étude se penche sur la fonction performative de la traduction dans le contexte du combat pour la survie de l’identité française à la Nouvelle-Orléans du XIXe siècle. Entre 1877 et 1913 parurent dans les Comptes-rendus de l’Athénée louisianais plusieurs traductions de textes d’origine et de genre variés. L’objectif de l’Athénée était clairement la préservation de la culture française à la Nouvelle-Orléans, projet quelque peu désespéré en cette fin de siècle où les différences culturelles de toutes sortes, déjà passablement estompées par les périodes pénibles et volontairement unificatrices de la Guerre civile et de la Reconstruction, semblaient destinées à disparaître complètement.
EN:
This paper examines the performative function of translation in the context of the struggle for survival of a French identity in 19th century New Orleans. Between 1877 and 1913 were published in the Comptes-rendus de l’Athénée louisianais several translations of texts from various languages and genres. The purpose of the Athénée was clearly to preserve French culture in New Orleans, a rather desperate project at the end of a century marked by the erasure of cultural differences through the difficult and willfully unifying times occasioned by the Civil War and the period of Reconstruction.
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Pizarnik through Levine’s Looking Glass: How Subversive Is the Scribe?
Madeleine Stratford
pp. 89–116
AbstractEN:
Suzanne Jill Levine is known above all for her English translations of Cabrera Infante, Sarduy and Puig, with whom she worked closely. While a lot has been written about her translations of fiction by men, little research has been done on her translations of women writers. In this paper, I analyse a selection of her English renditions of Alejandra Pizarnik in order to see how Levine behaves when translating the poetic work of a woman. First, considering that Levine describes herself as a “subversive scribe, ‘transcreating’ writing that stretches the boundaries of patriarchal discourse,” how does the fact that she shares the author’s gender affect her “transcreations?” Then, bearing in mind that Levine has often stressed the complexity of fiction translation, refuting the “common belief that novels are easier to translate than poetry,” how does she deal with the translation of lyrical poems? And last, how rebellious is she when translating an author who has passed away and whom she cannot consult?
FR:
On connaît avant tout Suzanne Jill Levine pour ses traductions anglaises de Cabrera Infante, Sarduy et Puig, avec qui elle a travaillé en étroite collaboration. Alors que plusieurs se sont penchés sur ses traductions de prose masculine, peu se sont intéressés à ses traductions d’oeuvres féminines. Dans cette étude, nous analysons quelques-unes de ses traductions de la poète argentine Alejandra Pizarnik pour voir comment Levine se comporte lorsqu’elle traduit l’oeuvre poétique d’une femme. D’abord, considérant que Levine se décrit comme une « scribe subversive qui ‘transcrée’ des écrits renforçant les frontières du discours patriarcal », comment le fait de traduire une auteure du même sexe influence-t-il ses « transcréations »? Ensuite, compte tenu de la complexité de la traduction de la prose que Levine a souvent soulignée, réfutant la « croyance populaire selon laquelle il est plus facile de traduire des romans que de la poésie », comment aborde-t-elle la traduction de poèmes lyriques? Enfin, à quel point est-elle rebelle quand elle traduit une auteure décédée qu’elle ne peut consulter?
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Les traductions du discours zapatiste
Danielle Zaslavsky
pp. 117–147
AbstractFR:
Le soulèvement et la Déclaration de guerre zapatistes du 1er janvier 1994 au Mexique ont bénéficié d’une couverture internationale presque immédiate. Les communiqués qui ont suivi, signés pour la plupart par le Sous-commandant Marcos, porte-parole de l’Armée zapatiste de libération nationale, sont devenus l’emblème d’un nouveau discours et d’une nouvelle forme de l’agir politique. La rapidité avec laquelle ceux-ci ont été traduits en plusieurs langues a contribué à l’internationalisation d’un discours, ainsi qu’à la montée d’un mouvement considéré comme pionnier dans la lutte contre la mondialisation. Moyennant l’analyse des stratégies sous-jacentes aux diverses traductions françaises et anglaises des communiqués zapatistes, cet article cherche à définir la place qu’occupe la traduction, abordée tant du point de vue de sa pratique que de son sens métaphorique, au sein de l’agir et du parler zapatistes.
EN:
The Zapatista uprising and its war declaration of January 1, 1994 in Mexico, received an almost immediate international press coverage. The Zapatista communiqués, most of them signed by Subcomandante Marcos, spokesperson of the Zapatista National Liberation Army, became emblematic of a new discourse and a new form of political action. The great rate at which these communiqués were translated into many languages contributed to internationalize a discourse and a movement deemed pioneer in the struggle against globalization. By analysing the strategies underlying the various French and English translations of the Zapatista communiqués, this article attempts to define the role played by translation in the Zapatista action and discourse.
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Yiddish Translation in Canada: A Litmus Test for Continuity
Rebecca Margolis
pp. 149–189
AbstractEN:
Yiddish translation has been a two-way phenomenon in Canada in the twentieth century that mirrors the changing identity of Jews of Eastern European origin. The Yiddish press translated Canada to the Jewish immigrant masses while Yiddish schools translated ideology to their children. Translations from world literature into Yiddish that appeared in a series of literary journals in the 1920s and 1930s introduced art and ideas to their readerships and demonstrate that Yiddish is a language on a par with other modern languages. Translations from sacred Hebrew-Aramaic texts served both to bring these texts to readers in their vernacular, and, in particular in the post-Holocaust era, as monuments to a lost tradition. Conversely, translations from Yiddish into English allowed authors a wider readership as Jews began to acculturate and adopt English as their primary language. Most recently, Yiddish translations into both French and English have created wider access to both literature and non-fiction materials among non-Yiddish readers.
FR:
La traduction yiddish est un phénomène à double sens au Canada au XXe siècle, reflétant ainsi l’identité changeante des Juifs originaires de l’Europe de l’Est. Les journaux yiddish ont traduit le Canada aux immigrants autant que les écoles yiddish ont traduit l’idéologie à leurs enfants. Les traductions de la littérature mondiale vers le yiddish qui ont paru dans des revues littéraires dans les années 1920 et 1930 ont introduit l’art et les idées au lectorat et ont prouvé que le yiddish est une langue égale aux autres langues modernes. Les traductions des textes hébreux-araméens sacrés ont servi à présenter ces textes aux lecteurs dans leur langue vernaculaire et, surtout après l’Holocauste, comme monument d’une tradition perdue. Inversement, les traductions du yiddish en anglais ont permis aux auteurs d’atteindre un lectorat plus large au moment où les Juifs ont commencé à s’intégrer et à adopter l’anglais comme leur langue principale. Plus récemment, les traductions du yiddish en français et en anglais ont créé un accès plus large aux textes littéraires et non romanesques aux lecteurs non yiddish.
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Translation as Listening and Encounter with the Other in Migration and Globalization Processes Today
Susan Petrilli and Augusto Ponzio
pp. 191–223
AbstractEN:
Translation is viewed from a semiotic perspective with a special focus on translator discourse genre and the different forms of reported discourse. The distinction between listening and wanting to hear and between silence and taciturnity is introduced to analyze the relation between translation and understanding, translation and the other, translation and hospitality, with special reference to the problematic of migration and globalization processes today. This leads to considerations on the ethical character of translation understood as listening, therefore on the responsibilitry of the translator towards the other in the encounter between different signs, languages, and cultures. The translator is called to account to and for the other. Given that translation must ultimately acknowledge the rights of others, the responsibility of the translator may be qualified as “semioethic responsibility.’
FR:
On considère la traduction du point de vue de la sémiotique, en focalisant le genre qu’est le discours du traducteur et les différentes formes de discours rapporté. On introduit la distinction entre écouter et entendre ce qu’on veut et entre le silence et la taciturnité pour analyser la relation entre la traduction et la compréhension, la traduction et l’autre, la traduction et l’hospitalité, en portant une attention particulière à la problématique des processus de migration et de mondialisation. Cette démarche mène à la considération du caractère éthique de la traduction en tant qu’écoute et par conséquent à la responsabilité du traducteur envers l’autre, lors de la rencontre entre différents signes, langues et cultures. Le traducteur doit à la fois rendre des comptes à l’autre et se sentir responsable de l’autre. Comme la traduction doit en dernière analyse reconnaître les droits de l’autre, on peut qualifier la responsibilité du traducteur de « responsabilité sémioéthique ».
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Translation and Historiography: How an Interpreter Shaped Historical Records in Latter Han China
Rachel Lung
pp. 225–252
AbstractEN:
This article analyzes evidence of interpreting activities in first-century China between the Latter Han (25–220 AD) Chinese administration and non-Han Chinese minority tribes along the then Southwestern frontier (modern Yunnan and the west of Sichuan basin). Besides confirming the existence of interpreting events and the subsequent Chinese translation of three tribal sung poems, a tribal tribute to Emperor Ming (r. 58–75) in a Qiang dialect (without a written language, apparently), this piece of evidence is also of interest to historians of interpreting in four aspects, namely, the nature of interpreting activities in China in antiquity; possible political rewards for the amateur interpreter who was a frontier clerk by profession because of possible translation manipulation; textual traces from the Chinese translation of the poems that suggests a possible manipulation in meaning and style; and the (interpreter’s) superior’s part in the manipulation of the translation, which eventually found its way into the standard history of the Latter Han dynasty. Considering the political needs of Latter Han China to promote the Sinicization cause among non-Han tribesmen in the empire, this article argues, based on analyses of the four factors above, that the interpreter, with his rare knowledge of the tribal tongue in the imperial court, might have consciously shaped the translation of the poems to pander to the liking of his superior and the emperor. This article further shows how and why the interpreter, in his official capacity as a frontier clerk, might have capitalized on his competence in a tribal language and manipulated, albeit mildly, the historical records on the Chinese translation of the poems.
FR:
Cet article analyse des preuves de l’existence d’activités d’interprétation pendant le premier siècle en Chine entre l’administration de la dynastie Han postérieure (25-220 apr. J.-C.) et les tribus minoritaires non-Han peuplant la frontière sud-ouest de l’empire (aujourd’hui la province du Yunnan et l’ouest du bassin Sichuan). En plus de confirmer l’existence d’instances d’interprétation et la traduction chinoise subséquente de trois poèmes tribaux chantés, un hommage tribal à l’empereur Ming (r. 58-75) dans un dialecte Qiang (qui ne semble pas avoir eu de langue écrite), ces preuves présentent un intérêt aux historiens de l’interprétation pour la façon dont elles éclairent les quatre aspects suivants : la nature des activités d’interprétation dans l’antiquité chinoise, les récompenses politiques offertes aux interprètes amateurs, commis frontaliers de profession, en échange de la manipulation possible des traductions; les traces textuelles dans les traductions chinoises des poèmes qui laissent supposer une manipulation possible du sens et du style; et le rôle du supérieur (de l’interprète) dans la manipulation de la traduction, laquelle se fraie éventuellement un chemin dans l’histoire de la dynastie Han postérieure. Compte tenu de la nécessité politique pour la dynastie Han postérieure de promouvoir la cause sinisante parmi les tribus non-Han de l’empire, cet article soutient, en se basant sur les analyses des quatre aspects énumérés ci-dessus, que l’interprète, doté d’une connaissance rare de la langue tribale dans la cour impériale, a pu modifier consciemment la traduction des poèmes pour les adapter aux préférences de son supérieur et de l’empereur. De plus, cet article montre comment et pourquoi l’interprète, en sa qualité officielle de commis frontalier, a pu se prévaloir de ses compétences dans la langue tribale et manipuler, quoique légèrement, les archives historiques de la traduction chinoise des poèmes.
Comptes rendus de lecture
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Viviana Agostini-Ouafi. Giacomo Debenedetti, traducteur de Marcel Proust. Cahiers de Transalpina. Caen, Presses universitaires de Caen, 2003, 219 p.
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Anthony Pym, Miriam Shlesinger and Zuzana Jettmarová (ed.). Sociocultural Aspects of Translating and Interpreting. Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins Publishing Company, 2006, 255 p.
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Sherry Simon. Translating Montreal: Episodes in the Life of the Divided City, McGill-Queen’s University Press, 2006, 280 p.
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Dirk Delabatista, Lieven D’hulst et Reine Meylaerts (éd.). Functional Approaches to Culture and Translation. Selected papers by José Lambert, Amsterdam, John Benjamins Publishing, « Benjamins Translation Library », vol. 69, 2006, 225 p.