Abstracts
Résumé
The Lonely Londoners en français : l'épreuve du métissage ߞ En 1956, l'écrivain trinidadien Sam Selvon (1923-1994) publiait The Lonely Londoners, un roman rédigé intégralement dans une variété de langue jusque là stigmatisée et confinée au domaine dialogal : le vernaculaire créole trinidadien. Bien qu'il fasse aujourd'hui partie des « classiques » de la littérature anglo-caribéenne, ce roman n'a toujours pas été traduit en français. À partir d'une étude de la matérialité puis des fonctions textuelles de cette représentation, l'essai révèle que si The Lonely Londoners offre un exemple original de créolisation littéraire, sa traduction suppose quant à elle la représentation d'un français créolisé qui, en conflit apparent avec les normes du polysystème cible et les projets politico-linguistiques des élites franco-antillaises, n'a pas encore eu droit de cité dans le littéraire. Constatant l'existence d'équivalents micro-textuels aux marqueurs de créolisation présents dans l'original, l'auteure suggère que les enjeux sous-tendant la traduction d'un tel roman ne peuvent se définir en termes d'authenticité ou bien de choix entre une stratégie traductionnelle de résistance ou de transparence. En effet, s'inspirant à la fois des langues-cultures trinidadienne et britannique, The Lonely Londoners oblige à sortir des dichotomies traditionnelles et à penser la traduction comme un processus tripartite entre langues-cultures française-anglaise-antillaise. Loin de remplacer une dialectique étrangère (Angleterre-Caraïbes) par une dialectique domestique (France-Antilles), ou de remodeler l'étranger à traduire en fonction des termes du débat dans le contexte cible, la traduction vient en quelque sorte perturber ce débat et proposer de nouvelles avenues en matière de créolisation littéraire.
Abstract
Translating The Lonely Londoners into French : The Experience of Métissage — In 1956, The Trinidadian born writer Sam Selvon (1923-1994) published The Lonely Londoners, a novel entirely written in a language formerly stigmatised and whose literary representation was mostly confined to direct speech : Trinidadian Creole English. Although this novel has now become a classic of West Indian literature, it has not yet been translated into French. Based on an analysis of the materiality and the narrative functions of this literary dialect, the essay attempts to show that while The Lonely Londoners offers a unique example of text creolisation, its translation requires the recreation of a dialect that subverts the norms of acceptability of the French literary polysystem. Assessing the existence of micro-textual translation equivalents to the Creole forms used in the original, the author suggests that the translation problematics should not be addressed in terms of "authenticity" or even as a question of choice between one strategy or the other (fluency or resistance). Indeed, having himself bridged the gap between oral Creole and written British language-cultures, Selvon compels his translator to disregard traditional dichotomies in order to think translation as a three-part relationship between French, Caribbean (Creole), and English language-cultures. Far from replacing a foreign dialectics (Britain-West Indies) by a domestic dialectics (France-French Caribbean), far from modeling the foreign text according to the terms of the debate in the target context, translation may become a means for actually destabilising this very debate and proposing new approaches to literary creolisation.