EN:

This article examines Janet Cardiff’s site-specific art, and in particular, the 2005 audio walk, Her Long Black Hair, as a possible site of refusal or an alternative to the panoptic docile, disciplined Foucaultian body. This paper investigates Cardiff’s sound-based collaboration, often performed with artist Georges Bures Miller, as a sensorial, chorographic, and intermedial practice that challenges discourses of representation, such as conformist, dominant fixed perceptions of identity and scripted subjectivity. Cardiff’s work demonstrates the process of intermediality and how the intermedial body disrupts linear and visual narratives or sites that fix identity through the constructs of the historical and cultural. The article forwards critical questions about the conditioned human desire for bodily fixity, surveillance, and panoptical structures promoting normative, disciplinary hierarchies, especially through nostalgia for narratological closure. Cardiff’s work, her performance and artistic strategies, offer other avenues for inhabitation of the radical sensorium, the body as palimpsestuous, inner theatre, wherein she invites us to participate differently—to listen and see, to experience differently. The article also takes up an intermedial, palimpsestic form with spaces created for moments of pause and reflection: an enacting of the site-specific intermedial and palimpsestic body.

FR:

Cet article examine l’art localisé de Janet Cardiff, notamment une marche guidée audio qu’elle a créée en 2005 sous le titre Her Long Black Hair, en tant qu’alternative ou possible refus d’un corps foucauldien panoptique, docile et discipliné. Derkson s’intéresse à l’œuvre sonore de Cardiff, souvent jouée en collaboration avec l’artiste Georges Bures Miller, en tant que pratique sensorielle, chorégraphique et intermédiale qui remet en question les discours de représentation fondés sur des perceptions conformistes et figées de l’identité et d’une subjectivité déjà fixée. L’œuvre de Cardiff illustre le processus intermédial et montre comment le corps intermédial vient rompre le récit linéaire ou visuel en des lieux qui fixent l’identité par le truchement de constructions historiques et culturelles. L’article de Derkson explore des questions importantes sur le désir conditionné de l’être humain d’une fixité corporelle, une surveillance et des structures panoptiques qui promeuvent des hiérarchies normatives et disciplinaires, notamment par la nostalgie d’une résolution narrative. Derkson fait valoir que l’œuvre de Cardiff, de même que sa performance et ses stratégies artistiques, proposent d’autres moyens d’habiter le sensorium radical, le corps palimpseste, le théâtre intérieur auquel elle nous invite à participer autrement – à écouter et voir, à vivre l’expérience autrement. L’article aborde également une forme intermédiale, une sorte de palimpseste avec des espaces créés pour offrir des moments d’arrêt et de réflexion : une représentation du corps palimpseste et intermédial localisé.

EN:

This paper analyses the convergence of ethnographic research and Verbatim theatre in both the context of an urban secondary school drama classroom and in two professional theatres in the city of Toronto. This four-year international, digital, collaborative ethnography focuses on performance and its relationship to youth engagement. As part of the larger project, this paper analyses data gathered in the school research site that charted youth reactions to a Verbatim theatre workshop and performance of The Middle Place, a powerful Verbatim play about shelter youth, created by the socially committed theatre company, Project: Humanity. Additional digital data included the subsequent videotaped youth-created Verbatim monologues. The research team also followed Project: Humanity into two professional theatres in Toronto (Theatre Passe Muraille and Canadian Stage) where youth and adult audiences, fresh from seeing The Middle Place, were interviewed about the play, cultural representations of youth, and theatre as a form of social intervention. The third data set occurred back in the classroom of our school research site, where the The Middle Place filtered back into student drama work in surprising ways. To analyse these data, we bring performance theory, Brechtian theory, relational art theory and Foucault’s concept of ‘parrhesia’ to address the ethics of representing trauma and the possibility of ‘fearless speech’. In responding theatrically, these youth offered our research valuable glimpses into the subcultures of urban youth and their theatre-making practices.

FR:

Cet article s’intéresse à la convergence de la recherche ethnographique et du Verbatim Theatre sur deux sites : dans une classe de théâtre d’une école secondaire en milieu urbain et dans deux théâtres professionnels de Toronto. Le projet international de recherche ethnographique auquel ont participé les auteurs, d’une durée de quatre ans, s’appuie sur un support numérique et s’intéresse aux rapports qu’entretient le jeu avec l’engagement des jeunes. Dans le contexte de ce projet, les auteurs proposent une analyse de données recueillies en milieu scolaire sur les réactions des jeunes à un atelier du Verbatim Theatre et à une performance de la pièce, The Middle Place, un spectacle sur les jeunes dans un refuge créé par une troupe très engagée sur le plan social, Project: Humanity. D’autres données recueillies par l’équipe de recherche incluent un enregistrement vidéo de monologues de jeunes créés suite à la représentation. L’équipe de recherche a suivi Project: Humanity lors de prestations dans deux théâtres professionnels de Toronto (Theatre Passe Muraille et Canadian Stage) et interviewé des membres du public, composé tant de jeunes que d’adultes, suite à la présentation de The Middle Place; les questions portaient sur la pièce, les représentations culturelles de la jeunesse et le théâtre en tant que forme d’intervention sociale. Une troisième série de données a été recueillie en salle de classe, où l’influence de The Middle Place s’est fait ressentir de manière étonnante dans le travail des jeunes élèves. Dans leur analyse de ces données, les auteurs font appel à la théorie de la performance, aux écrits théoriques de Brecht, aux théories de l’art relationnel et au concept foucauldien de « parrhésie » pour étudier les questions éthiques reliées à la représentation du traumatisme et à la « prise de parole sans peur ». Les réponses que les jeunes ont offertes aux participants par le truchement du théâtre ont ouvert de préciseuses pistes de recherche sur les sous-cultures des jeunes en milieu urbain et leurs pratiques de création théâtrale.

FR:

This article examines the functions performed by the sun glasses worn by Marcel, a major character in both the theatre and fiction of Michel Tremblay. This character appears in En pièces détachées and Marcel poursuivi par les chiens, two plays which invoke, between the audience and the stage, the mediation of female characters. The gaze of these first two female spectators on the stage makes the identity of the principle character waver before the eyes of the audience while preventing their direct access. The character’s glasses are far more than a simple stage prop: they can be seen as a device of multiple screens which, interposed between Marcel and reality, translate a behavioural dysfunctionality. The character’s identity challenges are especially associated with a familial blindness manifesting itself in the maternal screens and by the sight of a transgressively traumatising scene, relating to the impossible sight of the foundational familial incest. Although these two events (incest and murder) may not be connected in the plot, they do both relate to a forbidden vision: that of his own flesh as object of desire and that of the annihilation of the subject (Mercedes) by another (Maurice).

EN:

Le présent article examine les fonctions remplies par les lunettes de soleil de Marcel, un personnage majeur de l’œuvre théâtrale et romanesque de Michel Tremblay. Ce personnage apparaît dans En pièces détachées et Marcel poursuivi par les chiens, deux pièces qui mettent en place, entre le spectateur et la scène, la médiation de personnages féminins. Le regard que posent ces premières spectatrices sur la scène théâtrale fait vaciller l’identité du personnage principal aux yeux du spectateur en l’empêchant d’y avoir directement accès. On verra que les lunettes du personnage dépassent le simple accessoire scénique : elles peuvent être vues comme faisant partie d’un dispositif d’écrans multiples qui, interposés entre Marcel et la réalité, traduisent un dysfonctionnement comportemental. Les difficultés identitaires du personnage sont notamment associées à un aveuglement familial qui se manifeste par des écrans maternels et à la vision d’une scène traumatisante transgressive, renvoyant à l’impossible vision de l’inceste familial fondateur. Bien que ces deux événements (l’inceste et le meurtre) ne soient pas liés dans le récit, ils renvoient tous deux à une vision interdite : celle de sa propre chair comme désirable et celle de l’annulation d’un sujet (Mercedes) par un autre (Maurice).

EN:

Catherine Banks’s Three Storey, Ocean View explores the concept of home from the perspective of a prospective buyer, Peg, and four families who had previously lived in the house listed for sale. In keeping with Henri Lefebvre’s definition of social space, the space of this home is shown to be both physically and temporally determined as the past occupants remain on stage, in the house, for the scenes of the present day, and Peg and her family respond to their movements and dialogue. Many of these former inhabitants have been disenfranchised through race, poverty, language, or disability and, for them, home is a prison as much as a shelter. Examining the house through Una Chaudhuri’s theory of geopathology reveals not only the instability of home and the ruptures between individual and community, home and the surrounding environment, but also the psychogeopathology of those who live there. In addition, both the playtext and the productions of 2000 and 2003 emphasize the vertical structure of the house, which reflects the architecture of Gaston Bachelard’s oneiric house. Banks thereby explores the effect of home not just on those living there, but also on the community and on future generations.

FR:

La pièce Three Storey, Ocean View de Catherine Banks explore le concept du chez-soi en empruntant le point de vue d’un acheteur potentiel, Peg, et de quatre familles ayant déjà habité une maison qui est à vendre. Selon la définition de l’espace social que donne Henri Lefebvre, l’espace de cette maison est défini sur les plans physique et temporel alors que les anciens habitants restent sur scène, dans la maison, pendant que se déroule l’action du temps présent, avec Peg et sa famille qui réagissent à leurs mouvements et à leurs répliques. Bon nombre des habitants passés ont été marginalisés en raison de leur race, de leur pauvreté, de leur langue ou d’une invalidité, et pour eux le chez-soi est autant une prison qu’un refuge. En prenant appui sur la théorie de la géopathologie de Una Chaudhuri pour examiner la notion du chez-soi, nous constatons non seulement l’instabilité du chez-soi et les ruptures qui s’opèrent entre l’individu et la collectivité, le chez-soi et le lieu environnant, mais aussi les psycho-géo-pathologies de ses habitants. De plus, la structure verticale de la maison que soulignent à la fois le texte de la pièce et les productions de 2000 et 2003 rappelle l’architecture de la maison onirique de Gaston Bachelard. Ainsi, Banks explore l’effet du chez-soi non seulement sur les personnes qui y habitent, mais aussi sur la communauté et sur les générations futures.