Abstracts
Résumé
Le roman du siècle des Lumières est riche en topoi mettant en scène le mentor : Madame de Tencin dans Les Malheurs de l’amour (1747) et Madame Élie de Beaumont dans les Lettres du marquis de Roselle (1764) sont particulièrement sensibles à la mise en scène de ce personnage qui évolue depuis Fénelon de manière dramatique. Dans les textes étudiés, ce conseiller avisé, souvent une femme, évoque une philosophie qui dépasse son symbolisme classique : souvent maître à penser, il devient lui-même un porte-parole désabusé des Lumières, mais il en sera lui-même/elle-même victime. Il/elle guide le mentoré/la mentorée à travers la forêt obscure des illusions passionnelles, celles de l’amour certes, mais celles engendrées surtout par le jeu quelque peu contradictoire des intérêts de classe, de la morale bourgeoise en mal de devenir et d’une aristocratie appauvrie, décadente et libertine. Le XVIIIe siècle voit une véritable métamorphose du mentor classique : il continue de remplir le rôle pluriel de conseiller, mais aussi de modèle d’ordre narratologique surtout chez Madame de Tencin –la référence obligée demeurant Madame de Lafayette. Davantage, le mentor devient au siècle des Lumières un être en chair et en os, sensuel et passionné et dont la morale atteint plutôt une dimension anthropologique, qui ausculte les lois et les sonde à la lumière de la raison. Le siècle des « libertins » est le siècle d’un mentorat repensé, calculé, teinté souvent de ce mal existentiel, résurgence des forces du « moi » double qui caractérise l’être, une philosophie inaugurée par Montaigne et qui trouvera ses échos chez Descartes ou Pascal entre autres. Ce mal persiste au siècle de la « raison » malgré l’optimisme qui semble le caractériser. Nous limitons notre analyse aux deux romans mentionnés dans l’intitulé, mais il serait souhaitable, dans des études ultérieures et pour enrichir la base des données de la SATOR, d’élargir le débat à d’autres romans des Lumières.
Abstract
The novel of the Enlightenment is rich in topoi evoking mentors: Madame de Tencin, in Les Malheurs de l’amour (1747) and Madame Élie de Beaumont in Lettres du marquis de Roselle (1764) are particularly keen to stage this character who has been evolving since Fenelon in quite a dramatic manner: in the texts studied, the mentor, a wise advisor, often a woman, alludes to a message that goes well beyond its ancient symbolism. However, this intellectual guide becomes the disillusioned spokesperson and, at the same time, the victim of the Enlightenment. S/he guides the mentee through the dark forest of deceptive passions, such as the obvious example of love, but also those passions born, above all, of the contradictory game of interests between social classes, the behaviour of a bourgeoisie desperate to be recognized, and the impoverished, decadent and libertine aristocracy. The 18th Century witnesses a transformation of the mentor as s/he was classically portrayed. The latter keeps on fulfilling his/her original role as an advisor, but also becomes a narratological model – particularly in Madame de Tencin’s fictions, for whom Madame de Lafayette, for example, remains the intellectual model to imitate. Moreover, the mentor becomes, during the Enlightenment, a being in the flesh, sensual, passionate, whose ethic is merely anthropological, who surveys and examines the laws through reason. The Age of the “libertine” is also the era of a reconsidered mentorship: a calculating character, the libertine-mentor is often tinged with existential evil, a resurgence of a double-edged “ego” which characterizes human beings, a philosophy inaugurated by Montaigne and echoed by Descartes and Pascal, among others. Evil lingers during the entire Enlightenment despite the optimism conveyed by reason. Although this analysis will focus on the two aforementioned novels, it would also be stimulating to further the study of this topos, by including several other novels which would expand and enrich the SATOR database.
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