Abstracts
Résumé
Cet article propose de lire la peur et le silence des trois femmes qui découvrent le tombeau de Jésus ouvert (Marc 16, 8) comme un « deuil non-fait ». Nous montrons comment ces émotions manifestent le fait qu’elles n’acceptent pas la distance avec Jésus qu’impliquent sa mort et sa résurrection. Au contraire, elles veulent en rester proches, voire s’identifier à lui, ce qui est une réaction similaire à celles des disciples dans les récits de la tempête apaisée (4, 35-41) et de la marche sur les eaux (6, 47-52). Enfin, puisque, dans les versions les plus anciennes, Marc 16, 8 est le dernier verset du texte, nous proposons que les lecteurs·trices, confronté·e·s à la disparition du personnage Jésus, sont invité·e·s, ils·elles aussi à vivre son deuil, jusqu’au bout. L’épisode est ainsi susceptible d’éclairer notre expérience de lecture autant que notre expérience du deuil.
Abstract
This paper proposes to read the fear and silence of the three women who discover the open tomb of Jesus (Mark 16:8) as an “unfinished mourning”. We show how these emotions manifest the fact that they do not accept the distance from Jesus that his death and resurrection entail. On the contrary, they want to stay close to him, even identify with him, which is a reaction similar to those of the disciples in the accounts of the calming of the storm (4:35-41) and of the walking on water (6:47-52). Finally, since, in the oldest versions, Mark 16:8 is the last verse of the gospel, we suggest that the readers as well, confronted with the disappearance of the character Jesus, are invited to live their mourning, and to finish it. The episode is thus likely to shed light on our reading experience as much as our own experience of mourning.
Appendices
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