Abstracts
Résumé
Le présent article explore les mots relatifs à la crainte dans le deuxième livre des Maccabées (2 M), un récit où les dangers pullulent. Or, le mot φόϐος n’y apparaît qu’à six reprises (1, 24 ; 3, 25 ; 6, 30 ; 7, 29 ; 12, 22 et 15, 18), contre trois occurrences du mot ἀγωνία (3,14.16 et 21) et cinq de δέος (3, 17.30 ; 12, 22 ; 13, 16 et 15, 23). Pour saisir le sens de ces mots et identifier ces « passions », les versets seront présentés et contextualisés après un survol de la notion de crainte dans certains écrits bibliques et hellénistiques. Ainsi, on comprendra mieux qu’il est toujours question de la crainte de Dieu.
Abstract
This article explores the words of fear in the Second book of Maccabees (2 M), a narrative where dangers abound. Yet the word φόϐος only appears six times (1:24 ; 3:25 ; 6:30 ; 7:29 ; 12:22 and 15:18), compared to three occurrences of ἀγωνία (3:14.16 and 21) and five of δέος (3:17.30 ;12:22 ;13:16 and 15:23). In order to grasp the meaning of these words and identify these “passions”, the verses will be presented and contextualized after an overview of the fear’s notion in some biblical and Hellenistic writings. This way, it will be easier to understand that it is always the same fear of God.
Article body
Le 2e livre des Maccabées (2 M) relate une crise politico-religieuse ayant eu lieu en Judée au IIe siècle avant notre ère. Ce texte introduit une distinction claire entre judaïsme et hellénisme (Ιουδαïσμός en 2, 21 et Ἑλληνισμός en 4, 13) et relate la préservation de l’identité juive[1] par une reconquête de l’autonomie nationale et de la liberté de culte. Bien qu’il soit ouvertement contre l’hellénisation des moeurs juives, il est néanmoins rédigé en grec[2] et témoigne d’une acculturation ayant eu lieu chez presque tous les peuples de la région à la suite du renversement des armées perses par Alexandre (Berquist 2002, 14), laquelle outrepasse l’idiome de sa rédaction[3]. En fait, 2 M s’avère « une synthèse de la théologie orthodoxe de l’époque employant une puissante rhétorique hellénistique[4] » (Bickerman cité par Himmelfarb 1998, 20) – un genre historiographique « où domine la volonté d’émouvoir pour mieux instruire » (Niese cité par Ziadé 2007, 47). D’ailleurs, le vocabulaire relatif aux émotions ou au πάθος, pour parler comme les Anciens, en est révélateur. Dans le présent article, je me pencherai sur la crainte, une émotion forte, aujourd’hui perçue comme négative. Au regard de notre âge dit de la peur[5], les conflits entre factions judéennes, la colère divine et l’intervention musclée du pouvoir séleucide, lesquels provoquent maintes morts et mettent à mal la sécurité de la population et la pérennité de l’identité, auraient été propices à son émergence. Compte tenu de ces circonstances, on aurait pu s’attendre à ce que l’épitomiste en parle abondamment. Malgré les dangers qui menacent le Temple, la guerre de libération qui éclate après un énième massacre d’innocents et faisant rage plusieurs années ainsi que maints phénomènes surnaturels, le mot φόϐος et ses dérivés – lesquels traduisent plus souvent dans la LXX ceux provenant de la racine hébraïque יָרֵא (craindre, avoir peur, frayeur, s’effrayer, affreux, terrible, redoutable, digne, respecter, révérer[6]) qui se trouve plus de quatre cents fois dans la Bible (Derousseaux 1970, 5) – y sont plutôt rares. On n’en trouve que six occurrences (1, 24 ; 3, 25 ; 6, 30 ; 7, 29 ; 12, 22 et 15, 18), mais le récit est ponctué de termes qui l’évoquent de près ou de loin, comme ἀγωνία (3, 14.16.21) et δέος, auxquels se joignent φρικασμὸς, ταραχή et τρόμος (3, 17.30; 12, 22; 13, 16 et 15, 23). Pour savoir s’il est toujours question de « l’émotion signalant l’approche de l’autre » (Lefebvre 2015, 80), je procéderai à une analyse intratextuelle des mots susmentionnés. J’omets volontairement tout ce qui concerne la fuite, étant donné sa forte présence dans les épisodes guerriers qui risquerait de faire dévier le propos, et ce, même si cette dernière peut être intimement liée à la crainte dans certains contextes. À titre d’exemple, on peut penser au mot φόϐος qui désigne une fuite due à la panique chez Homère ou la puissance divine la personnifiant chez Hésiode[7] (voir Chantraine 2009, 1139), ou encore au verbe φοβέω, « effrayer ou craindre », pouvant être rendu par « faire fuir » (Chantraine 2009, 1140) : une réaction très fréquente de la crainte dans les récits bibliques (Joüon 1925, 176) et dans la seconde partie de 2 M[8]. Je présenterai d’abord les occurrences, puis, je m’attacherai à mettre en relief leur distribution afin d’identifier les circonstances de leurs apparitions et, le cas échéant, à leurs effets. Cela devrait permettre de saisir les nuances sémantiques des mots choisis par l’épitomiste et possiblement établir plus sûrement les « émotions » des différents personnages. Or, le spectre de la signification du mot φόϐος étant plutôt vaste (Reiterer 2015, 129), il importe dans un premier temps de se pencher brièvement sur ce que certaines sources juives et hellénistiques en disent.
1 Cerner la crainte
La crainte est la première émotion mentionnée dans la Bible. Surgissant en Gn 3, 10 après l’état de torpeur de Gn 2, 21, elle serait nécessaire, aux dires de Robin, pour que l’adam ne continue pas de végéter dans une certaine passivité (2006, 11). Dans la LXX, c’est le verbe φοβέω qui traduit יָרֵא, mot qui s’emploie surtout pour la crainte de Dieu יִֽרְאַ֣ת יְהוָה֮ ) [9]) et assez peu pour la crainte des hommes. Différents auteurs ont cru utile de distinguer la crainte de la peur. Parmi ces derniers, Derousseaux considère que la crainte n’est pas la peur animale qui pousse une personne à fuir ou à se cacher, mais le sentiment religieux de la créature faible devant la puissance divine (1970, 5 et 19). Lefebvre pense quant à lui que la crainte est plus noble que la crainte (2009, 76), alors que Joüon considère que la crainte correspond à une peur de plus faible valeur (1925, 175). À l’instar de ces auteurs, il convient de distinguer les deux, même si, d’une part, « la terminologie pour décrire la vie affective se révèle relativement confuse et mêle dans un même ensemble indistinct affects, émotions et sentiments » (Barbier 2018) et que, d’autre part, les tentatives visant à déterminer quelles émotions précises sont décrites dans la littérature biblique et deutérocanonique se révèlent extrêmement difficiles, voire impossibles (Kruger 2015, 396). Selon Lasater, il serait toutefois plus approprié d’en parler en termes de passion – le πάθος étant à la fois passif et actif et ayant une relation complexe et nuancée à la rationalité[10] – plutôt qu’en termes d’émotion, au sens d’agitations corporelles non cognitives et involontaires (2017, 535), puisque l’anthropologie juive, à l’instar de la grecque, ne distingue pas ces deux sphères. Penser qu’il existe un immense fossé entre les pensées hébraïques et grecques, tendance critiquée par Barr (cité par Lasater 2017, 536), est donc à proscrire. D’ailleurs, la crainte n’est-elle pas le commencement de la connaissance ou de la sagesse chez les uns (Pr 1, 7 ; 9, 10 et Ps 111, 10) et celui de la philosophie chez les autres (Platon et Aristote[11], cités par Konstan 2006, 536) ?
Aujourd’hui, du moins en psychologie, l’émotion accompagnant la prise de conscience d’un danger – avec ses diverses nuances d’intensité selon le contexte – est plus souvent nommée peur, mot dérivant du latin pavor, qui désigne l’effroi, l’épouvante et, par affaiblissement[12], un sentiment (!) de crainte (De Visscher 2015, 725 ; Rey et Rey-Debove 1993, 1654). On est donc bien loin de « la crainte religieuse primaire causée par la présence d’une réalité qui transcende l’expérience rationnelle ordinaire » (Quilici 2000, 17) ; « émotion-attitude » intrinsèque à la rencontre de l’altérité et facteur déterminant de l’existence des religions qu’on peut aussi nommer piété (Chaniotis 2012, 207 et 210). La crainte de(s) dieu(x) a comme fonction principale d’assurer l’obéissance à des normes (Chaniotis 2012, 212) pour éviter la colère divine et ses châtiments. Loin d’être négative, elle est appropriée, pour ne pas dire obligatoire, en présence d’une déité ou en ses lieux, d’où l’importance de son apprentissage (Lasater 2017, 538). Loin de correspondre à des agitations corporelles non cognitives et involontaires (Lasater 2017, 535), elle résulte d’une connaissance morale. En effet, pour éviter les punitions, « les raisons d’avoir peur » (Robin 2006, 1) doivent être connues. Et, dans les deux cultures susmentionnées, ce sont les prêtres qui jouent le rôle d’agents propagateurs (Chaniotis 2012, 216).
2 Les mots de la crainte dans 2 M
2.1 Φόϐος et ses dérivés
On trouve deux occurrences de l’adjectif φοβερός en 2 M 1, 24 ; 3, 25. Dans la lettre datée de 164 avant notre ère selon la TOB[13] (1, 10b -35), il désigne un des attributs du divin, lequel est mentionné au début de la prière prononcée par Jonathan[14] et par le choeur des prêtres anonymes en réponse à Néhémie : « Seigneur, Seigneur Dieu, créateur de toutes choses, redoutable, fort, juste, miséricordieux[15] ». Dans le 3e chapitre, où il est question de la visite d’un ministre séleucide venu soi-disant pour dénouer le malentendu fiscal au Temple, il décrit non plus la « nature divine » (Reiterer 2015, 125), mais une de ses manifestations, soit « un redoutable cavalier[16] » semblant porter une armure d’or et monté sur un cheval descendu du ciel. Par ailleurs, il y a trois occurrences du mot φόϐος dans tout le livre, soit en 2 M 6, 30 ; 12, 22 ; 15, 18. Dans la dernière partie du 6e chapitre, il est question de la crainte d’Éléazar, un vieil homme refusant de manger de la viande interdite par la Loi (Lv 11, 7-8 et Dt 14, 8) et conséquemment mis à mort. Qu’un homme de 90 ans, voué au supplice de la roue, soit craintif n’est évidemment pas étonnant, mais sa crainte ne concerne ni les bourreaux, ni la bastonnade, ni même la mort. Au verset 30, sur le point de mourir, il dit : « […] j’endure sous les bâtons des douleurs cruelles dans mon corps mais […] en mon âme je les souffre avec joie à cause de la crainte qu’il [Dieu] m’inspire ». La deuxième occurrence apparaît après les cuisants revers essuyés par l’armée séleucide entre le soulèvement des Judéens (8, 1) et l’expédition en Galaaditide (12, 10). En 2 M 12, 22, on lit : « [d]ès que la première cohorte de Judas parut, l’épouvante (δέος) s’étant emparé de l’ennemi, ainsi que la crainte que leur inspirait la manifestation de Celui qui voit tout, ils prirent la fuite ». Enfin, en 2 M 15, 18, on retrouve Judas Maccabée et ses compagnons guerriers, dont « la plus grande et la première des craintes était pour le Temple sanctifié », car, même si l’insurrection judéenne a permis de le recouvrer sous la conduite du Seigneur en 10, 1, il est à nouveau en péril. Le général Nicanor menace de le détruire pour y construire à la place un sanctuaire dédié à Dionysos. Judas exhorte donc ses compagnons d’armes à ne pas redouter l’attaque des païens et tente ainsi d’éveiller leur ardeur au combat. Enfin, en 7, 29, on trouve un aoriste du verbe φοβέω, soit φοβηθῇς. Cette occurrence, la seule précédée d’une particule négative (μὴ), se trouve dans le chapitre entièrement consacré au martyre des sept frères et de leur mère, à la fin du deuxième discours que cette dernière adresse à son dernier fils vivant. Après avoir enjoint son enfant à regarder le ciel et la terre et toutes les choses qu’ils contiennent pour qu’il comprenne que Dieu les a faites à partir de rien, comme les humains, elle lui dit : « Ne crains pas ce bourreau ».
2.2 Ἀγωνία
On rencontre trois occurrences du mot ἀγωνία dans 2 M, toutes dans le 3e chapitre, soit en 3, 14.16.21. Comme on le sait, l’envoyé de la couronne séleucide, Héliodore, vient à Jérusalem pour faire main basse sur le trésor du Temple. Au moment où il s’apprête à entrer dans le Temple pour en faire l’inventaire, « une très vive inquiétude » ou « une petite angoisse » (Echenoz et Debergé 2001, 2026) se répand aussitôt dans toute la ville. Puis, le Grand Prêtre, cet « homme de bien, d’un abord modeste et de moeurs douces, distingué dans son langage et adonné dès l’enfance à toutes les pratiques de la vertu » (15, 12) ressent d’abord en 3, 16 une « angoisse » ou une « anxiété » (Echenoz et Debergé 2001, 2026), suivi d’une « grande inquiétude » en 3, 21.
2.3 Δέος
Le mot δέος figure cinq fois dans tout le livre, et ce, toujours accompagné d’un autre mot du même champ sémantique. Il apparaît deux fois au 3e chapitre. D’abord, on le lit en 3, 17 à propos d’Onias III, lequel « [e]n proie à la frayeur et au tremblement (φρικασμὸς) dans tout le corps […] donnait en spectacle à ceux qui le regardait la souffrance installée dans son coeur ». Puis en 3, 30, alors que « [l]es Juifs bénissaient le Seigneur, qui avait miraculeusement glorifié […] le Temple qui un instant auparavant était rempli de frayeur et de trouble[17] (ταραχή) fut, grâce à la manifestation du Seigneur tout-puissant, débordant de joie et d’allégresse ». Enfin, une dernière occurrence se trouve en 12, 22 qui, comme on l’a vu, est un verset soulignant à la fois l’épouvante et la crainte ou la terreur[18] des guerriers séleucides (Echenoz et Debergé 2001, 2046). En 13, 16, on lit : « ils remplirent le camp d’épouvante et de confusion (ταραχή) ». Enfin, en 15, 23, Judas Maccabée prie le Seigneur d’envoyer un ange afin de répandre la crainte ou la frayeur et l’effroi (τρόμος) (Echenoz et Debergé 2001, 2054) dans le camp ennemi.
En somme, on trouve dix-huit mots évoquant la crainte dans 2 M : six occurrences du mot φόϐος et de ses dérivés, trois occurrences du mot ἀγωνία et cinq du mot δέος. Φρικασμὸς est employé à une seule occasion pour révéler les effets des émois juifs, tandis que τρόμος redouble l’intensité de « l’émotion » mentionnée avec ceux de leurs opposants et ταραχή le fait pour les uns et les autres. Hormis l’occurrence concernant Dieu, onze occurrences, réparties dans huit versets, concernent donc les Juifs et six mentions impliquent leurs adversaires dans trois versets. Est-ce que la répartition de ces termes, selon les circonstances et les personnages concernés, peut nous permettre de préciser les « émotions » évoquées ? Pourrons-nous distinguer la crainte sacrée éprouvée en présence d’un être supérieur et la crainte cultuelle ou morale renvoyant à la disposition fondamentale de l’alliance qui doit s’exprimer dans une conduite concrète, un peu comme le propose Derousseaux pour la Bible (1970, 9, 86 et 208) ? En contextualisant et en comparant l’usage et le sens de chacun de ces termes déjà si peu précis et conséquemment diversement traduits et compris, peut-être serons-nous en mesure de comprendre pourquoi les Juifs sont plus souvent aux prises avec la crainte que les étrangers et pourquoi la seule femme d’importance du récit en parle différemment.
3 La répartition de la crainte dans 2 M
3.1 Prologue
La première mention d’un mot renvoyant à la crainte donne une importante clé de lecture pour comprendre cette « émotion » dans 2 M, qui est, certes, un récit de conflits, mais s’avère surtout une leçon sur la souveraineté de Dieu et la fidélité des Juifs. Dans la lettre festale, l’adjectif φοβερός désigne un attribut essentiel du divin, mais pourrait être une fonction plus qu’une substance, voire une « expression de sa volonté pour montrer que le πάθος concerne Dieu, ce pourquoi il est impliqué dans l’histoire » (Stoellger 2011, 201). La preuve n’en est-elle pas dans le sacrifice devenu miracle que relate Néhémie avant l’hymne à l’intérieur duquel le cumul de « qualités » évoquées sert évidemment à flatter la divinité, laquelle est donc « sensible » à ce type de reconnaissance qui constitue un acte de foi ? Par le biais des prêtres qui (re)connaissent Dieu et savent qu’Il est redoutable – caractéristique théologique plus que psychologique permettant de l’entrevoir en 3, 25 –, l’épitomiste de 2 M fait savoir à quelle divinité tous et toutes ont affaire : le « Tout Autre, énorme et troublant, qui exige un respect incomparable » (Quilici 2000, 19).
3.2 Épisode déclencheur
Au 3e chapitre, l’épitomiste poursuit sa leçon, sans utiliser un mot de la famille de φόϐος. Huit termes relatifs à la crainte y sont repérables et ne concernent que des Juifs. Nul autre passage n’en présente autant, et ce, avec un vocabulaire non seulement diversifié, mais qui, à l’exception des mots δέος et ταραχή, n’apparaît nulle part ailleurs dans le livre. Au moment de la première intervention du pouvoir étranger dans les affaires juives – premier évènement d’importance du livre (Doran 1981, p. 47) –, tous sont en émoi, plus dans l’appréhension de conséquences funestes que secoués par des catastrophes avérées. Autrement dit, ils réagissent à un danger perçu plus que réel. Les personnes en 3, 14.16 n’éprouvent pas de la crainte, qui renvoie au connu, mais bel et bien de l’inquiétude, qui renvoie à l’inconnu (Konstan 2006, 149), et ce, même si le mot ἀγωνία est diversement traduit. Alors, les Jérusalémites et ledit « bienfaiteur de la cité et protecteur de ses congénères » (4, 2) « pressentent le mal » (Konstan 2006, 153) plus qu’ils ne le subissent. Au départ, ils redoutent probablement tous le double viol du sanctuaire – soit, d’une part, l’intrusion[19] du lieu sacré par Héliodore et, d’autre part, la saisie des ressources dédiées aux veuves et aux orphelins –, une profanation de l’inviolabilité du lieu saint étant de très mauvais augure. Cependant, en sa qualité de Grand Prêtre, Onias III comprend peut-être mieux, en 3, 17, qu’une colère divine pourrait s’en suivre. Dans ce verset, le mot δέος est privilégié et, comme en 3, 30, est traduit par « frayeur », alors qu’il devient « épouvante » pour les Grecs en 12, 22 et 13, 16, à l’exception de 15, 23. Il y a donc tout lieu de croire que l’anticipation du « zélé observateur des lois » (4, 2) est plus intense ou douloureuse que celle répandue dans la ville. D’ailleurs, sa frayeur est accompagnée de tremblement (φρικασμὸς), car δέος est une crainte de caractère plus général que φόϐος, dont le sens est, comme chez Homère, concret et physique (Chaniotis 2012, 245). En plus de cette rare expression physique, son aspect, son air et son teint altéré[20] trahissent son « émotion » en 3, 21 où, par ailleurs, la multitude se trouve dans « une prostration confuse », tandis que lui est, à nouveau, « agité d’une grande inquiétude ». Certes, il est distinct de la foule sans corps et sans visage – il peut donc trembler et blêmir –, mais il est surtout responsable du culte et ne peut ignorer le potentiel courroux et ses conséquences[21]. C’est parce que l’autorité sacerdotale – figure de référence dans toute l’oeuvre (Queyrel Bottineau 2017, 261) – montre ces divers signes physiques que le mot ἀγωνία peut révéler, dans ce cas, une plus forte intensité : anxiété, angoisse[22], voire la crainte qui traverse tout le Pentateuque. D’ailleurs, par ses trémulations, il rejoint ceux qui se comportent pareillement dans maints écrits bibliques où la crainte, cette « émotion qui mobilise le corps tout entier » (Robin 2006, 15) ou « rapatrie dans la chair » (Lefebvre 2009, 70), est au rendez-vous (Joüon 1925, 175-176). Par son individualité et son rôle nécessitant connaissance et déférence, on peut penser qu’il manifeste cette anxiété kierkegaardienne comparable à la crainte de Dieu, dont parle Rodgers (2011, 166). Il se trouve non seulement entre la possibilité et l’actualité du danger lié à la fidélité religieuse, mais bel et bien devant Dieu, d’où l’éruption momentanée de frayeur, laquelle est toujours liée à des théophanies dans le livre : comme c’est le cas en 3, 30 où, après un sacrifice, l’apparition d’un cavalier, redoutable comme Dieu en 1, 24, freine le ministre séleucide. Cette première théophanie révèle toute la puissance de ce Dieu exigeant une vénération à Sa hauteur et provoque, certes, frayeur (δέος) et confusion (ταραχή), comme le feront les suivantes, notamment celle en 13, 16, mais ces « émotions » font rapidement place à la joie et l’allégresse, ce qui ne sera plus jamais le cas. Il faut dire qu’après cette attaque céleste, l’étranger gisant au sol, sans voix, sans espoir et sans secours pouvait être considéré comme mort. Devant ce périlleux miracle risquant de faire accuser les Juifs d’avoir tué le ministre, le Sadoquite fait un sacrifice pour qu’il revienne à la vie (Will et Orrieux 1986, 106 et 116) et, comme Dieu n’a pas encore abandonné son lieu et son peuple, Héliodore « ressuscite ». Après cette intervention suscitant la croyance (Chaniotis 2012, 209), il devient un témoin de la présence divine en ce lieu (le Temple ou Jérusalem) et va proclamer Sa puissance à Antioche (3, 38-39). Cette finale montre bien que, malgré la menace entourant le Temple, ce dernier est toujours protégé, encore au centre de la vie cultique, grâce au Grand Prêtre en place qui n’est ni corrompu ni sans crainte, comme le seront Jason et Ménélas. À ce moment, la divinité n’est pas encore irritée par leurs viles actions et par les péchés des habitants de la ville, comme c’est le cas en 5, 17 lorsqu’Antiochos IV Épiphane réalise son pillage du lieu saint, ainsi qu’en 6, 18-30 et 7, 1-42, lorsque des Juifs pieux meurent sous la torture des impies.
3.3 Épisode martyrial
Ce passage est le sommet des persécutions, lesquelles doivent servir à l’éducation (6, 12) et sont une manifestation de la colère divine contre son peuple. Comme dans la Sagesse de Salomon, les Juifs sont punis avant les autres pour avoir le temps de se repentir et s’assurer le retour de la bienveillance divine. Au moment où la vie cultuelle était intenable, les deux personnages parlant de la crainte mettent en lumière une tactique adoptée pour minimalement assurer la survie culturelle, soit déplacer l’importance accordée au Temple et aux cultes qui y étaient célébrés vers l’observance de la Loi. Par leur indéfectible respect de la Loi, tous deux montrent la voie salvatrice d’une certaine crainte morale, car craindre, aimer et servir Dieu sont identiques (voir Dt 10, 12.20-21).
Ελεάζαρ, malgré son prénom théophore typique des prêtres, est un scribe (γραμματεύς, en 6, 18) dont les fonctions d’interprétation et d’enseignement de la Loi bousculent les traditions sacerdotales (Schmidt 1994, 21). Homme de savoir et très certainement de pouvoir, « le scribe est une personne qui a une telle connaissance des lois et des coutumes qu’il peut agir en tant qu’autorité » (Bickermann 1949, 69). D’ailleurs, Éléazar est une vieille connaissance de ceux qui président le repas rituel, ces officiels de la couronne qui lui offrent de manger de la viande dont il est permis de faire usage à l’insu de tous pour les mystifier et avoir la vie sauve (6, 21). « Préférant une mort glorieuse à une existence infâme » (6, 19), il refuse aussi cette supercherie pour laisser un bon exemple, observer les lois divines et vénérer Dieu (van Henten 1997, 110). Éléazar est un craignant-Dieu, bien qu’il en parle peu. Comme maints Juifs pieux dépeints dans 2 M, il médiatise son rapport divin par sa connaissance et son respect de la Loi (6, 18.20.21.23.28.30) – laquelle est considérée comme la parole même de ce Dieu qui enjoint à y obéir (Derousseaux 1970, 87 et 100) –, car « on ne viole pas impunément les lois divines » (4, 17). Distinct des prêtres par son statut, ce vieil homme a la science lui permettant d’être au fait des raisons de craindre le châtiment divin et de l’enseigner par sa « prière en acte », c.-à-d. son martyre.
Quant à l’étonnante invitation à ne pas craindre proclamée par la mère en 7, 29, elle constitue l’exception qui confirme la règle. C’est, du moins, ce qui permet d’expliquer que la seule femme d’importance du récit, bien que se trouvant dans une situation bien pire que le scribe, parle de la sorte. Qu’une mère encourage son enfant est évidemment légitime, mais cette invitation va au-delà de sa responsabilité parentale à l’endroit dudit protégé. Cette formule, « ne crains pas », est fréquemment prononcée par Dieu et ses anges, notamment dans les oracles de guerres saintes, et signifie alors qu’il faut bannir toute crainte des hommes pour s’en remettre à Lui dans une confiance totale (Derousseaux 1970, 95 et 97). C’est donc sur le plan de la forme et non celui du fond que les propos de la mère se distinguent de ceux des prêtres, scribes et guerriers occupant tous des fonctions officielles et veillant au maintien de l’ordre politico-religieux, dans la mesure où sa confiance provient de la crainte, comme il en va en Si 2, 8. Ainsi, qu’on le veuille ou non, la seule occurrence négative du livre suggère implicitement la même crainte de Dieu, celle qui guérit de la crainte des hommes, comme on peut le lire en És 8, 11-13. Les passages de 6, 30 et 7, 29 semblent s’opposer, mais, en fait, Éléazar parle explicitement de sa crainte de Dieu, tandis que la mère en parle, elle, sous forme de litote. Grâce à sa parole exceptionnelle, on comprend toutefois pourquoi ces Juifs pieux ne craignent pas leurs ennemis. En effet, « le Dieu de la Bible dont on a peur délivre de la peur » (Lefebvre 2009, 77). Après ce verset, le dernier où la crainte concerne les Juifs avant que la colère de Dieu ne soit changée en miséricorde (8, 5), les mots relatifs à la crainte s’attachent à d’autres sujets, car dès lors, seuls les rois, généraux et soldats séleucides ayant comblé la mesure de leurs iniquités (6, 14) subiront les « foudres » de la terreur divine.
3.4 Épisode final
Toutes les théophanies de 2 M jouent un rôle majeur dans le récit. Si l’une assure la déroute d’Héliodore (3, 24-30), les autres permettent aux guerriers judéens de remporter leur première victoire (8, 24) et la bataille finale (15, 27). À chaque fois, Dieu est avec son peuple. En effet, les aides d’origine céleste surgissent pour semer frayeur ou épouvante (δέος) seulement au temps de la prière (voir note 9), voire quand une demande de protection est explicitement formulée. En ce sens, elles mettent en lumière les croyances élémentaires sur l’intervention divine dans l’histoire, mais surtout que Dieu se soucie de son peuple (Stoellger 2011, 202). Tous les versets « théophaniques » – soit 3, 17.30; 12, 22; 13, 16; 15, 23 – comportent une répétition redoublant l’intensité, sinon la portée du mot δέος. Une pareille insistance montre bien qu’on sort de l’ordinaire (Queyrel Bottineau 2017, 268). Il n’est toutefois pas question de la crainte de Dieu croisée chez les martyrs et en filigrane chez Onias III, et ce, malgré l’apparition du mot φόϐος en 12, 22. À moins de considérer que cette crainte se définisse par deux aspects : la crainte morale liée à l’obéissance aux commandements pour se garder de la colère divine, soit φόϐος dans 2 M, et la crainte sacrée surgissant au « contact de l’écrasante grandeur de Dieu » (Lefebvre 2015, 76), correspondant, dans le cas qui nous occupe, à δέος. En fait, cela expliquerait pourquoi les païens, ne (re)connaissant ni ce Dieu ni Sa Loi, ne peuvent faire montre de l’exacte même crainte que les Juifs. Rappelons pour mémoire que pour exprimer l’antagonisme religieux et affirmer l’identité du peuple (Queyrel Bottineau 2017, 276 et 280), l’épitomiste les oppose. Les « mauvais » Grecs – assimilés à des barbares par la subversion de l’antithèse usuelle (Cromhout 2007, 1100) ou par la transformation du sens des catégories grecques (Himmelfarb 1998, 19) par l’appropriation culturelle – ne peuvent éprouver que l’émotion semblable à la peur panique dans les écrits grecs. Toutes ces théophanies peuvent être également vues comme des leçons « de force » offertes aux impies pour qu’ils reconnaissent la souveraineté du Dieu unique – ou mieux, elles peuvent les convertir, voire les judaïser, comme c’est le cas avec Héliodore. D’ailleurs, les mêmes vocables – frayeur et confusion – en 2 M 3, 30 ; 13, 16 suggèrent une même réaction collective des Juifs et des Grecs face à « une réalité qui transcende l’expérience rationnelle ordinaire » (Quilici 2000, 17). Cependant, ils se distinguent en ce qui concerne la crainte pour le Temple, « le centre principal de la loyauté et le plus important lieu de l’identité » (Cromhout 2007, 1103), soit « la force de liaison [ou] ce qui unifiait la société juive[23] » (Cohen 1987, 106-107), excluant nécessairement les ennemis séleucides, car :
le Seigneur a choisi non pas le peuple à cause de ce lieu, mais le lieu à cause du peuple. C’est pourquoi le lieu lui-même, après avoir participé aux malheurs du peuple, a eu part ensuite aux bienfaits ; délaissé dans un accès de colère du Tout-Puissant il a été de nouveau, en vertu de sa réconciliation avec le grand souverain, reconstitué avec toute sa gloire.
5, 19-20
Implicite au 3e chapitre, la crainte pour le Temple, nécessairement liée à la fidélité comme dans maints psaumes, réapparaît en 15, 18, mais les mots utilisés pour la nommer sont différents. À cet endroit et dans cette circonstance, le mot φόϐος vient confirmer, une dernière fois, qu’il révèle bien la crainte morale, jamais étrangère tant à l’attribut divin mentionné en 1, 24 et 3, 25 qu’à l’explicite et à l’euphémique crainte de Dieu en 6, 30 et en 7, 29. Ainsi, Doran (1981, 53) et De Wet (2008, 41) ont raison d’affirmer que 2 M servait de propagande pour le Temple, mais Williams n’a pas tort de dire qu’il devait renseigner sur la théodicée en donnant des preuves que Dieu récompense les justes et punit les pécheurs (2003, 75). Grâce à 2 M 15, 18, on comprend que l’un ne va pas sans l’autre. Avant la dernière invocation en 15, 23 – la conclusion théophanique où δέος est accompagné de τρόμος –, l’épitomiste montre que les persécutions ont vraiment servi à l’éducation. Les Juifs ont appris la leçon. Ils ressentent plus vivement cette crainte pour le Temple qu’en début de récit, puisqu’ils connaissent désormais la colère de Dieu.
Une seule et même crainte
La crainte se fait plutôt rare dans l’histoire manifestement pro-juive qu’est 2 M. Étonnamment, le meurtre du Grand Prêtre Onias III (4, 30-38), la répression sanglante d’Antiochos IV Épiphane qui fait quatre-vingt mille victimes en trois jours (5, 5-14), les pillages du Temple (4, 32-33 et 5, 15-23a), le carnage suivant la prise des armes sous le commandement d’Apollonius (5, 23b -26) et le décret interdisant les pratiques judéennes (6, 8-9) – pour ne relever que quelques épisodes effrayants à mes yeux – ne poussent pas l’épitomiste à employer le mot φόϐος. On trouve seulement six occurrences de la racine φόβ et différents mots, notamment ἀγωνία et δέος, lesquels mettent néanmoins en lumière l’importance d’une crainte spécifique, soit la crainte de Dieu, qui relève de la morale et des lois ou du sacré et de ses manifestations. Comme on l’a vu précédemment, dans ce récit où le pouvoir séleucide remet en cause les institutions et les pratiques juives et procède à des carnages inouïs, les Juifs ne craignent jamais leurs ennemis. Ils savent très bien que les actions des bourreaux (7, 29), des guerriers (8, 16) et des souverains païens (15, 8) résultent de l’orchestration du véritable souverain. Il n’y a que l’altérité suprême – Dieu et son lieu – qui peut engendrer la « passion » préparant, tour à tour, les individus à prier, à mourir ou à se défendre. (Re)connaissant l’autorité souveraine de Dieu, les Juifs sont donc deux fois plus souvent dans la crainte que les hellénistes séleucides. D’ailleurs, si « la peur est enseignée par des hommes influents », comme l’avance Robin (2006, 47), il est normal que Jonathan et les prêtres qui l’accompagnent, Onias III ainsi qu’Éléazar, craignent Dieu. Or, qu’une femme le rappelle de façon détournée en s’adressant à son jeune enfant montre bien que tous et toutes étaient alors partie prenante de l’Alliance, tous et toutes responsables de transmettre cette connaissance : la crainte légitime ne peut être que celle de Dieu. C’est la façon ultime de manifester sa fidélité, comme on peut le lire en Qo 2, 8, de conserver l’Alliance, c.-à-d. d’aimer Dieu. Bref, la crainte dans 2 M permet de proclamer « la grandeur du Dieu d’Israël qui protège le Temple de Jérusalem » (van Henten 1997, 52).
Appendices
Note biographique
Isabelle Lemelin est professeure-enseignante en Sciences des religions à l’UQÀM et assistante-éditrice pour la Revue SR. Exégète de formation, elle a réalisé des résidences de recherche à Marrakech (2015) et à Jérusalem (2022). Ses recherches actuelles portent sur le martyre, sur la réception de la littérature maccabéenne et les émotions. Elle est notamment l’autrice de À l’origine des femmes martyres : la mère de 2 Maccabée 7 publié chez Brepols (2022) et a dirigé le numéro de la revue Religiologiques, « Penser le martyre par le bais des femmes » (2022).
Notes
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[1]
J’utilise le mot juif plutôt que judéen pour distinguer l’identité religieuse, soit la manière de vivre ou de croire, de l’identité politique ou nationale, soit la citoyenneté ou l’appartenance géographique (Voir Munnich 2017).
-
[2]
Soi-disant un grec élitiste (Reiterer 2015, 132).
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[3]
Pour Cohen, l’hellénisation est un procédé autrement plus complexe que le fait de parler le grec (1987, 35-37), comme le suggèrent Will et Orrieux (1986, 9). 2 M est la preuve que l’usage de cette langue n’était pas synonyme d’adhésion totale aux idées et pratiques dites hellénistiques – lesquelles sont probablement attibuables à un mélange d’influences des cultures conquises par les armées d’Alexandre –, mais plutôt réponse à un besoin : un besoin semblable à celui concernant la LXX, qui aurait été écrite pour les juifs de la diaspora égyptienne perdant déjà la maîtrise de l’hébreu (Frend 1967, 37).
-
[4]
Toutes les traductions des sources secondaires sont celles de l’autrice.
-
[5]
Ignatieff considère que l’idée de l’universalité humaine au XXe siècle repose sur la peur (cité par Robin 2006, 22), émotion qu’il conviendra de distinguer de la crainte dans 2 M.
-
[6]
Voir à cet effet, Derousseaux (1970) et Lefebvre (2015).
-
[7]
Φόϐος qui, avec son jumeau Δειμος représentant la terreur et l’effroi, accompagnait son père, le dieu Ἄρης, dans les batailles.
-
[8]
2 M comprend environ 555 versets et est généralement séparé en deux sections. La première section décrit les évènements avant que la révolte ne batte son plein (3, 1-40) et la deuxième est consacrée aux épisodes de la guerre (8, 1 à 10, 1) où de nombreux affrontements se soldent justement par la fuite. Pour Lichtenberger, les deux sections correspondent respectivement à la colère et à la miséricorde divine (2007, 106). Selon lui, la première section, qui s’achève en 7, 37, est un temps sans prière, alors que la deuxième section est truffée de passages où les hommes se recueillent. Par ailleurs, il est à noter que l’auteur avance également que les victoires militaires des troupes judéennes, la reprise du Temple ainsi que les manifestations divines sont des conséquences directes du recueillement des hommes du peuple élu.
-
[9]
Généralement rendu dans la LXX par φοβος θεομ (Lefebvre 2015, 73).
-
[10]
Chez Homère, le πάθος implique la cognition et chez Aristote, « les émotions sont ces choses à partir desquelles les gens changent leurs idées et se distinguent de leurs jugements » (Konstan 2006, 143 et 137).
-
[11]
Pour ce dernier, la crainte n’est pas une aversion instinctive, mais une réponse socialement construite où les relations de pouvoir ainsi que les jugements concernant le statut et l’attitude d’autrui jouent un rôle crucial, de même qu’un stimulus pour argumenter et débattre (Konstan 2006, 154 et 133).
-
[12]
Pourtant, selon Robin, la crainte – mot provenant du latin cremere, dérivé de tremere, généralement traduit par « frémir » ou « trembler », et qui désigne autant les frissons que les tressaillements (Lefebvre 2009, 70 et Joüon 1925, 175) – serait la plus forte émotion que l’esprit puisse ressentir (2006, 15).
-
[13]
Traduction Oecuménique de la Bible 2004, 1253.
-
[14]
Possiblement le même Jonathan que dans Ne 12, 11 et le Néhémie qui fut envoyé par le roi des Perses pour reconstruire le Temple selon 2 M et l’entité nationale selon Ben Sira.
-
[15]
Toutes les traductions de 2 M sont d’Abel (1949), sauf mention.
-
[16]
En note, Abel spécifie « le cavalier qu’il avait était (!) terrible (1949, 324).
-
[17]
Débordant de frayeur et de confusion selon Echenoz et Debergé 2001, 2027.
-
[18]
Plus spécifiquement, on lit : « terrifiés » par cette manifestation.
-
[19]
Selon l’édit d’Antiochos III cité par Flavius Josèphe, tout le monde était admis dans la cour extérieure du sanctuaire, mais seuls les Juifs en état de pureté lévitique pouvaient entrer dans la cour intérieure (Cromhout 2007, 1092).
-
[20]
Voir Jr 30, 6; Jl 2, 6; Na 2, 11 (Joüon 1925, 178).
-
[21]
L’abandon du culte (4, 14), les deux vols sacrilèges (4, 39; 5, 15-21) ainsi que ladite « abomination de la désolation » (6, 1-5) qui suivent peu de temps après montrent que tous avaient néanmoins raison d’être troublés par cette visite.
-
[22]
Selon la nosographie contemporaine, « l’anxiété se différencie de l’angoisse par l’absence de modifications physiologiques. L’une est une émotion vague et déplaisante qui traduit de l’appréhension, de la détresse, une crainte diffuse et sans objet, l’autre se caractérise par l’intensité du malaise ressenti qui résulte d’une extrême inquiétude, d’un danger vague mais imminent devant lequel on serait désarmé et impuissant » (Dubuc 2002).
-
[23]
Certains allaient jusqu’à penser que si le service quotidien était interrompu, les fondations mêmes du cosmos étaient menacées (voir Parrot 1954, 38).
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