À l’instar du congrès de la Société canadienne de théologie qui en fut le point de départ (2011), ce numéro de Théologiques a pour arrière-fond la tenue de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) sur les pensionnats autochtones (2009-2015). Les travaux de cette commission étaient déjà en cours en 2011 et on commençait à y entendre les témoignages de survivants. Il était impossible de faire abstraction du fait que l’héritage des « pensionnats indiens » et celui des Églises se rencontraient. En 2015, la CVR écrit : « Pour que les entités religieuses évitent de répéter leurs erreurs passées, elles doivent tirer une leçon essentielle de l’expérience des pensionnats, c’est-à-dire comprendre comment et pourquoi elles ont perverti les dogmes du christianisme pour justifier leurs actions. » (Commission de vérité et réconciliation du Canada 2015a, 236). Ce n’est qu’une des interpellations de la CVR à la théologie chrétienne concernant les pensionnats. « Il faut étudier le contexte qui entoure cette relation entre l’essor des empires mondiaux d’origine européenne et les Églises chrétiennes. » (Commission de vérité et réconciliation du Canada 2015a, 47). Rappelons les faits — l’article de Jean-François Roussel les présente de manière un peu plus détaillée. Le système canadien des pensionnats pour enfants autochtones a été mis en place dans les années 1880, nationalisant et élargissant un réseau préexistant de pensionnats fondés par des Églises. Il constituait un partenariat entre le gouvernement canadien et les Églises suivantes : des congrégations et certains diocèses catholiques, l’Église anglicane du Canada, l’Église méthodiste, l’Église presbytérienne, l’Église Unie du Canada et, dans une bien moindre mesure, l’Église baptiste ainsi que l’Église mennonite. Ce système a existé jusqu’en 1969, soit 90 ans, quoique certains pensionnats aient continué d’exister jusqu’à la fin des années 1990. Ce n’est pas à la légère que le rapport final qualifie de génocide culturel l’oeuvre des pensionnats. En effet, l’objectif maintes fois expliqué du gouvernement dans ce système était l’assimilation des peuples autochtones, tandis que celui des Églises était leur christianisation. Deux objectifs entrecroisés au coeur d’une stratégie agressive, dans tous les sens du terme, pour en finir avec « le problème indien ». La fréquentation des pensionnats, là où ils existaient, était obligatoire à partir de 1920 et les parents qui essayaient de s’y objecter faisaient face à la prison ou à des amendes. La CVR avait pour mandat de faire la lumière sur cette histoire et sur son héritage. Les pensionnats ont hébergé 150 000 pensionnaires, dont plusieurs dizaines de milliers sont toujours vivants. Le bilan de ces établissements est globalement négatif et représente un chapelet de séquelles, dont la description contenue dans le rapport est profondément choquante (Commission de vérité et réconciliation du Canada 2015c) : abus physiques, sexuels et psychologiques ; 3201 décès répertoriés (mais très probablement davantage dans les faits puisque la grande majorité des dossiers d’élèves ont été détruits), dont la moitié sont inexpliqués ; déracinement familial, communautaire, territorial, culturel et linguistique ; diabolisation des rites et des croyances autochtones. Le bilan proprement éducatif va d’acceptable à quasi nul, selon les établissements. Cet héritage se transmet aux générations venues après la fin des pensionnats et il pose avec acuité la question de savoir comment s’en débarrasser. De l’avis même des commissaires, il faudra plusieurs générations pour y arriver. L’héritage des pensionnats concerne la théologie, pour plusieurs raisons. D’une part, les pensionnats ne sont pas indépendants d’une vision du monde et d’une certaine théologie de la mission, qu’on aimerait croire disparue, mais l’est-elle vraiment ? La théologie s’est-elle départie d’une conception hégémonique de Dieu, du salut et de l’annonce ? Existe-t-il aujourd’hui …
Appendices
Bibliographie
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