Volume 20, Number 1-2, 2012 Les philosophes de l’École de Kyōto et la théologie Guest-edited by Jacynthe Tremblay
Table of contents (21 articles)
Liminaire
Thème
-
The Philosophy of Religion in Nishida Kitarō : 1901-1914
Agustín Jacinto Zavala
pp. 39–60
AbstractEN:
The Study of Religion (Shūkyō-gaku) is an early text from a one-year course, 1913-1914, which Nishida Kitarō imparted only once in his academic career. In this text, apart from references to mystics and to early and medieval Christian thinkers, Nishida tries to point out the basic elements of Eastern and Western religions through the writings of xviii-xxth century authors, among them participants in the Gifford Lectures, the Bampton Lectures and Hibbert Lectures. On the other hand, Nishida tries to find the corresponding characteristics of religion in Zen and True Pure Land Buddhism. In short, Nishida’s approach to a philosophy of religion gives us an overview of the problems concerning a Buddhist-Christian dialogue.
FR:
The Study of Religion (Shūkyō-gaku) provient d’un cours d’un an (1913-1914) que Nishida Kitarō ne donna qu’une seule fois dans sa carrière universitaire. Dans ce texte, à part des références aux mystiques et aux penseurs chrétiens primitifs du Moyen-Âge, Nishida tente de mettre en valeur les éléments fondamentaux des religions orientales et occidentales à travers les écrits d’auteurs des XVIIIe, XIXe et XXe siècles, notamment ceux qui participaient aux conférences Gifford, Bampton et Hibbert. D’autre part, Nishida tente de repérer les caractéristiques correspondantes de la religion dans le zen et le bouddhisme de la Vraie Terre pure. En résumé, l’approche de Nishida, en ce qui concerne une philosophie de la religion nous donne un aperçu des problèmes rencontrés dans le dialogue christiano-bouddhiste.
-
Des images (et) de Dieu : entre Maître Eckhart et Nishida Kitarō
Marcello Ghilardi
pp. 61–81
AbstractFR:
Cet article porte sur l’affinité de pensée entre le maître dominicain Johannes Eckhart (1260-1327) et le philosophe japonais Nishida Kitarō (1870-1945) à propos de la dimension de l’image par rapport au questionnement de ce qui se trouve au-delà de la parole, mais qui demeure comme l’objet central de la recherche théologique et philosophique pour les deux penseurs. L’attitude qui soutient une rencontre entre les pensées de Eckhart et Nishida peut réduire les prétentions absolutistes et identitaires qui empêchent un renouvellement de la philosophie et de la théologie. La vérité qui apparaît dans la rencontre de deux penseurs est une vérité qui reste une, mais pluraliste, puisqu’elle sait respecter la différence des identifications religieuses et philosophiques — il ne s’agit pas de les nier en mêlant tout dans un même système indifférencié — et à la fois elle sait garder un fond qui résiste au-delà ou en deçà des différences.
EN:
This essay focuses on some affinities between the thoughts of the Dominican theologian Johannes Eckhart (1260-1327) and the Japanese philosopher Nishida Kitarō (1870-1945). In particular, the theme of « image » is considered as a central issue to create some links and interrelations : for both thinkers we can’t avoid the dialectics between what lies beyond thought and the inner limits means of the practice of thinking, when confronted to its highest goal — the Absolute, or God. The attitude we can witness in studying and crossing the two experiences of thought can enhance the efforts for an intercultural renewal of philosophy and theology. The truth that appears remains one, but pluralist : it can respect the difference of the religious and philosophical identifications, without claiming to bring every single specificity in one undifferentiated system, and at the same time it can take care for what lies beyond every difference.
-
Englobement et autonégation : la portée réelle des références de Nishida à la théologie chrétienne
Jacynthe Tremblay
pp. 83–102
AbstractFR:
L’intérêt de Nishida Kitarō (1870-1945) pour la théologie chrétienne répond à un but essentiellement philosophique. À travers son utilisation de thèmes théologiques, il s’efforça d’approfondir ses propres concepts philosophiques et de montrer qu’une juste compréhension du fait religieux repose sur une compréhension adéquate de sa « logique du lieu » (場所的論理, basho-teki ronri). Il parvint ainsi à établir une chose très importante pour la compréhension de l’être humain : le soi est un lieu. Non limité au statut de sujet connaissant classifiant des objets de connaissance et détaché de l’aspect intuitif de la connaissance, le soi devient le lieu même de la rencontre avec Dieu. Il peut alors se posséder dans ce qui le dépasse absolument au fondement de lui-même et s’affirmer, comme le fait Dieu lui-même, au sein de l’autonégation, devenant alors un individu véritable ou un soi véritable.
EN:
Nishida Kitarō ’s interest (1870-1945) for Christian theology is above all philosophical. Through his use of theological topics, he sought to deepen his own philosophical concepts and to show that a proper understanding of religion is based on a proper understanding of his « logic of place » (場所的論理, basho-teki ronri). He thus managed to establish something very important for the understanding of the human being : the self is a place. Not limited to the status of a knowing subject classifying objects and separated from the intuitive aspects of knowledge, the self becomes the place of the encounter with God. Then, it is able to possess itself in what transcends itself, and to assert itself, as God made himself, in the self-negation, thus becoming a true self or a true individual.
-
Logique du lieu et conception religieuse du monde : extraits
-
Revisiter le « Nihilisme » : Nishitani mis en dialogue avec des penseurs occidentaux
Louis Roy
pp. 147–167
AbstractFR:
Au cours de cet essai, nous présentons la pensée de Nishitani, à la fois praticien du zen et philosophe. Nous expliquons les thèmes sur lesquels il se concentra dans son dialogue avec Eckhart, Nietzsche et Heidegger : le grand doute (taigi), la grande mort (taishi), la religion (shūkyō) , la concentration (samādhi, sammai ), l’ego (jiga), le vrai soi (jiko), l’ipséité (jitai, identité profonde), la talité (tathatā, nyojitsu), le rien (mu), la nihilité (kyomu, littéralement : le « rien creux »), la vacuité (kū équivalent japonais du fameux śūnyatā littéralement « ouverture céleste »). Ce penseur alla très loin dans la compréhension d’aspects importants de la philosophie occidentale, qu’il mit en rapport critique avec des convictions qui lui venaient de sa tradition bouddhiste. Cet article s’efforce donc de bien interpréter son approche vigoureuse et originale. Finalement, nous indiquons brièvement des pistes de renouveau pour une réflexion théologique de plus en plus mondialisée, soucieuse non seulement d’explorer les perspectives japonaises, mais encore de réagir avec créativité.
EN:
This essay presents the thought of Nishitani, philosopher and Zen practitioner, introducing the main topics on which he concentrated in his dialogue with Eckhart, Nietzsche and Heidegger : the Great Doubt (taigi), the Great Death (taishi), religion (shūkyō), concentration (samādhi, sammai), the ego (jiga), the true self (jiko), selfness (jitai), suchness (tathatā, nyojitsu), nothingness (mu), nihility (kyomu, the « hollow nothing »), and emptiness (śūnyatā, kū ; literally : heavenly openness). Nishitani understood remarkably well some important aspects of Western philosophy, which he critically related to convictions coming from his Buddhist tradition. As a consequence, this article offers an interpretation of Nishitani’s vigorous and original approach. Finally, it briefly indicates avenues of renewal for a theological enterprise that is more and more multicultural.
-
Le Zarathoustra de Nietzsche et Maître Eckhart
Nishitani Keiji
pp. 169–198
AbstractFR:
Les pensées de Nietzsche et de Maître Eckhart constituent deux influences majeures qui traversent toute l’oeuvre de Nishitani. Dans ce beau texte, rédigé lors de son séjour d’études (1937-1939) à l’université de Fribourg auprès de Heidegger, Nishitani fait une lecture tout à fait originale et innovante de la mystique eckhartienne, en la mettant en contraste avec la figure de Zarathoustra chez Nietzsche. Au-delà de leurs conditions historiques et de la spécificité de leurs démarches respectives, il leur reconnaît une attitude fondamentale commune qui consiste à approfondir ce qu’il nomme le « mouvement dialectique de la vie » (lequel vise une affirmation de l’homme à travers la négation de celui-ci) en direction du fond infondé qui soutient toute existence. Par « caractère originaire de la vie », il entend la source de la vie dans son absence de fondement et de limite, dans son absence de raison. Ce faisant, et bien que relativement précoce (1938), cet essai annonce quelques-unes des intuitions les plus fulgurantes de Nishitani et offre une première esquisse de la plupart des thématiques qui lui tiendront particulièrement à coeur dans ses travaux à venir. Aussi y est-il déjà question de la vacuité, du savoir du non-avoir par opposition à la distinction sujet-objet, de la problématique de la représentation attachée à son exigence d’objectivité, de la compréhension de l’au-delà comme immanent à ce monde-ci, etc. Même la thématique du nihilisme, qui n’est pourtant pas nommément mentionnée, y fait écho dans l’exemple significatif du sentiment que tout est égal, que tout se vaut. En raison de la forme encore largement germinale que prennent ici ces réflexions, il est plus aisé d’en percevoir la portée et les imbrications. D’une certaine manière, on pourrait considérer cet essai comme un prélude aux importants développements que connaîtra la pensée nishitanienne jusqu’à l’ouvrage de maturité, Qu’est-ce que la religion ? (『宗教とはなにか』) de 1961.
EN:
The influence of Nietzsche’s and Eckhart’s thoughts permeates through all the work of Nishitani. In this beautiful piece of work, written during his research stay (from 1937 to 1939) at the University of Freiburg under the guidance of Heidegger, Nishitani gives a truly original and refreshing interpretation of Eckhart’s mystic, contrasting it with the figure of Zarathustra in Nietzsche. Beyond their respective historical backgrounds and own agendas, he finds in them the same fundamental attitude, that is the deepening of what he terms the « dialectical movement of Life » (which consists in the affirmation of human through his negation) in the direction of the groundless ground sustaining all existence. By « elemental nature of Life », he means the original spring of life, which is groundless and limitless, which is without reason. Even though this is an early essay (1938), it points to some of Nishitani’s deepest insights, and outlines most of the topics to which he will later go back again and again : emptiness, knowledge of non-knowledge (as opposed to the dichotomy of subject-object), objectivity linked to the intellectual representation, far side understood as near side, and so on. Even the topic of nihilism, though not namely mentioned, is present behind the illustration of the feeling that it all comes to the same. Owing to the fact that these reflections still have the simplicity and clarity of the first formulation, it is much easier to understand their implications and connections. In a way, this essay might be seen as a prelude to the tremendous developments that nishitanian thought will undergo until the masterwork of 1961, Religion and Nothingness (『宗教とはなにか』)
-
Le problème du mal et du péché selon Nishitani
Bernard Stevens
pp. 199–213
AbstractFR:
Il s’agit d’un exposé de la manière dont Nishitani présente la question du mal et du péché dans Qu’est-ce que la religion ?, tâchant de montrer que cette question joue un rôle essentiel dans l’approfondissement de la prise de conscience en direction du néant et de la vacuité. Afin de mieux mettre en perspective la pensée de Nishitani, celle-ci est brièvement comparée à celle de Paul Ricoeur à propos de la même problématique. La mise en relief de leurs positions métaphysiques divergentes permet de constater que le « penser plus et autrement », qu’induit l’aporie du mal, les conduit à des positions finalement très proches.
EN:
This paper offers an account of the way Nishitani presents the problem of evil and sin in Religion and Nothingness, trying to prove that this question has an essential role in the deepening of self-awareness towards nothingness and emptiness. In order to see Nishitani’s thought in a wider horizon, it is briefly compared to Ricoeur’s analysis of the same problem. One can then conclude that, despite the differing metaphysical standpoints of the two philosphers, they tend to agree on the question of evil because of its aporetic nature, forcing to « think more an differently ».
-
Qu’est-ce que la religion ?
Nishitani Keiji
pp. 215–270
-
La trame augustinienne dans Qu’est-ce que la religion ? de Keiji Nishitani
Vincent Giraud
pp. 271–296
AbstractFR:
Nishitani Keiji (1900-1990) a mis en oeuvre une reprise féconde des questions propres à la tradition métaphysique occidentale en prenant appui sur la conception bouddhiste de la vacuité (japonais : kū ; sanscrit : śūnyatā) . Marchant sur les traces d’Augustin et de sa pensée de la conversion, il a lié aussi étroitement que possible pensée philosophique et quête religieuse. Le nouvel édifice conceptuel élaboré par Nishitani autour de la notion de śūnyatā ne prend en effet tout son sens que pour qui se rend capable d’une conversion au sens religieux du terme, décentrement radical de sa propre existence en direction de la vacuité, et permettant seul un accès véritable à l’être. La saisie par Nishitani de l’essence de la religion le conduit ainsi dans les parages de l’augustinisme, éclairant d’un jour nouveau le possible usage contemporain des catégories bouddhistes.
EN:
Nishitani Keiji (1900-1990) proposed a profound rethinking of metaphysical themes beginning from the Buddhist conception of emptiness or nothingness (Japanese : kū ; Sanskrit : śūnyatā). Like Augustine (354-430), the supreme thinker of conversion in the West, he brought philosophical thought and religious quest into the closest possible conjunction. Indeed, the new conceptual apparatus built up by Nishitani around śūnyatā makes sense only for one able to undergo a religious conversion or turning-about, a radical decentering of one’s existence in the direction of emptiness, which yields an authentic access to being. His philosophical grasp of the essence of religion brings him into mutually illuminating proximity to Augustine, thus shedding a new light on the possible use of Buddhist categories themselves for contemporary thought.
-
Mystique du néant et śūnyatā selon la perspective de l’École de Kyōto
Giancarlo Vianello
pp. 297–312
AbstractFR:
Au début des années 1960, Ueda Shizuteru alla étudier à Marburg, sous la direction d’Ernst Benz. Le travail de cette époque se concentra sur la spéculation de Maître Eckhart et sur la comparaison avec le bouddhisme. En particulier, l’étude de Ueda fit émerger deux différentes approches de la question du néant. La mystique du néant et la śūnyatā bouddhiste furent analysées dans leurs aspects constitutifs. Cet approfondissement se révèle précieux, non seulement comme étude interculturelle, mais surtout comme contribution à l’interprétation du contexte nihiliste que l’Europe et le Japon se retrouvent à partager et auquel ces derniers ont affaire. Les observations de Ueda et, en général, des auteurs de l’École de Kyōto, offrent une perspective totalement autre dans la façon de traiter les noeuds ontologiques et théologiques de la pensée occidentale.
EN:
In the early ‘60 Ueda Shizuteru went to study in Marburg, under the tutorship of Ernst Benz. In those years his work focused on Meister Eckhart’s speculation and the comparison with Buddhism. Namely Ueda’s study reveals two different approaches to the question of nothingness. Mystics of nothingness and Buddhist śūnyatā are analyzed in their constitutive aspects. This in-depth examination will prove valuable, not only as intercultural study, but also as a contribution to the interpretation of the nihilistic context that Europe and Japan are sharing and must face. Ueda’s observations, as well as those of other authors of the Kyōto School, offer a totally different perspective in approaching the ontological and theological cruces of the western thought.
-
Action et contemplation : sur une lecture eckhartienne de Shizuteru Ueda
Raquel Bouso
pp. 313–339
AbstractFR:
En 1923, Rudolf Otto a rassemblé un certain nombre d’annexes à Das Heilige (1917) et, dans l’une de celles-ci, il rapprocha le bouddhisme zen et le mystique médiéval Maître Eckhart. Le point commun était que, tout comme la vie vit sans pourquoi, vit parce qu’elle vit, l’homme juste travaille pour travailler, et ainsi seulement il est véritablement libre. Quand, en 1965, Shizuteru Ueda publia sa thèse de doctorat sur Eckhart, il inclut une comparaison avec le zen reprenant ce thème. À la lumière de la dichotomie action-contemplation dans la tradition occidentale, nous examinons les similitudes et les différences que souligne Ueda entre Eckhart et le zen à cet égard et leur signification pour la pensée contemporaine. Dans les deux cas, la projection au-delà de Dieu se traduit par une nouvelle manière d’être et d’agir dans le monde : celui qui a expérimenté cette vacuité ne demande plus pourquoi, ne cherche plus et, pour cette raison, a trouvé.
EN:
In 1923 Rudolf Otto gathered a number of appendices in Das Heilige (1917) in one of which he connected Zen Buddhism and the medieval mystic Meister Eckhart. The common denominator was life, as it lives without reason, lives because it lives, likewise the righteous man works for the sake of working and only then is genuinely free. When, in 1965 Shizuteru Ueda published his doctoral dissertation on Eckhart, he included a comparison with Zen returning to that topic. In light of the dichotomy action-contemplation in the Western tradition, we examine the similarities and differences between Eckhart and Zen pointed out by Ueda in this regard and its meaning for contemporary thought. In both cases the projection beyond God results in a new way of being and acting in the world : who has experienced this emptiness does not ask why, does not seek anymore, and therefore has found.
-
Mahāyāna Emptiness or « Absolute Nothingness » ? The Ambiguity of Abe Masao’s Role in Buddhist-Christian Understanding / The Ambiguity of Abe Masao’s Role in Buddhist-Christian Understanding
John P. Keenan
pp. 341–363
AbstractEN:
Abe Masao’s contribution to late twentieth-century Buddhist-Christian dialogue was important in opening new avenues of interfaith understanding. However, some clarity in this dialogue was sacrificed when Christian participants were given to believe that they encountered « the Buddhist view » in Abe’s presentations. The present article contends that in significant ways Abe represented only the Kyōto School philosophy that drew on earlier Japanese philosophers of Absolute Nothingness and their appropriation of Zen enlightenment as the locus for all religious understanding, a place where all negation and affirmation are simultaneously affirmed and denied. The present article contends that Abe’s Kyōto School philosophy does not represent the broad classical traditions of Mahāyāna Buddhism, wherein emptiness does not mean absolute nothingness, but the dependent arising of all places and all philosophies.
FR:
La contribution d’Abe Masao au dialogue christiano-bouddhiste a permis d’ouvrir de nouvelles voies de compréhension mutuelle. Toutefois, de la clarté a été sacrifiée dans ce dialogue lorsque des participants chrétiens furent amenés à croire qu’ils avaient trouvé « la vérité bouddhique » dans les présentations d’Abe. Cet article soutient qu’en grande partie Abe ne représentait que l’École de Kyōto qui s’appuyait sur des philosophes japonais du Néant Absolu et leur appropriation de l’illumination zen comme lieu de toute compréhension religieuse ; un lieu où toute négation et toute affirmation sont simultanément affirmées et niées. Cet article soutient que la philosophie de l’École de Kyōto de Abe ne représente pas l’ensemble des traditions bouddhiques classiques du Mahāyāna dans lesquelles le vide ne signifie pas le néant absolu mais l’apparition de tout lieu et de toute philosophie.
-
Glossaire
Hors-thème
-
Aiamie , agir au mieux ? Éthique, rituels catholiques et corps social chez les Anicinabek depuis les années 1950
Marie-Pierre Bousquet
pp. 385–417
AbstractFR:
Cet article analyse la performance de rituels catholiques communautaires, comprenant des processions et des bénédictions, chez les Anicinabek (Algonquins). Il avance que leur étude donne à voir, dans le temps, l’éthique anicinabe. En effet, la période retenue, entre les années 1950 et 2000, correspond à des changements sociaux qui ont bouleversé l’ordre sociocosmique anicinabe. En portant attention à leur déroulement, à ce qu’ils mettent en scène du corps social, des relations avec le clergé et avec le surnaturel, nous postulons que ces rituels révèlent tant les transformations de l’imaginaire social et cosmologique anicinabe qu’un système de pensée pragmatique permettant de prendre les décisions pour se comporter, être et agir au mieux. Enfin, dans le contexte actuel où le catholicisme est en nette régression, nous examinons les nouveaux rites collectifs pour constater que ceux qui promeuvent les « bonnes manières de faire » tiennent essentiellement du domaine politique, terrain où se négocie maintenant la moralité commune.
EN:
This article analyzes the performance of Catholic communal rituals, including processions and blessings, within the Anicinabek (Algonquin), which I argue, makes visible, over time, an Anicinabe ethics. The period studied, 1950 to 2000, corresponds to a time of social change that transformed the Anicinabe socio-cosmic order. In paying attention to the conduct of communal rituals, to what they depict of the social body, of relationships with clergy and with the supernatural, we see both changes in the Anicinabe social and cosmological imaginary, and a pragmatic system of thought that enables decision making about how to behave, to be and to act best. In the current context where Catholicism is in sharp decline, this paper examines the new collective rites and shows that those that promote « good ways of doing things » are mainly framed in the political arena, the space in which the common morality is now negotiated.
-
Relation et responsabilité : vers un processus de réconciliation
Denise Nadeau
pp. 419–452
AbstractFR:
Qu’est-ce qui constitue une réponse éthique au dévoilement de la vérité qui s’est passé dans le contexte des auditions de la Commission de vérité et réconciliation au Québec et au Canada ? En utilisant l’autoethnographie et la structure de la théologie contextuelle, l’auteur se faufile à travers l’exemple de l’histoire de sa famille à Gespe’gewa’gi (Gaspé). L’article montre comment l’identité coloniale des colons et leur blancheur sont liées à la théologie chrétienne Euro-centrique et informent celle-ci. Après avoir considéré l’expérience autochtone de la terre et des enseignements ancestraux sur la relation, la responsabilité et les protocoles, l’article se base sur des exemples herméneutiques écologiques et la théologie féministe postcoloniale pour récupérer au coeur des Écritures chrétiennes de la responsabilité et de la réciprocité, à la fois dans l’Alliance et les traditions radicales de don. L’article invite les lecteurs à entamer un processus de décolonisation d’eux-mêmes et de leurs traditions pour aller de l’avant sur le chemin de la réconciliation, sur un pied d’égalité avec les peuples autochtones, leurs partenaires.
EN:
What is an ethical response to the truth telling that has occurred in the context of the Truth and Reconciliation Commission hearings in Quebec and Canada ? Using autoethnography and a contextual theology framework, the author weaves throughout the example of her own family history in Gespe’gewa’gi (Gaspé). The article addresses how settler colonial identity and whiteness are linked to and inform Euro-centric Christian theology. After considering Indigenous experience of land and teachings on ancestry, relationship, responsibility and protocols, it draws on examples from ecological hermeneutics and post-colonial feminist theology to recover responsibility and reciprocity in both covenant and radical gift-giving traditions within Christian scriptures. The article invites readers to engage in decolonization of themselves and of colonial Christianity in order to move forward onto the path of reconciliation as equal partners with Indigenous peoples.
-
Sedna crucifiée : les Inuits et la part animique du christianisme
Frédéric Laugrand
pp. 453–477
AbstractFR:
L’iconographie consacrée à la femme de la mer est très riche et très diversifiée, mais la Sedna crucifiée de Bill Nasogaluak, réalisée en 2006, demeure une oeuvre singulière. Dans cet article, je montre comment cette représentation novatrice ne marque pas tant le début d’une nouvelle période de l’art inuit, qui continue à s’épanouir, mais peut-être une nouvelle étape dans la culture visuelle reliée à l’incorporation du christianisme par les Inuits. Elle montre également à quel point ceux-ci ont non seulement reçu profondément le christianisme, mais comment ils en perçoivent, peut-être mieux que nous, la part non-naturaliste, donc animique que nous, modernes convaincus, ne voyons plus.
EN:
The Sea woman iconography is very rich and characterized by an important diversity. However, the Sedna on the cross, carved in 2006 by Bill Nasogaluak remains a unique piece of art. In this paper, I argue that this new image of the Sea woman does not characterize the beginning of a new period in Inuit art, but a new step in Inuit Christian visual culture. This art piece not only shows how Inuit have deeply adopted Christianity, it illustrates, eventually, how Inuit perceive better than us who are caught in our naturalist cosmology, how Christianity has also an animistic part which cannot be denied.
-
À Pierre Ouellet, un théologien reconnaissant
-
L’Évolution religieuse humaine : à propos d’un ouvrage récent
Fabrizio Vecoli
pp. 489–509
AbstractFR:
Cet article présente et discute l’ouvrage de Robert N. Bellah Religion in Human Evolution. Le but de cette contribution est de remettre dans le contexte de l’ensemble de son oeuvre l’essai du sociologue américain Bellah, et plus spécifiquement d’en relever les enjeux majeurs dans le cadre des sciences des religions. L’analyse se concentre sur les chapitres les plus denses du point de vue de la théorie générale, délaissant quelque peu ceux où l’auteur présente les différents systèmes religieux abordés. La discussion critique se concentre sur un certain nombre de problèmes soulevés par l’ouvrage : le rapport entre la religion et l’histoire, la question de l’évolutionnisme dans les sciences des religions, l’utilisation de la catégorie d’époque axiale.
EN:
This article intends to introduce and discuss the recent book of Robert N. Bellah, Religion in Human Evolution. The aim here is to put into the overall context of his works the renowned American sociologist’s last essay, and more specifically to point out the major issues coming up from this book. The analysis focuses on the densest chapters in the matter of the general theory of religion, therefore leaving somewhat aside those where the purportedly relevant religious systems are examined. The critical discussion focuses on a set of issues the book raises : the relationship between religion and history, the question of evolutionism in the religious sciences, the use of the axial age’s category.
-
Le pape Jean-Paul II et les relations entre les chrétiens et les juifs : son héritage, nos défis
John T. Pawlikowski
pp. 511–529
AbstractFR:
Jean-Paul II s’est exprimé et a publié plus dans un but constructif que n’importe quel pape avant lui. Il considérait le judaïsme comme partie intégrante de l’identité chrétienne. Pour lui, l’Église et le peuple juif sont profondément liés, mais il n’a hélas jamais développé cette thématique de façon compréhensive. Sa vision n’a donc jamais pénétré complètement la théologie chrétienne. Il a aussi fait preuve d’une grande considération pour les liens du peuple juif avec Israël et a finalement établi des relations formelles entre l’État juif et le Vatican. De même il a montré beaucoup de sensibilité envers la souffrance du peuple juif pendant la Shoah, ainsi que ses remarques introductives au document de 1998 sur la Shoah, We Remember le prouvent clairement.
EN:
John Paul II spoke and wrote more in a constructive vein than any other Pope in history. He saw Judaism as integral to Christian identity. For Him the church and the Jewish People are deeply bonded. Unfortunately he never developed this theme in a comprehensive way. Thus his views never penetrated overall contemporary Christian theology. He also showed great appreciation for the Jewish People’s link to Israel and finally established formal relations between the Jewish state and the Vatican. He likewise demonstrated a deep sensitivity for Jewish suffering during the Shoah as his introductory remarks for the 1998 Vatican document on the Shoah We Remember clearly reveal.