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La vieille ville de Constantine, ancienne cité spectaculairement assise sur un rocher qui surplombe les gorges du Rhumel, à quelque 200 mètres en contrebas, et à une altitude de 640 mètres au-dessus du niveau de la mer (illustration 1), regorge d’un patrimoine riche et atypique. Jusqu’à aujourd’hui, le profond ravin traverse la ville, créant un effet dramatique et de nombreux sites magnifiques. Plusieurs ponts et un viaduc surplombent le ravin (illustration 2). Fondée par les Carthaginois, la ville a d’abord été colonisée par des migrants phéniciens et rebaptisée au IVe siècle de l’Empire romain, période où elle a été reconstruite pour lui redonner sa splendeur d’origine. Elle a ensuite été conquise par les Arabes au VIIe siècle. L’enchevêtrement des différentes civilisations passées lui confère une dimension culturelle exceptionnelle : patrimoine bâti, patrimoine naturel, artisanat, musique, art culinaire, etc. reflètent parfaitement cette diversité.

Illustration 1

La vieille ville de Constantine vue du ciel

Photo : Revue Les bahuts du Rhumel, n° 54, mai 2010, p. 6.

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Illustration 2

Vue sur le ravin de Constantine

Photo : Bakiri, 2019.

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La visite de Constantine est conçue comme la lecture d’un livre immense. Une encyclopédie à ciel ouvert qui révèle les rues les plus étranges et les espaces les plus insolites (Gassouma, 2018). La vieille ville regorge de trésors architecturaux. Les monuments historiques précoloniaux, comme le palais du Bey et les majestueuses mosquées, sont des joyaux représentatifs du riche patrimoine constantinois. Les maisons traditionnelles, véritables témoins de valeurs sociales et historiques, dévoilent leur splendeur intérieure avec des patios ornés de colonnes et d’arcs, magnifiés par des faïences anciennes et des marbres délicats. Les ruelles pittoresques du réseau urbain précolonial, avec leurs façades énigmatiques et leurs éléments architecturaux distinctifs, nous transportent dans un passé lointain. Les monuments coloniaux, notamment les ponts emblématiques et les édifices qui entourent la célèbre place de la Brèche, témoignent de l’empreinte de l’époque coloniale. Cette place historique est le symbole d’une résistance farouche, où les troupes françaises ont finalement pénétré la ville. Enfin, l’ancien boulevard de l’Abîme, tracé sinueux qui traverse la cité, offre une promenade captivante, imprégnée d’une atmosphère mêlant histoire et admiration. Malgré les défis du temps, Constantine reste un trésor culturel à découvrir, où le passé se mêle harmonieusement à l’authenticité du présent.

Toutefois, malgré cette richesse patrimoniale, la vieille ville souffre d’une faible fréquentation touristique. Une première lecture du site montre qu’aucun parcours, chemin ou circuit n’a été aménagé pour accueillir et guider les touristes. Les panneaux de signalisation censés indiquer l’accès vers les quartiers traditionnels sont défaillants et insuffisants. Les propositions d’aménagement de parcours ou circuits touristiques abondent, mais n’ont pas été réalisées : à l’exemple du Plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé (PPSMVSS) de la vieille ville de Constantine, où sept parcours à thème ont été proposés sans pour autant aboutir. Il en est de même des parcours historiques proposés lors de l’événement « Constantine Capitale arabe 2015 ».

Cet article se voudrait une réflexion sur les parcours touristiques traditionnels présents dans notre site d’étude : spatialement et touristiquement ségrégués et souffrant d’une accessibilité contraignante. Les parcours empruntés actuellement par les touristes ne sont pas les meilleurs à visiter et marginalisent les quartiers historiques. Les chemins qui mènent vers ces quartiers sont difficilement remarquables et leurs accès ne sont généralement connus que des habitants et des visiteurs réguliers. L’indication touristique manque et le touriste, par peur de se perdre dans le labyrinthe sinueux du tissu traditionnel, emprunte les chemins coloniaux plutôt larges et invitatifs, plus fréquentés et offrant davantage de clarté et de sécurité.

Deux contraintes topologiques semblent être à l’origine du problème : la configuration urbaine traditionnelle d’un côté (propre aux vieilles cités magrébines) et les transformations coloniales françaises de l’autre. Les artères coloniales découpent la ville en parties distinctes, formant des barrières urbaines et topologiques. Elles dissimulent le tissu historique et accaparent le flux pédestre, rendant l’utilisation des ruelles traditionnelles malaisante pour les personnes étrangères, se traduisant ainsi en une faible fréquentation touristique des artères traditionnelles.

Nous avons utilisé les techniques de la space syntax, objet de cet article, pour déceler les contraintes spatiales et topologiques que rencontrent les touristes. Cette approche méthodologique aide à retracer les chemins empruntés par les visiteurs afin de les rediriger vers les parcours traditionnels souhaités. Ces parcours, dissimulés, abritent les lieux et monuments historiques les plus emblématiques qui font la richesse patrimoniale de la ville.

Sur le plan épistémologique, nous nous sommes référées aux travaux de quelques auteurs ayant déjà considéré les paramètres clés de notre sujet d’étude : Bill Hillier est le pionnier des méthodes de l’analyse des modèles spatiaux grâce à la space syntax. Il a souligné dans ses recherches l’impact des formes bâties sur le comportement des piétons. Il est également l’auteur de nombreux livres et documents sur la théorie, dont les plus cités sont The Social Logic of Space (avec Julienne Hanson, 1984) et Space Is the Machine (1996). Dans sa recherche intitulée La configuration urbaine comme outil d’orientation des comportements, Soufiane Fezzai (2018) a exploité cette méthode combinée à celle de la psychologie cognitive. Il explique les transformations urbaines dans la vieille ville de Constantine en prenant en compte les transformations spatio-temporelles. Ses résultats montrent les rapports entre les paramètres de la configuration urbaine et les différents comportements étudiés dans le modèle proposé. Ils soulignent également que la configuration urbaine de la ville joue un rôle déterminant dans l’orientation des comportements de ses usagers.

Nous nous sommes également référées à d’autres travaux qui ont utilisé la space syntax pour analyser le phénomène touristique. Nous citons particulièrement l’article « Tourist Navigation through Historical Sites » de Nabil Ibrahim Mohareb, Amr Galal El-Adawi et Hani Ayad (2008), dans lequel les auteurs tentent d’analyser l’impact de l’emplacement des points de départ et d’arrivée des parcours anciens du Caire fatimide sur la navigation touristique. Leur recherche s’est appuyée sur l’identification des différents modèles de mouvement des touristes et des points d’attraction touristique en utilisant l’enquête sur le terrain et la space syntax. Les auteurs concluent que les bâtiments historiques importants longent les principaux parcours (ou corridors) patrimoniaux, ce qui donne une multitude de scénarios quant à l’emplacement des points de départ et d’arrivée des parcours.

Méthodologie

L’analyse touristique des parcours historiques à Constantine a nécessité en premier lieu une recherche historique (livresque, archivistique et cartographique) pour acquérir une maîtrise du sujet d’étude et assurer le bon déroulement de l’étape suivante qui est l’enquête sur terrain par observation. Les résultats de cette première étude sont ensuite quantitativement vérifiés à l’aide de la méthode de la space syntax.

Notre étude qualitative s’est concentrée sur trois principaux points :

  • Étude historique  – Évolution spatiale de la vieille ville : comprendre le système de navigation pédestre des étrangers dans l’espace urbain traditionnel à son origine (propre aux vieilles cités maghrébines) et après modifications (suppression des portes de la ville et remplacement des principales artères traditionnelles par des axes coloniaux plus imposants).

  • Identification des principaux parcours et monuments historiques  – Sur les deux cartes (précoloniale et actuelle), repérer les monuments à fort potentiel touristique et les situer sur les parcours historiques.

  • Enquête sur terrain par le biais de l’observation  – Comprendre les déplacements des touristes et identifier les parcours qu’ils empruntent à l’intérieur du site.

Le suivi des touristes dans leurs itinéraires de découverte apparaît comme incontournable à l’analyse des parcours touristiques. Le phénomène touristique est propice à l’observation, puisqu’il s’agit de se situer à un moment donné, en un lieu précis, et de contempler les faits et les activités des touristes (Cousin et Réau, 2009). C’est plus précisément un examen empirique in situ d’un phénomène ou d’un processus afin d’en acquérir une bonne connaissance. Cela diffère de l’enquête ou de l’entretien en ce que l’observateur est supposé être passif et totalement extérieur à son objet (Staszak, 2003). L’observation n’exige aucun autre instrument que le chercheur lui-même, ni aucune mise en œuvre de techniques sophistiquées de traitement de données (Arborio, 2007). Pendant l’enquête, la « bonne » distance à garder avec les sujets est trouvée lors du processus de suivi et d’enregistrement (Van Nes et Yamu, 2021).

Dans la présente recherche, nous nous sommes focalisées sur les chemins empruntés par les touristes dans les parcours de la ville, plus que sur leurs déclarations. Nous avons opté pour une observation neutre, où nous avons pu analyser le phénomène dans toute son authenticité, sans le modifier, et ainsi éviter d’influencer l’orientation spatiale des touristes. Dans une observation neutre, le chercheur ne fait qu’assister en spectateur, parfois en étant même invisible. Cette forme d’observation peut être utile pour analyser le comportement des touristes dans leur choix de visites face à de multiples propositions (proposition d’un conseiller, discussion entre membres d’un groupe de touristes, etc.) (Piriou, 2012).

Akkelies Van Nes et Claudia Yamu (2021) expliquent que dans l’analyse space syntax, trois méthodes d’observation différentes concernant le comportement humain dans l’espace public sont possibles :

  • La méthode du décompte des portes «  gate counts  » – C’est une technique d’observation qui compte le flux de mouvement des piétons, des vélos et des véhicules qui traversent une barrière imaginaire dans une zone urbaine. Les données quantitatives obtenues peuvent être utilisées pour la comparaison avec diverses valeurs d’intégration spatiale.

  • Activités stationnaires : «  static snapshots  » – Cette méthode enregistre le modèle d’utilisation d’un espace public pendant un temps spécifique et en répétant l’enregistrement tout au long d’une journée ; un modèle de comportement peut être identifié au cours d’une journée.

  • Traces d’itinéraires piétons «  snail trailing  » – Avec cette technique de suivi des piétons, des données quantitatives sont collectées en observant le mouvement des piétons qui se dispersent à partir d’emplacements stratégiques définis. Cela permet d’étudier le modèle de mouvement à partir d’un emplacement spécifique, la relation d’un itinéraire particulier avec d’autres itinéraires dans la région et la distance moyenne que les gens parcourent à pied depuis cet emplacement spécifique. La superposition de toutes les observations (traces) fournit une image du mouvement des piétons dans une zone étudiée. Cette technique peut se faire manuellement ou en utilisant le suivi du système de positionnement global (GPS).

Les techniques d’observation citées par Van Nes et Yamu (ibid.) ne sont pas toutes en corrélation avec notre objet d’étude. La première méthode (gate counts) qui enregistre le flux de mouvement des piétons, des vélos et des véhicules dans une zone urbaine ne peut être distinctive, en particulier pour repérer quelques touristes dans la foule. Le faible taux de fréquentation touristique dans la ville est un autre paramètre qui rend difficile le choix du moment de comptage. La méthode static snapshots quant à elle enregistre les activités statiques des personnes et ne prend pas en considération les déplacements à l’intérieur des parcours.

Par ailleurs, la méthode snail trailing ou suivi des piétons, pedestrian following, semble être la plus adaptée à l’observation des déplacement touristiques le long des parcours historiques. Celle-ci permet la collecte de données qualitatives en observant le mouvement des touristes qui se dispersent à partir d’emplacements stratégiques. Les résultats offrent une image claire du mouvement des touristes dans la zone examinée.

La mise en œuvre de cette technique dans notre zone d’étude a nécessité une préparation adéquate. Nous appuyant sur Van Nes et Yamu (2021) pour mener à bien cette technique, nous avons réalisé les étapes suivantes :

  • l’obtention d’une carte générale du site à étudier, sur laquelle nous avons désigné la limite de la zone d’enquête et les emplacements spécifiques pour commencer le suivi des touristes ;

  • l’enregistrement des itinéraires de déplacements en indiquant chaque trajet sur la carte ;

  • l’enregistrement des traces des touristes jusqu’à ce qu’ils quittent la zone d’observation (ou s’arrêtent éventuellement pour toute activité qui dure plus de deux minutes) ;

  • le suivi des touristes et l’enregistrement de leurs déplacements se sont faits discrètement, en évitant d’influencer leur itinéraire.

Une fois toutes les traces collectées, il est utile de les enregistrer numériquement sur AutoCAD pour un traitement ultérieur et une analyse spatiale.

Avant de commencer l’enquête sur le terrain, nous avons établi les profils de tous les touristes enquêtés. Nous avons pris le temps d’expliquer aux participants le protocole d’observation que nous allions utiliser pendant l’enquête et avons obtenu leur consentement éclairé. En outre, nous les avons interrogés afin de recueillir certaines informations nécessaires à l’établissement de leur profil respectif. Ces mesures ont été mises en place dans le but de garantir l’éthique de notre enquête et d’assurer une collaboration efficace avec les touristes et les professionnels du tourisme impliqués. Par ailleurs, la collecte de ces informations préliminaires nous a permis de mieux comprendre les caractéristiques de nos échantillons de touristes, renforçant ainsi notre capacité à interpréter les résultats de notre enquête de manière plus approfondie et pertinente.

Les résultats de notre observation snail trailing ont été reportés sur la carte du site afin de repérer les parcours les plus empruntés par les touristes pour être ensuite quantitativement vérifiés à l’aide des outils de la space syntax.

Nous sommes parties de l’hypothèse formulée d’entrée de jeu, c’est-à-dire que la configuration urbaine actuelle de la vieille ville de Constantine est à l’origine du comportement des touristes et de notre problématique qui est la ségrégation touristique des parcours historiques traditionnels. Pour confirmer cette hypothèse, nous avons combiné la méthode space syntax à l’analyse qualitative précédente, afin de mieux cerner le comportement actuel des touristes et déceler parmi la configuration actuelle les chemins les plus fréquentés ainsi que les parcours traditionnels les plus anciens et les mieux desservis en monuments et lieux historiques. Rappelons que c’est la première méthode qui introduit l’analyse de la configuration spatiale en tant qu’acteur dans la vie humaine (Hillier et Hanson, 1987) et aide à comprendre la relation fondamentale qui existe entre la conception spatiale et son utilisation.

Précisons que la méthode space syntax a été initiée dans les années 1970 par le professeur Bill Hillier, la professeure Julienne Hanson et d’autres chercheurs de Bartlett, University College of London (Hillier et Hanson, 1984). Cette méthode considère que la configuration urbaine est à l’origine du comportement des piétons, contrairement aux méthodes traditionnelles d’analyse urbaine basées sur les approches typomorphologiques et historiques qui considèrent l’espace urbain comme résultat des activités humaines (Hillier et Hanson, 1987). Nous pouvons définir la space syntax comme étant une méthode analytique de l’architecture et des formes urbaines qui utilise des outils de la théorie des graphes pour comprendre comment la configuration spatiale affecte les interactions sociales et les mouvements physiques. Le principe fondamental est que cette méthode permet de convertir n’importe quel plan architectural conventionnel en un ensemble de données objectives faciles à comparer. Quentin Letesson (2009) écrit que cette « traduction » s’opère selon deux axes principaux : le premier concerne la transformation du plan en un graphe d’un type particulier dont les caractéristiques sont de nature qualitative ; ce graphe constitue une première source d’informations. Le deuxième axe concerne l’interprétation mathématique des caractéristiques qualitatives du graphe afin d’obtenir des données quantitatives (Hillier et Hanson, 1984).

Pour notre analyse, nous avons utilisé une « carte axiale », c’est-à-dire un type de graphe représentant le réseau routier uniquement à l’aide de lignes. Nous avons construit cette carte à partir d’un plan cadastral électronique précis et le plus à jour possible. Nous avons appliqué la topologie et la théorie mathématique des graphes à l’étude de cette carte. Pour commencer, nous avons choisi une ligne comme point de départ, puis nous l’avons divisée en (n) intersections pour former la première profondeur (profondeur 1). Chaque (n) intersection a ensuite été divisée en (m) intersections pour former la deuxième profondeur (profondeur 2), et ainsi de suite. En d’autres termes, chaque ligne de la carte est numérotée en fonction du nombre de changements de direction nécessaires pour atteindre la ligne de départ.

Dans notre cas, où l’étude couvre une aire urbaine plus étendue, il était difficile d’élaborer une analyse axiale sans le recours à des logiciels spécialisés. Nous avons ainsi opté pour le logiciel Depthmap© qui permet de calculer les différentes mesures syntaxiques spatiales. Les résultats numériques peuvent être visualisés sous forme de carte (map) ou de tableaux comportant un dégradé de couleurs indiquant les valeurs des mesures syntaxiques. Un certain nombre de mesures topologiques peuvent être extraites de ce graphe pour quantifier le schéma spatial des relations d’un système. Les mesures de la space syntax employées dans cette recherche sont : la connectivité, l’intégration et le choix :

  • La connectivité  – Mesure le nombre de connexions directes que peut avoir un espace avec les autres espaces de son environnement immédiat. Par exemple, une rue avec de nombreuses connexions possède une valeur de connectivité élevée, tandis qu’une rue avec peu connexions a une faible valeur de connectivité (Van Nes et Yamu, 2021).

  • L’intégration  – Permet de comprendre la capacité de chaque espace à être intégré ou ségrégué à l’intérieur de son système spatial. Cette mesure est utilisée pour analyser les déplacements des piétons en évaluant le degré d’accessibilité d’une rue par rapport aux autres rues du système urbain, tout en prenant en compte le nombre de changements de direction nécessaires pour se déplacer entre elles (étapes syntaxiques ou syntactic steps). Les lignes intégrées révèlent les axes majeurs de l’espace urbain. Elles constituent souvent la colonne vertébrale des cartes mentales car elles correspondent aux axes urbains les plus fréquentés par les itinérants (Fouillade, 2018). Le degré d’intégration spatiale est un bon prédicteur de la mobilité urbaine pédestre (Hillier et al., 1993).

  • Le choix  – Mesure la probabilité qu’une ligne axiale ou un segment de rue soit traversé sur toutes les routes les plus courtes de tous les espaces vers tous les autres espaces du système entier ou à une distance prédéterminée (rayon) de chaque segment (Hillier et al., 1987). C’est une mesure globale dynamique du « flux » à travers un espace. Un espace a une forte valeur de choix lorsqu’il est traversé par les chemins les plus courts, reliant tous les espaces vers tous les autres espaces d’un système (Klarqvist, 1993).

Toutes ces mesures nous ont permis de vérifier numériquement les résultats de l’étude qualitative :

  • La mesure de connectivité  – Démontrer que pour les deux phases analysées, les principaux axes sont les plus connectés de tout le système. Prouver que les parcours traditionnels présentent une faible connectivité accentuée par les percements coloniaux.

  • La mesure d’intégration  – Sur la carte précoloniale, prouver numériquement que le tissu traditionnel est de nature ségréguée. Confirmer, sur la carte actuelle, que les opérations urbaines coloniales ont accentué la ségrégation du tissu traditionnel. Les parcours touristiques traditionnels sont devenus alors spatialement et touristiquement plus ségrégués qu’avant la prise de la ville (avant 1837).

  • Le choix  – Démontrer quantitativement que, contrairement aux habitants et visiteurs réguliers, les personnes étrangères (touristes) reconnaissent difficilement l’emplacement des parcours traditionnels. Justifier avec la space syntax le comportement actuel des touristes étrangers et prouver que la configuration traditionnelle, affectée par les percements coloniaux, n’est pas très invitative.

Nous avons par la suite superposé les résultats de l’étude numérique obtenus par le logiciel Depthmap®[1] à ceux de l’étude qualitative.

Configuration urbaine et navigation touristique

La navigation pédestre en milieu urbain a fait l’objet de multiples recherches et a donné naissance à plusieurs théories. Le comportement dynamique piétonnier à l’intérieur des parcours urbains nécessite certaines informations. Si l’on se réfère à Bill Hillier, Alan Penn, Julienne Hanson, Tadeusz Grajewski et Jianming Xu (1993), les piétons peuvent être classés en deux catégories : les connaisseurs du site (qui ne font généralement pas recours à la signalisation) qui utilisent généralement leur carte cognitive pour reconnaître les accès et se déplacer à l’intérieur du site ; la deuxième catégorie concerne les étrangers et les touristes qui, en l’absence de signalisation, essaient d’interpréter ce qu’ils voient directement dans le site en utilisant les paramètres locaux relatifs à la configuration urbaine.

Les touristes n’empruntent pas les mêmes chemins que les habitants et utilisent l’espace différemment : chaque groupe – voyageurs, résidents, employés de bureau, touristes, spectateurs et visiteurs de galeries – utilise l’espace d’une manière différente et, pour ainsi dire, se déplace à travers des itinéraires séparés et se croisant comme des navires dans la nuit (Hillier, 1996).

Suivre un parcours touristique c’est établir un plan de déplacement dans lequel seront déterminés les points de départ et d’arrivée, les segments à parcourir et les angles qui composent le chemin à suivre. C’est une tâche complexe qui nécessite des ressources cognitives et des connaissances spatiales sur l’environnement. Le choix de la marche par le touriste comme moyen de déplacement implique de nombreux facteurs tels que la facilité du trajet, l’accessibilité de la destination, la qualité des ambiances, le confort, l’aménagement adapté et la sécurité du déplacement (Granié et Auberlet, 2008).

Les changements spatiaux et configurationnels rencontrés le long des parcours empruntés influencent considérablement les comportements dynamiques des touristes et le choix des parcours lors des visites. Bill Hillier et Shinichi Iida (2005) croient que la configuration urbaine peut avoir des effets importants sur le mouvement piéton. Par exemple, les parties centrales qui abritent les rues principales sont généralement les plus empruntées par rapport aux parties périphériques, et ce, sans prendre en considération les éléments attracteurs (commerces et équipements) qui ne feront qu’accentuer cette hypothèse. Hillier et ses collègues (1993) affirment à ce propos qu’il est facile de montrer, au moins théoriquement, que la configuration peut avoir des effets sur le mouvement qui sont indépendants des attracteurs. Ils citent l’exemple des trajets qui relient deux rues secondaires pour aller d’un point de départ à une destination et qui doivent passer par un ou plusieurs segments de la rue principale, ce qui donne un schéma de déplacement dans lequel la rue la plus centrale ou les segments de la « rue principale » sont susceptibles d’être les mieux utilisés, et les segments périphériques les moins fréquentés.

L’attraction des formes bâties est un autre paramètre qui influence la prise de décision du touriste de suivre un certain parcours ou, au contraire, de l’éviter. Il se définit comme le potentiel des formes bâties (bâtiments ou îlots urbains) à générer des déplacements, avec des degrés d’attraction relativement différents (Hillier et al., 1993). Le mouvement est considéré comme « allant vers » ou « partant de » formes construites comportant différents degrés d’attraction, ce que Hillier et ses collaborateurs (1993) désignent sous le nom de « théorie de l’attraction du mouvement des piétons ». Ce modèle perd son effet dans les tissus traditionnels dont le tracé est irrégulier.

Pour Roger Brière (1961), les déplacements ne se font pas dans n’importe quelle direction ni vers n’importe quel site. Ceux-ci doivent être considérés « comme la réponse à une attraction ». Brière précise que les attractions d’ordre physique priment sur celles qui sont d’ordre culturel, ces dernières étant trop nombreuses pour être classées.

Par ailleurs, les usagers connaisseurs du site et les touristes accompagnés par des guides ont tendance à choisir leurs itinéraires selon les critères de temps, de distance ou de sécurité (Hillier et al., 2007). La lecture visuelle utilisée par l’usager étranger ou le touriste lui sert généralement à identifier deux éléments : l’emplacement de sa destination (monuments, place historique, etc.) et les parcours qui peuvent le mener vers celle-ci. La configuration urbaine influe sur cette prise de décision. Elle peut être analysée grâce aux outils de la space syntax : axialité, connectivité, choix, visibilité, perméabilité, etc.

Présentation de la zone d’étude

Le secteur sauvegardé de la ville de Constantine se compose de trois zones principales : une zone centrale à prédominance traditionnelle (la vieille ville) ; une zone extramuros exclusivement coloniale (s’étendant de l’ancienne place de la Brèche à la place des Martyres) et enfin une zone circulaire naturelle (les gorges du Rhumel franchies par des ponts). Dans cet article, nous nous sommes focalisées sur le tourisme dans la zone centrale du secteur sauvegardé (la vieille ville) qui, contrairement aux deux autres zones, peine à définir ses parcours touristiques (illustration 3).

Illustration 3

Découpage en zones du secteur sauvegardé et délimitation de l’aire d’étude

Source : PPSMVSS 2012, modifié par les auteures, 2021.

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Dans notre étude, les « parcours touristiques » font référence aux anciens chemins précoloniaux qui mènent aux monuments historiques arabo-islamiques et qui les bordent. Les transformations effectuées à l’époque coloniale française ont considérablement modifié ces parcours : les points de départ, matérialisés jadis par des portes, ont été supprimés en même temps que le mur d’enceinte qui protégeait la ville du côté sud-ouest. Cette suppression a été suivie par l’amputation des débuts de parcours, créant ainsi un espace convexe : la place de la Brèche (illustration 4).

Illustration 4

Percement de la muraille en 1837

Image : Galibert Rouargue Raffet, 1861. « Assaut De Constantine », dans Galibert, 1844, L’Algérie, ancienne et moderne depuis les premiers établissements des Carthaginois jusqu’à la prise de la Smalah d’Abd-el-Kader, p. 477.

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La muraille détruite était percée par trois portes qui s’ouvraient vers les grands axes ottomans (illustration 5) :

  • la porte Bab El Djedid, qui donnait sur la rue supérieure menant au quartier Casbah ;

  • la porte Bab El Oued, qui donnait accès aux deux rues principales précoloniales : la rue supérieure débouchant sur la place Souk El Acer et la rue centrale menant à la porte Bab El Kantara en passant par le quartier Souk El Tejjar ;

  • la porte Bab El Djabia, qui donnait accès au quartier Souika et se prolongeait jusqu’à la porte et au pont d’El Kantara (illustration 5).

Illustration 5

Ancienne muraille sud-ouest de la ville avec ses trois portes

Source : Photos anciennes, modifiées par les auteures, 2021.

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Afin de délimiter notre zone d’étude, nous avons projeté le tracé de l’ancienne muraille (et anciens points de départ de nos parcours) sur la carte actuelle. Les limites fictives obtenues matérialisent la frontière sud de notre aire d’étude. Cette dernière s’étale sur tout le rocher et s’étend de la presqu’île constantinoise jusqu’à la place du 1er Novembre (ancienne place de la Brèche) (illustration 6).

Illustration 6

Limites de la zone d’étude

Source : PPSMVSS Constantine 2012, modifié par les auteures, 2021.

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Notre zone d’étude se limite au rocher de Constantine, un espace qui, comme décrit par Bernard Pagand (1989), s’organise à partir de la place du 1er Novembre d’où partent les trois grandes artères coloniales : rue Larbi Ben M’Hidi, rue 19 juin 1956, et rue Mariam Bouatoura qui se prolonge par la rue Abdellah Bey.

Étude qualitative

Le but de cette première étude était de comprendre la logique actuelle de déplacement des touristes et sa relation avec la configuration spatiale du site. Elle a aussi permis de découvrir les parcours touristiques les mieux desservis en monuments et lieux historiques.

Évolution spatiale de la vieille ville

L’urbanisme traditionnel arabo-islamique se caractérise par un système viaire hiérarchique qui sépare les parcours publics (fréquentés par les étrangers) des parcours privés. Dans la ville comme dans la maison, on protège l’intérieur par des remparts fortifiés flanqués de portes surveillées. L’espace public commence au niveau des portes de la ville et débouche sur les parcours commerciaux. L’espace résidentiel est protégé, situé en retrait des artères commerciales, dans un réseau de rues secondaires et d’impasses tortueuses où l’étranger n’est pas toujours le bienvenu. Cette hiérarchie urbaine est en réalité un système défensif « invisible » qui influence le comportement des usagers et rend la navigation difficile pour les étrangers. Ces derniers, par mesure de sécurité, préfèrent emprunter les artères commerciales larges, animées et plus proches des portes plutôt que les ruelles secondaires tortueuses et éloignées des sorties (illustration 7).

Illustration 7

Carte 1837 : Système des voies et distribution des commerces

Source : Pagand, 1994, modifiée par les auteures, 2021.

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Le tracé précolonial obéissait à un système viaire graduel partant de l’espace public (rues principales et places publiques), passant par l’espace semi-public (ruelles ou rues secondaires), pour arriver enfin à l’espace privé (impasses). L’organisation des voies permettait aux habitants de se déplacer aisément et discrètement d’une zone résidentielle à une autre. Ce système leur évitait de croiser les étrangers fréquentant les zones commerciales bruyantes.

L’illustration 7 montre un réseau sinueux, curviligne et courbé qui rend la navigation difficile pour les personnes étrangères. Les rues les plus fréquentées sont celles qui englobent le plus de commerces et d’équipements. Le taux de fréquentation piétonne à cette époque était étroitement lié à la présence (ou à l’absence) d’activités commerciales, économiques, cultuelles et culturelles. Le dimensionnement des voies renforce cette réalité : plus on s’éloigne de la rue principale plus la largeur diminue, le taux de fréquentation baisse et l’intimité de l’espace augmente. On distingue sur cette carte un réseau secondaire qui se greffe sur le primaire pour relier les rues principales entre elles. Ce réseau semi-public est plus ou moins irrégulier et tortueux : il s’incline, se rétrécit ou s’élargit d’un parcours à un autre. Il se caractérise par un taux de fréquentation moins élevé que celui de la rue principale et aboutit généralement à des impasses. Ces dernières forment la plus petite ramification du réseau traditionnel.

La signalisation joue, selon Hillier, un rôle prépondérant dans le mouvement des piétons. Elle était matérialisée à cette époque, comme il a été dit plus haut, par des portes : au sud, à l’endroit de l’actuelle place de la Brèche, qui réunissait trois portes – Bab Djedid, Bab El Oued et Bab El Djabia ; et au nord-est : la porte Bab El Kantara, traversant le pont du même nom. Ces quatre portes représentaient les points de départ des principaux parcours précoloniaux.

Des marchés extramuros (Rahbat) ont été installés au niveau des portes afin de profiter du taux élevé de fréquentation dans ces points stratégiques et renflouer les axes commerciaux intérieurs. Ils permettaient aussi aux échanges et transactions de se faire sans pour autant déranger le bon fonctionnement de la ville ni la quiétude de ses habitants.

À l’intérieur de la ville, le visiteur étranger interprète ce qu’il voit directement dans le site en utilisant les paramètres locaux relatifs à la configuration urbaine (Hillier, 1993). Cette dernière détermine le déplacement des personnes qui, selon Hillier et Iida (2005), ont tendance à emprunter la rue centrale sans prendre en considération les éléments attracteurs (comme les commerces et les équipements).

Ces données théoriques confirment les données historiques fournies par Pagand (1989) selon qui le réseau commercial se concentrait sur la voie principale centrale de la ville précoloniale qui joint Bab El Oued à Bab El Kantara, et cette voie était la plus fréquentée de tout le rocher : « le centre formait le marché des commerçants (Souk El Tejjar), composé d’échoppes et d’ateliers qui se tenaient côte à côte et se développaient parfois sur les venelles qui desservaient la voie principale »[2]. La voie centrale desservait, en plus des commerces, le plus grand nombre de monuments de toute la ville précoloniale. Elle réunissait, d’après le même auteur, outre les activités économiques, une grande part des activités culturelles : « C’est le cœur de la médina, la zone où se cristallise l’essentiel de son animation, où on produit et échange, vend et achète, où on prie, enseigne et apprend ». Pagand ajoute que cette partie de la ville est le centre de la ville précoloniale dont le noyau n’est autre que la grande mosquée, Djamâa Lekbir.

Dans cette optique, nous pouvons résumer la navigation pédestre de cette époque dans l’illustration 8.

Illustration 8

Carte de navigation pédestre en 1837

Source : Pagand, 1994, modifiée par les auteures, 2021.

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Depuis la prise de Constantine en 1837, sa structure générale a considérablement changé. Les Français ont tracé des lignes droites tranchant les chicanes et les labyrinthes turcs, et fendant la médina par des axes droits qu’on appelle aujourd’hui « haussmanniens » (Nesrouche, 2019). Le processus de transformation de la médina est marqué par la création de longues rues qui s’étendent de part en part de la ville. Ces trois rues – rue de France (actuelle rue du 19 juin 1956), rue Impériale (actuelle rue Larbi Ben Mhidi) et rue Damrémont (actuelle rue Abdellah Bey) – prennent toutes leur départ à la place de la Brèche. Elles semblent ouvrir la ville en plein centre, en particulier la rue de France qui a été percée dans la partie moyenne du tissu traditionnel.

En nous appuyant sur les propos de Hillier et Iida (2005) énoncés précédemment, qui stipulent que la configuration urbaine peut avoir des effets importants sur le mouvement piéton et que les parties centrales qui abritent les rues principales sont généralement les plus empruntées par rapport aux parties périphériques, nous pouvons supposer que l’ancienne rue de France, en raison de sa position centrale, devrait avoir le taux de fréquentation piétonne et touristique le plus élevé de tout le site. Viendraient ensuite respectivement la rue Impériale et la rue Damrémont.

Or, Pagand (1994) avance que le système d’« urbanisme de rues » avait retiré les quartiers traditionnels derrière les immeubles de la ceinture des boulevards périphériques et à l’intérieur des enveloppes que forment les principales rues européennes. Des changements d’échelle s’opèrent entre ces enveloppes et leur contenu et créent des ruptures périphéries/ensembles internes. Nous estimons que ces nouvelles rues ont détourné le flux pédestre des principales voies ottomanes. Ces artères qui, encore aujourd’hui, découpent la vieille ville en parties distinctes, accaparent le flux pédestre, engendrant une faible fréquentation pédestre et touristique des rues et des quartiers traditionnels.

Les façades coloniales dissimulent les quartiers précoloniaux et agissent comme des trompe-l’œil pour les visiteurs et les touristes : « Ces façades représentent des éléments linéaires périphériques dominants qui dissimulent des fragments de tissus traditionnels beaucoup moins apparents » (Pagand, 1989). Il est très difficile pour un étranger de concevoir que ces énormes îlots dissimulent les petites constructions traditionnelles. Une photo aérienne oblique rend compte de l’homogénéité de ces barrières coloniales situées sur la périphérie sud du rocher et tout au long des principales artères coloniales (illustration 9).

Illustration 9

Photo aérienne oblique de l’ancienne place de la Brèche

Source : Pagand, 1994.

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Aujourd’hui, la croissance du commerce a transformé ces percées coloniales en artères commerciales, notamment la rue 19 juin, piétonnisée depuis 2015, et la rue Larbi Ben Mhidi. Les quartiers traditionnels gardent toujours leur attractivité commerciale d’antan mais à un moindre degré : rue Kherrab Said, rue des frères Arrafa, rue Benchicou, etc. Ces anciens quartiers, aux limites imprécises, n’ont pas subi de transformations importantes : ils ont conservé l’aspect sinueux et curviligne du réseau précolonial, entraînant du coup une navigation pédestre difficile pour les touristes. Les rues les plus fréquentées restent celles qui englobent le plus de commerces et d’équipements.

Identification des principaux parcours et monuments historiques

Le PPSMVSS de Constantine nous a servi de document de base pour reconnaître les principaux monuments et lieux historiques. La recherche archivistique a révélé la présence d’autres lieux et monuments dont l’existence a été confirmée grâce à l’enquête sur le terrain. La carte de l’illustration 10 montre l’emplacement de ces principaux lieux historiques.

Illustration 10

Repérage des principaux parcours et monuments historiques sur la carte actuelle

Source : PPSMVSS Constantine 2012, modifiée par les auteures, 2021.

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La vieille ville recèle un grand nombre de monuments dont la majorité se trouvent aujourd’hui dans un état de délabrement avancé :

  • Les monuments historiques précoloniaux, dont l’édification remonte parfois à l’époque pré-ottomane, sont incontestablement les plus anciens et les plus représentatifs du patrimoine historique constantinois. Le palais du Bey, édifié à la fin du règne du bey Ahmed, est sans doute le monument précolonial le plus visité de tout le rocher. Il a été restauré et transformé en musée. Les grandes mosquées (ou Djamâa) sont remarquables par l’importante parcelle qu’elles occupent et la hauteur de leurs minarets. D’autres monuments culturels et cultuels se concentrent particulièrement dans les parties centrale et basse de la ville : zaouïas, medersas, hammams, fondouks, etc. (illustration 11).

Illustration 11

Intérieur du palais du Bey à Constantine

Photo : Bakiri, 2021.

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  • La maison traditionnelle interprète de grandes valeurs sociales et historiques. Sa conception est fondée sur un système introverti, dont la richesse est invisible de l’extérieur. À l’intérieur on trouve généralement un vestibule (Skifa) qui mène vers un patio (ou West Eddar), jalonné de colonnes et d’arcs. L’habitation est richement décorée de faïences anciennes (Zelliges) et de marbre (illustration 12). Les maisons les plus remarquables intègrent des impasses (Derbs) appartenant à une même famille. C’est généralement la grande maison du Derb (El Dar Lekbira) qui est la plus remarquable.

Illustration 12

Intérieur d’une maison traditionnelle à Constantine

Photo : Bakiri, 2021.

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  • Réseau urbain précolonial. Les ruelles anciennes présentent un grand intérêt dans le patrimoine culturel et esthétique. Elles sont bordées de façades aveugles ne laissant apparaître que quelques éléments architecturaux : encorbellement, moucharabieh, encadrement de porte, etc. Les parcours anciens empruntent des passages voûtés (Sabat) et desservent les places publiques (Rahbat) et les impasses (Derbs) (illustration 13).

Illustration 13

Sabat (passage voûté) à Constantine

Photo : Bakiri, 2021.

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  • Les monuments coloniaux. Les constructions coloniales les plus emblématiques sont certainement les ponts et les monuments qui entourent la place de la Brèche : le théâtre, la grande poste, le palais de justice (illustration 14). À l’intérieur de la ville, quelques constructions d’un style occidental éclectique méritent la visite : l’ancienne préfecture, l’hôtel de ville, la medersa néo-mauresque, etc. La place de la Brèche est un lieu historique par excellence : c’est là où les troupes armées françaises ont pu accéder à la ville après une longue résistance du bey et de ses troupes. Le boulevard de l’Abîme, qui s’étend de la frontière nord à la frontière ouest de la cité, est un autre parcours naturel remarquable et très apprécié.

Illustration 14

Théâtre de Constantine

Photo : Bakiri, 2021.

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Une première lecture de la configuration actuelle du site nous aide à comprendre la logique d’implantation des monuments et des lieux identifiés et à relever les chemins les mieux desservis en équipements, places et rues à caractère touristique. La majeure partie des monuments et rues historiques précoloniaux se situent aujourd’hui dans les parties centrale et basse de la ville, longeant les anciens axes commerciaux. Ce constat n’est pas le fruit du hasard, mais résulte (comme nous l’avons précédemment évoqué) de deux facteurs principaux : la configuration spatiale ottomane et les transformations coloniales.

L’implantation des monuments prélevés coïncide sensiblement avec les anciennes rues ottomanes qui reliaient les portes de la ville entre elles et dans lesquelles se greffent la plupart des édifices publics et religieux (medersa, fondouk, hammam, mosquée…) (illustration 15). Ces équipements destinés au public ont volontairement été installés sur les principaux axes du quartier commercial afin qu’ils soient éloignés des quartiers résidentiels.

Illustration 15

Repérage des monuments et parcours précoloniaux (visibles aujourd’hui) sur la carte de 1837

Source : Pagand, 1994, modifiée par les auteures, 2021.

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Les opérations urbaines coloniales et l’effondrement des anciens quartiers ont fait disparaître des pans entiers de rues. Ce qui reste constitue les artères patrimoniales de la ville. Les parcours touristiques les plus emblématiques de la ville aujourd’hui sont le résultat des modifications coloniales qui ont façonné son paysage. Une comparaison entre la carte actuelle et celle de 1837 s’impose afin de repérer ce qui reste de ces anciens parcours.

  • La voie supérieure, qui allait de la porte Bab Djedid au quartier Casbah, a subi d’énormes transformations. Aujourd’hui, elle est bardée d’immeubles européens et n’est pas très représentative du patrimoine précolonial. Nous ne proposons pas de parcours pour cette partie de la ville.

  • La deuxième voie qui allait de la porte Bab El Oued jusqu’au quartier Souk El Acer en passant par le marché Souk El Ghezel a beaucoup changé depuis 1837. Elle a réussi tout de même à conserver quelques monuments mythiques : le palais du Bey Ahmed avec sa mosquée (Djamâa Souk ElGhzel) et Souk El Acer avec son marché, sa mosquée et sa medersa. Le quartier Souk El Acer a été, pendant le règne du bey Salah, le centre du pouvoir de la ville.

  • La voie centrale qui traversait la ville de Bab El Oued à Bab El Kantara et formait le centre-ville précolonial a perdu sa centralité et un grand nombre de ses monuments. Aujourd’hui, elle dessert tout de même un nombre important d’édifices historiques, mais a relégué son attractivité aux deux artères coloniales limitrophes : l’ancienne rue nationale (rue Larbi Ben M’Hidi) et la rue du 19 juin 1965.

La voie qui traverse la partie basse de la ville retient particulièrement notre attention. Le premier tronçon de ce parcours, porte Bab El Djabia / medersa (aujourd’hui rue Mellah Slimane), situé dans l’ancien quartier Souika, a été fort heureusement épargné par les grandes destructions coloniales, mais la porte a disparu avec la construction du pont Sidi Rached. De nombreuses recherches ont démontré que ce tronçon est le mieux conservé de tout le rocher. Contrairement au deuxième tronçon, medersa / Bab El Kantara, qui a été amputé de la moitié de ses constructions. Le premier tronçon de cette voie, qui réunit un grand nombre de monuments historiques, est donc un autre corridor patrimonial qui, par son authenticité, mérite la visite. Il démarre à la place Bab El Djabia (qui a remplacé l’ancienne porte El Djabia), traverse l’ancien quartier Souika et débouche sur la medersa et le pont Mellah Slimane.

Comprendre le comportement actuel des touristes à l’intérieur du tissu ancien (enquête par observation)

Nous avons tenté de déterminer, par le biais de l’observation, l’accessibilité du site, les parcours à forte densité pédestre et ceux qui sont les plus empruntés par les touristes.

Système d’accessibilité

En raison de sa topologie particulière, l’accessibilité vers le secteur sauvegardé est assurée par des ponts et des passerelles qui relient la presqu’île constantinoise à ses rives nord, est et ouest (ponts Sidi Rached, El Kantara et Sidi M’cid, et passerelle Perrégaux). Les seuls accès routiers terrestres se situent au sud. À l’extrémité sud du secteur sauvegardé se trouve la place des Martyrs, qui représente le point de convergence de toutes ces routes.

Le rocher, quant à lui, lieu d’implantation de la vieille ville, est directement desservi par l’avenue Benboulaid qui permet l’accès à la mythique place de la Brèche (place du 1er Novembre). Cette dernière est le point de départ de toutes les voies intramuros.

Deux longs boulevards encerclent la vieille ville des côtés ouest et nord-est. Il s’agit des boulevards de la Belgique et Zighoud Youcef. Ces parcours périphériques, extrêmement prisés des touristes, offrent des panoramas pittoresques dotés de paysages riches.

Fréquentation pédestre des parcours anciens

Afin de désengorger la vieille ville, l’accès des véhicules au centre historique a été restreint à seulement quelques voies. La rue 19 juin, à titre d’exemple, a été strictement interdite aux véhicules. Les ruelles traditionnelles, vétustes et étroites, ont toujours été pédestres.

Le taux de fréquentation pédestre diffère d’un parcours à l’autre en fonction du taux d’implantation des commerces (Pagand, 1989) : les rues commerciales affichent une fréquentation pédestre très élevée, principalement au niveau des deux grandes artères coloniales : les rues Larbi Ben M’Hidi et du 19 juin 1956. Les connaisseurs du site se rendent à l’intérieur du tissu traditionnel pour acheter et marchander. Ici même, l’intensité du flux pédestre diffère d’une zone à l’autre : l’ancien Souk El Tejjar, par son attractivité commerciale, détient le score de fréquentation pédestre le plus élevé de tous les réseaux traditionnels. Les zones résidentielles, où l’activité commerciale est rare, sont aujourd’hui presque désertes à la suite du relogement récent de la population en raison de la détérioration des habitations traditionnelles (illustration 16).

Illustration 16

Carte de navigation pédestre à l’intérieur du rocher

Source : PPSMVSS Constantine 2012, modifiée par les auteures, 2021.

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Navigation touristique à l’intérieur du tissu ancien (enquête par observation neutre)

Notre enquête s’est déroulée d’avril 2015 à décembre 2019 auprès de cinq groupes de touristes accompagnés d’un guide touristique qui suivaient des parcours bien définis, et de vingt touristes individuels. Parmi les touristes individuels, douze ont fait appel aux services d’un guide, tandis que huit ont indiqué s’être informés sur leur destination et ont préféré se fier aux cartes et à leur propre interprétation de l’espace. Pour tous les cas étudiés, il s’agissait de leur première visite à Constantine.

Nous avons sélectionné notre échantillon de touristes en groupe en collaboration avec l’OGEBC Constantine (Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés de Constantine). Cet office dispose d’un grand nombre de guides (formés par l’office lui-même), qui sont mobilisés pour accompagner les délégations étrangères, en particulier celles invitées à la manifestation « Constantine, capitale de la culture arabe 2015 ». Ces visites guidées ont ensuite été proposées à tous les visiteurs de la ville. Quant aux touristes individuels, nous les avons recrutés en contactant des agences de voyage.

Avant de commencer l’enquête par observation, nous avons collecté les profils des touristes étudiés. Les groupes étaient composés de deux à cinq personnes ; trois groupes provenaient d’une même destination (Espagne, France et Tunisie). Les deux autres groupes étaient des délégations étrangères de plusieurs nationalités. L’âge des sujets variait de 37 à 65 ans. La motivation principale de ces groupes de touristes était le tourisme, bien que certains étaient venus aussi pour des raisons professionnelles (tableau 1).

Tableau

Profil des touristes en groupe

Auteures, 2019.

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Les touristes individuels étaient venus d’Espagne, de France, de Tunisie, d’Égypte, d’Italie, de Turquie et de Chine. L’âge moyen des sujets étudiés était de 42 ans. Leur motivation principale était le tourisme, quoique certains étaient venus également pour le travail. Certains touristes individuels possédaient quelques connaissances du site et ont choisi de ne pas être guidés (tableau 2).

Tableau 2

Profil des touristes individuels

Auteures, 2019.

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Comme expliqué dans la partie méthodologie, nous avons utilisé le snail trailing (ou suivi des piétons) pour notre enquête sur le terrain. Cette technique nous a permis de collecter des données qualitatives en suivant et en observant la trajectoire des touristes à partir d’un point prédéterminé. Les guides touristiques proposent trois parcours distincts qui partent d’un même point pour les deux catégories de touristes (groupes de touristes guidés et touristes individuels guidés). Les touristes individuels non guidés choisiront d’emprunter d’autres parcours.

Les points de rencontre et de départ des parcours proposés (pour les touristes en groupe et les 12 touristes individuels) se situent sur l’ancienne place de la Brèche. Les guides ont expliqué que ce choix découlait de plusieurs facteurs, notamment la grande visibilité de cet endroit, la présence d’importants points de repère tels que la grande poste et le théâtre, ainsi que la proximité d’hôtels comme le Novotel et l’Ibis, où certains visiteurs séjournaient. De plus, l’accès à la vieille ville depuis ce point est facile et pratique. Les parcours proposés débouchent tous sur les ponts de la ville.

Le premier parcours est le plus fréquemment proposé par les guides. Les visiteurs suivent l’ancienne rue de France, également connue sous le nom de rue 19 juin 1956, pour se diriger directement vers le palais du Bey, où la majeure partie de leur visite a lieu. Ensuite, ils sont conduits vers le pont Sidi M’cid, qui se trouve à la limite du site à l’étude, en empruntant à nouveau la même rue. Le deuxième parcours démarre de la place de la Brèche, traverse le boulevard de l’Abîme et débouche sur le pont Sidi M’cid. Dans certaines visites, ces deux parcours sont jumelés au niveau du pont Sidi M’cid. En effet, les touristes suivent l’itinéraire suivant : place de la Brèche, palais, rue de France, pont Sidi M’cid, boulevard de l’Abîme, pour revenir au point de départ. Le troisième parcours proposé traverse la place de la Brèche, la rue Larbi Ben Mhidi, le pont Mellah Slimane, le pont Bab El Kantara, avant de revenir vers la place de la Brèche en empruntant le même chemin. La durée de la visite est d’environ deux heures, mais peut varier en fonction des souhaits des visiteurs et des conditions locales. Ces trois parcours s’articulent autour des ponts de la ville, lieux touristiques les plus médiatisés de Constantine. Cependant, il arrive que les touristes veuillent prolonger leur expérience touristique et accéder à la médina. Dans ce cas, le guide propose des itinéraires supplémentaires en fonction du temps disponible pour la visite, entre autres le prolongement du premier parcours vers les places traditionnelles Rahbet El Souf et Sidi Djeliss, ou encore le prolongement du troisième parcours vers le quartier Souika et éventuellement le pont Sidi Rached. Le tableau 3 résume les parcours proposés aux touristes guidés.

Tableau 3

Parcours touristiques proposés par les guides touristiques

Auteures, 2019.

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Les groupes 1 et 2 ont prolongé leur parcours. Le groupe 2 a été guidé vers l’extension du premier parcours, qui inclut les places traditionnelles Rahbet El Souf et Sidi Djeliss. Quant au groupe 3, il a décidé de prolonger sa visite jusqu’au quartier de la Souika et d’atteindre le pont Sidi Rached, à partir du troisième parcours (tableau 4).

Tableau 4

Parcours empruntés par les différents groupes de touristes

Auteures, 2019.

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Les touristes individuels guidés ont choisi leur parcours comme indiqué dans le tableau 5.

Tableau 5

Parcours empruntés par les touristes individuels guidés

Auteures, 2019.

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Les touristes individuels non guidés avec des connaissances préalables ont rencontré des difficultés d’orientation dans le site. Ils avaient tendance à emprunter les chemins les plus ouverts, telles les grandes rues et les places publiques, évitant de la sorte les ruelles sinueuses de la vieille ville, ce qui les empêchait parfois de voir les monuments historiques les plus importants de la médina.

Les résultats de l’observation snail trailing ont été reportés sur la carte du site, en enregistrant les parcours empruntés par tous les sujets étudiés (illustration 17).

Illustration 17

Parcours empruntés par les touristes

Source : PPSMVSS Constantine, modifié par les auteures, 2019.

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Les groupes de touristes se fiaient généralement à leur guide pour se déplacer sur le site. Il arrivait cependant que certains consultent leurs applications et cartes pour mieux comprendre leur environnement. Il est important de noter que le public ne dispose pas d’information sur les parcours et les itinéraires touristiques à suivre, en particulier les parcours traditionnels anciens. Les renseignements disponibles sur les monuments et les parcours de la vieille ville de Constantine sont souvent insuffisants. Les monuments précoloniaux ne sont pas bien médiatisés ; ceux qui le sont davantage sont le palais et quelques monuments de l’époque coloniale tels les ponts et le théâtre.

Étude quantitative : la space syntax

Dans cette partie de l’étude, nous avons vérifié numériquement l’accessibilité, l’intégration et le choix des deux cartes étudiées : la carte précoloniale de 1837 publiée par Mercier (1903) et la carte actuelle (PPSMVSS vieille ville de Constantine 2012). Dans la carte de 1837 nous avons analysé les anciens chemins précoloniaux menant aux monuments historiques arabo-islamiques. Dans la carte actuelle, nous avons examiné le tracé général de la ville, en tenant compte des ajouts et des transformations qui ont eu lieu à l’époque coloniale et qui demeurent les seules transformations du site.

En utilisant le logiciel AutoCAD, nous avons repassé tous les chemins se trouvant à l’intérieur de l’aire d’étude (des principaux aux impasses), ne négligeant de la sorte aucun changement topologique. Ensuite, nous avons importé ces cartes dans le logiciel Depthmap® en DXF (Drawing eXchange Format) afin de générer les cartes axiales des deux périodes à l’étude.

Génération des cartes axiales des deux périodes

La carte axiale est composée des lignes droites les plus longues et les moins nombreuses possibles présentes dans l’espace urbain (Hillier, 1993). Du fait de la complexité des calculs requis pour étudier notre site qui s’étend sur une vaste surface, l’ordinateur est chargé de déterminer nos cartes axiales en calculant la relation de chaque espace avec tous les autres espaces. Nous avons eu recours au logiciel DephtmapX version 0.8.0 édité sous licence publique générale pour effectuer les analyses des réseaux spatiaux et mieux comprendre l’impact de l’environnement bâti sur le comportement des touristes à l’intérieur des parcours urbains de la ville.

Les résultats numériques sont générés sous forme de carte (map) où la gamme de couleurs dégradées indique les valeurs des mesures syntaxiques étudiées pour les différentes lignes axiales. Une première carte appelée all-line map (ou carte de toutes les lignes) est produite et celle-ci est ensuite réduite en une fewest-line map (carte à lignes minimales) pour faire ressortir les calculs nécessaires.

Après le calcul des propriétés syntaxiques, Depthmap génère automatiquement une grille de lignes superposées sur le plan étudié, créant un graphe. Le logiciel permet de distinguer les lignes axiales intégrées et ségréguées, connectées et déconnectées, grâce à une gradation de couleurs s’étendant du bleu pour les valeurs basses jusqu’au rouge pour les valeurs élevées, indiquant respectivement les zones les plus ségréguées ou les plus intégrées, ainsi que les zones les plus fréquentées ou les moins fréquentées par les touristes aujourd’hui (et par les piétons à l’époque précoloniale).

La connectivité

Les cartes axiales (all-line maps) des deux périodes étudiées montrent un grand changement dans les valeurs de connectivité (illustration 18). En réduisant le nombre des lignes (fewest-line maps), on obtient les mesures de connectivité (tableau 6 ; illustration 19).

Illustration 18

Cartes axiales (all-line maps) – connectivité des deux périodes : 1837 et 2012

Source : Auteures, 2021.

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Tableau 6

Mesures de connectivité des deux cartes analysées : 1837 et 2012

Auteures, 2020.

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Illustration 19

Cartes axiales (fewest-line maps) – connectivité des deux périodes : 1837 et 2012

Source : Auteures, 2021.

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La carte axiale générée à partir de la carte de 1837 montre que les parties les plus connectées se situaient le long des artères commerciales, en particulier l’ancien parcours commercial central (Souk El Tejjar) qui traversait la ville de Bab El Oued à Bab El Kantara avec une valeur maximale de 10. Ensuite, la voie qui partait de Bab El Oued à Souk El Acer traversant le quartier Souk El Ghezel affiche une valeur de 8. La rue traversant le quartier Souika situé dans la partie basse de la ville et reliant la porte Bab El Djabia à la medersa présente une valeur de connectivité de 7. Enfin, la voie supérieure qui allait de Bab Djedid jusqu’au quartier de la Casbah montre une valeur d’intégration inférieure à 6. Les quartiers périphériques affichent des taux moins élevés, diminuant jusqu’à 1. Le tableau 7 résume les valeurs de connectivité mesurées sur la carte de 1837.

Tableau 7

Valeurs de connectivité mesurées sur la carte de 1837

Auteures, 2020.

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La carte axiale générée à partir de la carte actuelle montre que les plus grandes valeurs ont été observées au niveau des premiers tronçons des parcours coloniaux (rue 19 juin 1956 et rue Larbi Ben M’Hidi) ainsi qu’à l’entrée de la place du 1er Novembre (place de la Brèche) où l’on a enregistré une valeur de connectivité maximale de 27. La rue Abdellah Bey, issue des percements coloniaux, affiche des valeurs moins élevées que les deux axes précédents. Les parcours commerciaux traditionnels (celui de Souk El Tejjar en particulier) affichent des valeurs moyennes beaucoup moins importantes que celles enregistrées à l’époque précédente. Les impasses affichent, comme dans l’illustration 19, les plus faibles valeurs de connectivité de tout le réseau. Les valeurs de connectivité mesurées sur la carte actuelle sont reportées dans le tableau 8.

Tableau 8

Valeurs de connectivité mesurées sur la carte actuelle

Auteures, 2020.

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Les cartes d’intégration globale HH (Hillier-Hanson)

La carte d’intégration globale de 1837 montre que le parcours principal central (Souk El Tejjar) affiche les plus hautes valeurs d’intégration globale de toute la ville avec une valeur maximale de 1,20 qui diminue vers la périphérie. Les ramifications de cet axe central et les parcours commerciaux secondaires affichent des valeurs moyennes. Les espaces les plus ségrégués de tout le réseau (en bleu) sont les quartiers résidentiels préservés : la basse Souika et les impasses, et c’est dans les impasses qu’a été enregistrée la plus faible valeur de connectivité (0,42). La Casbah, lieu hautement sécurisé et inaccessible au public, affiche des valeurs faibles allant jusqu’à 0,57.

La mesure d’intégration globale calculée sur la carte actuelle démontre que les parcours coloniaux (en rouge) sont les plus intégrés de tout le système. Les plus grandes valeurs sont enregistrées au niveau du premier tronçon de la rue 19 juin 1956, qui s’étend de l’ancienne place de la Brèche (2,23) à l’intersection qui mène vers la place du Palais (2,05). Avec une valeur maximale de 2,12, la rue Larbi Ben M’Hidi est plus intégrée au niveau de son premier tronçon (ancienne place de la Brèche / medersa coloniale) qu’au niveau du deuxième (medersa coloniale / pont El Kantara), dont la valeur est de 1,78.

On remarque aussi une forte intégration des deux chemins coloniaux : rue Maarouf Mohamed (1,96) et rue Bouali Saïd (1,99), qui relient les deux principaux axes précédemment cités. L’ancien parcours central avec ses ramifications (Souk El Tejjar), se trouvant au milieu des deux principaux axes coloniaux (rues 19 juin 1956 et Larbi Ben M’Hidi), a relégué son attractivité à ces deux axes et présente une intégration au-dessus de la moyenne, qui augmente ou diminue légèrement le long des ramifications qui composent cet espace : rue Keddid Salah (1,42), rue Rouag Saïd (1,76), etc. Les impasses et les petites ramifications résidentielles (en bleu) restent les plus ségréguées de tout le réseau avec une valeur minimale de 0,60 (illustration 20 ; tableau 9).

Tableau 9

Mesures d’intégration globale HH des deux cartes analysées : 1837 et 2012

Auteures, 2021.

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Illustration 20

Cartes axiales (fewest-line maps) – intégration des deux périodes : 1837 et 2012

Source : Auteures, 2021.

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Le choix topologique

La carte précoloniale montre que les zones situées au cœur de la ville ont les valeurs de choix les plus élevées, et que ces valeurs diminuent à mesure que l’on s’éloigne du centre. L’analyse des valeurs de choix prélevées sur la carte de 1837 révèle des différences significatives entre les rues commerciales et le reste de la ville. La rue principale centrale qui passait par Souk El Tejjar enregistre la plus grande valeur de choix (64384) au milieu de l’axe, suivie de la rue inférieure qui longeait le quartier Souika et qui affiche également des valeurs de choix élevées atteintes au milieu du parcours (48203). La route qui traverse le quartier Souk El Ghzel pour aboutir à celui de Souk El Acer présente une valeur de choix maximale de 46546 au milieu du trajet. En revanche, la rue supérieure qui menait à la Casbah affiche la valeur de choix la plus faible des quatre rues principales (18938). Les ramifications centrales qui reliaient ces anciens axes ont atteint des valeurs maximales allant jusqu’à 48826 (valeur enregistrée entre l’axe principal Souk El Tejjar et la rue inférieure). La valeur de choix diminue progressivement en quittant les rues principales pour pénétrer dans les quartiers résidentiels. La plus faible valeur est enregistrée au niveau des impasses qui représentent les plus petites ramifications du réseau précolonial.

La carte actuelle révèle un grand écart dans les valeurs de choix entre le corps central et le reste du tissu urbain. Les valeurs globales de choix sont faibles sur l’ensemble du réseau actuel, à l’exception des deux artères issues des percements coloniaux, qui affichent les plus grandes valeurs de choix : la rue 19 juin 1956 (74549) affiche une plus grande valeur que la rue Larbi Ben M’Hidi (27445). La rue Perrégaux (Souika) affiche des valeurs moyennes. Des valeurs inférieures sont prélevées au niveau de la rue Rouag Saïd qui traverse l’ancien Souk El Tejjar et aboutit à la place Rahbet El Souf (26306). Les plus faibles valeurs de choix sont enregistrées dans les impasses (tableau 10 ; illustration 21).

Tableau 10

Mesures de choix topologiques des deux cartes analysées : 1837 et 2012

Auteures, 2020.

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Illustration 21

Cartes axiales (fewest-line maps) – choix des deux périodes : 1837 et 2012

Source : Auteures, 2021.

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Discussion

Dans le cadre de notre recherche, nous avons entrepris une analyse quantitative en utilisant la méthode space syntax afin de vérifier numériquement l’accessibilité, l’intégration et le choix des deux cartes que nous avons étudiées : la carte précoloniale de 1837 publiée par Mercier (1903) et la carte actuelle (PPSMVSS vieille ville de Constantine 2012). Dans la carte de 1837, nous avons analysé les anciens chemins précoloniaux menant aux monuments historiques arabo-islamiques. Dans la carte actuelle, nous avons examiné le tracé général de la ville, en prenant en compte les ajouts et les transformations qui ont eu lieu à l’époque coloniale et qui demeurent les seules transformations du site.

La carte de 1837 montre une structure spatiale ambiguë, où la plupart des axes présentent une faible connectivité. Le réseau urbain n’était pas facilement compréhensible pour les visiteurs étrangers, ce qui rendait difficile une lecture globale de la ville. Cependant, l’ancienne artère principale située au niveau de Souk El Tejjar offrait une accessibilité piétonne nettement plus importante que celle enregistrée ailleurs, ce qui en faisait une zone plus accessible pour les personnes en provenance de l’étranger. Cette partie de la ville compte d’ailleurs la majorité des monuments historiques. Si le tracé de la ville était resté identique à celui de l’époque, les parcours touristiques seraient probablement plus accessibles qu’ils ne le sont aujourd’hui.

Les transformations effectuées sur le site à l’époque coloniale française et le déplacement de l’ancien centre-ville de Souk El Tejjar vers l’extérieur du tissu ancien (vers la place de la Brèche) ont modifié considérablement la connectivité de l’espace. Les artères coloniales sont devenues désormais les plus faciles d’accès de tout le site, reléguant ainsi au second plan l’ancien parcours central traditionnel (Souk El Tejjar). Ces artères sont plus accessibles aux touristes comparativement aux anciens parcours où le degré d’accessibilité a diminué, les rendant plus difficiles d’accès pour les piétons et les touristes en particulier.

Le degré de l’intégration spatiale est un bon prédicteur de la mobilité urbaine pédestre (Hillier et al., 1993) : l’analyse démontre qu’en 1837 l’espace urbain traditionnel était globalement ségrégué, ce qui rendait la navigation piétonne difficile, en particulier pour les étrangers. Les parcours commerciaux faisaient exception, notamment le parcours central de Souk El Tejjar qui représente, d’après les calculs précédents, l’axe majeur de la ville précoloniale et le parcours urbain le plus fréquenté du site. Selon Bill Hillier et Julienne Hanson (1984), dans un grand espace urbain, le cœur d’intégration est constitué de 10 % des lignes axiales ayant les valeurs d’intégration les plus élevés. Bjorn Klarqvist (1993) remarque que ce noyau permet de localiser les espaces les plus importants du système urbain. Ainsi, le parcours central, également connu sous le nom de Souk El Tejjar, représente le cœur d’intégration du site en 1837.

Nos résultats révèlent que les quartiers résidentiels (la basse Souika, les impasses ainsi que la Casbah) sont les lieux les moins fréquentés par les piétons. Ces endroits ne sont pas accessibles aux personnes étrangères du fait qu’ils requièrent une connaissance approfondie du site. Seuls les résidents avec une bonne connaissance de la place peuvent y accéder. Il est donc compréhensible que le système traditionnel ait dissimulé certaines parties de son réseau aux étrangers. Même avant les transformations coloniales, ces parties auraient été inaccessibles aux touristes aujourd’hui, contrairement à l’axe central (Souk El Tejjar) qui aurait pu devenir de tout le site le parcours le plus fréquenté par les touristes.

Les transformations coloniales ont modifié les valeurs d’intégration topologique enregistrées à partir de l’illustration 21 (de 1837). La suppression de la grande muraille a engendré l’ouverture de l’espace traditionnel au niveau de la place de la Brèche (actuelle place du 1er Novembre), lieu le plus intégré et donc le plus fréquenté de tout le système urbain. Les rues Larbi Ben M’Hidi et 19 juin 1956 tracées pendant la période coloniale sont les plus fréquentées de tout le site. Plus on se rapproche de la place de la Brèche, plus la fréquentation du site augmente, et vice versa. Les ramifications qui relient ces axes entre eux (rues Keddid Salah et Rouag Saïd) comportent d’importantes valeurs d’intégration. Cette place a alors des taux de fréquentation pédestre et touristique de beaucoup supérieurs en raison de leur proximité du centre d’intégration. La place de la Brèche et les axes coloniaux (rues 19 juin 1956 et Larbi Ben M’Hidi) remplissent la fonction de noyau d’intégration. La place de la Brèche et les deux parcours coloniaux constituent donc les zones les plus fréquentées par les piétons, notamment les touristes, sur le site.

Les opérations urbaines coloniales ont accentué la ségrégation du tissu traditionnel. Les parcours traditionnels (touristiques) sont devenus spatialement et touristiquement plus ségrégués qu’avant la prise de la ville (en 1837). Le parcours central (Souk El Tejjar) se trouvant au milieu des deux principaux axes coloniaux (rue 19 juin 1956 et rue Larbi Ben M’Hidi), et qui était en 1837 l’espace le plus fréquenté, a perdu en fréquentation au profit des percées coloniales, dont l’affluence varie légèrement le long des ramifications qui composent cet espace. Les impasses et les petites ramifications résidentielles demeurent les endroits les plus retranchés du réseau, tout comme à l’époque précédente, et sont donc presque désertées par les visiteurs étrangers et les touristes.

La mesure de choix est calculée en déterminant le nombre de changements de direction nécessaires pour atteindre tous les autres segments à partir d’un segment donné. Les mesures obtenues indiquent à quel point le système est ouvert ou fermé à la fréquentation des étrangers. L’analyse des valeurs de choix prélevées sur la carte de 1837 a révélé des différences significatives entre les rues commerçantes centrales et le reste de la ville en matière de perméabilité pour les personnes étrangères. Les zones situées au cœur de la ville ont plus de chance d’être fréquentés par celles-ci. La valeur de choix diminue à mesure qu’on s’éloigne du centre, résultant en moins de probabilités pour ces zones d’être choisies par les étrangers. La rue principale centrale Souk El Tejjar enregistre la plus grande valeur de choix. C’est le segment le plus fréquenté par les personnes étrangères et il offre plus de choix d’accès vers l’intérieur de la ville, en particulier pour ceux qui ne connaissent pas le site. Les segments de rue qui traversent les quartiers Souika, Souk El Ghzel et Souk El Acer sont bien fréquentés et présentent eux aussi des degrés de perméabilité relativement élevés. La rue supérieure qui menait à la Casbah est loin du centre et n’est que peu fréquentée. La valeur de choix diminue progressivement quand on quitte les rues principales et pénètre dans les quartiers résidentiels jusqu’aux impasses. Ces quartiers ont beaucoup moins de possibilités d’être fréquentés par les étrangers et sont plus difficilement repérables.

Sur la carte actuelle, les valeurs globales de choix sont faibles sur l’ensemble du réseau, à l’exception des deux artères issues des percements coloniaux (rues Larbi Ben M’Hidi et 19 juin 1956). Ces artères ont donc plus de chances d’être fréquentées par les touristes et permettent un accès facile aux autres espaces de la ville. L’ancien Souk El Tejjar a vu sa valeur de choix diminuer par rapport aux deux artères coloniales précédentes. Il affiche maintenant des valeurs moyennes, ce qui indique une perméabilité moindre à la circulation touristique. C’est également le cas de la rue Perrégaux (rue Mellah Slimane), qui a moins de chances d’être fréquentée qu’auparavant. Les quartiers résidentiels et les impasses, en raison de leur isolement, sont les endroits les plus cachés aux touristes.

Ces résultats prouvent que, contrairement aux habitants et aux visiteurs réguliers, les personnes étrangères (touristes) reconnaissent difficilement l’emplacement des parcours traditionnels. La space syntax justifie dans ce cas le comportement actuel des touristes étrangers et prouve que la configuration traditionnelle, affectée par les percements coloniaux, n’est pas très invitative.

Ces valeurs expliquent les résultats de l’analyse qualitative et le comportement des touristes individuels non guidés, qui préfèrent emprunter les artères principales plutôt que les quartiers traditionnels. Les rues traditionnelles sont plus difficilement découvertes par les touristes à partir des artères principales. Les quartiers résidentiels et les impasses sont isolés de la circulation touristique en raison de leur éloignement. La mesure de choix prédit les déplacements des touristes non guidés qui, en l’absence de signalisation, interprètent directement ce qu’ils voient sur place en utilisant les paramètres locaux associés à la configuration urbaine.

Les résultats de cette analyse ont confirmé ceux obtenus lors de l’étude qualitative. La recherche historique a démontré que le tissu traditionnel de Constantine était généralement compact et dissimulé en 1837. Les seuls espaces accessibles aux personnes étrangères étaient les parcours commerciaux qui rassemblaient la majorité des monuments ottomans de la ville, en particulier le parcours central. Cette configuration « discrète » de la ville est une ancienne stratégie spatiale défensive utilisée dans les cités anciennes pour protéger l’espace résidentiel, une logique organisationnelle qui s’est accentuée à la suite des opérations urbaines menées à l’époque coloniale. Depuis lors, les anciens parcours de la ville ont été cachés, compressés entre les grandes façades européennes issues des percements de la ville.

L’observation snail trailing a mis en évidence le comportement des touristes non guidés, qui ont tendance à privilégier les grands axes de la ville et les espaces ouverts. Ces artères principales leur facilitent l’accès par rapport aux anciens parcours. Les touristes ont néanmoins rencontré des difficultés pour accéder aux parcours traditionnels touristiques.

Ces résultats démontrent que les parcours traditionnels sont dissimulés derrière la trame urbaine actuelle. Ils ne sont pas aisément accessibles depuis l’extérieur pour les personnes étrangères pour qui le site n’est pas familier, contrairement aux touristes guidés, qui ont bénéficié d’une visite des parcours les plus intéressants de la ville.

Conclusion

Notre étude a confirmé que les parcours historiques traditionnels sont les meilleurs choix pour les touristes, car ils offrent une abondance de monuments et de lieux historiques. Notre recherche a également validé nos hypothèses de recherche selon lesquelles la configuration urbaine traditionnelle et les transformations coloniales françaises sont responsables de la ségrégation touristique et spatiale observée dans ces parcours historiques. Les artères coloniales, en découpant la ville en parties distinctes et en canalisant le flux touristique, ont relégué les ruelles traditionnelles à une ségrégation touristique malaisante pour les visiteurs étrangers, résultant en une faible fréquentation de ces lieux.

L’analyse par la méthode space syntax nous a permis de saisir les potentialités offertes par la configuration spatiale du site et de mieux comprendre le comportement des touristes lors de leurs visites des sites historiques, ainsi que les raisons sous-jacentes de la ségrégation touristique qu’ils rencontrent. Le recours à cette méthode nous a également permis d’identifier les contraintes spatiales et topologiques auxquelles les touristes sont confrontés.

Cette approche s’est révélée particulièrement efficace pour retracer les itinéraires empruntés par les visiteurs, afin de les réorienter vers les parcours traditionnels souhaités. Ces parcours, souvent dissimulés par les artères coloniales, regroupent les lieux et les monuments historiques les plus emblématiques qui constituent la richesse patrimoniale de la ville. Afin de réorienter les touristes vers les parcours souhaités, plusieurs propositions peuvent être envisagées. Tout d’abord, il est nécessaire de promouvoir activement les parcours traditionnels en mettant en valeur leurs attraits historiques et culturels. Cela peut être réalisé grâce à des campagnes de communication ciblées et à des partenariats avec des guides locaux compétents.

Les parcours historiques, en plus d’être difficiles d’accès, souffrent également d’un manque considérable en termes d’équipements touristiques. La topologie ancienne de l’espace traditionnel ne peut pas être modifiée, mais une bonne gestion du site permet de réorienter les touristes étrangers vers les meilleurs itinéraires touristiques. L’espace traditionnel, bien qu’il ne soit pas invitant d’un point de vue spatial, possède d’autres atouts pour attirer les visiteurs, qui peuvent être renforcés par l’élaboration d’un plan de gestion touristique efficace comprenant des attractions, une promotion adéquate et une signalisation claire.

La space syntax constitue un cadre conceptuel précieux pour l’étude du phénomène touristique, offrant des perspectives nouvelles et des méthodes d’analyse pertinentes. Cependant, il est important de l’utiliser en complément d’autres approches et de tenir compte de ses limites inhérentes. En intégrant la space syntax à une approche multidisciplinaire, il est possible d’obtenir une compréhension plus complète et holistique du tourisme, en prenant en considération à la fois les aspects spatiaux, culturels et sociaux de cette activité humaine complexe.