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Progress in Frenche Tourism Geographies. Inhabiting Touristic Worlds se veut comme un partage à l’international des progrès de la recherche francophone en géographies du tourisme. Directeur de l’ouvrage et auteur de plusieurs chapitres, Mathis Stock est professeur ordinaire à l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne. Docteur en géographie, il s’intéresse, entre autres, aux modalités de l’habiter, mais aussi au développement touristique des destinations sur des temps longs.

Dans une perspective de collaboration internationale de la recherche, il était pertinent et important pour Stock de pouvoir rendre accessibles au monde de la recherche les avancées en études touristiques de son aire universitaire-linguistique. La conception du phénomène touristique sous le prisme de la géographie francophone est riche d’une vision différente de celle soutenue par les Anglo-Saxons. Des auteurs français comme Pierre Bourdieu ou Michel Foucault ont considérablement marqué les sciences sociales et humaines durant le XX e  siècle. Les chercheurs provenant du même univers linguistique ont été parmi les premiers à s’inspirer d’eux. Il n’est donc pas étonnant que la géographie touristique de l’Hexagone se retrouve imprégnée des idées développées par ces penseurs. De ce fait, dès l’introduction Stock affirme que cette communauté de scientifiques francophones travaille selon une même culture épistémologique. Les géographies touristiques francophones ont donc hérité d’une dimension socioculturelle plus prépondérante que celle du monde anglo-saxon, davantage axée sur l’économie. Ce livre est le fruit de la collaboration de chercheur·es, provenant des quatre coins de la francophonie, voulant faire découvrir les résultats de leur travail à un plus grand public. L’ouvrage se compose de treize chapitres, eux-mêmes subdivisés en différentes sections par leur(s) auteur(s) respectif(s).

L’atout majeur du livre est la cohérence avec laquelle les différents chapitres s’enchaînent. Les éléments et la conclusion de la plupart des sections introduisent subtilement et intelligemment la partie subséquente. Dans le titre même de l’ouvrage, ces notions d’habiter et de mondes touristiques vont guider la lecture au fil des productions scientifiques présentées. Le livre ne propose pas que des études de cas. Plusieurs articles, que ce soit au début, au milieu ou à la fin, offrent une réflexion plus théorique. Ces écrits plus conceptuels donnent du rythme à l’ouvrage en marquant une progression à son parcours.

Concevoir la pratique touristique comme une façon d’habiter ( dwelling ) l’espace fait naître une pléthore de réflexions théoriques comme pratiques au sein du monde universitaire et de la recherche. Les chapitres deux et trois s’interrogent sur l’application de l’habitation du monde par le fait touristique. Le second chapitre, écrit par Stock lui-même, s’attarde sur cette notion, importante pour l’ensemble de l’ouvrage. Il souhaite, dans cette section, évaluer les contributions et les limitations du concept d’habiter afin d’aborder les questions empiriques et les problèmes théoriques du tourisme. Cet « habiter » se comprend différemment en anglais et en français, ce qui n’aide pas les échanges entre les deux univers linguistiques. Stock revient à la base du concept, développé par Heidegger, afin de comprendre comment « pratiquer le tourisme » et « habiter » peuvent être liés (p. 18). Le tourisme permet d’habiter les lieux non fréquentés habituellement, dans le quotidien. Afin de gérer ces espaces, l’individu va devoir mobiliser une série de connaissances, mais aussi des compétences particulières. C’est par l’acquisition de ces dernières que l’individu va maîtriser ces milieux. Léopold Lucas (chap. 3) propose d’appliquer cette réflexion à la pratique d’un espace urbain.

Les médias, mais surtout les contenus qu’ils transmettent, ont pris une place grandissante dans les pratiques touristiques depuis maintenant plusieurs années. Les sections subséquentes s’insèrent dans cette réalité par une concentration sur les usages médiatiques dans un tourisme sportif et de plein air. Dans les discours médiatiques, une dichotomie apparaît entre ceux du monde virtuel et ceux de la vie réelle. C’est ce que Valérian Geffroy expose dans les pratiques médiatiques du sport de plein air au sein des Alpes (chap. 4). Le plein air, la nature, la montagne, ces éléments peuvent motiver aussi une déconnexion des réseaux ou, à l’inverse, un défi pour tenter de la maintenir. Cet enjeu pour les touristes du parc national de Banff au Canada est étudié dans le chapitre 5 par Morgane Müller-Roux.

L’ouvrage offre ensuite une lecture théorique, conceptuelle, après les lignes directrices de l’habiter et de la pratique médiatique. La notion de territoire se définit différemment par les Anglo-Saxons (espace de pouvoir défini) et par les francophones (espace de vie). Dominic Lapointe (chap. 6) se questionne sur la compréhension conceptuelle du territoire touristique. Le territoire est intimement lié au patrimoine en son cœur. Dans le Haut Atlas marocain, l’agdal de Yagour voit son système de production traditionnelle transformé par la contribution touristique. Les changements sociospatiaux de cet espace remettent en cause l’avenir de celui-ci comme celui de sa population et de son héritage (Saïd Bourjouf et al ., chap. 7). Mais est-ce que le tourisme peut créer une relation d’attachement à un patrimoine, un héritage ? Maria Gravari-Barbas et Sébastien Jacquot (chap. 8) se demandent justement si le site touristique peut susciter des sentiments chez son visiteur, le poussant à adopter des comportements visant la sauvegarde.

L’action concernant le tourisme peut également être politique. Dynamiser touristiquement un territoire apporte, dans certains cas, un surnombre de visiteurs. La réaction de la population à ce surtourisme est à la base de certains mouvements anti-touristes. Mosè Cometta (chap. 9) se demande si cela est attribuable au ras-le-bol associé au nombre ou simplement à une exclusion sociale et politique au profit des voyageurs. La gestion touristique du Tessin en Suisse a entraîné des besoins de reconnaissance chez les résidents qui voulaient faire entendre leur voix.

La dernière section du livre entame une réflexion implicite sur les théories fondamentales du tourisme contemporain. Le cultural turn des dernières décennies a créé bon nombre de débats au sein des études touristiques. Ces problèmes méritent d’être décrits à la lumière des changements théoriques dans ces études depuis les années 1990 (Clément Marie Dit Chirot, chap. 10). Retour à la ville, car cette complexité du tourisme se présente dans ses dimensions urbaines, certains auteurs étudient les manières dont le tourisme et l’urbain se lient et comment une théorie urbaine venant d’Henri Lefebvre y répond (Vincent Coëffé et Mathis Stock, chap. 11). Chaque destination possède un capital touristique qui va être lié à son développement. Certaines arrivent à maintenir le nombre de visiteurs sur des temps longs, alors que d’autres renoncent à l’utilisation du tourisme comme activité économique et culturelle. Le chapitre 12 invite à une exploration théorique de ce concept de capital touristique grâce à l’utilisation des savoirs de philosophes tels Bourdieu (Stock et al. ). Philippe Violier, au dernier chapitre, suggère que le système touristique entame une troisième révolution par son expansion contemporaine. Le nombre de personnes qui se déplacent augmente, le nombre de destinations connaît pareille croissance. Notre manière d’habiter le monde du tourisme change et évolue.

Progress in French Tourism Geographies. Inhabiting Touristic Worlds propose un état des lieux des progrès francophones en géographie du tourisme. Plus qu’offrir un comparatif de cas d’études, l’ouvrage donne un aperçu des sujets de recherche traités dans ce monde linguistique. La compilation n’est pas hasardeuse, elle est enrichie d’articles plus théoriques permettant d’approfondir les réflexions sur des concepts, des angles d’approche ou des cadres de recherche. Le livre réussit son objectif en éclairant sur la recherche francophone tout en présentant différentes manières d’habiter les mondes touristiques.