Coprésences, conflits, complémentarités dans les usages des lieux par les touristes et les habitants

Coprésences, conflits, complémentarités dans les usages des lieux par les touristes et les habitants [Record]

  • Marie Delaplace,
  • Pierre-Olaf Schut and
  • Nacima Baron

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  • Marie Delaplace
    Groupe Ville Tourisme Transport et Territoires du Labex Futurs urbains, Université de Paris-Est ; marie.delaplace@u-pem.fr

  • Pierre-Olaf Schut
    Groupe Ville Tourisme Transport et Territoires du Labex Futurs urbains, Université de Paris-Est ; po.schut@u-pem.fr

  • Nacima Baron
    Groupe Ville Tourisme Transport et Territoires du Labex Futurs urbains, Université de Paris-Est ; nacima.baron@enpc.fr

Les usages des lieux sont liés à des mobilités de plus en plus massives et complexes qui s’inscrivent dans des temporalités et des recherches expérientielles plurielles, et ce, dans un contexte de porosité croissante entre espaces touristiques et espaces non touristiques (Gravari-Barbas et Delaplace 2015) . Ces mobilités et ces pratiques complexifiées contribuent également à flouter les contours de catégories statistiques établies. Outre les résidents, les touristes et les excursionnistes, d’autres formes de « présents temporaires » se croisent, se rencontrent, se lient, se complètent, s’ignorent ou entrent en conflit dans ces lieux, qui peuvent être partagés de façon temporelle (Ouellet, 2019) ou être des lieux de cohabitation plus ou moins apaisée. La coprésence tient une place importante dans l’histoire de la recherche sur le fait touristique. D’un point de vue historique, elle peut être située dans une vaste série de travaux sur l’activité touristique, sur la mobilité touristique, sur les approches comportementales ou expérientielles des touristes et sur les perspectives interactionnistes entre hôtes et visiteurs ou entre groupes de visiteurs (Edensor, 2001). Les prémices de la circulation touristique (le Grand Tour, le voyage romantique ou colonial) décrites par Marc Boyer (2000) donnent déjà l’occasion d’organiser une rencontre entre des voyageurs et des habitants (indigènes, autochtones) et toute une série de médiateurs (voyagistes, personnel ancillaire…). Recherchée ou subie, la coprésence est ainsi intrinsèquement associée au tourisme. Elle se joue directement et indirectement, à travers des échanges, des regards, la mise en scène des corps, et s’inscrit déjà dans des formes de domination (domesticité des indigènes). L’étape d’industrialisation et de massification du tourisme, qui coïncide avec le mouvement global de décolonisation, ne rend pas pour autant les relations de coprésence entre visiteurs et visités plus égalitaires (Marsac, 2016). S’opèrent en effet dans de nombreux pays des processus de contention spatiale entre les populations indigènes et les zones spécifiquement dédiées à la croissance touristique. En témoignent par exemple les stations balnéaires enclavées créées en Tunisie à la fin des années 1970, telle El Kantaoui (à 30 minutes d’Hammamet). Cette coprésence est associée à une relation de domination induite par le statut des personnes employées dans ces stations. Elle induit cependant le versement de revenus dans les territoires hôtes (Davezies, 2008 ; Terrier, 2009), introduisant alors une forme de complémentarité économique entre touristes et résidents . Les touristes et autres présents temporaires (travailleurs habitant ailleurs, excursionnistes) contribuent alors à accroître la demande de biens et de services sur ces territoires et rendent possible une offre de services, d’activités et/ou d’équipements qui, sans eux, n’existeraient pas, ou plus difficilement. C’est le cas en matière d’hébergement à l’hôtel ou chez les particuliers, par l’intermédiaire des plateformes de location temporaire en ligne, ou de restauration. De même, l’événementiel et certains méga-événements peuvent induire la construction d’équipements dont bénéficieront ensuite les populations. En économie, la question de la coprésence a également été abordée par rapport à ses conséquences en termes d’externalités. Les actions des uns (les touristes ou les résidents) se répercutent sur le bien-être des autres (les résidents ou les touristes) dans la mesure où ils habitent un territoire donné ; les uns de façon temporaire (les touristes) et les autres de façon permanente (les résidents). Ces externalités liées à une coprésence par définition temporaire sont susceptibles d’être bénéfiques (externalités positives) ou néfastes (externalités négatives). En 2005, Christophe Terrier et ses coauteurs ont proposé de prendre en considération cette coprésence en introduisant le concept de « population présente » : « Avec le développement de la mobilité, la population “présente” en un lieu donné à un moment donné peut être notablement différente de cette population ‘résidente’ …

Appendices