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Cet article vise à rendre compte d’une expérience de recherche-action participative (Pascal et al., 2015) menée entre 2015 et 2017, dont l’objectif était d’appuyer les acteurs locaux dans leurs démarches de mise en valeur d’un patrimoine littéraire territorialisé dans le département de l’Allier (région Auvergne-Rhône-Alpes, France)[1]. Il s’agissait de fédérer des acteurs (principalement associatifs) qui partagent un projet de valorisation d’une ressource encore peu instrumentalisée par des stratégies de développement, ce désir de changement partagé constituant l’assise de l’innovation sociale (Besançon et al., 2013).

D’une manière générale, les territoires de la région Auvergne ne s’étaient jusqu’à présent que faiblement investis dans la valorisation des patrimoines littéraires, non que la ressource soit insuffisante (voir par exemple la recension qu’en fait François Graveline dans L’Auvergne des écrivains d’ailleurs, 2013), mais elle restait latente, en « réserve ». Dans ce contexte, le département de l’Allier se distingue toutefois par l’importance relative des initiatives. De fait, de nombreux écrivains sont originaires du département ou y ont séjourné (depuis ceux qui disposent d’une notoriété internationale incontestée comme James Joyce pour Saint-Gérand-le-Puy jusqu’à ceux qui n’ont qu’une reconnaissance parfois très locale comme Ernest Montusès, en passant par des auteurs incarnant de manière symbolique l’histoire sociale du département comme l’écrivain-paysan Émile Guillaumin à Ygrande) et certains héritages littéraires avaient connu un début de patrimonialisation (maisons d’Émile Guillaumin, de Charles-Louis Philippe, bibliothèque de Valery Larbaud à Vichy, prix René-Fallet, achat récent de la maison natale d’Albert Londres par une opération de crowdfunding [financement participatif]…). Ces initiatives restaient toutefois modestes et dispersées. Néanmoins, les acteurs politiques du département, dans leur quête de nouvelles voies de développement pour un territoire à dominante rurale, économiquement et démographiquement fragile[2], avaient commencé à en percevoir l’intérêt : ainsi, en 2010, le vice-président chargé de la culture du Conseil général de l’Allier avait réuni quelques associations impliquées dans la promotion et la perpétuation de l’œuvre d’un écrivain, pour évoquer avec elles la possibilité de travailler à l’élaboration d’une « route des écrivains ». Si le projet n’avait alors pas connu de suite, c’est sur la base de ce premier recensement d’associations que s’est construit le partenariat entre acteurs et chercheurs quand s’est présentée la possibilité de postuler lors de l’appel à projets de recherche-action dans le champ de l’innovation sociale promu par la Région Auvergne.

Dans ce cadre, le premier objectif des partenaires recouvrait une finalité clairement opérationnelle : constituer un réseau autour des initiatives émergentes de valorisation des patrimoines littéraires pour les rendre chacune plus lisible, créer des synergies, un cercle vertueux afin qu’elles deviennent aussi plus nombreuses. Les enjeux étaient d’ordre autant économique (développer le tourisme en ajoutant une dimension littéraire) que culturel (s’appuyer sur les patrimoines littéraires pour renforcer l’offre culturelle dans tous les types d’espaces, y compris en milieu rural isolé). Mais pour le département, l’enjeu territorial résidait peut-être plus encore dans la construction d’une nouvelle image, renforcée par l’affirmation d’une attractivité culturelle, que dans la seule promotion de produits touristiques. Cet article se propose donc de revenir sur cette expérience pour éclairer la question de la place et des modalités de valorisation des ressources littéraires d’un territoire au moyen d’une démarche participative articulée au champ de l’innovation, sociale et territoriale, dans la mesure où l’un des principaux effets a été de permettre aux acteurs d’inscrire clairement leurs activités, à l’origine majoritairement patrimoniales, dans une perspective de développement local (Blangy et al., 2010).

Une inscription dans le champ de l'innovation sociale et territoriale

Promu notamment par le Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) de Montréal, le concept d’innovation sociale s’est imposé, au cours des années 1990-2000, dans le discours des chercheurs comme dans celui des décideurs politiques (par exemple Klein et al., 2016). Mettant l’accent sur les construits sociaux et leur part de représentations, le concept suggérait dès l’origine une emprise spatiale locale (par rapport à une innovation sociétale). Son évolution a conduit à l’émergence récente d’une nouvelle terminologie, celle d’innovation territoriale, qui vient de se voir reconnaître en France une définition institutionnelle : dans le rapport établi par Akim Oural, elle se définit « comme une réponse nouvelle (ou transférée dans un contexte nouveau) à une problématique et/ou à un besoin identifiés collectivement dans un territoire, en vue d’apporter une amélioration du bien-être et un développement local durable » et son caractère innovant repose sur plusieurs éléments combinés, dont « l’adaptation fine de la réponse à un contexte territorial donné et la mobilisation des ressources et atouts locaux […] La capacité à mobiliser les acteurs locaux et notamment les citoyens dans une logique de co-construction et de coproduction » (Oural, 2015 : 7). Si elle suppose le plus souvent un projet économique, l’innovation sociale ou territoriale traduit une volonté de sortir des pratiques habituelles, en s’appuyant sur des démarches collectives qui peuvent mobiliser une grande diversité de connaissances et de compétences dans l’objectif d’une appropriation commune. Elle ne doit cependant pas être considérée uniquement en termes de finalités, mais bien aussi, et peut-être surtout, en termes de processus, car elle implique une dynamique d’apprentissage nouvelle, ainsi qu’une « gouvernance horizontale [qui] s’attache à considérer comment des acteurs en réseaux sont à même de coopérer, se coordonner et de s’autogouverner » (Enjolras, 2010 : 22). Cela implique également une capacité des acteurs à « adapter leur comportement aux modifications de leur environnement » (Tabariés, 2005 : 10). Nous posons donc comme hypothèse que ces principes sont amenés à jouer un rôle dans le processus de construction du territoire par la valorisation des patrimoines littéraires pensés comme ressources territoriales.

Les patrimoines littéraires comme ressources territoriales

La notion de ressource territoriale s’appuie sur les travaux qui ont montré que la force d’un territoire résidait dans sa capacité à être compétitif grâce à une différenciation de son offre de produits et services et surtout à une spécification de son tissu productif, laquelle renvoie aux phénomènes d’appropriation collective et de valorisation d’activités fortement ancrées dans des territoires (Gumuchian et Pecqueur, 2007). Ce qui différencie la ressource « générique » de l’actif « spécifique », c’est bien ce processus de valorisation qui permet à la ressource d’être non seulement révélée, mais définitivement identifiée (Colletis et Pecqueur, 2005). Dans cette perspective, le rôle des acteurs est central : ils doivent non seulement percevoir, puis s’approprier la ressource, mais aussi s’organiser, se coordonner de sorte à ce qu’ils l’intègrent dans une dynamique de développement local. Ce processus vertueux passe donc par la mobilisation des acteurs du territoire et par trois phases : l’identification/appropriation de la ressource, son activation et éventuellement sa spécification.

Parce qu’elles se prêtent bien à ce type d’analyse, les démarches de patrimonialisation ont souvent été, ces dernières années, abordées au prisme des travaux sur la ressource territoriale (Landel, 2007 ; Landel et al., 2014). Les patrimoines littéraires, ayant partie liée avec la personne des écrivains, avec leurs œuvres, voire avec les livres en tant qu’objets, ont également donné lieu à des analyses spécifiques (Molina, 2010 ; 2014 ; Bonniot-Mirloup et Fournier, 2013 ; Fournier et Bordessoule, 2015 ; Bonniot-Mirloup, 2016). D’une manière générale, « des acteurs de plus en plus nombreux (associations, élus, institutions patrimoniales, professionnels du livre, du tourisme, de l’architecture et de l’urbanisme…) s’emparent des œuvres, des livres et des écrivains pour construire des projets d’aménagement et de développement, à vocation culturelle, identitaire, sociale, économique » (Fournier, 2016). De fait, les maisons et les routes d’écrivains offrent autant de moyens d’activer les ressources latentes des territoires. Les héritages littéraires comme bien matériel (maison natale, bibliothèque) et immatériel (l’œuvre littéraire et les valeurs ou expériences qui y sont représentées) peuvent devenir une ressource territoriale, dans la mesure où des acteurs individuels, associatifs, entrepreneuriaux et publics parviennent à se coordonner autour d’objectifs et de stratégies collectives. La méthode mobilisée dans la situation présente, une recherche-action participative, a contribué à accélérer ces processus de concertation et de coopération à l’échelle de tout un département.

La méthode : une recherche-action participative pour valoriser le patrimoine littéraire

Le parti pris méthodologique d’une recherche-action en innovation sociale adopté ici situe le patrimoine littéraire dans l’esprit de la Convention de Faro[3] (Conseil de l’Europe, 2005) qui cherche à promouvoir une plus grande inclusion de la société civile dans le processus de patrimonialisation. Elle s’inscrit plus largement, en Occident, dans le contexte de remise en question du savoir aménagiste qui s’est développé à partir des années 1970 (Meyer, 2009). Cela se traduit notamment par le passage du primat du critère d’ancienneté à celui d’attachement pour la mise en patrimoine d’objets tangibles ou intangibles. En termes de pratiques de terrain, la cartographie culturelle (cultural mapping) promue par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) en est une application pratique qui constitue, selon Abdoulaye Camara et Vincent Negri (2016), une véritable révolution épistémologique visant à encourager la participation des habitants à l’inventaire et la classification de l’objet patrimonial. Michel Rautenberg la qualifie de patrimonialisation alternative (2003) ou de patrimonialisation par le bas (2013), alors que d’autres soulignent un usage alternatif du patrimoine (Bondaz et al., 2012). Toutes ces conceptualisations du rapport entre citoyens et patrimoine accordent une importance à la « parole habitante » (Hertzog et al., 2016) à laquelle chercheurs, comme planificateurs et acteurs politiques, se doivent d’être attentifs s’ils souhaitent agir de manière à obtenir une collaboration optimale des populations concernées.

L’enjeu méthodologique de la recherche-action consistait donc à ne pas dévaloriser les revendications locales initiatrices du projet. Identitaires, elles sont porteuses d’une vision commune de la localité qu’elles entendent représenter. En ce sens, elles sont riches d’enseignements. Mais il faut également garder à l’esprit qu’elles participent quasi systématiquement d’une « communauté imaginaire » (Anderson, 1983). Les acteurs peuvent donc être amenés à prendre des libertés avec les faits historiques ou avec l’œuvre, cela sans discréditer l’action, mais en lui octroyant la flexibilité perçue comme nécessaire dans l’atteinte du succès (ibid.). Notre travail a donc consisté, en accord avec l’esprit de la recherche participative et les principes de l’innovation sociale, à être attentifs à la façon dont les acteurs de terrain formulaient eux-mêmes les enjeux en matière de patrimoine littéraire ainsi qu’à faciliter les échanges entre les acteurs de terrain afin d’établir des stratégies adéquates qui sont en phase avec les manières de voir et de faire des partenaires.

Concrètement, des entretiens semi-dirigés ont, dans un premier temps, été menés de façon individuelle auprès de chaque partenaire[4]. Cinq groupes de discussion ont ensuite été organisés. D’une durée d’environ deux heures, ils ont rassemblé de quinze à vingt-cinq participants, plusieurs personnes pouvant représenter une même association. Il s’est principalement agi d’animer des réunions, mais également de contribuer à la dynamique d’apprentissage en renseignant les partenaires sur d’autres expériences de mise en valeur du patrimoine littéraire, en France et dans le monde, afin que par ces regards croisés émergent de nouvelles perspectives. La section qui suit rend compte du processus de construction de l’action innovante telle que développée avec les partenaires.

La mise en œuvre de la recherche-action

Quels partenaires rassembler dans une démarche collective ?

Ce sont les acteurs sociaux qui procèdent à une mise en patrimoine des éléments matériels ou immatériels jugés dignes d’une transmission aux générations suivantes (Lazzarotti, 2000). Le patrimoine « n’est pas un objet en soi, mais une construction sociale et culturelle qui couple le temps et l’espace » (Coëffé et Morice, 2013 : 78). La mise en patrimoine correspond donc à un processus qui s’apparente à une « opération intellectuelle, mentale et sociale qui implique des tris, des choix donc des oublis » (Lazzarotti, 2003). Mettre en patrimoine devient ainsi un acte de pouvoir, d’une part sur l’objet de la patrimonialisation soumis un droit de gérance, d’autre part sur les significations jugées authentiques associées à l’objet. La prégnance des rapports de force devient d’autant plus importante qu’à la signification peut être attachée une valeur économique (Graham, 2002 : 1004).

La première tâche à laquelle les partenaires ont été confrontés était de choisir quel patrimoine littéraire serait mis en valeur grâce au projet. Dans un premier temps, il a été nécessaire de solliciter également des acteurs qui n’avaient pas participé à la conception du projet déposé auprès de la région. Il ne s’agissait pas de se poser en juges de la qualité des objets littéraire, ni en promoteurs d’œuvres oubliées ou non. Il ne s’agissait pas non plus de déterminer ce qui est ou n’est pas « local », donc considéré comme potentiellement authentique ; notre travail a surtout permis de faire l’inventaire des ressources littéraires déjà mobilisées et le bilan du travail déjà accompli par les acteurs territoriaux locaux.

La ressource littéraire est dite « mobilisée » quand un acteur territorial l’a intégrée à sa stratégie ou à ses enjeux. Elle peut être fin, moyen, ou les deux à la fois. Celle dont on dresse ici la liste est donc intriquée aux actions d’une ou plusieurs associations du département de l’Allier. Dans le cas qui nous intéresse, il fallait toutefois évaluer un certain nombre de conditions afin de déterminer le potentiel de la ressource : citons la renommée de l’auteur, sa présence sur le territoire (en termes de temps et/ou de couverture spatiale), ses écrits sur les diverses localités du département (en termes de quantité et/ou de contenu), si certains éléments de sa vie ou de son œuvre ont déjà été mobilisés dans le territoire ou à l’extérieur de celui-ci, s’il a marqué la culture populaire, l’originalité de sa contribution vis-à-vis des autres écrivains mobilisés, en termes soit littéraire, soit territorial, soit encore touristique (marché de niche, compétition territoriale et marchande). Au final, les partenaires ont choisi de se concentrer sur l’héritage des auteurs déjà portés par une association (au sens de la Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association) (voir la liste au tableau 1). L’existence d’un acteur déjà porteur d’action a été perçue comme garante d’une demande issue de la base et gage d’un certain engagement dans l’action. Ce choix pragmatique évitait aussi d’avoir à porter un jugement de valeur sur la qualité des œuvres et des écrivains. Malgré cette limite, des contacts ont pu s’établir avec de nouveaux partenaires, ce qui « a permis de découvrir des patrimoines littéraires qu’on ne connaissait pas » (groupe de discussion 3).

Fig. 1

Tableau 1 : Les auteurs valorisés à travers le projet et leurs associations partenaires

Tableau 1 : Les auteurs valorisés à travers le projet et leurs associations partenaires
Source : Les auteurs

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Quels enjeux communs pour les partenaires ?

Les enjeux soulevés par les partenaires convergent grandement et sont de quatre ordres : l’économie culturelle et l’attention politique ; la fréquentation de nouveaux visiteurs et touristes ; l’attention des scolaires ; et la préservation de l’identité.

L’économie culturelle et l’attention politique

Les associations interrogées ont presque toutes l’impression de faire face à une grande indifférence de la part du politique. Les associations sont modestes (au plus une demi-douzaine de membres activement impliqués dans les activités) et, a fortiori lorsqu’elles attirent peu de visiteurs, elles peuvent être perçues par les décideurs politiques comme présentant peu d’intérêt. Les collectivités (communes, communautés de communes) apportent pourtant leur soutien financier, surtout en matière d’immobilier : ce sont par exemple les municipalités qui assument les frais immobiliers du Musée Charles-Louis Philipe (Cérilly), du Musée Émile Guillaumin (Ygrande) ou de l’Espace James Joyce (Saint-Gérand-le-Puy).

La fréquentation de nouveaux visiteurs et touristes

Dans le contexte de multiplication des objets patrimoniaux (Choay, 1992), « le tourisme culturel apparaît comme un moyen d’éviter les « effets pervers » et la connotation péjorative du tourisme », écrit Saskia Cousin (2006 : 18). Le tourisme culturel en vient à être perçu par certains acteurs comme constituant une « bonne pratique », par opposition à un « mauvais » tourisme qui susciterait « destruction du patrimoine, perversion de l’activité économique locale et décalage dangereux entre les visiteurs et les visités » (ibid.). Pierre-Antoine Landel, Laurent Gagnol et Mari Oiry-Varacca (2014 : 12) ajoutent :

L’analyse du rôle du tourisme dans la construction des ressources territoriales est riche d’enseignements. En révélant des objets porteurs de qualités spécifiques au territoire et recherchées à l’extérieur, les acteurs contribuent à la construction d’une destination touristique combinant des biens marchands et des biens non marchands. Ces derniers sont produits par des formes de tourisme « alternatives ». En valorisant des objets patrimoniaux présentés comme représentatifs d’une identité locale, ces projets touristiques révèlent des qualités propres aux territoires. Ce faisant, ils font de l’identité une ressource territoriale.

Le potentiel économique d’une mise en valeur des héritages littéraires doit être nuancé par le fait que, statistiquement, la majorité des personnes pratiquant le tourisme littéraire sont des femmes de plus de 35 ans qui travaillent dans les services (Squire, 1994a ; 1994b ; Silberberg, 1995 ; Herbert, 1996 ; 2001). C’est à la fois une opportunité, puisqu’il y a place à l’attraction de nouvelles clientèles, mais aussi un défi, car la littérature, et a fortiori les œuvres classiques, sont souvent perçues comme démodées (Herbert, 1996 ; 2001), ce qu’ont par ailleurs confirmé certains partenaires lors des groupes de discussion : la plupart ressentent le besoin de « déringardiser » (groupe de discussion 2) des œuvres boudées par le public. De fait, le nombre annuel de visiteurs des musées ou maisons d’écrivains est faible : quelques centaines seulement à Jaligny-sur-Besbre pour Fallet, à Ygrande pour Guillaumin, à Vichy pour Larbaud, à Saint-Gérand-le-Puy pour Joyce et à Cérilly pour Philippe, moins encore (quelques dizaines) à Moulins pour Bonneau.

En outre, la recherche démontre que la plupart du temps, et surtout lorsque la connexion littéraire aux lieux n’est pas au premier plan, les touristes qui les visitent ne sont pas d’abord motivés par des raisons littéraires. Celles-là peuvent quand même constituer un ensemble de motivations secondaires, postule David Herbert (1996), mais constituent surtout un moyen de conférer un caractère plus authentique à leur visite (Bonniot-Mirloup, 2016). Herbert ajoute qu’on peut éduquer, informer les touristes afin de moduler leurs motivations. Le marketing territorial peut à cet égard jouer un rôle en attribuant des étiquettes associées au patrimoine littéraire.

L’attention des scolaires

Variante de la recherche de nouveaux visiteurs, lorsqu’il s’agit de toucher un public plus large, le désir des associations est de se tourner davantage vers le secteur scolaire, particulièrement les écoles primaires. Tous les partenaires ont, à un moment ou à un autre, organisé des activités avec le secteur éducatif (créations littéraires, lectures, illustrations de rééditions par des étudiants, visites de leur maison d’écrivain par des groupes scolaires). Cependant, tous considèrent difficile de donner une pérennité à ces activités, même si elles sont perçues comme une source à ne pas négliger pour renouveler et rajeunir des publics de lecteurs.

La préservation de l’identité

Chaque auteur a son style, chaque œuvre ses caractéristiques, chaque lieu sa personnalité. Aussi, lorsque vient le temps de travailler de concert, les associations partenaires craignent de perdre une partie de leur identité et de leur liberté d’action. Certaines existent depuis plusieurs décennies (les Amis d’Ernest Montusès a vu le jour en 1987, les Amis de Valery Larbaud en 1957, les Amis de Charles-Louis Philippe en 1936…) et ont développé des modes de fonctionnement sculptés par l’adversité. Certaines ont acquis l’indépendance économique (Larbaud). Le cas des deux associations portant l’héritage d’Albert Londres est significatif à cet égard : l’une, Sur les pas d’Albert Londres, table sur son héritage idéologique et promeut les bonnes pratiques journalistiques et l’humanisme, tandis que l’autre, la Maison Albert Londres, cherche plutôt à conserver l’héritage architectural et la présence de l’auteur à Vichy en restaurant sa maison natale. Si les deux partenaires défendent un patrimoine, il arrive que certains de leurs membres voient l’autre comme un compétiteur dans la recherche de financement. « Comme les sources de revenus sont rares et les projets sont nombreux, surtout en culture, forcément il y a concurrence », dira le représentant d’une association.

Fig. 2

Illustration 1 : La maison natale d’Albert Londres à Vichy

Illustration 1 : La maison natale d’Albert Londres à Vichy
Photo : Pierre-Mathieu Le Bel

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En termes de patrimoine, aucun des enjeux mentionnés par les partenaires ne concerne en premier lieu l’œuvre littéraire. S’il s’agit parfois du patrimoine matériel associé à l’auteur (pérennité de la demeure de l’auteur ou d’un lieu de passage), ce n’est pas systématique. Lors des entretiens ou des groupes de discussion, il est même arrivé que les personnes interrogées admettent ne pas aimer particulièrement l’œuvre de leur auteur : « Il faut reconnaître que ce n’est pas de la grande littérature, il faut le lire avec l’esprit d’un enfant » (entretien, association les Amis d’Albert Bonneau, 28 avril 2016). Plus que dans l’esthétique littéraire, l’intérêt de nombre d’acteurs associatifs réside dans l’histoire locale et le potentiel de développement social et économique envisageable. Le cas des Amis de James Joyce à Saint-Gérand-le-Puy est à cet égard révélateur : « jusqu’à un certain point, la réputation de Joyce est un problème pour nous, parce que les gens pensent que c’est un auteur difficile, hermétique » (entretien, association James Joyce à Saint-Gérand-le-Puy, 16 septembre 2015). Du coup, le public serait moins porté à s’intéresser à son passage dans le village.

Fig. 3

Illustration 2 : Le Restaurant de la Paix à Saint-Gérand-le-Puy

Illustration 2 : Le Restaurant de la Paix à Saint-Gérand-le-Puy

Ce restaurant occupe le rez-de-chaussée de ce qui était l’Hôtel de la Paix lors du passage de Joyce et de son épouse. Le couple louait deux chambres à l’étage.

Photo : Pierre-Mathieu Le Bel

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La propension à concevoir l’importance du patrimoine littéraire local non pas comme une valeur en soi, mais en tant que ressource territoriale intriquée au développement local est peut-être due, d’une part, aux parcours de vie des membres des associations partenaires et, d’autre part, à la teneur idéologique de plusieurs des auteurs retenus. En effet, la moitié des associations compte au moins un de leurs membres actifs anciennement ou encore impliqué en politique ou en syndicalisme. Or, l’importance de définir ce « qui fait patrimoine » a déjà été soulignée (Micoud et Peroni, 2000 ; Gravaris-Barbas, 2003 ; 2005 ; Landel, 2007). Ici, les acteurs qui mettent en valeur l’héritage littéraire du département de l’Allier partagent largement un passé militant. Par ailleurs, la plupart des auteurs concernés (Philippe, Londres, Guillaumin, Montusès) ont étroitement intégré la critique sociale à leurs œuvres écrites. Montusès a été un militant de la première heure du Parti socialiste de France et Guillaumin a cofondé le premier syndicat paysan français. Ces auteurs, s’ils sont reconnus pour la qualité littéraire de leur œuvre, constituent donc, à tout le moins aux yeux des associations, une sorte de patrimoine militant (Leyris, 2007) qui tire une partie de sa valeur des rapports de force et des luttes historiques auxquels ils font référence.

Les stratégies privilégiées par les partenaires

Les entretiens et le premier groupe de discussion ont fait ressortir les enjeux partagés. Les trois groupes suivants ont apporté par exemple des stratégies consensuelles visant à valoriser le patrimoine de chacun des partenaires.

Créer une route des écrivains commune

Créer un itinéraire littéraire qui rassemblerait tous les partenaires est une proposition qui a émergé dès la rédaction du projet. D’un point de vue spatial, cela donne la possibilité de sortir de l’axe de l’autoroute A71 qui traverse l’Allier pour pénétrer au cœur du département. Créer et publiciser une route des écrivains du Bourbonnais permettrait aux voyageurs éventuels de butiner les points littéraires patrimoniaux en les modulant selon leurs goûts : pour les plus urbains, les auteurs de Vichy et Moulins ; pour les adeptes de randonnée, George Sand et Guillaumin, par exemple. Chaque étape du parcours deviendrait également une occasion d’annoncer les activités des autres haltes ou encore de mettre en valeur des éléments non littéraires (restaurateurs locaux, points d’intérêt architectural, activités thermales, etc.).

Fig. 4

Illustration 3 : Le Musée Émile Guillaumin à Ygrande

Illustration 3 : Le Musée Émile Guillaumin à Ygrande
Photo  : Pierre-Mathieu Le Bel

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Offrir plus que de la littérature

En regard de ces enjeux, les partenaires ont établi des priorités d’actions. Tous ont reconnu l’importance de diversifier leur offre en permettant l’accès à des œuvres autres que celles de leurs auteurs respectifs, en proposant des activités qui évoquent d’autres choses que leur seule biographie : d’abord en faisant la promotion des auteurs de leurs partenaires, ensuite en s’ouvrant à d’autres domaines (la projection de films est évoquée dès le second groupe de discussion). Ce choix stratégique ambitionne d’élargir l’expérience offerte aux visiteurs afin d’en diversifier les profils.

En plus de la tendance à l’élargissement de ce qui est considéré comme relevant du domaine patrimonial (Choay, 2009), les années 1990 ont connu l’émergence graduelle d’une demande pour un tourisme expérientiel (Gombault et Bourgeon-Renault, 2014) dans lequel le visiteur est amené à jouer un rôle et n’est plus confiné à la place du spectateur, témoin passif du paysage. Ce phénomène peut être conçu comme une façon pour le touriste de mieux maîtriser un environnement où explose le nombre de produits touristiques offerts. L’expérience immersive deviendrait gage d’authenticité et permettrait de faire une sélection parmi l’offre. À travers elle, le visiteur aurait pour objectif d’être transformé, par la réalisation de pratiques nouvelles pour lui ou l’expérimentation de nouvelles perceptions (Camus, 2014).

David Herbert (1996) et Harald Hendrix (2007) suggèrent que l’artiste n’est alors plus la motivation principale de la visite. Parmi les raisons énoncées par les personnes interrogées, d’autres éléments sont mentionnés, comme le lieu visité lui-même, apprécié pour ses qualités esthétiques ou ses aménités, la bonne compagnie, la réputation qu’on se construit du fait de pouvoir dire qu’on a visité tel ou tel lieu. Les touristes « want to buy feelings and not products », écrit Birgit Trauer (2006 : 183). S’ils le désirent, ils peuvent notamment chercher comment les pérégrinations visibles dans un texte peuvent servir de cadre de référence à la visite d’un lieu réel (Johnson, 2004 ; Plate, 2006), mais ils restent libres de s’inspirer d’autres expériences que celle de la lecture.

Parmi les partenaires, certains disposent de musées ou de maisons d’écrivains ; d’autres offrent des parcours (Philippe Valette) ; certains proposent les deux (Georges Sand, Valery Larbaud, René Fallet, Émile Guillaumin). En mettant l’accent sur l’idée de parcours, les partenaires souhaitent attirer un public intéressé par la randonnée, mais qui souhaiterait conférer un supplément d’âme à son expérience sportive et contemplative. La notion d’itinéraire, ou de « cheminement », qui sera finalement choisie par les partenaires, permet de donner une dynamique jugée plus attractive. Dans le même esprit s’inscrit le désir de projeter des films tirés des œuvres de leur(s) auteur(s).

Fig. 5

Illustration 4 : Une ballade théâtralisée de la Compagnie en la

Illustration 4 : Une ballade théâtralisée de la Compagnie en la
Photo : La compagnie en la

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Créer un calendrier partagé

Une des premières pistes de développement identifiées pour la création de cet itinéraire est sans doute celle qui consiste à partager les calendriers d’activités. Chaque partenaire doit investir beaucoup de temps dans la création d’une activité alors que ses infrastructures ou ses ressources financières et temporelles ne lui permettent pas, le plus souvent, de tenir ladite activité plus d’une ou deux fois par saison estivale. De plus, le public local de chaque partenaire est relativement limité en taille et certains ont signalé un phénomène de fatigue du public à l’égard de leur auteur.

Mutualiser les activités présente plusieurs avantages qui ont été mentionnés au cours des groupes de discussion : les coûts de conception n’augmentent pas, les publics sont renouvelés et « consomment » un nouveau produit culturel, la diffusion des actions de chacun est augmentée, le calendrier de chacun, plus rempli, devient plus attractif pour un visiteur éventuel qui peut choisir différents moments de visite, les retours de visiteurs chez le même partenaire sont envisageables puisque les activités changent. Ce partage du calendrier peut être particulièrement bénéfique aux partenaires « sans lieu » que sont par exemple les Amis d’Ernest Montusès, puisque leur production – dans ce cas des panneaux sur la vie et l’œuvre de l’auteur – peut être exposée chez les partenaires. Voici quelques-uns des commentaires des participants au groupe de discussion 4 :

Nos lieux auraient davantage de vie.

En même temps ça nous permet de ne pas trop se charger de travail parce qu’il faut quand même rappeler que la plupart d’entre nous sommes impliqués dans plusieurs projets en dehors de nos auteurs.

Si nous développons notre collaboration et notre réseau, les éventuels bailleurs de fonds pourront mesurer concrètement l’effet de l’itinéraire sur le territoire, les commerces voisins. Les restaurants, les cafés, les boutiques ou les autres services touristiques verront aussi l’avantage d’entretenir des liens avec nous si on assure une plus grande circulation.

Fig. 6

Illustration 5 : Hérisson, le village mis en scène dans Les Cimes , d’Ernest Montusès (roman écrit en 1924)

Illustration 5 : Hérisson, le village mis en scène dans Les Cimes , d’Ernest Montusès (roman écrit en 1924)
Photo  : Pierre-Mathieu Le Bel

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Créer une nouvelle association

Après plusieurs mois de concertation, les associations partenaires ont choisi de créer une nouvelle association qui les rassemblerait et serait responsable de la pérennisation de la route des écrivains du Bourbonnais. Cette nouvelle association, appelée Cheminements littéraires en Bourbonnais, s’est donné comme principal objectif :

[De] faire connaître et de valoriser le patrimoine littéraire du Bourbonnais, notamment en diffusant et en partageant, dans l’Allier et à l’extérieur, les informations et manifestations des associations locales porteuses de l’œuvre d’un auteur. (Statuts de l’association déclarée le 9 mai 2016, parus au Journal Officiel le 28 mai 2016[5])

L’association cherchera à atteindre cet objectif à travers – mais pas exclusivement – les actions suivantes :

  • créer et animer un véritable itinéraire littéraire en Bourbonnais, en lien avec les communes et les associations, capable de générer un tourisme littéraire (en synergie avec d’autres activités touristiques autour du patrimoine, des activités de pleine nature, de la gastronomie, du thermalisme, etc.), par ces moyens, enrichir l’offre culturelle du Bourbonnais,

  • créer un site web et l’animer,

  • faire connaître les différents prix littéraires décernés dans l’Allier,

  • favoriser la création de nouvelles associations autour d’auteur(e)s né(e)s, ayant séjourné ou vécu dans le Bourbonnais,

  • aider à la réédition d’auteur(e)s,

  • favoriser le développement de manifestations autour d’auteur(e)s en lien avec d’autres disciplines artistiques (théâtre, itinéraires lectures sur un territoire, cinéma, BD [bande dessinée], écriture, audiovisuel, illustration, etc.),

  • favoriser la découverte d’auteur(e)s dans le milieu scolaire et universitaire ainsi que dans les médiathèques, chez les libraires, etc.

Au sens de l’innovation sociale et territoriale, cette nouvelle structure est importante, car elle donne corps à la dynamique d’apprentissage instaurée par le projet. Au-delà de la mise en réseau et du partage des expériences qu’ils permettent, les Cheminements littéraires en Bourbonnais deviennent à leur tour une ressource sur le plan économique. Cousin remarque « une grande capacité des élus, des techniciens, mais aussi des habitants […] à s’approprier la forme des discours sur le tourisme culturel afin de bénéficier des mesures d’aides aux territoires et aux cultures locales édictées dans le cadre des lois de décentralisation et des programmes européens comme Leader, Feder ou Interreg » (2006 : 26). La nouvelle association est justement conçue pour favoriser l’accès à de nouvelles sources de financement en matière de développement territorial. Seul, aucun des partenaires ne pouvait aspirer aux subventions européennes ou même à celles provenant de la région Auvergne-Rhône-Alpes ; leur regroupement devrait leur permettre de faire jouer les maillages d’un échelon géographique supérieur.

Fig. 7

Illustration 6 : La carte des Cheminements littéraires en Bourbonnais telle que conçue par les partenaires sur la base des groupes de discussion

Illustration 6 : La carte des Cheminements littéraires en Bourbonnais telle que conçue par les partenaires sur la base des groupes de discussion
Source : Conception Pierre-Mathieu Le Bel; réalisation Frédérique Van Celst CERAMAC

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Conclusion

Je ne savais pas qu’il y avait autant de ressources littéraires dans l’Allier, c’est une nouvelle perspective qu’on a, en travaillant comme ça, ensemble. (Entretien, association du Musée Émile Guillaumin, 10 décembre 2015)

Le parti pris pour la recherche-action collaborative plaçait les partenaires-acteurs au centre d’une démarche, inscrite dans les principes de l’innovation sociale qui veut que celle-ci réponde à un besoin social, c’est-à-dire perçu et reconnu comme étant mal comblé (Oural, 2015 ; Klein et al., 2016). L’innovation sociale et territoriale inhérente aux actions des partenaires est alors à situer dans la mise en réseau et dans l’établissement d’une dynamique collective d’apprentissage auparavant absente. La coordination à travers le projet a conduit les partenaires à élargir leur vision du territoire de telle sorte que leurs actions ne soient plus uniquement focalisées sur la seule transmission d’un patrimoine littéraire, mais qu’elles contribuent désormais explicitement au développement territorial. Une authentique innovation s’affirme dans la transformation et le réagencement d’acteurs et de stratégies, à partir d’une culture, d’une histoire, d’un territoire.

En regard des intentions originales, quelques éléments sont à relever. La collaboration entre des partenaires qui ont parfois mutuellement découvert leur existence – de même qu’ils ont pu découvrir des auteurs locaux qu’ils ne connaissaient pas – a permis de faire prendre conscience à chacun qu’une mise en cohérence entre les patrimoines littéraires dessine un nouveau récit susceptible d’attirer plus de visiteurs et pose les bases d’un partage des ressources et des activités. En somme, la mobilisation apporte encore davantage de mobilisation.

Les partenaires de la recherche ont trouvé dans leur collaboration une ressource suffisamment prometteuse pour chercher à la pérenniser. Le projet rebaptisé Cheminements littéraires en Bourbonnais a donné lieu à la création en mai 2016 d’une nouvelle association éponyme fédérant l’ensemble des acteurs impliqués dans la valorisation des héritages littéraires du département ; elle dispose d’une page Facebook[6] pour communiquer sur ses activités en attendant la réalisation de sa propre plateforme numérique. Ce regroupement permet de conférer davantage de continuité aux actions et activités auparavant sporadiques et peu visibles des associations. « Maintenant que la dynamique est enclenchée, on peut être optimiste », déclarait un des participants (groupe de discussion 5). Le travail de mise en place de la nouvelle fédération d’associations a montré que les partenaires ont pris conscience de la nécessité d’associer des acteurs issus d’autres secteurs, au-delà de la seule protection du patrimoine littéraire. Cela est cohérent avec le travail que chacun a fait dans le passé, mais montre également que le patrimoine littéraire est perçu dans son intrication avec d’autres secteurs d’activités, pas uniquement culturels. Ainsi, le souhait est d’inclure à moyen terme des partenaires voyagistes, restaurateurs, etc. Ce que les membres conçoivent comme des actions à accomplir afin d’atteindre leur objectif relève donc, d’une part, directement du patrimoine littéraire au sens étroit (faire connaître des textes et des auteurs), mais sollicite également et d’autre part un maillage d’acteurs élargi. Cela conduit à inclure le capital territorial local hors des limites de la littérature (le thermalisme, par exemple, très présent en Auvergne). Le patrimoine littéraire mobilisé s’inscrit ainsi pleinement comme un élément de capital socio-territorial (Fontan et Klein, 2004) en ce qu’il participe d’un large réseau, d’une densification des relations sociales.

Les défis apparaissent nombreux. L’ouverture d’un site web reste entre les mains de la nouvelle association qui doit financer son hébergement. Il reste encore à faire les choix techniques inhérents à l’hébergement et à activer concrètement le site. Il reste qu’une dynamique a été enclenchée, que les visiteurs peuvent d’ores et déjà cheminer sur la route des écrivains du Bourbonnais. La programmation 2017 a offert des balades, des lectures publiques et des conférences, des expositions et des projections de films. Le Bourbonnais, territoire historique, se laisse apercevoir dans les maillages de cette mise en réseau littéraire. Le projet de recherche-action en innovation sociale s’est appuyé sur les enjeux et les stratégies partagés des partenaires en matière de patrimoine littéraire et a fait émerger une dynamique de mise en valeur du territoire. De futurs travaux pourront s’arrêter sur l’évaluation des effets économiques de l’entreprise. Notre regard visait surtout à en faire ressortir les mécanismes de mise en place. L’avenir nous dira jusqu’où chemineront les Cheminements littéraires en Bourbonnais.

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