Abstracts
Résumé
L’easyjet-setting, ou tourisme urbain de court séjour, nocturne et festif, est une pratique sociale émergente qui marque un tournant dans les comportements touristiques. La recherche du plaisir « ici et maintenant » (par le clubbing) prime sur les autres aspects de la ville, la dimension borderline (le sublime effrayant) l’emporte sur l’intégration dans la société d’accueil et la configuration spatiotemporelle des city-breakers est poussée à l’extrême (par un comportement hypermoderne). Symbole de la troisième modernité, cette pratique modifie la relation au cadre urbain – devenu un espace métapolitain – et à l’urbanité – devenue hypertexte. La politique foncière et du micro-événementiel, en faveur de cette pratique, permettrait d’améliorer l’attractivité d’une ville et de profiter de ses retombées économiques, grâce à un urbanisme soft. Cependant, de véritables questionnements se posent sur l’impact urbain (en termes de démographie, de banalisation, etc.) et sur le rapport à l’Autre (en termes d’hospitalité urbaine, de cohabitation, etc.). Scientifiquement, interroger une pratique sociale a priori marginale, dans le contexte spécifique de Berlin, nous permet de critiquer les catégories d’analyse classiques (des champs du tourisme et de l’urbain) et de les enrichir. Repenser les unes à la lumière des autres nous permettrait de mieux comprendre la complexité des évolutions du tourisme urbain, donc, de la société actuelle.
Mots-clés :
- city-break,
- easyjet-setting,
- urbanisme soft,
- festivité nocturne,
- sociologie urbaine
Article body
Cet article analyse le phénomène des city-breaks (ou tourisme urbain de court séjour) nocturnes et festifs, au départ de Paris et en direction de Berlin. Objet peu étudié dans le monde scientifique, il prend pourtant de l’importance depuis quelques années, en s’inscrivant dans le monde social plus large du noctambulisme métropolitain. Cette pratique sociale spécifique sera nommée « easyjet-setting », notion issue de la contraction entre la compagnie aérienne low-cost « easy-jet » et le terme « jet-set » (apparu dans les années 1950 pour désigner un groupe social d’élite, aisé et branché, qui voyage à travers le monde pour « faire la fête » dans des lieux lui étant spécifiquement réservés). L’expression « easyjet set » semble avoir été impulsée par le journaliste allemand Tobias Rapp, et vulgarisée dans son ouvrage Lost and Sound. Berlin, Techno and the Easyjet Set publié en 2008. Ce terme lui permettait de désigner le nouveau public des clubs berlinois, ainsi que d’appréhender le nouveau type de clubbing. L’easyjet-setting serait une forme de tourisme festif où les usagers partent pour une longue fin de semaine dans une ville attractive pour son activité de clubbing et/ou sa culture underground.
Quatre constats principaux permettent de justifier le fait de s’intéresser à l’easyjet-setting dans le champ du tourisme :
Le nombre de séjours personnels des Français à l’étranger (et départements d’outre-mer [DOM]) s’est significativement accru entre 1998 et 2013 (de 16,3 millions à 23 millions par an)[1], et plus que les séjours personnels en France[2] (Khiati, 2014 : 102)[3].
Néanmoins, le taux de courts séjours des Français à l’étranger (et DOM) – sur l’ensemble des séjours à l’étranger – a peu évolué : ils correspondent à un quart ou un cinquième des séjours à l’étranger[4] (ibid. : 95) ; il en est de même du taux de courts séjours à l’étranger sur l’ensemble des courts séjours (de 4 à 5 %)[5].
En outre, le « tourisme urbain » représente un segment de marché en croissance : c’est le premier type de destination des Français voyageant en Europe (55 % des séjours personnels des Français hors métropole en 2007) (INSEE, 2008 : 141), le premier type de destination des séjours personnels des Français (36 %, contre 35 % pour la campagne, 27 % pour le bord de mer, 14 % pour la montagne, en 2007) (ibid. : 138) ; et il concerne surtout des courts séjours (environ 3,8 nuitées en ville en 2007 contre 7,8 à la mer ou 6,8 à la montagne).
Enfin, le « tourisme nocturne » (correspondant aux activités touristiques spécifiquement de soirée et nocturnes, qui peuvent être festives, ludiques, marchandes ou culturelles) est en plein essor, à la fois dans la pratique et dans la prise en compte par les pouvoirs publics français : il est un des cinq pôles d’excellence permettant de renouveler l’image touristique en France (Barillet et Steinbach, 2015 : 2) ; c’est, selon le Comité pour le développement économique de Paris, un enjeu majeur pour le développement économique des villes (Mairie de Paris, 2004 : 76) ; les loisirs nocturnes sont de plus en plus pratiqués et leurs retombées économiques sont très importantes[6].
Cependant, l’Allemagne n’est pas la destination la plus fréquentée : 1285 voyages en 2013, contre 3729 en Espagne et 2714 en Italie (Khiati, 2014 : 98). En nombre de nuitées, la différence s’accentue car les voyages des Français en Allemagne sont plus courts, en moyenne : 4,9 nuitées en 2013, contre 8,9 en Espagne et 7,4 en Italie. La part des voyages pour motif personnel des Français en Allemagne en 2013 n’est donc que de 5,8 % ; elle occupe la quatrième position à l’échelle européenne. Notons qu’il ne s’agit que d’une moyenne représentant bien peu la réalité : l’enquête ne tenant pas compte d’un indice de dispersion et de confiance et cette moyenne étant nationale, il n’est pas permis de qualifier les divers types de tourisme.
L’hypothèse principale de cet article est que l’easyjet-setting serait une pratique touristique de loisir de la « troisième modernité » qui modifierait la relation au cadre urbain – devenu un espace métapolitain – et à l’urbanité – devenue hypertexte. Cela nous amènera à nous demander comment mesurer quantitativement et qualitativement les transformations socio-urbaines que ce type de tourisme engendre sur la ville métropolitaine. C’est dans le cadre de la sociologie urbaine que nous allons tenter d’y répondre, en nous appuyant sur des théoriciens de l’évolution du monde urbain et des essayistes de l’évolution de la société globale, en articulation avec des recherches (majoritairement françaises) sur le tourisme en ville et le monde nocturne.
L’objectif de l’article est donc double. Scientifiquement, il s’agit de montrer l’intérêt d’étudier des pratiques sociales a priori marginales pour critiquer les catégories d’analyse classiques et les enrichir. Plus spécifiquement dans le champ du tourisme, il s’agit d’analyser une évolution marquant un tournant dans les comportements touristiques.
Note méthodologique
Cette étude se situe dans le contexte de réalisation d’une thèse de doctorat en cours, en urbanisme et aménagement, dont le sujet est « Le noctambulisme à Paris et à Madrid. Les propriétés situationnelles en milieu festif face aux formes de régulations institutionnelles des pratiques de publicisation de configurations socio-urbaines nocturnes » (Université Paris-Est). Pour réaliser cet article, nous nous sommes appuyé sur les discours issus de douze entretiens semi-directifs réalisés auprès de jeunes noctambules parisiens et de quelques entretiens auprès d’acteurs de la vie nocturne (journalistes, adjoints municipaux, membres associatifs, techniciens), sur l’observation de réunions publiques concernant la vie nocturne à Paris, l’observation directe en milieu festif et l’analyse documentaire (statistiques, documents officiels, articles de journaux, etc.).
Le cas empirique utilisé est l’easyjet-setting de Paris à Berlin. Ce choix s’explique, tout d’abord, par l’importance des représentations parisiennes autour du tourisme ludique berlinois. En effet, les politiques publiques à Paris ont pris en compte l’enjeu économique du tourisme nocturne, suite à la pétition « Quand la nuit meurt en silence » (portée par le disquaire Eric Labbé de My Electro Kitchen, l’association Technopol et l’organisateur de soirées Matthieu Jaussaud de Plaqué Or) signée par plus de 16 000 acteurs de la musique et de la nuit. Cette pétition stipulait qu’il « est dorénavant bien établi que Paris a abandonné toute espèce de leadership européen au bénéfice de villes comme Londres, Barcelone, Prague et Berlin vers lesquelles s’exilent chaque jour plus d’artistes et de professionnels français. Sans parler du public francilien qui n’hésite plus à partir en week-end pour aller faire la fête là où elle a vraiment lieu ». La question de la fuite des fêtards parisiens pour un court séjour personnel vers des villes comme Berlin, en raison de sa dynamique festive, a été à l’origine des débats publics sur la nuit parisienne. Depuis les États généraux de la nuit à Paris, Berlin est citée en exemple par divers acteurs et pratiquants de la vie nocturne. Ainsi, dans le rapport de la Mairie de Paris sur les « États généraux de la nuit », Berlin est citée à trois reprises (Mairie de Paris, 2010 : 28, 56, 95) : à propos de la perception de la vie nocturne dans diverses capitales européennes, de la présence policière en ville et des modèles urbains (où Berlin serait la ville qui a su s’affranchir du modèle de la centralité grâce à son réseau de métro ouvert la nuit vers la périphérie). Malgré les nuances de certains professionnels, ce mouvement comparatif européen engendre une certaine perception de la ville de Berlin. Pour illustration, une enquête de l’Institut français d’opinion publique (octobre 2010 : 4) montre que 43 % des 700 répondants jugent Paris moins animée que la capitale allemande. Une autre explication est liée au fait que Berlin soit la ville la plus touristique d’Allemagne avec 10,8 millions de visiteurs en 2012 pour 24,9 millions de nuitées, avec 255 000 emplois et plus de 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires brut (d’après l’Office des statistiques du Land de Berlin). C’est la troisième métropole européenne la plus visitée avec plus de 11,3 millions de touristes en 2013. Enfin, le développement du tourisme berlinois serait lié à sa réputation d’être une capitale techno depuis les années 1990, autour d’établissements tels que le Kit Kat Klub, l’E-Werk, l’UFO, le Trésor ou le Berghain, ce qui a d’ailleurs encouragé le maire de Berlin à utiliser l’expression (devenue un slogan) : « Berlin est pauvre mais sexy » (Focus-Money, 2003). Ainsi, la ville de Berlin possède 190 bars et 250 clubs, dont la moitié sont concentrés dans les arrondissements de Charlottenburg et de Mitte (en comparaison, il y a 171 clubs en Île-de-France (Steinbach et Clappe-Corfa, 2014 : 28). De la sorte, la ville de Berlin est devenue un des terrains de jeu de l’easyjet-set.
Afin d’étudier précisément ce cas et de répondre à nos objectifs, nous allons tout d’abord problématiser le questionnement par une critique des notions de « tourisme urbain » et de « city-break ». Cela nous permettra de qualifier les spécificités de la pratique de l’easyjet-setting et de ses pratiquants. Nous poserons la question de la mesure des enjeux du tourisme urbain, puis nous tenterons d’analyser les enjeux politico-économiques de l’easyjet-setting et ses conséquences sociales et culturelles. Cela nous amènera enfin à questionner les nouveaux comportements touristiques liés à la ville cosmopolite.
L’easyjet-setting permet de repenser les notions de tourisme urbain et de court séjour, à travers le prisme de la « troisième modernité »
Repenser la notion de « tourisme urbain » à la lumière de la troisième modernité
La notion de « tourisme urbain » est définie par les Assises nationales du tourisme urbain (Bourges, 2005) comme « l’ensemble des ressources ou activités implantées en ville, stations mises à part, et proposées à des visiteurs extérieurs. De ce fait, il concerne toute personne visitant une ville en dehors de son environnement habituel à des fins de loisirs, d’affaires ou autres motifs. » Il correspondrait à une forme de tourisme qui a lieu dans une ville de plus de 20 000 habitants et qui est multifonctionnelle, c’est-à-dire non exclusivement balnéaire, muséale, dortoir, etc. Le tourisme urbain est pluriel (social, d’affaires, événementiel, commercial, d’agrément…), et chaque type possède ses propres enjeux.
Cependant, cette notion est mal définie et mal circonscrite. Elle ne prend pas en compte les catégories d’analyse des auteurs classiques en sociologie urbaine tels que Max Weber, Georg Simmel, Louis Wirth ou Robert Ezra Park. Rémy Knafou (2007) note que les termes « tourisme » et « urbain » n’ont pas été articulés dans leur champ respectif. De prime abord, seul l’enjeu économique a été analysé (Pearce, 1987 ; Cazes et Potier, 1996). La perspective économico-spatiale a prédominé (Page, 1995) pour étudier la concentration spatiale de l’offre de loisirs (Law, 1993). Ainsi, la littérature scientifique sur le sujet est assez pauvre, en raison de la complexité de la délimitation de cette pratique touristique et du phénomène en soi. La définition donnée par les Assises nationales du tourisme urbain ne spécifie pas les activités et les ressources urbaines de ce tourisme et ne prend pas suffisamment en compte la dimension temporelle (Kadri, 2007 : 76-79). La délimitation par le nombre d’habitants n’est pas non plus un critère suffisamment précis pour définir un espace en tant qu’urbain (c’est un simple seuil pouvant varier en fonction des contextes) : il importe de prendre en compte la densité du peuplement ainsi que l’hétérogénéité des habitants et la diversité des modes de vie, qui influent sur la stabilité des relations sociales et ont un impact sur la personnalité urbaine (Wirth, 1979 : 258).
Ainsi, l’analyse du « tourisme urbain » met le chercheur face à la complexité des transformations urbaines. Le « tourisme urbain » dans une ville classique pourrait être délimité, à l’instar du tourisme de mer ou de montage. Cependant, dans une urbanité de troisième modernité, surtout au niveau du tissu métropolitain, comment définir et analyser ce type de tourisme ? La « troisième modernité » correspond, ici, au développement métropolitain actuel comme étant relatif à une nouvelle forme de modernité. Ce développement serait lié à la radicalisation du processus de modernisation défini, dans les mots de François Ascher (2000), par l’interaction entre le processus d’individualisation (dissociation et autonomie croissante des hommes vis-à-vis de l’ici et du maintenant), de rationalisation (réflexivité perfectionnée pour accroître la rationalité des actions collectives et individuelles) et de différenciation sociale (une division du travail technique mais aussi sociale). Les territoires sociaux de la « métapole » (la métropole de la troisième modernité) sont ouverts, multiples et changeants, dans une morphologie socio-territoriale réticulaire. Les actions se veulent réflexives et régulées par des systèmes étatiques subsidiaires. Les activités économiques dominantes sont cognitives et la culture est diversifiée et hybride. Ainsi, les individus seraient « multi-appartenant » et interagiraient dans une société hypertexte où les liens sociaux sont variés, directs et médiatisés.
Dans ce contexte, les espaces concernés par le tourisme urbain sont hétérogènes et les consommateurs et les situations très divers (Law, 1996). Ce phénomène interroge certains auteurs, notamment Luc Gwiazdzinski (2009 : 20), qui pousse la provocation jusqu’à demander :
Peut-on encore parler de « ville » et de vivre ensemble alors que nous vivons désormais dans des ensembles métropolitains de plusieurs dizaines de kilomètres ? Peut-on parler « d’ailleurs » quand l’urbanisation se généralise et transforme le monde en une ville globale et multi-site où s’entasse déjà la moitié de la population de la planète ?
On peut même se demander si le « tourisme urbain » existe réellement (Law, 1996). Il semble, en fait, être un produit de la ville de troisième modernité et un producteur de la cité urbaine plus qu’une fonction. Cela implique, scientifiquement, de dépasser les seules visions géographiques ou économiques du tourisme.
Le « city-break », une forme contemporaine de tourisme urbain qui le transforme
Le court séjour est défini comme un séjour de moins de quatre nuits hors domicile, souvent adossées à une fin de semaine. Il est aujourd’hui établi que le court séjour urbain est en plein développement, ce qui serait attribuable à l’augmentation du temps libre, soit à une évolution des modes de vie marquée par la désynchronisation des temps sociaux entre eux et avec les rythmes individuels (Ascher, 1995). Il semble donc pleinement lié aux transformations de la troisième modernité, en termes de radicalisation de l’individualisation. De la sorte, bien que le court séjour soit clairement défini en nombre de nuitées, le city-break pose les mêmes problématiques que le tourisme urbain, du fait qu’il en soit un type spécifique.
Le phénomène du city-break ne semble avoir été analysé que par les sociétés Chronos-Média Mundi, InProcess et What Time Is It (2008), dont l’anthropologue Stéphane Juguet faisait partie. Il permet de dépasser la vision restrictive du fait de « dormir hors domicile » – excluant d’emblée les escapades urbaines d’une journée et ne prenant pas en compte les évolutions des pratiques touristiques. Certains voyagistes – spécialisés dans le tourisme festif – promeuvent des activités en continu où dormir serait prohibé. Ainsi, Juguet définit le city-break comme : « une expérience qui s’incarne dans un dispositif technique[7] et relève du registre émotionnel » (2009 : 26).
L’easyjet-setting est une forme de city-break repéré par le phénomène du « jeudredi » (une fin de semaine s’étalant du jeudi-vendredi au dimanche soir). Il serait permis par la flexibilité du temps de travail pour les cadres et les étudiants et par le développement des offres de dernière minute sur Internet. L’objectif de ce tourisme est d’opérer une rupture de rythme face à l’environnement urbain quotidien. Aujourd’hui, il s’est étendu aux villes européennes et peut même aller au-delà de ces limites lorsque des voyagistes adaptent leurs offres. Ce type de « tourisme urbain » serait classifiable dans la catégorie « tourisme culturel », soit la forme la plus courante de « tourisme urbain ». En fait, le terme « culturel » prend un sens large, pouvant comprendre aussi bien le folklore que le sport, l’artisanat, les concerts, etc. Le point d’attraction de l’easyjet-setting est le clubbing[8] et sa matérialité concrète, soit la « ville festive » selon la catégorisation de Gwiazdzinski (2005).
L’« easyjet-setting » est un marqueur de la troisième modernité
L’easyjet-setting est un tourisme d’hyper-mobilité, l’occupation d’un territoire réticulaire pour étendre sa territorialité de clubber. La pratique exprime un nouveau rapport au temps et à l’espace, où la contiguïté recoupe la proximité. D’ailleurs, John Urry (1990) considère le tourisme comme une forme radicalement nouvelle de mondialisation, fruit d’innovations technologiques qui modifient le rapport que les hommes entretiennent avec l’espace et le temps.
Il s’agit d’une pratique où, contrairement aux habitudes festives (correspondant à la recherche d’établissements de loisir nocturne à proximité de son lieu de résidence), ce qui joue est la recherche d’une culture festive dépaysante, qui rompt avec le quotidien. Les attentes du city-breaker sont, selon Juguet (2009), une fluidité technique dans l’accès à l’offre (peu de ruptures de charge en particulier) et une rupture émotionnelle avec le quotidien, un « ré-enchantement ». Ainsi, les fêtards se disent prêts à parcourir des kilomètres pour accéder au clubbing berlinois et sortir de l’ennui parisien. À Berlin, l’aéroport Schönefeld recevait 1,7 million de passagers en 2003 et 6,3 millions en 2007, dont 80 % avaient emprunté un vol low-cost. Or, en 2011, 35 % des touristes français avaient entre 15 et 35 ans, confirmant l’intérêt croissant des jeunes pour l’Allemagne. Rapp (2010 : 82), pour sa part, estime qu’il y aurait 10 000 fêtards par semaine qui restent trois jours et trois nuits à Berlin pour écouter de la musique techno et libérer leur sexualité et leur psyché.
Il s’agirait également d’une forme de rupture avec leur temporalité traditionnelle. Ainsi, la rythmique tripartite (travail, loisirs, sommeil) articulée aux trois temps de la vie, l’enfance, la vie active et la retraite, est complètement bouleversée. Le club berlinois est lui-même hors-temps : la nuit dure plus de 48 heures en raison de la succession before – club – after [nommée par les Berlinois : WG – club – after-party]. Une de nos enquêtées, nommée ici Carole (26 ans, célibataire et sans enfants, résidant à Paris et se rendant régulièrement à Berlin), nous raconte très bien ces fins de semaine « à rallonge » en club, par rapport à la normativité des horaires parisiens :
Les clubs ne ferment pas tôt comme à Paris. Ici, c’est 05 heures, max’, enfin, plus ou moins. Alors que là-bas… ça dure jusqu’au lendemain. Et ça peut durer très, très tard. Ça peut fermer à midi, mais, même, ça peut ne pas fermer. Tu peux être au même endroit tout le week-end, même, si tu veux […] Le « pic », entre guillemets, de la soirée, il est pas à 01 heure, 02 heures comme ici, il peut être à 10 heures du matin. Enfin, en tout cas, c’est mieux. Il y a un tout petit peu moins de monde, moins de touristes. La musique est très bien et les gens sont encore chauds à 10 heures et tu peux très bien t’amuser à cette heure-là. J’ai fait un record, c’était 20 heures du lendemain, je suis sortie du club à 20 heures du lendemain de soirée. C’était un peu choquant pour moi-même, mais, enfin, je m’étais bien amusée.
L’ensemble des enquêtés ont exprimé cette idée de retrait par rapport aux normes des horaires habituels, troublant le cycle du sommeil et rendant difficile le retour en France.
Donc, les easyjet-setters correspondraient à l’individu hypermoderne (Aubert, 2006), dont le rapport gourmand au temps est possible du fait d’un emploi du temps souple (étudiants, artistes et classes sociales moyennes-supérieures). Ils pourraient même signifier l’émergence de nouveaux comportements de touristes, voire d’une nouvelle conception du quotidien marquée par la perturbation du couple traditionnel travail/loisirs dans la réalisation de soi.
L’easyjet-setting : une pratique sociale d’élite borderline
La démesure de l’easyjet-setting : tentative d’une qualification sociologique
La pratique de l’easyjet-setting nécessite l’utilisation de techniques de mesure quantitative et qualitative pour qualifier sociologiquement les pratiquants et leur pratique. Pour autant, les données statistiques sur le sujet sont quasiment inexistantes. Cela correspond à la problématique plus large du manque de fiabilité et de richesse des statistiques sur le tourisme urbain, qui en masquent l’importance. L’enquête « Vacances » de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ne prend en compte ni les courts séjours, ni le tourisme urbain. L’enquête European Cities Visitors (European Cities Marketing, 2008-2009) montre par ailleurs qu’entre 2002 et 2007, le nombre de nuits passées dans les villes européennes a augmenté de 25,6 %, alors que le taux de croissance du tourisme global s’élevait à 7 %. Néanmoins, l’activité « fête, clubbing » n’est pas prise en compte statistiquement. Les données de l’Office national allemand du tourisme (DZT) démontrent que le volume des nuitées des Français en Allemagne a augmenté de 74 % entre 2002 et 2011, pour atteindre 2,9 millions en 2011 ; et 42 % des nuitées sont réalisées dans des grandes villes, surtout Berlin (avec 522 974 nuitées). En 2002, l’easyjet-setting correspondait à 5 % de la part des city-breakers ; qu’en est-il aujourd’hui ? L’activité « fête, clubbing » mériterait d’être prise en compte afin d’en saisir le réel impact démographique.
Nous pouvons noter que la majorité des city-breakers sont jeunes (70,9 % de taux de départ en ville pour les 18-24 ans contre 42,4 % pour les plus de 65 ans) et issus d’un milieu social élevé (84,9 % de cadres supérieurs, 56,8 % d’ouvriers). L’easyjet-setting correspond à une forme d’élitisme social réservé aux anciens clients des clubs branchés parisiens qui connaissent les codes sociaux à respecter et qui sont à l’aise financièrement (pour acheter un billet d’avion, payer une nuit d’hôtel…). Cependant, à Berlin, la sélection à l’entrée est moins associée à une place sociale qu’à Paris, le style vestimentaire importe peu : les codes sont plus flexibles et moins basés sur une place sociale que sur l’identité personnelle. Un de nos enquêtés, nommé ici Matthieu (24 ans, célibataire et sans enfants, résidant en grande couronne de Paris et ayant vécu plusieurs mois à Berlin), nous dit : « On ne laisse pas rentrer les gens parce qu’ils sont bien habillés […] on laisse entrer les gens parce qu’on pense que c’est eux qui apprécieront le plus la musique […] ce sont des gens qui vont être plus cool ». De même, Carole nous raconte, à propos de la manière d’être en sortie : « À Paris, tu te colles toujours aux gens, surtout après, quand ils sont bourrés, ils sont chiants. Alors que là, t’as la place, les gens, ils sont souriants, ils sont très tranquilles, pas de problème, c’est plus agréable. » Il s’agit donc de vivre la fête autrement qu’à Paris, où l’ambiance et les relations sociales seraient médiocres et contrôlées. À Berlin, les codes de la « jeunesse dorée » sont réfutés pour autoriser l’expression relâchée du Soi. Cette pratique permet d’envisager un paradigme de la « diversité culturelle » (Glevarec, 2013), où le plaisir « ici et maintenant » est plus valorisé que la correspondance à une culture de classe, ici élitiste. Certains touristes français – conservant ces codes de classe sociale – sont remarqués et déconsidérés pas les easyjet-setters de la première heure que nous avons interrogés, du fait qu’ils valorisent trop ce trait : un style vestimentaire trop branché, des expansions de joie et une consommation ostentatoire qui ne correspond pas au lieu. Or, c’est en partie ce qui les a fait fuir Paris.
Du côté des classes moyennes, le rapport qualité/prix des soirées parisiennes est aussi évoqué comme le facteur rédhibitoire par les jeunes noctambules interrogés lors de notre recherche doctorale, même si certains s’achèteront du LSD, de la MDMA[9] ou une autre drogue… Ainsi, le coût des sorties est une des raisons pour lesquelles ils pratiquent aujourd’hui l’easyjet-setting : les soirées berlinoises coûtent 20 à 30 % moins cher que les soirées parisiennes, pour une qualité des programmations musicales et un sentiment de liberté en terre d’accueil incomparables, d’après eux. Donc, l’easyjet-setting se démocratise : les milieux aisés commencent à rencontrer les fils de milieux moyens. Les étrangers, y vivant quelques mois, invitent leurs amis de soirée à venir découvrir la vie nocturne de Berlin. Ils les logent et leur enseignent les codes à connaître. En suivant la typologie de Juguet (2009), l’easyjet-setter serait un city-breaker « futé », c’est-à-dire à la recherche d’une offre touristique au bon rapport qualité/prix et pour un séjour centré sur le plaisir.
L’easyjet-setting ou le tourisme urbain borderline
Le tourisme festif n’est pas nouveau (Moreau et Sauvage, 2006) : les premiers travellers anglais sont arrivés en France dans les années 1990, à cause de la « poll tax[10] », à bord de camionnettes emplies de matériel musical et sonore pour diffuser leur musique techno, leur mode vestimentaire et leurs drogues de synthèse dans les « free-parties » (des fêtes de musiques électroniques ne suivant pas les restrictions légales des scènes ou manifestations musicales). Cependant, le tourisme festif de l’easyjet-setting se caractérise par le fait qu’il ne soit pas lié à un événement spécifique. Bien qu’il dure plusieurs jours (tel qu’un festival), sa particularité vient de sa reproduction hebdomadaire et de son contenu festif. Berlin est le fleuron de la musique techno. Les territoires du clubbing (Berghain, Watergate, Bar-25…) sont concentrés en une partie de la ville : le long de la Spree entre l’arrondissement de Mitte et celui de Friedrichshain-Kreuzberg (entre le centre-ville et un quartier sud de la ville). La moitié des 250 clubs berlinois ont été créés dans les années 2000, bien souvent à la suite d’une reconversion d’usines désaffectées, et ont généré en 2005 un chiffre d’affaires de 170 millions d’euros, dont 20 % du tourisme (Kretschmar et Grigutsch, 2007 : 2). La musique de type « électro » est présente dans 67 % des soirées organisées par des professionnels et des événements en clubs à Berlin : ils sont 44 % à déclarer qu’ils ciblent les touristes. En 2009, le club Berghain a, d’ailleurs, été élu meilleur club du monde par le magazine en ligne de référence DJmag[11], le Watergate occupait la huitième place ; ils seront classés 13e et 68e en 2015 (en comparaison, le Rex Club à Paris était classé 37e en 2009 et 65e en 2015)[12].
Rapp (2010 : 20-29, 70-79, 105-115, 142-169) raconte les divers types de sorties du mercredi au dimanche que peuvent effectuer les easyjet-setters : aller le mercredi au Watergate avec sa vue sur la Spree (jour où les DJ n’ont pas d’engagement ailleurs et peuvent tester leurs arrangements musicaux) ; le jeudi au Alexanderplatz, permettant de danser tout en profitant d’une vue panoramique sur la ville, puis, aller au Golden Gate jusqu’à six heures du matin, où le style se rapproche des années 1990 et la population est moins aristocratique et plus âgée ; le samedi se rendre au Berghain, avec sa célèbre file d’attente. L’arrivée sur la piste de danse suscite une sorte d’aveuglement temporaire, la danse se fait en face du DJ, bien souvent en solo, elle continue jusqu’à l’aube, pour admirer le soleil levant à la sortie. Puis, continuer au Bar-25, où nombre d’histoires courent sur des relations sexuelles débridées et, le dimanche, relaxer son corps en après-midi à la terrasse du Club des Visionäre, moment de la « descente » (de la récupération physiologique).
En suivant la définition d’une fête (Careil et Moreau, 2010), nous pouvons considérer que le clubbing est le ciment de la société élitiste qu’est la jeunesse dorée, régulant leurs émotions en mettant leur corps et leur psyché à l’épreuve et leur permettant de se construire une culture commune d’easyjet-setter, dont l’appartenance est renforcée par les blogues et autres posts qui constituent une forme de narration de leur souvenir de soirée reconstruite a posteriori. Ce qui se passe à l’intérieur reste à l’intérieur : les photos y sont interdites, seuls les discours des « sortants » permettent de narrer certaines anecdotes qui resteront rumeurs. Avec Véronique Nahoum-Grappe (dans Careil et Moreau, 2010 : 25-29), nous comprenons que cela ne correspond pas aux fêtes traditionnelles, mais aux moments festifs contemporains au sens anthropologique. Nous pouvons dire que l’espace festif des easyjet-setters s’inscrit en miroir du monde réel non festif qui constitue son milieu, dans un quartier de Berlin à un moment particulier considéré comme festif, c’est-à-dire comme étant passé du rassemblement à la liesse, pour sortir de son espace quotidien et routinier.
Il s’agit aussi d’un tourisme nocturne : les établissements de clubbing n’ayant pas d’impératifs concernant les horaires de fermeture et le travail de nuit étant peu réglementé. Ce caractère nocturne symbolise ce tourisme négativement par la construction des représentations collectives sur la nuit. Dans la mythologie grecque (Gwiazdzinski, 2005), Nyx (déesse des ténèbres), fille de Chaos, épousa son frère Erèbe et mit au monde Ether (l’air) et Héméra (la lumière) ; elle enfanta seule Thanatos (la mort) et Hypnos (le sommeil). Dans la religion catholique, Nux correspond au temps de la mort, au péché et à la honte. La construction du discours démonologique s’est effectuée à la fin du Moyen Âge. Les philosophes des Lumières s’opposaient à l’obscurantisme de la scolastique. Dans les contes et les fables, les animaux maléfiques et les monstres vivent la nuit… Ainsi, le tourisme « nocturne » pourrait renvoyer à une stigmatisation de cette pratique comme « démoniaque » : le club est un lieu fermé et sombre, avec nombre de fantasmes circulant parmi les non-connaisseurs ; les ombres laissent planer le mystère et le risque, les sens sont bouleversés par les systèmes sonores et lumineux innovants ; la sexualité et la consommation de substances psychoactives en sont des éléments constitutifs, soit la recherche du « dionysiaque », c’est-à-dire de l’ivresse, du sublime effrayant. Imaginairement, les pratiquants entrent dans un espace de liberté transgressive, perverse. Le vertige est alors recherché dans un jeu (Caillois, 1957) qui relève de l’ilinx (il permet de déstabiliser les sens et d’accéder à la transe) et de la mimicry (par cette déstabilisation, l’easyjet-setter arrive à accéder à un rôle autre, il se comporte différemment et adopte les attitudes d’un autre que soi).
Néanmoins, la nuit correspond également au temps libre (même si le travail nocturne existe), un temps de repos et de divertissement déjà marqué à l’époque moderne (Cabantous, 2009). Pour autant, les tourismes diurne et nocturne sont deux espaces-temps à articuler. Bien entendu, des activités diurnes empiètent sur l’espace-temps nocturne, entre autres les kiosques ouverts 24 heures (Gwiazdzinski, 2005) ; cependant, la nuit conserve toute sa spécificité.
Mais la dimension nocturne, articulée à l’investissement d’usines désaffectées dans une zone peu urbanisée et à l’attrait du lieu inconnu et hors conventions sociales, donne un caractère underground à la pratique. Notons que des soirées underground existent déjà à Paris dans les friches industrielles de première couronne. Certains collectifs organisent ce type de soirées, notamment le collectif « Poney Club », créé en 2009, qui défend l’occupation d’espaces délaissés pour proposer des événements festifs alternatifs, dans le sens où ces lieux sont squattés et la manière de faire la fête (où le permissif règne) est en décalage avec celle des discothèques classiques. Ces soirées – qui semblent concurrencer la vie nocturne berlinoise – ne sont pas légitimées par les politiques publiques.
Or, la politique culturelle semble être un des partis pris pour dynamiser la vie nocturne. Il semble même que la culture underground (une notion qu’il serait nécessaire de conceptualiser) soit un levier de création urbaine essentiel à la ville, en tant que promoteur de pratiques qui deviendront grand public, qui seront récupérées par la « masse ». Pour illustration, au niveau des squats culturels, la culture underground à Paris pourra aussi bien désigner des squats institutionnels, financés par les pouvoirs publics et légitimés (tels que le 59 Rivoli ou la Tour Paris 13), que des squats autofinancés et illégitimés par les autorités publiques, pour des pratiques parfois très similaires ; ce qui pose un réel paradoxe. Les soirées berlinoises ne sont pas des fêtes complètement informelles, telles celles du squat de la rue Ordener dans le 18e arrondissement de Paris, fermant au bout de deux ou trois heures du fait de plaintes de riverains. Ce ne sont pas non plus des fêtes comme celles du collectif du « Poney Club », qui ont lieu dans des zones désaffectées, mais dont le droit d’accès est payant. Elles correspondent davantage à une recherche d’underground contrôlé, une forme d’illégalisme comme frisson à caresser (par les événements se déroulant dans les clubs, les « coulisses » non avouables, autorisés à Berlin et pas à Paris), avec un droit d’entrée et des videurs.
L’easyjet-setting : un choix urbanistique créant discriminations spatiales et conflits sociaux
L’easyjet-setting produit des effets non négligeables, tels que le tourisme urbain ou le city-break. Il convient d’en comprendre les retombées politiques et économiques afin d’en saisir les enjeux urbanistiques qui amènent à la formation d’une certaine idée de la ville cosmopolite.
De l’urbanisme hard à l’urbanisme soft pour profiter des retombées politico-économiques du city-break festif
Les retombées économiques du tourisme urbain de court séjour sont délicates à évaluer. Pour autant, ce type de tourisme permet d’éviter les déséquilibres saisonniers du fait que les touristes remplacent les habitants durant les vacances et les dépenses moyennes des usagers sont maximales. En 1999, le touriste urbain était le type de touriste qui dépensait en moyenne le plus, soit 465 francs (88 euros) par nuitée pour ses séjours personnels avec hébergement marchand, contre 213 francs (40 euros) à la campagne, 227 francs (43 euros) sur le littoral, 439 francs (83 euros) à la montagne avec ski. Néanmoins, les coûts en investissements publics et privés pour les équipements sont très importants : entre 40 et 200 millions d’euros pour un palais des congrès, si l’on considère le tourisme d’affaires.
Le city-break recèlerait des enjeux politiques plutôt qu’économiques. Pour investir dans des politiques touristiques, le schéma type de rénovation et de réaménagement des centres-villes (Dubois et Ceron, 2001) peut se décliner ainsi : conception d’un équipement d’envergure par un architecte de renom, aménagement du quartier alentour, autres développements (résidentiel, universitaire, etc.) et diffusion au niveau des secteurs commerciaux. Cependant, l’enjeu pour l’élu est communicationnel, un message en termes d’image de la ville destiné aux touristes et à ses électeurs. Ainsi, une forme de concurrence entre villes se dessine, qui induit un partage entre « villes de loisirs » et « villes actives ». De la sorte, l’impact urbain du tourisme n’est pas des moindres : il crée de nouvelles formes urbaines (comptoirs, complexes…) et d’urbanité (en termes d’identification et d’altérité), en modifiant le regard sur les villes par le biais de la patrimonialisation et de la festivalisation (Nahrath et Stock, 2012).
À Berlin, les pouvoirs publics ont pris conscience de ces retombées. Il ne s’agit pas de créer l’attraction autour d’un événement d’envergure, telles les « Nuits blanches » parisiennes, mais plutôt un micro-événementiel basé sur la renommée internationale d’un DJ, où le DJ-résident d’une discothèque sera la véritable marque identitaire. Ainsi, la municipalité est en partenariat avec les acteurs de l’industrie de la musique (dont MediaSpree) et le ministre fédéral des Affaires étrangères (Frank Walter Steinmeier) était parrain de la Nuit européenne des clubs en 2009. Cependant, la pratique de l’easyjet-setting entre dans le cadre d’une économie formelle de clubbing. Il y a un marché créé autour de la fête nocturne avec des emplois directs et indirects : serveurs, barmen, DJ, mais aussi hôteliers, industrie alcoolière, et ainsi de suite. Or le phénomène, à l’origine marginal, tend à se massifier et à se formaliser : il existe aujourd’hui des agences de voyage spécialisées, telles que « esayjetsetter.com » ; la partie « vie nocturne » des guides de voyage est aussi incontournable qu’à la fin du XIXe siècle, mais elle est centrée sur les lieux du type clubs ; des régions de l’Europe de l’Est (côte bulgare) ou des cités (Mykonos) se sont ultra-spécialisées dans une sous-culture festive. Cependant, mesurer l’économie touristique autour de l’easyjet-setting est délicat, du fait de ses multiples dimensions : culturelle de musique techno, politique d’image de la ville, etc.
Les conséquences discriminatoires des choix politiques favorisant l’attractivité nocturne et festive
Le renouvellement du « tourisme urbain » est lié à la culture de l’événementiel en ville. Mais ces événements à diverses échelles amènent au développement des city-breaks, souvent imprévisibles et dont le contenu dépendra des possibilités de la ville d’accueil. Se pose alors la question de la qualité de l’urbain, avec des risques de surfréquentation et de banalisation des centres-villes liées à l’uniformisation des modes de vie et à la mondialisation des flux de capitaux et de personnes, alors que l’objectif du tourisme urbain était la mise en valeur des spécificités locales. En fait, un hiatus persiste entre la ville rêvée des touristes et la ville construite. La pratique touristique de la ville a comme effet l’augmentation de la diversité de population présente (les touristes important des cultures spatiales différentes) et la hausse du prix du foncier, ce qui résulte en des formes d’évitement pour les habitants qui se replient sur des lieux marchands et privatifs et en un sentiment d’insécurité de certaines zones touristiques.
Dans le quartier de Kreuzberg, à Berlin, le nombre d’hôtels a doublé entre 2010 et 2015. Au niveau de l’activité commerciale, les épiceries, les restaurants rapides, etc., sont peu à peu remplacés par des cafés gourmets ou des magasins étiquetés « bio ». Le prix du foncier a subi une hausse de plus de 10 % depuis 2012. Après la réunification de l’Allemagne, les prix de l’immobilier avaient fortement chuté (entre 1995 et 2010), contrairement au reste de l’Europe. Or, la démographie stagnait avec un effondrement de la promotion immobilière en Allemagne, ce qui a favorisé l’installation de nombreux clubs le long de la Spree (processus accentué par les avantages concurrentiels offerts par la ville dès 2004). Le mouvement inverse s’est opéré dans les grandes villes allemandes depuis 2010, avec 10 à 15 % de hausse. Par ailleurs, une importante communauté turque s’était installée depuis les années 1960 du côté de Kreuzberg ; ils y sont 150 000 aujourd’hui sur 1 050 000 habitants (quand Paris en compte plus de deux millions : la ville de Berlin est deux fois moins dense que Paris). Mais, en raison de la flambée du prix des loyers et du foncier, la communauté turque est encouragée à vivre en banlieue : le bail à la relocation a subi une hausse en 2011, du fait de l’arrivée d’étudiants et de jeunes couples (les logements sociaux ont été vendus après la réunification à des investisseurs privés).
Notons par contre que le prix du mètre carré reste inférieur à 2000 euros, soit un des plus bas d’Europe. En comparaison, le prix du mètre carré à Paris est supérieur à 8000 euros. Le pouvoir d’achat immobilier (salaire moyen par rapport au prix du mètre carré) y est environ 4,4 fois supérieur à celui des Parisiens. Cela, outre la qualité de vie, amène des étrangers à investir à Berlin et à s’y installer, notamment des artistes, dont certains de nos enquêtés qui y vivent encore ou y sont restés quelques mois, même un an. Les populations défavorisées sont donc repoussées vers la périphérie, même si les jeunes y résistent, ce qui crée un décalage entre une société de consommation (des touristes) et une société du manque, à la source de violences.
L’easyjet-setting à travers le prisme de « l’épreuve de l’étranger »
La pratique de l’easyjet-setting possède des limites intrinsèques. La caricature des nuits berlinoises est critiquée. L’easyjet-setting encourage seulement à la visite des clubs et, donc, à la confrontation avec ses clubbers, pas avec les Berlinois. Il ne consiste aucunement en la visite du patrimoine culturel, gastronomique, etc., d’une ville. Donc, les easyjet-setters sont des étrangers qui ne permettent pas aux Berlinois de se confronter à « l’épreuve de l’étranger » (Joseph, 1997), au sens d’accueillir la langue de l’étranger dans sa propre langue et d’une violence envers sa propre langue à partir de la langue de l’Autre, étranger. Cela ne favorise pas la réalisation de l’hospitalité. Ainsi, le Berghain a une très petite « liste d’invités », où l’inscription permet de montrer son appartenance au lieu (le prix d’entrée étant modique par rapport au fait de s’y rendre en taxi, d’acheter de l’alcool et de la drogue). Passer le videur est la première étape du rituel d’accès au Berghain, refusé à nombre de touristes signifiés par une langue étrangère et des codes de classe. Or, seul l’Autre, l’étranger, peut donner une unité à l’Homme, par son assignation à une catégorie et une place sociales.
Récemment, des riverains berlinois émettent des critiques similaires aux associations de riverains parisiennes, autour des nuisances sonores. Un article du Nouvel Observateur du 8 mai 2011 était titré « ‘Nein, danke !’ Berlin veut fermer sa porte aux touristes ». Ainsi, les nuisances sonores (des musiques amplifiées, des « bars debout », etc.) seraient la cause de leur mécontentement, faisant suite, en France, à la loi qui interdit de fumer dans les établissements de convivialité recevant du public, en 2008[13]. Notons qu’avant le décret, dans les années 1990, ces mêmes problématiques en termes de nuisances sonores étaient soulevées par ces riverains du fait des nombreux cafés-concerts rock. Il nous semble que la véritable problématique soulevée soit celle de l’appropriation d’un espace signifié en lieu (soit le passage d’un espace physique à un espace symbolisé, chargé de sens pour ses occupants) et faisant partie du territoire des fêtards, mais aussi des résidents, avec des usages différenciés créant des conflits d’appropriation. Ainsi, l’« habiter », au sens de Marion Segaud (2008)[14], de ces jeunes venus de l’étranger, prenant collectivement possession du pont Admiralbrücke du canal (avant de clubber), entre en contradiction avec la pratique de flânerie des résidents et leur désir de repos dans un entre-soi. De la sorte, les Grüne locaux (Parti des verts) ont repris politiquement ces plaintes et construit leur campagne politique autour du slogan : « Au secours, les touristes débarquent ».
Plus globalement, le revers du phénomène des easyjet-setters vient d’une uniformisation des nuits avec la circulation des DJ dont le métier est facilité à Berlin. Ils sont plus libres que dans d’autres métropoles festives, en raison de l’alliance entre clubs et labels (dont les DJ sont producteurs). Mais un décalage persiste entre la vie nocturne réelle et imaginée de Berlin, surtout face à celle d’autres villes comme Hambourg et sa « Reeperbahn[15] ».
Conclusion
Nous avons posé l’hypothèse selon laquelle l’« easyjet-setting » serait un marqueur de la troisième modernité, modifiant la relation au cadre urbain et à l’urbanité. Pour y répondre, nous avons été amené à qualifier le phénomène de l’easyjet-setting en tant que tourisme urbain de court séjour personnel et à vocation culturelle, où la recherche du festif nocturne (le clubbing) prime sur l’urbain en soi et la dimension borderline (le sublime effrayant) l’emporte sur l’intégration dans la société d’accueil. Dans l’easyjet-setting, la configuration spatiotemporelle des city-breakers est poussée à l’extrême (un comportement hypermoderne où s’exprime un nouveau rapport au temps et à l’espace permis par les nouvelles technologies de l’information et des communications). Jürgen Habermas montre bien (selon Truc, 2005) qu’une communauté cosmopolite nécessite communication et intersubjectivité dans un espace public mondial, dans une dialectique du proche et du lointain. Ainsi, cette pratique est le signe d’un trans-urbanisme, d’une trans-citadinité, en raison de l’hétérotopie et de l’hétérochronie des easyjet-setters.
Cependant, il ne s’agit pas d’une pratique de loisir oisive, si l’on considère les enjeux urbains sous-jacents : les easyjet-setters, par leur pratique, modifient la matérialité de la ville, la gestion des flux et des usages urbains et le rapport à l’Autre. Des zones urbaines délaissées sont investies à Berlin pour une fonction festive, du fait d’un foncier disponible et des politiques publiques d’attractivité. Ainsi, l’économie directe festive est un investissement soutenu par la municipalité car elle invite à améliorer l’image de la ville à l’international, autour d’une dimension culturelle du micro-événementiel. Il y a un véritable impact démographique, les fins de semaine, attribuable à la venue des touristes de l’easyjet-setting, ce qui nécessite une gestion urbanistique des « modes de vie » à une échelle micro. Cependant, un certain nombre de questionnements se posent sur la matérialité de la ville en raison de la surfréquentation et de la banalisation des centres-villes, sur l’évolution sociodémographique des zones concernées avec l’évincement des populations défavorisées face à une société de consommation, sur l’hospitalité urbaine du fait que ce tourisme ne permette pas aux Berlinois de se confronter à « l’épreuve de l’étranger ». Ainsi, un hiatus persiste entre la ville rêvée des touristes et la ville construite et vécue par les riverains, qui se traduit par des conflits autour de la publicisation des lieux urbains. Les nuisances sonores (valises à roulettes, fêtards dans la rue, etc.) sont le point d’accroche pour soulever ces problématiques. Plus globalement, cette internationalisation de la fête amène à interroger l’uniformisation du clubbing, de l’offre proposée aux touristes. L’enjeu réside donc dans la gestion du partage entre la ville de l’intérieur et la ville de l’extérieur (Dubois et Ceron, 2001). Ces mutations montrent une diversification des usages qui doit être gérée par une complexification des lieux urbains et des dispositifs de maîtrise d’usage. En effet, nous sommes dans un univers de flux où l’apprentissage des objets techniques et de sa place sociale doit être constant. Ainsi est né l’urbanisme des « modes de vie » postulant que la ville soft prend le pas sur la ville hard : la conception de grands équipements se doit d’être accompagnée d’une gestion de l’usage (Bourdin et Masboungi, 2004), différenciée, de proximité et articulant acteurs privés et publics.
Scientifiquement, résoudre ces difficultés d’articulation implique de revenir sur les catégories d’analyse des champs du tourisme et de l’urbain. Or, les données statistiques sur le tourisme urbain et le city-break sont pauvres, la qualification sociologique de ces touristes easyjet-setters est difficile en raison de leur volatilité et la compréhension de ce phénomène est complexe du fait qu’il soit un produit de la ville métapolitaine et un producteur de la cité urbaine. De la sorte, repenser les catégories d’analyse classiques du tourisme et de l’urbain, à la lumière les unes des autres, permettrait de comprendre le processus en cours de touristification urbaine et/ou d’urbanité muséifiée. L’axe selon lequel l’urbain sert en priorité au tourisme semble avoir été privilégié à l’extrême dans certaines zones festives telles qu’Ibiza ou Mykonos. Il s’agissait de permettre la revitalisation des centres-villes par une attractivité internationale ; or, nous en avons souligné quelques impacts majeurs. Il serait sans doute intéressant de penser autrement l’articulation entre urbain et tourisme, surtout dans des villes de troisième modernité. Le tourisme est à inclure dans l’urbain, mais en prenant en compte les spécificités de la ville et de la cité, donc des modes de vie en coprésence, afin de pacifier leur rencontre. Il s’agit d’un tourisme plus soft, où l’habitant prend part au développement touristique de son milieu.
Appendices
Notes
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[1]
Hausse significative de 1998 à 2007 (de 16,3 millions à 20,1 millions), surtout entre 2002 et 2004 (de 17 millions à 19,1 millions), puis, de manière moindre, de 2005 à 2013 (de 22,5 millions à 23 millions).
-
[2]
De 1998 à 2007 (+19 points contre +13,2 points), de 2005 à 2013 (+2,2 points contre -4,9 points).
-
[3]
Il faut prêter attention aux modifications de l’enquête « Suivi de la demande touristique » de la Direction générale des entreprises (SDT, DGE), au cours des années 2007 et 2008, ce qui crée des ruptures dans les analyses longitudinales. La manière de collecter les données et le questionnaire ont subi quelques changements au niveau des voyages et des nuitées (Khiati, 2014 : 2).
-
[4]
26,4 % en 1998, 25,9 % en 2002, 28,5 % en 2006 (20,3 % suite aux modifications de 2007-2008), 21,7 % en 2009, 21,2 % en 2013.
-
[5]
4,7 % en 2000, 5,1 % en 2002, 5,6 % en 2006 (4,1 % suite aux modifications de 2007-2008), 4,3 % en 2009, 4,7 % en 2013.
-
[6]
Deux individus sur cinq sortent au moins une fois par semaine et un sur cinq ne le fait jamais (Mairie de Paris, 2004 : 6). Sur le plan des retombées économiques, qu’il suffise de mentionner qu’en 2012, 3,5 millions de salariés de France métropolitaine ont travaillé au moins occasionnellement la nuit (Bouygard, 2014 : 1) ; et que l’impact direct des sorties nocturnes et festives serait de 2,8 milliards d’euros (Chanier et al., 2009 : 11).
-
[7]
Juguet évoque ici la logistique, les infrastructures, les réseaux, etc.
-
[8]
Ce terme est un anglicisme (dérivé de to club qui vient du terme nightclub ou boîte de nuit) désignant la pratique de sortie en discothèque.
-
[9]
Le LSD, diéthylamide de l’acide lysergique, est un psychotrope hallucinogène ; l’ecstasy ou MDMA (3,4-méthylène-dioxy-méthamphétamine) est une amphétamine qui stimule le système nerveux central.
-
[10]
La « poll tax » est un impôt introduit par Margaret Thatcher en 1989-1990, une taxe locale à payer de manière identique par tous, sans différenciation des revenus.
-
[11]
« Top100DJs », 2009, <http://djmag.com/top100dj?year=2009>, consulté en février 2016.
-
[12]
Cette chute peut s’expliquer, en partie, par la modification dans la constitution du classement, où 160 000 lecteurs ont pris part au vote ; or, le Berghain a une politique d’accès restrictive, il s’adresse à un public spécialisé dans la musique électronique et pointue.
-
[13]
Suite au décret du 15 novembre 2006 de la Loi Evin (législation sur le tabac).
-
[14]
Segaud considère « l’habiter » comme un trait universel de la relation entre les hommes et les espaces. Habiter un espace consisterait à lui attribuer des qualités permettant de s’y identifier, de se l’approprier.
-
[15]
Axe principal du célèbre quartier des plaisirs.
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