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L’Amérique latine. Un territoire vaste

L’Amérique latine fait référence à un ensemble de vingt pays et de deux départements d’outre-mer rattachés au continent des Amériques. Ces pays latino-américains sont l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, Cuba, El Salvador, l’Équateur, le Guatemala, Haïti, le Brésil, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Paraguay, le Pérou, la République dominicaine, l’Uruguay et le Venezuela ; les deux départements d’outre-mer sont la Guyane française et Porto Rico. Comme ils ont été colonisés par les pays européens de langue latine, on y parle l’espagnol, le portugais et le français.

Ces pays se situent majoritairement au sud et au centre du continent, ce qui inclut les Caraïbes et le seul pays d’origine latine en Amérique du Nord, soit le Mexique. Le portugais est parlé dans un seul pays, le Brésil. Par ailleurs, il y a trois pays d’Amérique du Sud et du centre qui, ayant été colonisés par l’Angleterre et la Hollande, ne sont pas considérés d’origine latine ; il s’agit du Suriname, de la Guyane et du Belize.

La région des Caraïbes et des Antilles fait partie de l’Amérique centrale, ses pays et départements baignant dans la mer des Caraïbes. Cette région a été colonisée à partir du XVIe siècle, surtout par les Espagnols et les Anglais, mais on y retrouve également des héritages coloniaux français, hollandais et danois. La région est partagée entre les grandes îles, qui forment les Grandes Antilles et desquelles Cuba se détache, et un ensemble d’îles moins grandes, en forme d’arc, nommé les Petites Antilles.

L’Amérique latine compte approximativement 21 millions de kilomètres carrés (3,9 % de la surface de la terre), principalement dans la zone intertropicale. Le relief est varié, passant des plateaux de rivières comme le plateau amazonien, sur la côte est, aux chaînes de montagnes telles que la cordillère des Andes, sur la côte ouest. Malgré un patrimoine culturel considérable, et plus que millénaire, ces pays sont restés pendant des siècles isolés des grands mouvements mondiaux. C’est à partir du XVIe siècle, avec les colonisations espagnole et portugaise, que ce « Nouveau Monde » a commencé à être connu, exploré, exploité ; qu’il est devenu l’objet de fantasmes.

Une population différenciée

L’Amérique latine a longtemps été considérée comme un territoire unifié par la culture et les langues latines. Depuis quelques années, on reconnaît que cette « latinité » se définit également comme une distinction, voire une opposition, à l’Amérique du Nord. Les deux Amériques se distinguent en raison de leur langue, principalement anglophone au nord, mais surtout par leur mode de vie et leurs valeurs (Offen et Dym, 2011). La « latinité » dissimule aussi le fait que la population d’Amérique latine est constituée d’une pluralité de groupes autochtones, mais aussi des différentes nations qui s’y sont installées au gré des grands mouvements démographiques qui ont marqué l’histoire. Ainsi, aux différentes ethnies amérindiennes, possédant chacune des caractéristiques particulières et parfois une langue qui lui est propre, se sont joints, à partir de l’époque coloniale, les immigrants européens et africains. L’histoire des Africains, contraints au déplacement par le régime d’esclavage, rappelle d’ailleurs que l’installation dans ce continent n’a pas toujours été une question de choix. D’autres mouvements migratoires, à la fin du XIXe siècle et durant le XXe siècle, ont également permis l’établissement d’autres groupes, notamment italiens et allemands, mais aussi japonais.

Les pays latino-américains ont été engagés plus tardivement dans l’industrialisation que ne l’ont été les pays développés. Dépendants des capitaux étrangers, ils ont également fait face à des problèmes sociaux et politiques majeurs : révolutions, régimes autoritaires et juntes militaires. Malgré ces difficultés, certaines régions ont connu un développement industriel et technologique de bon niveau, notamment le Mexique, le Brésil et l’Argentine.

Un patrimoine naturel et culturel remarquable

Des paysages comme la forêt amazonienne et son majestueux fleuve (partagés par le Brésil, le Venezuela, la Colombie, le Pérou, la Bolivie, l’Équateur, le Suriname, la Guyane et la Guyane française) ; le désert de l’Atacama (au Chili) ; la Patagonie et la Terre de Feu (situées en Argentine et au Chili) ; les chutes de Santo Angel (au Venezuela) ; les chutes d’Iguaçu (au Brésil) ; les plages d’eau chaude et transparente des Caraïbes (mais aussi d’Amérique centrale et du Mexique) ne sont que quelques exemples de la diversité du patrimoine naturel latino-américain.

À ces paysages naturels remarquables s’ajoute la diversité des cultures amérindiennes, déjà présentes avant l’arrivée des Européens au XVIe siècle. Les cultures les plus connues sont celle des Aztèques qui, dans son plus grand essor, s’est épanouie du Guatemala au Mexique, celle des Incas, installés de l’Équateur au Chili, et celle des Mayas, établis dans la partie centrale du continent. Il faut également se rappeler des peuples qui ont précédé ces grands empires culturels, dont ceux associés aux cultures Guarani, Charrua, Mapuche et Aruaque, chaque groupe étant dispersé sur ce vaste territoire. Certains éléments du patrimoine culturel de ces groupes sont illustres, pensons au Machu Picchu (au Pérou) et aux peintures rupestres de la chaîne de la Capivara. D’autres illustrent le syncrétisme des cultures amérindiennes et européennes, que l’on pense aux grandes fêtes populaires et religieuses, comme le jour des Morts (au Mexique) ou encore le Círio de Nazaré et le Carnaval (au Brésil). Ces manifestations culturelles contrastent également fortement avec les modes de vie des grandes métropoles contemporaines, telles que São Paulo, Mexico, Lima et Buenos Aires.

Un apport au monde inédit

Le tourisme en Amérique latine s’est développé à partir de ces importantes richesses naturelles et de cette grande diversité culturelle. Si l’imaginaire qui a alimenté les rêves de voyages en ces terres merveilleuses a surtout été forgé par les Européens, son essence provient des contributions des Amérindiens au monde, aussi importantes qu’historiques. L’éventail de ces contributions est très étendu, mais on peut citer, parmi plusieurs produits et techniques, l’exploitation des minéraux et la production agroalimentaire.

Lors de leur installation coloniale, les Espagnols et les Portugais ont exploité les mines d’or et d’argent de l’Amérique latine. L’arrivée de ces métaux précieux en Europe a été à ce point importante qu’elle a changé le système commercial traditionnel européen et conduit à une accumulation sans précédent de capitaux.

Il faut également souligner la transformation radicale du régime alimentaire qu’a créée l’exportation de la pomme de terre amérindienne en Europe, une transformation qui a bien sûr également touché l’économie de plusieurs villages européens (Weatherford, 1993 : 55). Sur le plan de la production textile, par exemple, « le coton à longues fibres des Indiens d’Amérique surpassait tellement en qualité le coton chétif de l’Ancien Monde que les Espagnols prirent le tissu amérindien pour de la soie » (ibid.). Le latex des Amériques a pour sa part permis une série d’innovations technologiques : vulcanisation, fabrication de divers vêtements et produits : imperméables, chaussures, balles de jeux, gourdes pour le transport de liquides, lanières, etc. Cet apport s’est aussi étendu aux connaissances :

Les Indiens développèrent une compétence et une technologie agricole supérieure et surpassèrent le Vieux Monde par leur pharmacologie. Ils avaient des calendriers beaucoup plus sophistiqués que ceux des Européens, et les Indiens du Mexique avaient une mathématique, fondée sur le positionnement des nombres, supérieure aux systèmes numériques utilisés alors par les Espagnols. (Ibid. : 273)

Au long des siècles, les Amériques ont ainsi fourni des produits les plus variés, des métaux précieux aux denrées agricoles, en passant par les textiles et la pharmacologie, ainsi qu’un ensemble de compétences et de technologies agricoles et mathématiques. Tous ces éléments ont contribué à forger un imaginaire très particulier à propos des richesses infinies de cette région du monde. Un imaginaire qui a forgé des fantasmes sur cette nature proprement fabuleuse, et ces cultures millénaires, un imaginaire qui est maintenant doucement réapproprié par les autochtones et les populations latino-américaines, mais dont les images stéréotypées sont encore parfois difficiles à transformer (Panosso Netto et Trigo, 2015).

L’industrie touristique

Le développement de l’industrie touristique s’appuie certes sur un capital naturel et culturel riche, mais aussi très largement sur le capital humain. Ce dernier joue un rôle essentiel dans la conception, la planification, le fonctionnement et l’exploitation des activités et des équipements touristiques. L’histoire de l’Amérique latine a instauré des réalités complexes et a produit un marché de l’emploi touristique très spécifique. Si chaque pays latino-américain se distingue sur le plan de ses attraits, de la gestion de ses territoires et de sa main-d’œuvre, le contraste est encore plus grand ils sont comparés aux pays de l’hémisphère Nord. En Amérique latine, le développement socioéconomique, la mobilité et les revenus nationaux ne suffisent pas à assurer un développement touristique stable. Ce développement reste donc encore un vaste défi, notamment à cause de la gestion et des politiques publiques inadéquates, de la pauvreté et des lacunes en matière d’éducation (Panasso Netto et Trigo, 2015).

L’Organisation mondiale du tourisme (OMT), dans ses études statistiques, divise le continent américain en quatre régions : l’Amérique du Nord, les Caraïbes, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud. En 2014, selon cette organisation, l’ensemble du continent américain – les Amériques – a enregistré 181 millions d’arrivées de touristes internationaux, ce qui représente 16 % du flux touristique mondial, et 274 milliards USD, soit 22 % des recettes générées par ce flux (OMT, 2015).

De ces 181 millions de touristes, les deux tiers ont visité l’Amérique du Nord. Le Mexique, intégré dans la partie nord de l’Amérique, a enregistré à lui seul 16,1 % des arrivées et 5,9 % des recettes touristiques. Les Caraïbes en ont obtenu 12,4 %, avec 9,9 % des recettes. L’Amérique centrale a récolté 5,3 % des arrivées et 3,5 % des recettes. Finalement, l’Amérique du Sud a accueilli 15,8 % des arrivées et récolté 9,4 % des recettes, dont une majorité d’arrivées au profit de l’Argentine et du Brésil (OMT, 2015).

On peut donc observer que malgré un patrimoine culturel et naturel important ainsi qu’un climat exceptionnel, l’Amérique latine ne compte qu’un faible flux touristique international. On remarque aussi une forte concentration des arrivées dans quelques pays balnéaires. Les modèles de développement touristique archaïques et les problèmes politiques et sociaux sont les principales causes ayant miné la progression de cette industrie dans la plupart de ces pays.

La recherche en tourisme au Brésil, un portait des intérêts des chercheurs

Faire de la recherche sur le tourisme en Amérique latine, comme ailleurs, exige de prendre en considération les particularités historiques, naturelles, culturelles, sociales et politiques des régions, des pays et des départements d’outre-mer qui composent la région. Les analyses recourant à des approches et des perspectives variées sont largement encouragées afin de dresser un tableau d’ensemble de ces réalités contrastées. Invités à collaborer à ce numéro spécial de Téoros sur l’Amérique latine, nous n’avons pas eu la prétention de couvrir toutes ces réalités ni d’établir un état des lieux exhaustif de la recherche dans cette région du monde. Nous avons plutôt tenté de lever le voile sur quelques problématiques particulières au développement touristique latino-américain.

Avant de présenter les articles de ce numéro, nous avons souhaité, dans un premier temps, les placer en perspective avec les différentes thématiques qui animent les chercheurs latino-américains, et brésiliens en particulier.

La communauté universitaire qui s’intéresse au tourisme, qu’elle se présente sous la forme de sociétés savantes ou d’associations scientifiques, s’est organisée et institutionnalisée tardivement, soit à partir des années 2000. Ces organisations ont donc émergé après celles mises sur pied par les chercheurs européens ou nord-américains, et elles sont encore peu nombreuses en Amérique latine. Aujourd’hui, trois groupes sont reconnus : l’Association nationale de recherche universitaire en tourisme (ANPTUR), créée en 2002 par les chercheurs brésiliens ; l’Académie mexicaine de recherche touristique (AMIT), fondée en 2006 ; et la Société des chercheurs en tourisme du Chili (SOCIETUR), mise sur pied en 2007. Ces associations scientifiques organisent des congrès annuels qui rassemblent les chercheurs de ces pays, mais qui ne reçoivent pas une participation significative de chercheurs d’autres pays. Par ailleurs, des rencontres ont eu lieu épisodiquement, notamment lors des éditions du Congrès latino-américain de recherche touristique qui se sont tenues en 1993 au Brésil, en 1997 en Argentine, en 2001 au Chili, et en 2011 en Uruguay. Le thème central du prochain congrès, qui se tiendra en 2016 en Équateur, sera : « Responsabilité et éthique du tourisme pour la préservation du patrimoine naturel et culturel ».

Afin de présenter avec plus de précision les intérêts des chercheurs, nous avons recouru aux indicateurs des intérêts de recherche, tels qu’établis pour le séminaire de l’Association nationale de recherche universitaire en tourisme (ANPTUR). Ce séminaire annuel a rassemblé, en 2015, 180 communications, regroupées en six sections scientifiques et 20 groupes de travail (ANPTUR, 2015). On peut d’ores et déjà noter que les sections « Culture, gastronomie et loisir » et « Gestion du tourisme » sont les plus populaires.

Dans la section scientifique « Culture, gastronomie et loisir », il ressort que les thématiques associées aux espaces et aux biens historiques et culturels, aux manifestations culturelles et aux segments tels que l’œnotourisme, l’archéotourisme et le géotourisme sont particulièrement dynamiques. Dans la section « Gestion du tourisme », les thèmes de la compétitivité et de la stratégie touristique attirent de nombreux chercheurs. On y trouve également des analyses portant sur les images des destinations, la consommation, le comportement, l’expérience et l’enchantement des touristes. La section « Planification et soutenabilité touristiques » se caractérise par des recherches effectuées sur la ville et l’urbanisation. Les chercheurs y abordent également les thèmes de la sécurité, de la mobilité, des infrastructures et de l’aménagement. La section « Politique et développement touristique » illustre l’intérêt marqué pour le développement local et régional. Les questions reliées à la viabilité, à la gouvernance, aux investissements, à la qualité de vie, à l’exclusion sociale et à la gestion démocratique y sont également soulevées. La section « Formation et recherche en tourisme » démontre les préoccupations à l’égard de la théorisation du champ de recherche et de la proposition de modèles adaptables au contexte brésilien. Les discussions relatives à l’hospitalité traitent des relations entre les résidents et les touristes, des interactions qui se produisent maintenant dans une diversité d’espaces, qu’ils soient commerciaux, domestiques, publics, sacrés ou virtuels.

Les recherches brésiliennes réalisées dans le cadre des programmes d’études avancées suivent largement celles des chercheurs latino-américains et, plus généralement, des autres chercheurs européens et nord-américains. Malgré un développement soutenu de la recherche en tourisme au cours des dernières années, les chercheurs inscrits aux séminaires de l’ANTPUR déplorent l’absence d’intégration entre le monde universitaire et le marché touristique. Cet écart ne permet malheureusement pas d’appliquer les résultats issus des projets de recherche. Il ne favorise pas non plus l’adoption de modèles plus appropriés au développement touristique de cette région du monde.

Les contributions à ce numéro

Les articles de ce dossier thématique de la revue Téoros nous invitent à côtoyer des postures épistémologiques différentes de celles auxquelles nous ont habitués les articles scientifiques « du Nord ». Nous remarquons en effet que les auteurs reconnaissent largement l’apport d’une cosmogonie particulière dans leur conception du monde et dans la création des connaissances ; un imaginaire que l’objectivité scientifique occidentale tend le plus souvent à occulter. Ces auteurs mettent ainsi en lumière des problématiques de développement durable qui ne touchent pas le pilier économique ou, lorsqu’ils le font, n’en font pas un élément central de leur analyse. Les deux autres piliers, social et écologique, jouent un rôle plus manifeste dans les analyses. Les auteurs mettent ainsi en exergue le lien essentiel des communautés à la nature ainsi que la responsabilité sociale que doit comporter le tourisme pour qu’il soit considéré comme une réussite, comme un véritable développement. La richesse n’est pas qu’économique : « Poor ? We Are Rich ! » affirme d’ailleurs le sous-titre d’un des articles.

Que les exemples soient tirés du Pérou, du Chili, du Costa Rica ou du Mexique, les auteurs font immanquablement appel aux Incas, aux Mayas, aux Mapuches, aux Borucas qui ont créé, ou qui créent encore aujourd’hui la richesse et la particularité de ces destinations. Un séjour scientifique en Amérique latine est donc une occasion de recentrer le tourisme sur un aspect essentiel : la connaissance et la reconnaissance des hôtes et des visiteurs.

L’article de Miranda et Vidaurri pose avec acuité cette remise en question des valeurs strictement économiques qui ont longtemps amené, et qui amènent encore les pays à investir dans l’industrie touristique. Cet article présente les différences épistémologiques et cosmologiques qui distinguent l’Amérique latine des pays « du Nord ». En prenant exemple sur le développement rural et agricole mexicain, les auteurs démontrent que pour les « ejidos », c’est-à-dire les paysans, le tourisme rural est davantage une occasion de maintenir un mode de vie, un mode centré sur la nature, sur l’ensemble de leur environnement social et sur le caractère humain. Il n’est pas uniquement une valorisation de la productivité et de la croissance économique.

Figueroa Pinedo, Arellano et Tello-Rozas invitent pour leur part le lecteur à revisiter les discours concernant le rôle du tourisme « responsable et durable » dans la diminution de la pauvreté dans les pays latino-américains. Les auteures l’abordent par les déclinaisons de ce type de tourisme (communautaire, solidaire, écotourisme). Prenant exemple sur la ville de Cuzco, haut lieu touristique qui donne accès au célèbre site du Machu Picchu, cité impériale de l’empire inca, elles constatent que malgré des investissements importants pour l’accueil de visiteurs toujours plus nombreux à fréquenter les lieux, la pauvreté des populations locales reste très grande. Le fort développement touristique n’a donc pas été accompagné d’une réduction des disparités socioéconomiques. L’absence d’une éducation moyenne et supérieure de qualité semble accroître l’économie informelle et le développement d’emplois sous-payés, parce que les travailleurs sont sous-qualifiés. Ces emplois viennent à leur tour grossir la part de l’économie informelle, instaurant ainsi un cercle vicieux. Le tourisme dans sa seule perspective économique n’a pas réussi.

Le Costa Rica est un pays reconnu comme étant un modèle de développement écotouristique. En effet, ses aires naturelles, principales attractions du pays, ont été protégées dès le début du XXe siècle et se sont révélées la pierre angulaire du développement touristique de ce pays. Les auteurs, Monterrubio et Bermúdez, tournent cette fois notre regard vers les ressources culturelles du Costa Rica. Ces richesses culturelles sont moins souvent considérées comme attraits touristiques que ne le sont les parcs naturels alors qu’elles s’avèrent un complément important au voyage. En prenant appui sur l’exemple des masques « Borucas », une forme d’artisanat traditionnel autochtone, Monterrubio et Bermúdez nous invitent ainsi à considérer les impacts de la commercialisation touristique sur l’artisanat local. Ils démontrent que ces masques ont, depuis la croissance de l’industrie touristique, été modifiés pour répondre aux attentes et aux représentations que s’en faisaient les touristes. En revanche, les artisans continuent à produire des masques qui symbolisent l’identité culturelle de la communauté et qui leur permettent de maintenir leur lien avec la nature tout en générant des revenus. Cet exemple illustre bien l’adaptation des artisans et, plus largement, de la culture autochtone aux modes de vie contemporains. Il ne s’agit pas d’une perte culturelle irrémédiable, pas plus que de la création de « faux pour les touristes ».

Ni tout blanc, ni tout noir, le tourisme n’est pas moins une panacée qu’un virus mortel. Jouault, Enseñat-Soberanis et Pulido-Madariaga, prenant appui sur le cas de sites archéologiques situés dans le sud-est mexicain, démontrent que certaines formes alternatives de tourisme peuvent être positives. Dans les cas étudiés, les membres des communautés locales ont pu s’approprier les activités touristiques. Ce faisant, elles ont pu aussi bien recueillir les bénéfices économiques que réduire les impacts environnementaux négatifs associés à la venue d’un grand nombre de touristes, tout en préservant leurs modes de vie traditionnels.

L’article de Capellà Miternique et Marcotte pointe une problématique partagée par de nombreux pays latino-américains, celle des destinations « non touristiques », marginales, non par manque de ressources naturelles et culturelles, mais par la difficulté à générer une attractivité. Prenant exemple sur la ville de Concepción, les auteurs mettent en exergue les défis posés par le développement touristique des pays caractérisés par des distances géographiques très grandes, mais aussi par les impacts persistants d’un passé conflictuel, et ne favorisant pas le développement d’une image d’accueil dynamique et positive. Si cette ville ne peut se positionner comme haut lieu touristique, la région du Bio Bio dans laquelle elle se situe pourrait, comme de nombreuses autres destinations excentrées, attirer une clientèle touristique alternative, séduite par l’authenticité de lieux qui n’ont pas été construits sur mesure pour le tourisme.