Abstracts
Résumé
À l’intérieur, comme à l’extérieur, dans la boîte noire ou le in situ, le végétal incite l’artiste à créer un parlement des plantes, qui prend le pari de faire exister au sein d’une dramaturgie d’autres entités que les seuls comédiens humains. La plante se revendique comme protagoniste, s’émancipant de son état d’accessoire de décoration. Les mondes végétaux accèdent ainsi à une dimension énonciative et sémiotique, permettant de rééquilibrer les rapports entre les humains parlant et agissant et la nature, qui n’est plus réduite à sa fonction décorative. Ces mondes végétaux incitent les humains à transformer leurs modes d’énonciation, de compréhension du monde et les poussent à transformer leurs environnements de vie et de création, considérant le végétal en mesure de « sculpter socialement » (au sens où l’entend Joseph Beuys) les scènes théâtrales contemporaines.
Abstract
Inside, as outside, in the black box or the in situ, plant life motivates the artist to create a parliament of plants, which take on the challenge of establishing the existence, within a play, of beings other than human actors. The plant proclaims itself a protagonist, liberated from its status as a decorative accessory. Plant worlds thus attain an enunciative and semiotic dimension, allowing them to restore a balance to the relationships between speaking and acting humans and nature, which is no longer reduced to its decorative function. These plant worlds prompt humans to transform their modes of enunciation, of understanding the world, and persuade them to transform their living environments, considering that plants are capable of “socially sculpting” (according to Joseph Beuys) contemporary stages.
Article body
La terre n’est plus seulement le décor des actions humaines aujourd’hui. Dans le chaos climatique que nous vivons depuis une vingtaine d’années, nous ne pouvons résolument plus nous sentir « devant » le monde, mais bien « dans » le monde (inside), actifs et acteurs du changement climatique et des bouleversements nécessaires de nos habitudes d’existence, de production et de consommation. C’est ce changement de place de l’humain que décrit Bruno Latour au début de la pièce de théâtre Inside, lorsqu’il constate que nous ne vivons ni plus ni moins aujourd’hui que « l’expérience de la disparition du sublime[1] ». La banquise n’est plus ce que nous pouvons admirer depuis la fenêtre d’un hublot lors d’un voyage en avion. Elle n’est plus un spectacle grandiose. En effet, nous nous sommes rendus à l’évidence que nous sommes bien à l’intérieur de cette banquise, car nous savons que c’est le « poids de nos activités » qui fait fondre cette étendue de glace. Nous ne vivons plus en spectateurs extérieurs d’une planète bleue, nous vivons désormais à l’intérieur d’une terre dont nous sommes devenus « un agent géologique majeur[2] ». Cette ère de l’Anthropocène appelle, selon Bruno Latour, à ce que les artistes et les scientifiques travaillent de concert, en vue de développer un nouveau point de vue de l’intérieur (« un point de vie ») qui implique une nouvelle visualisation du monde, mettant au jour une « zone critique » où se concentre l’activité des vivants, humains et non-humains.
Le défi du medium théâtral est de nous aider à nous représenter cet espace. Bruno Latour attribue notre désorientation contemporaine à notre incapacité à nous représenter où nous sommes : « dans » la terre, « dans » cette zone critique. L’enjeu est de renoncer à une visualisation surplombante de notre monde, comme nous permet de le faire la carte Michelin, et de nous plonger dans une compréhension du dedans de nos espaces quotidiens (comme le permet la carte aborigène par exemple[3]). Le relevé topographique nous coupe en effet des interrelations que nous ne cessons pas d’avoir, au quotidien, avec le vivant. Le medium théâtral se pose alors en outil de spéculation et de « visualisations alternatives[4] ». Dans cette réflexion globale sur les places, les mouvements et les interactions de chaque être terrestre, les plantes jouent leur rôle. Plus discrètes, moins démonstratives dans leurs mouvements que les humains et les animaux, elles participent néanmoins pleinement à une cartographie extensive du vivant, dont la dramaturgie théâtrale contemporaine peut se faire le relais spéculatif.
Dans un article de 2019 intitulé « Théâtrologie des plantes ou le Plant turn du théâtre contemporain[5] », je partais déjà du présupposé que « le tournant écologique des scènes contemporaines correspond à une volonté de plus en plus partagée de désanthropologiser la scène, qui n’est plus un espace de monstration d’humains en proie à des dilemmes qu’ils résolvent au cours d’actions dramatiques menées jusqu’à terme », et que la scène devient « aussi le lieu où l’on rend présents des animaux et des plantes ». Je listais alors une série d’interrogations découlant de la présence accrue des plantes sur scène : « La présence pleine et entière du vivant organique ne risque-t-elle pas de court-circuiter l’illusion théâtrale ? Comment une scène désanthropologisée peut-elle être un champ d’expressivité pour les non-humains ? […] Comment faire en sorte que la nature ne tire pas seulement son existence de la représentation que l’homme s’en fait ? » J’en appelais alors à une « refondation d’une théorie des signes échappant au dualisme qui oppose nature et culture », observant comment les scènes théâtrales peuvent partager le sol « avec d’autres êtres souvent bizarres aux exigences multiformes[6] » et s’ouvrir à d’autres régimes de représentation, au-delà des indices ou des images humaines. L’enjeu de cet article se situait premièrement dans l’identification d’une théorie des signes permettant de passer outre l’opposition entre les humains doués de langage et les non-humains privés de ce langage. Deuxièmement, il s’agissait de manifester l’« ambition de recruter des nouveaux actants[7] ». Reprenant la démarche de l’anthropologue Eduardo Kohn lorsqu’il vise à montrer qu’une forêt est un système de signes émergents, en dehors et au-delà des représentations que l’humain s’en fait, je postulais que la représentation indicielle (inspirée du sémiologue Charles Sanders Peirce[8]), qui a la qualité de n’être pas seulement d’origine humaine et de ne pas avoir de propriétés langagières, s’oppose à la représentation mimétique dont on a l’habitude au théâtre, qui est nécessairement humaine, puisqu’elle passe par la mise en images et la mise en intrigue. Considérant le végétal comme intrinsèquement sémiotique, il s’agissait, par la représentation indicielle, de faire en sorte que les humains et les végétaux aient la possibilité de partager un même système de signes, sans que le végétal soit objectivé par un regard humain, pris dans un réseau langagier, c’est-à-dire ventriloqué. Si la question de l’énonciation végétale était centrale dans ma réflexion de 2019, c’est la question de l’espace théâtral qui m’occupe en 2023.
Les végétaux au théâtre ont eu des fonctions différentes selon les codes des genres théâtraux concernés. Au xviie siècle, le théâtre classique fait apparaître des aires de jeu, délimitées par des balustrades, dont les éléments (rochers, buissons, étang, arbres, fontaines) sont peints sur des châssis. Le Mémoire de Mahelot[9] constitue une source privilégiée d’information sur ces décors : ce registre de travail à l’usage du décorateur et des comédiens de la Troupe royale établie à l’Hôtel de Bourgogne contient des fiches techniques précises. Les éléments végétaux font partie des « compartiments » : forêt, arbres, arbrisseaux, roseaux, taillis, « boccage faict de jongs ou roseaux » (dans la pièce La Moscovite, M. Canu), gazon et paille témoignent d’un souci de la couleur locale. Les différents croquis montrent que les pièces qui situent leur action sur une place, dans la cour d’un palais, dans une chambre sont systématiquement agrémentées de plantes et de fleurs. Les pastorales sont de loin les pièces les plus végétalisées, comme Amarillis, « pastoralle » de Monsieur Durier : « Il faut que le milieu du théâtre soit en pastoralle de verdure ou toille peinte. […] Au milieu du théâtre, un arbre de verdure. Trois chappeaux de fleurs et un bouquet, dards et houllettes[10] ». On trouve aussi « un mirthe en arbre » (dans L’Amaranthe de Gombauld), des buissons, du feuillage, un arbre (dans Clorise de M. Baro), des « arcades de verdure » (dans La Folie de Turlupin, M. Hardy)[11]. Souvent, un chant de rossignols est sifflé depuis les coulisses. Ces décors et ces toiles peintes décoratives sont l’oeuvre du peintre-décorateur-ingénieur qui, tel que Sabbatini, appelle une transformation des décors en dispositifs évolutifs, créant une illusion complète, comme on peut le constater dans Dom Juan (Théâtre du Palais Royal, 1665) qui compte un jardin (acte i), un hameau de verdure (acte ii) et une forêt (acte iii). L’opéra et la féérie produisent des décors de nature à grand déploiement. Dans la comédie, les grands éléments architecturés laissent la place à des châssis peints figurant des sentiers, des bosquets, des arbres sur les côtés des théâtres, donnant du relief et de la perspective, accompagnant les innovations liées à l’apparition de la mise en scène. En 1758, Diderot insiste sur la nécessité de dépouiller la scène des décors chargés[12] : l’image scénique trouve un relais dans l’espace du discours. La nature cesse d’être illustrative et conventionnelle et devient un véritable enjeu dramaturgique[13]. Interroger la présence du végétal revient à établir une généalogie de la perception philosophique et anthropologique de la nature : les forêts du mélodrame ne sont pas issues de la même société que les forêts sauvages romantiques ou symbolistes, ou que les plantes grasses de type palmier d’intérieur (Dypsis lutescens) et les fleurs coupées des salons du théâtre de Guitry[14].
Or, qu’est-ce que cela change quand la plante n’est plus considérée comme un décor mais qu’elle devient « protagoniste » au même titre que les humains et les autres choses de la scène ? Les humains partagent en effet la scène avec toutes les autres choses qui constituent le théâtre. Dans Où atterrir ? Bruno Latour multiplie les métaphores théâtrales et indique : « Aujourd’hui, le décor, les coulisses, l’arrière-scène, le bâtiment tout entier sont montés sur les planches et disputent aux acteurs le rôle principal[15]. » Poser la question du végétal dans le théâtre contemporain, c’est étendre le théâtre hors des cadres de la seule comédie humaine et du canon aristotélicien. Toutefois, la plante n’est pas une héroïne, elle n’est pas un agent dramatique : on ne la vainc pas dans des duels, elle n’est pas à l’origine de récits épiques… Afin d’expliciter ce champ de questions, cet article propose dans un premier temps le concept de « dramaturgie endémique » à propos du théâtre in situ, dont le propre est d’inclure les végétaux dans une dramaturgie indigène développée dans les territoires, avec les habitants, proposant des exercices pratiques pour mieux voir et d’autres manières d’aborder le processus de création, comme par exemple celle de mettre en scène comme on glane. Quittant le dehors, le deuxième temps de l’article propose de s’interroger sur la présence moins évidente des végétaux dans la boîte noire de la scène théâtrale. À quelles fins cadrer une plante au risque de l’asphyxier ? Comment peut-elle devenir une partenaire de jeu ? Comment peut-on rendre expressif l’Outside dans l’Inside théâtral ? Comment le théâtre peut-il se faire un des lieux où la respiration est partagée, où s’élabore une expressivité végétale, allant du bruissement à la géophonie ?
La « dramaturgie endémique » du théâtre in situ
Le dimanche 16 octobre 2022, je me rends dans le quartier Porte de Paris à Saint-Denis. Je m’apprête à assister à une représentation du spectacle in situ Série Noire – La chambre bleue, mis en scène par Éric Charon. Le rendez-vous est donné quinze minutes avant le début de la séance, au 9-11 rue Génin à Saint-Denis. Il est environ 15 h 30. Une belle lumière d’automne réchauffe les couleurs jaunes et fauves des feuilles de platanes. Un petit groupe de spectateurs attend au soleil. C’est drôle, chacun se met assez naturellement dans une appréhension héliotropique de l’espace : le soleil chauffe les visages et les dos.
Série Noire – La chambre bleue est un spectacle in situ adapté du roman de Georges Simenon, publié en 1964, qui retrace le parcours de vie de Tony Falcone, incarcéré, suspecté d’avoir tué sa femme après avoir entretenu une liaison adultère avec Andrée, mariée à l’épicier. L’écriture de Simenon est particulièrement imprégnée des atmosphères des lieux, dramaturgie que ravive le metteur en scène Éric Charon qui adapte environ 20 % du texte afin qu’il coïncide avec les lieux dans lesquels l’enquête théâtrale se déroule : Saint-André-de-Cubzac, Colmar, Étampes, Les Ulis, Bruges, Saint-Priest, Fécamp, Lorient, Saint-Michel-sur-Orge. Le public est invité à suivre l’enquête en déambulant dans des ruelles, des passages, des places, des quais. Je dirais qu’il invente à chaque fois une « dramaturgie endémique ». Ce qui est endémique relève au sens figuré de ce qui est indigène au sein d’une région donnée, dérivant du grec dêmos, traduit par « peuple » ou « part de territoire appartenant à une communauté[16] ». Les lieux successifs sont là pour opérer comme des caisses de résonance de la psychologie des personnages, permettant de suivre, dans la dynamique de la marche, les méandres d’une histoire d’amour dont on n’arrive pas à sonder la vérité.
À Saint-Denis, le spectacle, qui commence sur une esplanade, emprunte une première rue, puis s’arrête au carrefour d’une rue pavée et d’une ruelle étroite, que nous finissons par traverser jusqu’à une place peu passante, où l’on aperçoit, au fond, une boulangerie. Il faut ensuite revenir sur ses pas, s’engager dans une rue oblique débouchant sur des escaliers descendant vers un quai, où le spectacle s’installe pendant une quarantaine de minutes, pour terminer un peu plus loin au bord du canal Saint-Denis, non loin du Pont de la révolte, à quelques pas du bassin de la Maltournée. Le spectateur est un flâneur, invité à déchiffrer une dramaturgie à l’aune d’un quartier, qu’il observe et interprète d’une autre manière qu’usagère. Il n’est pas un badaud, mais se positionne dans un rapport actif, sémiologique, en quête de sens, vis-à-vis des lieux qu’on lui fait traverser.
Je me surprends à ne pas flâner ce jour-là le nez en l’air, dans un état d’esprit de rêverie, mais plutôt à flâner en ne cessant pas de fixer des yeux le sol. D’abord, parce que tout un chacun sait qu’il vaut mieux regarder où l’on met les pieds quand on marche en ville… Mais aussi parce que ce jour-là, les habitants des lieux sont également les plantes, que je croise et dont j’ai l’intuition qu’elles participent entièrement de la dramaturgie in situ, sans qu’elles en soient un décor, un « arrière-plan dé-sémantisé[17] ». Les « mauvaises herbes » qui poussent entre les pavés luisants résonnent ce jour-là étrangement avec les personnages de Simenon qui m’apparaissent eux aussi comme des « mauvaises herbes » : ce sont comme on dit, de « petites gens », écrasés par la misère, secoués par des passions qui leur font espérer une vie meilleure, qui n’ont d’autre choix que de se débrouiller, de vivre malgré toutes les difficultés d’une existence aliénée par le travail, étouffée par le conservatisme. Ces personnages aspirent à plus de liberté, alors que la société ne leur accorde aucune possibilité de sortie de leur condition. Mais la vie est plus forte et croît à des endroits où l’on veut la contraindre, la cadrer, la réduire à peau de chagrin.
Saint-Denis est une ville dont le tissu est lacéré par les nationales, les autoroutes, les voies ferrées de la gare du Nord, bouleversé par les grands ensembles modernes autour du Stade de France puis, plus récemment, autour des chantiers gigantesques d’infrastructures sportives, comme le centre aquatique, destinées aux Jeux olympiques de 2024. Ainsi, la mauvaise herbe dionysienne m’apparaît rapidement un témoin clef dans l’enquête théâtrale que mène Éric Charon[18] sur l’état du quartier, sur les habitants, entrant en résonance avec les destins brisés des personnages de Simenon.
Exercices pratiques pour mieux voir
L’attention à l’infra-ordinaire dans les espaces publics, théorisée et pratiquée par Walter Benjamin[19], Charles Baudelaire[20] ou Georges Perec[21], est le propre de la pratique artistique du in situ : le spectateur de théâtre, sorti de la boîte noire, est en mesure de déchiffrer un morceau de ville, de noter l’insolite, le particulier, de réaliser un « herbier des villes[22] », de « botaniser sur l’asphalte[23] ». Le spectateur en mouvement devient ce flâneur qui « fixe son attention sur un monde horizontal, ce qui lui donne le loisir de baisser les yeux[24] », énonce Bruno Tackels à propos de Walter Benjamin dans une conférence à la Bibliothèque Nationale de France en 2012. L’écologie de son attention s’en trouve modifiée : il n’est plus un spectateur qui suit une action humaine en train de se dérouler sous ses yeux, jusqu’à sa résolution, comme l’enjoint le canon aristotélicien, mais son oeil est incité à voir l’action théâtrale au sein d’un tissu urbain, fait de circulations, d’architectures, de zones sauvages, de résidus. Le spectateur est celui qui se met à récolter, avec son oeil, toute une série de stimuli sensori-moteurs.
S’exercer à mieux voir, autour du lieu où l’on vit, autour du lieu où l’on travaille. Voilà le credo d’artistes, qu’ils soient botanistes, metteurs en scène-botanistes ou chercheurs en sciences humaines et sociales. Depuis 2004, le botaniste du Museum de Toulouse, Boris Presseq, marque sur le trottoir avec une craie blanche les noms des plantes qui habitent les trottoirs. Renouée persicaire, figuier, vigne vierge, pariétaire de Judée… plus de 800 plantes sauvages poussant dans la ville de Toulouse ont été répertoriées[25]. Cette démarche pédagogique vise à prêter attention au vivant à côté duquel on passe, car on protège toujours mieux ce que l’on connaît, ce que l’on arrive à nommer. Boris Presseq explique également que ces plantes ont des histoires : leurs graines ont été apportées par des oiseaux, elles participent à des chaînes alimentaires… Et qu’elles poussent dans les interstices (regards d’égouts, caniveaux, fissures entre deux plaques de bitume) d’un monde urbain, quadrillé, contrôlé, nettoyé.
L’identification des plantes sauvages en milieu urbain est aussi au coeur du travail de Thomas Ferrand. Metteur en scène de plusieurs spectacles il y a une dizaine d’années[26], il décide de sortir de la logique de « production » du milieu du spectacle vivant et envisage de se réorienter vers le maraîchage. Mais cette forme de culture le met encore en situation de « produire ». Après une formation en botanique, herboristerie et ethnobotanique, Thomas Ferrand se spécialise dans le glanage des plantes sauvages comestibles et organise des balades où les cueillettes sont dégustées. Ses projets ethnobotaniques sont repérés par le Théâtre Auditorium de Poitiers, où il devient artiste associé entre 2019 et 2022. Pour le TAP, il s’agit de questionner d’une autre manière la « saison » théâtrale et la manière dont le théâtre, environnement totalement minéralisé, peut se mettre sur la voie d’une végétalisation de ses espaces.
Parmi les divers projets développés, on peut citer « Traversées » (2019), mené autour des plantes sauvages et des notions de partage et de convivialité. La question de la rencontre avec l’Autre autour de moments liés au repas est en effet un fil conducteur pour Thomas Ferrand. « Balade scandaleuse » (2020) s’interroge sur la manière dont les plantes peuvent être politiques quand elles sont aphrodisiaques ou toxiques. D’autres projets sont pédagogiques (familiariser le grand public sur les qualités gustatives ou médicinales des mauvaises herbes) et économiques (créer des partenariats avec des restaurateurs, des maraîchers pour repérer des plantes poussant sur des terrains à proximité et pouvant être consommées). Des ateliers d’écriture permettent aussi d’élaborer des recettes[27].
Mettre en scène comme on glane
Ces activités, développées dans un temps de pause durant une carrière professionnelle commencée dans le milieu du spectacle vivant, sont rebouclées avec des problématiques de création, puisque Thomas Ferrand oppose au système de production de spectacle le geste du « glanage ». D’autres pourraient aussi y voir une « dramaturgie de chiffonnier[28] ». Il s’agit alors de travailler un objet scénique à partir des balades, de la cueillette du monde sauvage. Comment ramener cela sur un plateau ? C’est ce que le botaniste expérimente avec les étudiants de l’Atelier de Recherche Chorégraphique de l’Université de Poitiers/SUAPS, encadrés par Isabelle Lamothe, au sein du « Laboratoire de création : Ronces[29] » (2021) : « L’objectif est de donner une grille de lecture sur ce qui nous environne, car on ne voit pas du tout le paysage de la même manière quand on reconnaît la matricaire odorante, la renouée du Japon… que l’on croise tous les jours mais auxquelles on ne fait pas attention », explique Thomas Ferrand. La coexistence avec ce que la société nomme « mauvaise herbe » est une question éminemment politique : le fait de « vivre avec cette altérité », sans être capable de la nommer, en ne remettant pas en question nos idées préconçues sur son inutilité ou sa toxicité, « est une question politique », qui est la « même question que pour les minorités[30] ». On voit alors comment la réflexion sur le végétal peut être une manière pour un centre dramatique national d’inventer de nouvelles façons de produire, de programmer à l’ère de l’Anthropocène, en montrant que le végétal nous invite à dépasser les cadres stricts de la production et de la diffusion théâtrales et à replacer le vivant dans les pratiques quotidiennes, parmi les usagers d’un quartier, etc. Si inclure les végétaux dans une dramaturgie vise à faire le théâtre sur les territoires, avec les habitants, la question qui nous intéresse dans cet article est plutôt celle de la présence des végétaux dans la boîte noire de la scène théâtrale. Tout simplement parce qu’elle nous paraît bien moins évidente.
Cadrer une plante
Quelle drôle d’idée de mettre une vraie plante sur une scène de théâtre et d’en faire un personnage, et non un décor ou un accessoire ! Si l’on souhaite être au contact du végétal, pourquoi ne pas aller plutôt se promener dans la nature ? La plante peut être un support projectif au service de la métaphore : on pense à la mise en scène de Soudain l’été dernier (de Tennessee Williams) de Stéphane Braunschweig (Théâtre de l’Odéon, 2017), qui prend place dans un jardin, cadre d’un huis clos familial : les plantes tropicales évoquent un éden indomptable, se refermant sur les personnages, telles des plantes carnivores. Les plantes peuvent aussi être l’instrument de dénonciation politique d’un état du capitalisme qui ne peut faire autrement que de représenter l’épisode des filles-fleurs (dont les sources sont médiévale et bouddhique) dans Parsifal de Wagner sous la forme kitsch d’épis de maïs OGM cultivés dans le jardin de Klingsor sous des lampes artificielles (mise en scène de Richard Jones, Opéra Bastille, 2018).
Mais que recherche Kamel Abdessadok dans J’attends que mes larmes viennent[31] quand il place dans le cadre de la scène de théâtre une plante, en avant-scène, en situation de one-plant-show en train de monologuer ? « Ce soir, je voudrais redonner la parole à ceux à qui on ne la donne jamais. Je veux parler de nous, les accessoires de théâtre », dit-elle. La plante devient la porte-parole de la lampe, du cendrier, de tous les accessoires de théâtre qui ont ces rôles secondaires. Elle accède enfin au statut de personnage principal. « Ce soir je suis cette plante en plastique. Désormais vous me verrez… », ajoute-t-elle.
Alors que le cadre au cinéma suit et poursuit le mouvement d’un corps, d’un véhicule, d’un mobile que l’on se met à suivre des yeux par l’entremise du mouvement de la caméra, ou utilise des moyens techniques cinématographiques permettant de dévoiler à l’écran la vie imperceptible des plantes sous de multiples plans (gros plan, image accélérée), démontrant l’existence du mouvement expressif des plantes, montrant comment le végétal s’anime, élargissant le domaine du visible et montrant des rythmes et des formes non humains[32], le cadre au théâtre reste désespérément fixe, tout comme la plante qu’il encadre. Qu’est-ce que la plante en pot a à nous dire ?
Si l’on s’obstine à regarder au théâtre une plante, alors c’est peut-être qu’on est prêt à deux choses : constater finalement qu’elle bouge, se rendre à l’évidence qu’elle est expressive. C’est notre conscience qui nous permet de nous affranchir de l’apparente immobilité, qui nous invite à ne pas considérer la plante seulement selon une perspective extérieure qui nous fait faire ce constat décevant : je suis en train de regarder quelque chose qui visiblement ne bouge pas. Puisque le mouvement expressif n’émane pas du corps de la plante (dont les micro-mouvements sont imperceptibles à l’oeil nu), c’est la conscience qui prend en charge le mouvement. La conscience adopte alors une perspective intérieure, et l’on se met à cadrer la plante comme on cadrerait un visage. Puisque la plante ne peut porter aucun drame, son agentivité se situe ailleurs. Possiblement un drame intérieur. Son mouvement, s’il n’est pas extensif, peut alors se révéler expressif : on regarde la plante comme un visage pour en saisir les micro-mouvements, ce qui nous met dans une disposition affective particulière. Mais il ne faut pas se méprendre : il ne s’agit pas de reconnaître un visage humain dans la plante, mais d’en avoir une perception plus fine, plus vaste, plus moléculaire. La plante cadrée serait une visagéification (paradoxalement non-anthropomorphique) de la plante, sur laquelle on fait un gros plan. Or, au visage, écrit Deleuze dans L’image-mouvement, on demande : « À quoi penses-tu ? », « Qu’est-ce qui te prend ? Qu’est-ce que tu as ? Qu’est-ce que tu sens[33] ? » Un dialogue s’installe, à partir de ce régime d’attention expressif, suggéré par la plante elle-même. On s’aperçoit que les micro-mouvements de la plante sont indissociablement liés à sa puissance d’énonciation. Si elle ne bouge pas, sa présence théâtrale est très limitée. D’où peut-elle tirer son agentivité ?
Du fait qu’elle soit cadrée ? Quelle est la fonction d’un cadre ? Le cadre est un système clos, qui vient se poser sur des variables, des flux, du mouvement, soit en agissant par raréfaction (le cadre isole, il prélève des éléments sur une aire), soit en agissant par saturation (le cadre enferme toutes les composantes visibles dans un champ visuel). Le cadre est alors limitation, mais aussi espace de composition car il se constitue en réceptacle de masses, de lignes, de mouvements qui trouvent un équilibre précaire. Mais cadre-t-on de la même manière un monument ? un paysage ? une plante ? Comme l’écrit Deleuze dans L’image-mouvement : « En règle générale, les puissances de la Nature ne sont pas cadrées de la même façon que les personnes ou les choses[34]. »
Comment la plante se met-elle en relation avec le cadre ? La plante fait du cadre une délimitation entre un dedans visible et un dehors lisible. On pourrait croire que le système clos neutralise l’environnement. Or, un système clos ne l’est jamais tout à fait, car il est relié dans l’espace à d’autres espaces par des fils plus ou moins ténus. En effet, une plante sur scène – dans tout l’isolement qu’elle subit – ne peut que renvoyer au dehors de la Nature dont elle a été extraite. Du point de vue de la signification, la plante cadrée ne cesse de renvoyer au hors-champ. Ainsi, si la plante est visible, la nature est lisible par son entremise. Le cadre n’élimine donc pas du tout son rapport avec le dehors. Bien au contraire, il le dramatise. Il rend lisible ce qui n’est pas visible. Pour le redire autrement : ce qui est ailleurs, autour, à côté, parfois plus inquiétant, plus radical aussi, est lisible sans être visible. Dans ce système-qui-n’est-jamais-complètement-clos, la Nature en hors-champ existe comme une image mentale. Ainsi, la plante cadrée, par un procédé métonymique, permet l’enchevêtrement de la plante visible et d’une Nature en hors-champ. Un mouvement implicite entre la partie (la plante) et le Tout (la Nature) se tisse. L’image mentale lisible de la Nature nous fait basculer dans un nouveau régime d’attention : celui qui est propre à un théâtre de la pensée – nous mettant dans la disposition de ne plus nous attacher seulement à ce qui est visible sur scène mais de porter attention aussi à ce qui est lisible, mentalement. L’encadrement de la plante déterritorialise l’image visible et nous pousse à en sortir. La plante cadrée nous pousse à mentaliser. C’est ce procédé qui est utilisé dans le théâtre symboliste : je pense notamment à la « très ancienne forêt septentrionale, d’aspect éternel », peuplée « de grands arbres funéraires, des ifs, des saules pleureurs, des cyprès », « de longs asphodèles maladifs[35] », décrite dans la didascalie d’ouverture des Aveugles de Maeterlinck.
La plante, une partenaire de jeu ?
La plante à l’évidence s’accorde mal à la scène de théâtre, car elle est nécessairement extraite de son milieu naturel, mise en pot, déplacée, éclairée par une lumière artificielle. La présence de la plante fait souvent « figure de vanité[36] ». L’universitaire et performeuse Chloé Déchery raconte sa difficulté à jouer avec une « vraie » bardane dans Bardane et moi[37] (2022), notamment sa difficulté à maintenir en vie le pied de bardane qu’elle est allée déterrer en forêt. Le pied décline et se dessèche en quelques jours. La performeuse culpabilise d’être responsable de la mort de sa partenaire de jeu. Pas d’autre choix que de concevoir une bardane artificielle, qui plus est, montée sur une voiture téléguidée qui lui confère un mouvement. Lorsque la bardane artificielle et motorisée apparaît pour la première fois en session de répétition, Chloé Déchery se rend à l’évidence : c’est bien de son artificialité qu’elle peut tirer son existence scénique[38]. Pour contourner la difficulté de maintenir en vie une plante dans un théâtre, le Collectivo Terron joue quant à lui, dans Bestiaire végétal (2019), avec une nature principalement séchée (feuilles, paille, bambous, osier, samares doubles d’érable).
De son milieu où elle est immergée, en interrelation (« la plante est le paradigme de l’immersion[39] », écrit Emanuele Coccia dans La vie des plantes), on extrait la plante pour la replanter dans le monde fixe et stable du pot en scène : elle devient un objet (LVDP, p. 48), une chose, que l’on voit, que l’on soigne, que l’on arrose, alors que dans son milieu naturel et fluide, elle est un sujet, immergé, qui ne nécessite pas que l’on s’en occupe. Cet être immergé dans le monde n’est a priori pas fait pour être pris dans un rapport d’objectivation par un sujet, il n’est pas un « être-pour-le-regard[40] ». Dès lors qu’il y a une extraction de la plante, une domestication, la plante est prise dans une objectivation par l’humain. Mais si l’on conçoit que la scène écologique puisse redistribuer les cartes des actants, qu’en serait-il d’une relation entre humain et plante, de l’ordre d’une « projection réciproque » ? (LVDP, p. 50)
Dans le monde naturel, nous ne faisons pas face à une plante, nous vivons avec elle. Cet « avec » n’est pas seulement un rapport de juxtaposition ou de contiguïté entre deux êtres, mais une « action de compénétration réciproque », écrit Emanuele Coccia (LVDP, p. 54). Nous ne sommes pas séparés de la matière du monde. L’immersion est une « coïncidence matérielle » (LVDP, p. 56) avec ce qui nous entoure. L’immersion n’est pas une praxis, une conscience qui se met dans l’action. L’acte d’immersion est silencieux, muet, métamorphique : Coccia le nomme « plasmabilité » (LVDP, p. 56). Les plantes adhèrent totalement au monde sans être passives. Les plantes sont en deçà de l’action. En cela, elles sont infradramatiques. Elles croissent (sans que cela soit visible à l’oeil nu), elles sont dotées d’une forme expressive, mais quelle puissance d’agir peuvent-elles bien manifester dans une action dramatique ?
Comme le remarque Emanuele Coccia, cette vision du monde par l’immersion diffère de l’interprétation idéaliste de Uexküll qui conçoit l’existence du monde via la perception que l’on a de lui (LVDP, p. 57). Sans perception, le monde serait forme et couleur, il lui manquerait une « rencontre », un « sens », le milieu étant un « produit psychique » porté par un cadre spatio-temporel. Considérer que la plante puisse être une partenaire de jeu, c’est considérer que la relation au monde ne se fait pas nécessairement par la cognition et l’action. Au contraire, la plante incite à penser l’inclusion de tous dans un même monde que l’on habite. L’immersion permet le mélange, la coexistence, la symbiose : tout vivant vit déjà d’emblée dans la vie des autres.
Inside/Outside
Il s’agit de ne plus placer l’humain au centre de la narration dramatique mais de développer des dramaturgies alternatives, collaboratives ou participatives, facilitatrices de dialogues inter-espèces. « Les comédiens qui jouent sur la scène du monde ne sont pas seulement des êtres humains[41] », écrivent Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour. Ce dernier, dans un entretien de 2018[42], cite, pour illustrer cette extension du dialogue théâtral aux non-humains, le roman de Richard Powers, L’arbre-monde[43], qui décrit les travaux de la botaniste Pat Westford sur la communication entre les arbres.
Mais éprouver le végétal au théâtre ne pourrait-il se faire qu’en situation d’immersion, dans des formes théâtrales/performatives participatives ou in situ ? Ou ne pourrait-on pas prendre le pari de rester dans la boîte noire du théâtre ? Le défi est « d’intégrer la perspective de l’intérieur dans le théâtre contemporain[44] », ce qui pose un problème scénographique. Les solutions du participatif à l’extérieur ou du in situ sont des solutions contemporaines pertinentes. Dans mon article de 2019, je formulais l’idée que « l’éco-drame est […] un drame d’immersion (et non de distanciation ou de catharsis) dans un milieu plus fluide que solide », milieu fluide « pris dans des processus de prolifération et de différenciation de microcellules, de bactéries, comme c’est le cas, par exemple, dans un petit étang à l’eau chaude et stagnante », se posant comme un « immense champ d’événements à intensité variable, un véritable marais[45] ».
Mais aujourd’hui, ces scénographies outside m’apparaissent comme naturellement écologiques. Et mon flair de chercheuse me pousse davantage à mener l’enquête précisément là où se pressent un point de résistance : comment faire un théâtre écologique à l’intérieur du bâtiment-théâtre ? Et quel rôle joue la plante dans ce paradoxe assumé ? Comme le propose Bruno Latour dans l’entretien réalisé en 2018, il est encore possible de se retrouver « à l’intérieur » de la « boîte qu’est le théâtre[46] ». Le philosophe, nourri de l’expertise de l’historienne des sciences et metteure en scène Frédérique Aït-Touati, est convaincu qu’il faut « trouver un moyen brechtien et non immersif » pour « montrer aux gens qu’ils sont immergés[47] ». Si l’enjeu est de faire éprouver au spectateur qu’il est bien « dans » le monde, il est possible d’utiliser, pour ce faire, des outils théâtraux non immersifs. « L’histoire du théâtre et son architecture sont fortement influencées par un “régime scopique spéculaire”, autrement dit par un “regard miroir” », écrit le philosophe, insistant sur le fait qu’il n’est pas nécessaire pour adopter cette nouvelle perspective « Inside » de « sortir du théâtre pour jouer dehors dans un coin de rue[48] ». Bruno Latour et Frédérique Aït-Touati développent la Trilogie terrestre en expérimentant en effet des formes spectaculaires intérieures (conférences-performances, conférences-spectacles, essais scéniques) qui travaillent néanmoins sur des dispositifs de réception tels que le spectateur est rendu actif. Il s’agit de continuellement critiquer le quatrième mur et de fabriquer de nouvelles relations avec le public, par exemple des temps d’échange, créant des espaces de discussion autour de ce que Bruno Latour appelle des « nouveaux cahiers de doléances[49] ».
Remarquons que c’est le tour de force que réussit le spectacle de Philippe Quesne, Swamp Club (2013), qui nous apparaît significatif d’un éco-drame, comme je le définissais précédemment, qui propose d’aborder la scène comme un milieu, tout en restant dans la boîte noire. « J’ai fondé le Vivarium Studio pour […] utiliser la scène de théâtre pour reconstituer des micro-mondes qui placent le spectateur en observateur d’un milieu naturel[50] », explique-t-il à Marion Siéfert. Ce club, entouré d’un marais, est un lieu de résidence pour artistes. Un bâtiment bardé de baies vitrées se dresse sur pilotis, sur une étendue d’eau peuplée de roseaux artificiels et d’oiseaux en plâtre. Les artistes résidents évoluent dans l’espace, jusqu’à ce qu’une menace vienne troubler leur tranquillité : le spectateur observe l’éco-système d’un vivarium[51] (endroit où l’on garde et on élève des petits êtres vivants en tentant de reconstituer leur milieu naturel), métaphore d’un milieu culturel qui peine à sortir d’un fonctionnement en vase clos. Plantes, animaux, objets, humains sont des présences dans une aire de jeu partagée. Le spectacle n’est pas dramatique au sens aristotélicien, du moins l’histoire qui y est racontée est-elle secondaire : ce qui est mis en évidence, c’est l’espace partagé ouvert aux expériences inter-règnes entre plantes, animaux, humains dans un espace commun. Et si le spectateur n’est pas inclus dans l’aire de jeu, il participe à une atmosphère commune, grâce à un environnement sonore presque constant et à des fumigènes.
À partir de la contrainte du dispositif frontal structuré sur le dualisme scène/salle, comment réinventer des agents dramatiques d’immersion ? En travaillant d’abord sur l’atmosphère, un air partagé, une « climatologie sensible[52] ». L’air est constitué de nos souffles qui se mélangent au reste des choses. Tout le vivant n’est qu’articulation du souffle, écrit Emanuele Coccia : souffle insubstantiel qui est vibration de tout vivant. Comment le théâtre, dont le dispositif est agent de séparation, travaille-t-il à créer un « milieu partagé », un espace insufflé, une serre, un vivarium où les plantes auraient le rôle de climatiseurs dramaturgiques pour le monde et la pensée ? Comme l’écrit encore Coccia, « tout acte de connaissance est un fait atmosphérique » (LVDP, p. 87). Inspirer nous permet de faire venir le monde en nous. Expirer nous permet de nous projeter dans le monde que nous formons. Comment le théâtre peut-il se faire un des lieux où la respiration est partagée, où la rencontre des uns et des autres se fait par une attention commune ? Comment donner un cadre à cette écologie de l’attention ?
Du bruissement à la géophonie
Il y a des spectacles qu’on a l’impression d’avoir vus, tellement on en a entendu parler. Nombreux sont ceux que j’ai entendus se remémorer les « vrais arbres » frémissants de la mise en scène de Patrice Chéreau en 1973[53], encadrant les errances sensibles des quatre adolescents de La dispute de Marivaux. « La scène est à la campagne[54] », indique Marivaux. Moi qui n’ai pas vu le spectacle, je m’imagine ces arbres comme ceux que l’on voit trembler dans les films de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet[55]. Le bruissement du végétal, c’est aussi le vent dans les plis des vêtements des comédiens en extérieur, ou le cri et le vol des martinets dans la Cour d’Honneur du Palais des papes en Avignon. C’est la manifestation du « vital » : c’est-à-dire la perception d’« une vie qui se répand dans toute la matière », « une matière qui se soulève jusqu’à la vie[56] ».
Pour que la plante puisse gagner en agentivité et participer à une relation avec les acteurs et le public, elle doit gagner en présence. Ce qui la rend présente, c’est qu’elle a l’air d’être vivante. Ce qui lui donne l’air d’être vivante, c’est son frémissement, son bruissement. Le bruissement serait-il la forme d’énonciation propre au « discours » végétal – dont le propre est d’être silencieux ? Je relis les mots de Roland Barthes lorsqu’il parle du « bruissement de la langue » : « Le bruissement dénote un bruit-limite […] : bruire, c’est faire entendre l’évaporation même du bruit : le ténu, le brouillé, le frémissant, sont reçus comme les signes d’une annulation sonore[57]. » Si l’énonciation végétale relève du bruissement, il est possible de dire que la plante parle sans que l’on sache ce qu’elle veut dire[58].
Dans la mise en scène de Patrice Chéreau et la scénographie de Richard Peduzzi, les « vrais arbres » participent pleinement de la puissance de ce théâtre d’images[59] qui met en scène des enfants en proie à une difficulté verbale. Si le langage est mis en échec dans la pièce de Marivaux, le frémissement de la forêt vient prendre le relais de ce qui n’arrive pas à être verbalisé. Marie-Madeleine Mervant-Roux[60], chercheuse en Arts de la scène au CNRS, compare cette puissance dramaturgique de l’arbre, chez Chéreau/Peduzzi, au rôle évocatoire de la nature qui encadre les errances des jeunes autistes dans les forêts des Cévennes dont Fernand Deligny scrute les lignes d’erre, ce « moindre geste[61] ». Jour après jour, les tracés révèlent des réitérations mais aussi des chemins de traverse. L’enfant mutique n’est pas en rupture de dialogue avec les « entours » (les arbres, les plantes) qu’il parcourt quotidiennement.
Le végétal est alors présent pour signifier une relation ambivalente avec le verbe. Dans La dispute de Chéreau/Peduzzi, les voix parlées d’Eglé, Azor, Adine et Mesrin sont mêlées à d’autres voix, bruits, musiques, cris d’animaux (grillons, chiens, crapauds, corbeaux, cygnes et loups), diffusés selon une partition d’André Serré[62]. « Le spectacle s’inscrit […] dans l’au-delà des mots. La dispute a pris la forme d’un grand opéra phonique[63] », conclut Marie-Madeleine Mervant-Roux. André Serré est un créateur-son majeur du théâtre français. Après des débuts chez Roger Planchon en 1962, il invente les « silences habités » qui feront école dans Toller ou La dispute de Patrice Chéreau. Ce dernier, cinéphile, souhaite que l’on entende, comme au cinéma, le son de ce qui est à l’image, même si rien n’est dit. « Par exemple, si à l’image il y a une forêt, on entend une forêt – on a des sons seuls – et à partir de là on a commencé avec Patrice à faire des ambiances sonores, qui duraient des heures et des heures[64] », déclare André Serré. Pour faire exister la forêt du décor de Richard Peduzzi, André Serré enregistre « des bruits de grillons, des bruits de nuit » : « Quand le rideau s’ouvrait, il y avait une forêt (il avait mis des vrais arbres), donc quand on ouvrait le rideau au début, ça sentait bon ». Les bruits de la forêt sont enregistrés dans le parc des Dombes avec un Nagra 4S. Le souhait de Chéreau, c’est que « ce soit du son qui fasse virer l’ambiance sans qu’on le détermine comme son[65] », que ce soit aussi naturel qu’au cinéma.
L’expérience du bruissement crée l’espace de fiction. Le field recording permet une spatialisation sonore de la question écologique. Entendre les feuilles d’un arbre qui bruissent pendant qu’un personnage parle n’est pas anodin : l’écoute environnementale initie un nouveau rapport au monde. Bernie Krause, par exemple, introduit les termes de géophonie, biophonie et anthropophonie pour préciser la provenance et la signification écologique des enregistrements de paysages sonores, véritable lexique d’une dramaturgie sonore de la musique de scène en mesure de ré-égaliser le rapport des voix humaines avec les sons de la nature, le rapport du verbal et du non-verbal[66].
La performance & d’Halory Goerger et Antoine Defoort[67] (2008) invite deux acteurs à jouer avec une dizaine de plantes en pot hautes d’environ 1 m 80. Les plantes sont équipées de capteurs. À chaque feuille, sa note. Les acteurs jouent une réduction de Purcell pour plantes vertes. Dans ce scénario de fin du monde, les plantes deviennent de possibles canaux de communication non-verbale. La plante, sur scène, ouvre un champ des possibles inédits en termes d’interactions performatives.
À l’intérieur, comme à l’extérieur, dans la boîte noire ou le in situ, le végétal incite l’artiste à créer un parlement des plantes, qui prend le pari de faire exister au sein d’une dramaturgie d’autres entités que les seuls comédiens humains. La plante se revendique comme protagoniste, s’émancipant de son état d’accessoire de décoration. Les mondes végétaux accèdent ainsi à une dimension énonciative et sémiotique, permettant de rééquilibrer les rapports entre les humains parlant et agissant et la nature, qui n’est plus réduite à sa fonction décorative. Ces mondes végétaux incitent même les humains à transformer leurs modes d’énonciation, de compréhension du monde et les poussent à transformer les environnements de vie et de création, considérant le végétal comme capacitaire, en mesure de « sculpter socialement » (au sens où l’entend Joseph Beuys[68]) les scènes théâtrales.
Appendices
Note biographique
Flore Garcin-Marrou est maître de conférences en Arts de la scène à l’Université Toulouse Jean Jaurès depuis 2015. Elle est l’auteure d’une thèse intitulée Gilles Deleuze, Félix Guattari : entre théâtre et philosophie. Pour un théâtre de l’à venir (Université Paris-Sorbonne, 2011). Elle poursuit ses recherches actuelles au sein d’un programme pluriannuel, « Scènes pour un monde nouveau », qu’elle codirige avec Eliane Beaufils. Sur la question écologique, elle a publié, réalisé des entretiens ou participé à des journées d’étude : « Pour un théâtre écosophique » (A. Barseghian et coll. [dir.], La bête et l’adversité, Métis Presses, 2017) ; « “C’est la cohabitation humain/non-humain qui m’intéresse” – entretien avec Philippe Quesne » (thaêtre, 2019) ; « Théâtrologie des plantes, ou le plant turn du théâtre contemporain » (thaêtre, 2019) ; « Cadrer une plante », journée d’étude Dramaturgie des plantes, MSH Paris-Nord/ArTec/Université Paris 8, 2022.
Notes
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[1]
Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour, Trilogie terrestre. Inside. Moving Earths. Viral, Paris, Éditions B42, 2022, p. 17.
-
[2]
Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour, Trilogie terrestre, ouvr. cité, p. 23.
-
[3]
Voir aussi la réflexion de l’anthropologue Barbara Glowczewski sur les chemins géographiques aborigènes où les plantes apparaissent comme des êtres animés : « Des Dreamings aborigènes aux foncteurs guattariens », Chimères, no 86, 2015/2, p. 55-64, mis en ligne le 6 février 2015, consulté le 28 février 2023, URL : https://www.cairn.info/revue-chimeres-2015-2-page-55.htm.
-
[4]
Barbara GLowczewski, « Des Dreamings aborigènes », art. cité, p. 41. Voir aussi Frédérique Aït-Touati, Alexandra Arènes et Axelle Grégoire, Terra Forma. Manuel de cartographies potentielles, Paris, Éditions B42, 2019.
-
[5]
Flore Garcin-Marrou, « Théâtrologie des plantes ou le Plant turn du théâtre contemporain », thaêtre [En ligne], Chantier #4 : Climats du théâtre au temps des catastrophes. Penser et décentrer l’anthropo-scène, mis en ligne le 10 juillet 2019, consulté le 28 février 2023, URL : https://www.thaetre.com/2019/06/01/theatrologie-des-plantes/#:~:text=Les%20plantes%20ne%20sont%20jamais,%C3%A0%20ce%20qui%20leur%20arrive.
-
[6]
Bruno Latour, Face à Gaïa, Huit conférences sur le nouveau régime climatique, Paris, La Découverte, 2015, p. 53.
-
[7]
Eduardo Kohn, Comment pensent les forêts, ouvr. cité, p. 17. Voir aussi Bruno Latour, Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, coll. « Armillaire », 1999, de même que Marielle Macé, « Donner sa langue aux choses », L’Observatoire, no 57, 2021/1, p. 31-36.
-
[8]
Charles Sanders Peirce élabore une sémiotique triadique, partagée entre « icône » (relation de ressemblance avec l’objet qu’elle remplace), « indice » (relation métonymique avec l’objet qu’il remplace) et « symbole » (relation arbitraire, ou par convention, avec l’objet qu’il remplace). Voir Charles Sanders Peirce, Écrits sur le signe, trad. par Gérard Deledalle Paris, Seuil, coll. « L’Ordre philosophique », 1978.
-
[9]
Henry Carrington Lancaster, Le Mémoire de Mahelot, Laurent, et autres décorateurs de l’Hôtel de Bourgogne et de la Comédie-Française au xviie siècle, Paris, Librairie Honoré Champion, 1920.
-
[10]
Henry Carrington Lancaster, Le Mémoire de Mahelot, ouvr. cité, p. 65.
-
[11]
Henry Carrington Lancaster, Le Mémoire de Mahelot, ouvr. cité, p. 66, 67 et 71.
-
[12]
Voir Denis Diderot, « De la décoration », De la poésie dramatique, dans Oeuvres esthétiques, éd. Paul Vernière, Paris, Classiques Garnier, 1994.
-
[13]
Martial Poirson, « Le théâtre, côté jardin : scénographie et dramaturgie du parc paysager dans le théâtre français du second 18e siècle », Dix-huitième siècle, no 45 (La nature), 2013/1 p. 413-432, mis en ligne le 17 juillet 2013, consulté le 2 mars 2023, URL : https://www.cairn.info/revue-dix-huitieme-siecle-2013-1-page-413.htm.
-
[14]
Voir aussi sur l’agencement des plantes dans les intérieurs : Igor Josifovic et Judith de Graaff, Urban Jungle. Living and Styling with Plants, Paris, Éditions Eyrolles, 2017.
-
[15]
Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour, « Mettre en scène Gaïa », Trilogie terrestre, ouvr. cité, p. 82.
-
[16]
Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 2016, p. 781.
-
[17]
J’emprunte cette expression à la chercheuse Aurélie Mouton-Rezzouk, maîtresse de conférences en études théâtrales à l’Université Paris Sorbonne Nouvelle, dont le séminaire de master porte sur les théâtres in situ.
-
[18]
L’enquête policière propre au roman de Simenon croise ici le processus de création du metteur en scène Eric Charon qui, après avoir échangé avec les relations publiques du théâtre qui programme le spectacle, effectue deux journées de repérages en amont pour rencontrer habitants, corps de métier et partenaires possibles spécifiques aux lieux repérés. « Il existerait en puissance tout autant de chambres bleues et de formules possibles que de milieux socio-professionnels et de cadres naturels » écrit-il dans sa note d’intention, indiquant le calendrier type de son processus de création et d’immersion (p. 7). Consulté le 11 septembre 2023, URL : https://tgp.theatregerardphilipe.com/wp-content/uploads/Serie-Noire-la-chambre-bleue-Dossier-de-Diffusion.pdf.
-
[19]
Walter Benjamin, Paris, capitale du xixe siècle : le livre des passages, Paris, Cerf, 2009.
-
[20]
Charles Baudelaire, « Le peintre de la vie moderne » [ Le Figaro, 1863], Paris, Fayard, 2010.
-
[21]
Voir entre autres, de Georges Perec, Espèces d’espaces, Paris, Galilée, 2003.
-
[22]
L’herbier des villes de Georges Perec est un projet inabouti mené entre 1976 et 1982. Il comporte 600 documents rassemblés et conservés au fonds Georges Perec de la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris. Voir Raoul Delemazure, « L’herbier des villes : un tas de reliquats », Cahiers Georges Perec, no 12 (Espèces d’espaces perecquiens, dir. Danielle Constantin, Jean-Luc Joly et Christelle Reggiani), Bordeaux, Le Castor astral, 2015, p. 203.
-
[23]
Cette expression est tirée de L’herbier des villes.
-
[24]
Bruno Tackels, « Walter Benjamin, lecteur absolu », conférence du 5 janvier 2012, consulté le 6 mars 2023, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k13211359/f1.
-
[25]
Voir Pierre-Olivier Cochard, Delphine Garapon, Gilles Pottier, Jean Ramière, Toulouse, la nature au coin de ma rue, Toulouse, éditions de la Mairie de Toulouse, 2012. Dix-neuf auteurs naturalistes présentent la faune et la flore sauvage sur la commune de Toulouse.
-
[26]
Il a signé notamment le spectacle Idiot cherche village (2008), inspiré de plusieurs entretiens avec le philosophe Bernard Stiegler.
-
[27]
Voir le livrable du Théâtre de Cognac, consulté le 6 mars 2023, URL : https://avantscene.com/le-theatre/creations-et-compagnies-en-residence-de-travail/parmelies.
-
[28]
J’emprunte cette analogie entre le geste archiviste de l’infra-ordinaire et la pratique du chiffonnier à Paula Klein, « “Littérature poubelle ?” : productivité littéraire des “écritures ordinaires” et “éphémères” dans L’Herbier des villes de Georges Perec et d’Hervé Le Tellier et dans Sinon j’oublie de Clémentine Mélois », Au-delà du déchet : littérature et sciences sociales en dialogue [En ligne], novembre 2019, consulté le 6 mars 2023, URL : https://hal.uca.fr/hal-03879009.
-
[29]
« Laboratoire de création : Ronces », Le TAP, URL : https://www.tap-poitiers.com/spectacle/ronces/.
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[30]
Interview de Thomas Ferrand, « Ronces », Le TAP, consulté le 6 mars 2023, URL : https://www.youtube.com/watch?v=i0fiY7LP6_I.
-
[31]
Je dois cette référence à la chercheuse Alice Barbaza.
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[32]
Nous renvoyons aux actes du colloque international « Puissances du végétal. Cinéma animiste et anthropologie de la vie », organisé par Teresa Castro, Perig Pitrou et Marie Rebecchi, 2016.
-
[33]
Gilles Deleuze, Cinéma. 1. L’image-mouvement, Paris, Minuit, 1983, coll. « Critique », p. 127. Voir plus largement le chapitre 6 sur « L’image-affection : visage et gros plan », p. 125-144.
-
[34]
Gilles Deleuze, Cinéma. 1. L’image-mouvement, ouvr. cité, p. 26.
-
[35]
Maurice Maeterlinck, Théâtre I, Bruxelles, Edmond Deman, 1901.
-
[36]
Voir le travail de la scénographe Adeline Caron sur la vanité du végétal au théâtre, notamment pour les spectacles de Lazar, consulté le 6 mars 2023, URL : https://strabic.fr/Adeline-Caron-scenographe-La-mort-jardiniere.
-
[37]
Bardane et moi met en scène une femme de 40 ans avec une bardane, douée de sa propre autonomie. L’enjeu du spectacle tient dans la co-existence de ces deux êtres vivants, mettant en jeu le soin, l’interdépendance et la transmission. Voir l’article de Chloé Déchery dans ce même dossier.
-
[38]
Partage d’idées de Chloé Déchery lors de la résidence à Open Kerminy, septembre 2022.
-
[39]
Emanuele Coccia, La vie des plantes, Paris, Payot et Rivages, 2016, p. 73. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle LVDP, suivi de la page, et insérées dans le corps du texte.
-
[40]
Iris Brey, Le regard féminin. Une révolution à l’écran, Paris, Éditions de l’Olivier, 2020, p. 19.
-
[41]
Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour, « Mettre en scène Gaïa », art. cité, p. 87.
-
[42]
Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour, « Le décor n’est plus un décor », Trilogie terrestre, ouvr. cité, p. 50.
-
[43]
Richard Powers, L’arbre-monde, Paris, 10/18, coll. « Domaine étranger », 2019. Le roman a reçu le Grand Prix de littérature américaine en 2018 et le Prix Pulitzer en 2019.
-
[44]
Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour, « Le décor n’est plus un décor », art. cité, p. 52.
-
[45]
Flore Garcin-Marrou, « Théâtrologie des plantes ou le Plant turn du théâtre contemporain », art. cité. La dramaturgie de la scène théâtre comme « milieu fluide » a été expérimentée par Philippe Quesne et sa compagnie Le Vivarium Studio, notamment dans le spectacle Swamp club (2013). Je renvoie à l’entretien avec le metteur en scène Philippe Quesne, que j’ai co-réalisé avec Frédérique Aït-Touati, « C’est la cohabitation humain/non-humain qui m’intéresse », thaêtre [En ligne], Chantier #4 : Climats du théâtre au temps des catastrophes, ouvr. cité.
-
[46]
Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour, « Le décor n’est plus un décor », art. cité, p. 52.
-
[47]
Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour, « Mettre en scène Gaïa », art. cité, p. 86.
-
[48]
Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour, « Le décor n’est plus un décor », art. cité, p. 52.
-
[49]
Bruno Latour, « Les nouveaux cahiers de doléances. À la recherche de l’hétéronomie politique », Esprit, mars 2019, p. 104-113.
-
[50]
Programme de Swamp Club, Festival d’Avignon. Cité dans Zoé Brioude, « Quand l’air reprend son souffle. Atmosphères esthétiques et écosystèmes des concepts dans le théâtre de Philippe Quesne », Ambiances [En ligne], no 7, 2021, consulté le 7 mars 2023, URL : http://journals.openedition.org/ambiances/4142.
-
[51]
C’est le nom de la compagnie de Philippe Quesne.
-
[52]
LVDP, p. 84. L’auteur s’adosse ici à la théorie kantienne.
-
[53]
La scénographie est de Richard Peduzzi.
-
[54]
Marivaux, La dispute, dans Théâtre complet, éd. Frédéric Deloffre et Françoise Rubellin, Paris, Le Livre de Poche/Classiques Garnier, coll. « La Pochothèque », 1996-2000, p. 1772.
-
[55]
Je pense précisément à La mort d’Empédocle ou Quand le vert de la terre brillera à nouveau pour vous (Der Tod des Empedokles oder: Wenn dann der Erde Grün von neuem Euch erglänzt), sorti en 1987.
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[56]
Gilles Deleuze, Cinéma. 1. L’image-mouvement, ouvr. cité, p. 76.
-
[57]
Roland Barthes, Le bruissement de la langue. Essais critiques 4, Paris, Seuil, 1984.
-
[58]
Aliocha Imhoff et Kantuta Quiros, Qui parle ? (Pour les non-humains), Paris, Presses universitaires de France, coll. « Perspectives critiques », 2022, p. 105.
-
[59]
Voir Bonnie Marranca, Theatre of Images, New York, Drama Books, 1977.
-
[60]
Marie-Madeleine Mervant-Roux, « Le premier “théâtre d’images” (1970-1975) : les nuits bruissantes de l’autisme », Revue de la BNF, no 48, 2014/3, p. 24-30, consulté le 7 mars 2023, URL : https://www.cairn.info/revue-de-la-bibliotheque-nationale-de-france-2014-3-page-24.htm.
-
[61]
Fernand Deligny, éducateur, installe un campement à Monoblet où il vit avec quelques autres, avec des enfants dont personne ne veut plus s’occuper. Il cherche à entrer en contact avec ces enfants autistes, de manière non verbale. Il s’aperçoit que leurs trajets sur le camp peuvent être sémiotiques. Il encourage ses collaborateurs à tracer, jour après jour, des cartes du campement sur lesquelles sont superposés des calques qui retracent les trajets quotidiens. Le « moindre geste » est le titre du film tourné par Josée Manenti sur la démarche de Fernand Deligny auprès des enfants autistes (France, 1971, 99 min).
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[62]
Enregistrements sonores de La dispute (mise en scène de P. Chéreau), BNF, Arts du spectacle, fonds R. Planchon, NUMAV 155307 ; 153 801 ; 153 367 ; 155 399.
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[63]
Marie-Madeleine Mervant-Roux, « Le premier “théâtre d’images” (1970-1975) », art. cité.
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[64]
« André Serré, aux origines d’un métier », entretien avec Marc Chalosse, mis en ligne le 7 septembre 2020, consulté le 7 mars 2023, URL : http://silencesplateaux.fr/andre-serre-aux-origines-dun-metier/.
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[65]
« André Serré, aux origines d’un métier », entretien avec Marc Chalosse, art. cité.
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[66]
Bernie Krause, Le grand orchestre animal, Paris, Flammarion, 2013.
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[67]
L’Amicale de production, consulté le 11 septembre 2023, URL : https://www.amicale.coop/projets/?pr=78&lang=fr.
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[68]
Dans une déclaration de 1973, Joseph Beuys éclaire sur le potentiel de l’art à transformer la société, l’oeuvre d’art étant une sculpture sociale visant à transformer l’environnement et la société. Cette déclaration a été publiée en anglais dans Art into Society—Society into Art : Seven German Artists de Caroline Tisdall, Institut d’Art Contemporain, Londres, 1974, p. 48.