Abstracts
Résumé
L’article porte sur la représentation des violences sexuelles et du consentement dans les séries télévisées contemporaines. Il présente d’abord une brève explication de la culture du viol pour ensuite montrer comment la série britannique I May Destroy You dénonce cette culture. L’article aborde ensuite l’opposition entre male gaze et female gaze en prenant comme exemple la série américaine Grand Army. Si le female gaze s’inscrit parfois dans le motif du Rape and Revenge présent au cinéma dans un film comme Thelma & Louise, on retrouve également ce motif dans certaines séries télévisées. C’est ce que l’article examine à partir de la série britannique Sex Education. Enfin, l’article propose de lire ce motif de la vengeance à l’aune de la notion de snap féministe, telle que théorisée par Sara Ahmed.
Abstract
This article examines the representation of sexual violence and consent in contemporary TV series. It gives a brief explanation of rape culture and then describes how the British series I May Destroy You denounces this culture. The article then discusses the opposition between the male gaze and the female gaze using the example of the American series Grand Army. If the female gaze is sometimes part of the pattern of Rape and Revenge found in films like Thelma & Louise, it is present in certain TV series as well. This is demonstrated in the present article, which examines the British series Sex Education. Finally, the article aims to examine this pattern of vengeance against the notion of the feminist snap theorized by Sara Ahmed.
Article body
Le sujet du consentement et des violences sexuelles occupe régulièrement l’espace public et médiatique depuis quelques années, et notamment sur les réseaux sociaux. Le mouvement #MeToo (#MoiAussi) a créé une véritable onde de choc en 2017, dans la foulée de l’affaire Weinstein[2]. L’actrice américaine Alyssa Milano avait proposé ce mot-clic afin que les femmes[3] puissent partager leur témoignage d’expérience de violences sexuelles. Ce mouvement s’inscrivait dans la lignée d’un premier mouvement Me Too initié en 2006 par la militante américaine Tarana Burke afin de dénoncer l’omniprésence des violences sexuelles perpétrées contre les femmes[4]. Trois ans auparavant, en 2014, l’affaire Ghomeshi avait déjà fait beaucoup de bruit au Canada ; les journalistes canadiennes Sue Montgomery (Montreal Gazette) et Antonia Zerbisias (Toronto Star) avaient alors lancé le mot-clic #BeenRapedNeverReported, en soutien aux femmes qui avaient dénoncé Jian Ghomeshi. Le mot-clic est devenu viral et des millions de femmes partout dans le monde l’ont utilisé pour témoigner de leur agression sexuelle[5]. Si on remonte encore un peu de quelques années, l’affaire DSK[6] avait créé un retentissement médiatique international, contribuant à ouvrir la voie pour les mouvements #BeenRapedNeverReported et #MeToo.
Ces différents mouvements survenus en réponse à des affaires d’agressions sexuelles ont permis d’ouvrir la discussion sur les violences sexuelles et le consentement et plusieurs productions médiatiques participent de cette discussion, consciemment ou inconsciemment, volontairement ou non. Dans le cadre du présent article, je m’intéresse aux séries télévisées ; celles-ci connaissent depuis quelques années un rayonnement sans précédent grâce, entre autres, à l’apparition de plateformes de télévision par contournement comme Netflix et Amazon Prime qui non seulement diffusent des séries, mais en produisent également[7]. Plusieurs séries (ou mini-séries) abordent la question des violences sexuelles depuis 2017, soit en faisant de cette question le sujet principal de la série, comme c’est le cas avec Unbelievable (Netflix, 2019) et I May Destroy You (BBC 3/HBO, 2020), soit en lui consacrant un ou quelques épisodes, comme par exemple dans Riverdale (The CW, 2017-), Jessica Jones (Netflix, 2015-2019) ou Sex Education (Netflix, 2019-), soit en centrant la ligne d’intrigue d’un des personnages principaux dans le cas d’une série chorale, comme avec le personnage de Joanna (ou Joey) dans Grand Army (Netflix, 2020[8]), autour d’une histoire d’agression à caractère sexuel. Les trois séries que j’analyse ici – I May Destroy You, Grand Army et Sex Education – relèvent chacune d’un de ces cas de figure.
Je veux montrer comment, dans les séries télévisées contemporaines[9] abordant le sujet des violences sexuelles et du consentement, s’opère une dénonciation de la culture du viol qui s’accompagne d’une sensibilisation à ce qui constitue une agression à caractère sexuel. Je commencerai par une brève explication de ce qu’est la culture du viol pour ensuite étudier la dénonciation de celle-ci dans la série britannique I May Destroy You. L’analyse de cette série me permet également d’étudier la manière dont est représenté le viol. En me basant sur la distinction entre female gaze et male gaze, je ferai ressortir la différence entre une représentation esthétisante du viol, relevant du divertissement, et une représentation qui se situe du côté des victimes et cherche à mettre en lumière la nature traumatique des agressions sexuelles. Je qualifie ce dernier type de représentations de « critiques », puisqu’elles problématisent les violences sexuelles en offrant notamment un point de vue féministe (critique). La série I May Destroy You adopte une telle posture, tout comme la série américaine Grand Army, que j’analyse dans cette section.
Une des manières dont s’effectue la dénonciation de la culture du viol passe par l’utilisation du motif du Rape and Revenge (viol et vengeance), dont le film Thelma & Louise est le modèle emblématique. Ce motif se retrouve également dans des séries télévisées ; à partir de l’exemple de la série britannique Sex Education, je montrerai que la vengeance contre la culture du viol s’accompagne d’une sororité féminine et féministe. Je suggère que la vengeance comme la sororité relèvent du snap féministe théorisé par Sara Ahmed. Réaction salutaire à la violence de la culture hétéropatriarcale qui s’exerce contre les femmes, le snap est un point de rupture, une révolte contre cette violence endurée depuis trop longtemps.
Culture du viol et consentement
Ma réflexion sur le consentement est inspirée du travail de Kelly Oliver, philosophe américaine, professeure à Vanderbilt University (Nashville, Tennessee) et plus particulièrement de son livre Hunting Girls. Sexual Violence from The Hunger Games to Campus Rape[10]. Dans cet ouvrage, Oliver s’intéresse autant aux viols sur les campus américains (et même canadiens) qu’à la violence que subissent et qu’infligent les héroïnes de films relevant du genre « Young Adult Fantaisies » – science-fiction pour jeunes adultes : Hunger Games, Hanna, Divergent, Twilight. Elle voit ces héroïnes comme des Artémis contemporaines, qui répondent à la violence par la violence. Elle montre toutefois que si les héroïnes sont fortes, courageuses, protectrices de celles et ceux qu’elles aiment, etc., ces films nous offrent tout de même le spectacle de jeunes femmes se faisant violenter. Dans tous les cas, aussi, c’est la transition de la jeune fille vers la jeune femme qui semble ne pouvoir se faire sans subir de violence – et en infliger en retour. Ultimement, la question que pose Oliver est la suivante : « ces jeunes chasseresses, tueuses, qui sont donc égales (et parfois supérieures) aux personnages masculins en ce qui concerne la capacité de tuer, constituent-elle de nouveaux modèles (“role models”) féministes ou sont-elles des fantasmes patriarcaux de filles phalliques avec des armes[11] ? » Pour Oliver, ce sont les deux à la fois. Ces jeunes femmes savent se défendre et ne sont plus des princesses vulnérables et sans recours ; toutefois, leur victimisation devient du divertissement.
Il y a pour Oliver un lien entre la représentation de jeunes femmes comme prédatrices et comme proies dans la culture populaire et la valorisation du non-consentement (ou de l’absence de consentement) des femmes. Ces deux phénomènes sont ancrés dans la culture du viol omniprésente dans notre société. La culture du viol ne signifie pas que tous les hommes sont des violeurs ; vivre dans une culture du viol, c’est vivre dans une culture où « le viol est partout », comme l’affirme Suzanne Zaccour : « au travail, à l’école, aux fêtes… Et si d’aventure le viol ne s’y trouve pas, ses traces y sont[12] ». Comme le souligne Zaccour, « la culture du viol, ce sont toutes ces pratiques, mythes, conventions et faits culturels qui banalisent, dénaturent ou favorisent les violences sexuelles dans notre société. On en retrouve des éléments dans les arts, le droit, la politique ; dans des phénomènes comme le blâme des victimes et la socialisation genrée » (FV, p. 76). Emilie Buchwald, Pamela Fletcher et Martha Roth, dans l’introduction de l’ouvrage qu’elles dirigent, Transforming a Rape Culture, définissent ainsi la culture du viol :
un réseau complexe de croyances encourageant les agressions sexuelles masculines et la violence envers les femmes. C’est une société où la violence est considérée comme sexy et la sexualité, violente. Dans une culture du viol, les femmes subissent toute une gamme de menaces sexuelles : des commentaires aux attouchements, en passant par le viol lui-même. Dans une culture du viol, le terrorisme physique ou affectif contre les femmes est la norme ; les hommes comme les femmes présument que la violence sexuelle est inévitable, qu’elle fait partie de la vie. Et pourtant… une bonne part de ces apparentes fatalités expriment en fait des valeurs et des attitudes susceptibles d’être changées[13].
La culture du viol est manifeste quand on demande à une femme qui vient d’être violée comment elle était habillée, si elle avait bu ; quand, en tant que femmes, on a peur de rentrer seule la nuit ; quand on se réjouit de l’apparition de test pour vérifier si quelqu’un a mis de la drogue dans notre verre ; quand nombre de comédies romantiques valorisent le comportement persistant d’un homme qui n’accepte pas de se faire dire non et que la femme, à la fin, dit enfin oui ; quand on n’ose pas dénoncer un homme, qui est parfois un ami, un professeur ou un employeur, qui nous a agressée parce qu’on a peur des conséquences, qu’on a peur de créer des problèmes et qu’on se dit que, de toute façon, il s’en sortira ; quand une université excuse le comportement d’étudiants agresseurs et cherche à les punir le moins possible afin de ne pas hypothéquer leur avenir ; quand on parle de « sexe non consensuel » plutôt que de viol, afin de minimiser l’agression[14]. Dans une culture du viol, on n’apprend pas aux hommes à ne pas violer ; ce sont plutôt les femmes qui « [ont] appris […] à avoir peur du viol[15] », qui intègrent l’idée que le viol est inévitable. Cette inévitabilité du viol est aussi soulignée par Roxane Gay qui explique que l’expression « culture du viol », « qualifie une culture où nous sommes submergés et submergées, de différentes façons, par l’idée que l’agression et les violences masculines faites aux femmes sont acceptables et souvent inévitables[16] ». L’une des façons dont la culture du viol se manifeste, c’est, affirme Gay, dans les nombreuses représentations de violences sexuelles qu’on trouve au cinéma et à la télévision[17]. Si les films et les téléséries peuvent en effet être le lieu où se propage et se reproduit la culture du viol, ils peuvent également devenir des moyens de dénoncer et de contrer cette culture dans laquelle nous baignons.
Dénonciation de la culture du viol
La dénonciation de la culture du viol qui s’opère par des mouvements comme #MeToo se répercute de plus en plus dans la culture populaire. Je limiterai ici mon analyse aux téléséries, mais cette dénonciation s’observe aussi au cinéma, avec un film comme Promising Young Woman par exemple, ou en littérature : pensons au Consentement de Vanessa Springora.
Le cas le plus évident de cette dénonciation est la série britannique I May Destroy You, série créée par Michaela Coel[18] et diffusée sur BBC One et HBO en 2020. Les agressions à caractère sexuel sont le sujet de la série. L’histoire principale porte sur le viol dont a été victime Arabella Essiedu (jouée par Michaela Coel[19]). Le viol survient au premier épisode, à la suite d’une soirée qu’Arabella passe dans un bar avec des amis. Au matin, Arabella ne se souvient pas de l’agression ; elle souffre toutefois de flashbacks partiels et confus qui finissent par ramener l’événement à sa conscience. Mais ce n’est qu’au bout d’un certain temps qu’elle arrivera à identifier son agresseur.
L’intrigue principale de la série participe de la dénonciation de la culture du viol en montrant les conséquences d’une agression à caractère sexuel et en mettant en scène une victime qui s’éloigne de la victime « parfaite » (puisqu’Arabella est le type de victime dont la crédibilité est attaquée : elle avait bu et pris de la drogue, et ses souvenirs sont flous). En ce sens, la série prend un caractère quasi pédagogique, en abordant divers types d’agressions sexuelles, qui ne sont pas toujours perçues comme telles. Par exemple, Arabella a une relation sexuelle (consentante) avec un homme au cours de laquelle celui-ci retire le condom qu’il avait mis, sans la prévenir (IMDY, É4, env. 21’) ; elle ne l’apprend qu’après coup. Mais ce n’est que plus tard, alors qu’elle a revu cet homme (Zain) et vient de passer une autre nuit avec lui, qu’elle commence à remettre en question son comportement. Elle écoute un podcast où les deux animatrices abordent le sujet des hommes qui retirent secrètement leur condom ; elles mentionnent des forums sur Reddit où ces hommes s’échangent des trucs, comme des phrases à utiliser : « Je croyais que tu le savais » ; « Tu veux dire que tu ne l’as pas senti[20] ? » (IMDY, É5, env. 3’). Lors d’une rencontre avec les policières chargées de l’enquête sur son viol, Arabella mentionne cet incident et demande s’il s’agit d’une agression sexuelle, ce à quoi les deux enquêtrices répondent sans équivoque que c’en est bien une (IMDY, É5, env. 8’).
Cet aspect « pédagogique » sur ce qui constitue une agression sexuelle se poursuit, au cours du même épisode, par le biais d’une ligne d’intrigue impliquant un ami d’Arabella, Kwame. La discussion avec les enquêtrices, à laquelle il a assisté, amène Kwame à questionner une expérience qu’il a subie : un homme avec qui il vient d’avoir une relation sexuelle consentante, le retient ensuite de force, se couche sur lui (Kwame est sur le ventre) et se masturbe en se frottant contre lui jusqu’à l’orgasme (IMDY, É4, env. 27’) – ce qui s’appelle du « dry humping » ou « frotteurism » – « frotteurisme » en français[21]. Kwame n’a pas consenti à cet acte et a demandé à l’homme à plusieurs reprises de s’arrêter : « Hey, attends, non, je veux plus baiser », « Ça suffit, lâche-moi ! », « Arrête », « Putain, lâche-moi[22] ! » (IMDY, É4, env. 27’). Malgré les demandes répétées de Kwame, l’homme ne s’arrête pas et banalise son acte en lançant : « Il faut m’excuser, je suis un mauvais garçon[23] » (IMDY, É4, 28’19).
Comme Arabella, Kwame n’est pas certain de la nature de cet événement[24]. Dès qu’il sort du poste de police, après la rencontre avec les détectives chargées de l’enquête sur le viol qu’a subi Arabella, il prend son téléphone pour effectuer une recherche sur le web. Il entre les mots « le frottage non consenti » ; ce qui apparaît dans les suggestions de recherche :
IMDY, É5, 8’49[25]le frottage non consenti est-il une agression sexuelle
le frottage non consenti est-il un viol
le frottage non consenti est-il un crime
qu’est-ce qu’un frottage non consenti
qu’est-ce que le frotteurisme
En plus du viol dont a été victime Arabella, la série aborde donc d’autres types d’agressions à caractère sexuel – un des commentaires d’Arabella lors de la rencontre avec les enquêtrices est d’ailleurs : « Il y a tellement de sortes d’agressions sexuelles[26] » (IMDY, É5, 8’).
Représentation des violences à caractère sexuel : female gaze vs male gaze
La représentation de viols au cinéma ou dans les séries télévisées a fait l’objet de nombreuses critiques. On reproche à ces représentations d’esthétiser le viol ou encore de se servir du viol comme d’un prétexte au développement d’une intrigue privilégiant la mise en valeur d’un héros masculin[27]. Ce qui m’intéresse ici, ce sont plutôt les représentations du viol que je qualifierais de « critiques », c’est-à-dire des représentations qui problématisent la question des violences sexuelles et qui se trouvent du côté de la victime. Iris Brey, dans son ouvrage Le regard féminin. Une révolution à l’écran, fait une distinction entre ces deux types de représentation du viol en posant la question du regard. D’un côté, le male gaze[28], associé à la scopophilie, qui esthétise le viol et l’utilise comme moteur narratif en niant la nature traumatique de l’expérience, de l’autre, le female gaze, qui se place « du point de vue d’un corps sujet[29] », c’est-à-dire du point de vue de la victime et de son expérience. Le viol représenté par le biais d’un male gaze s’inscrit dans le registre du divertissement, alors que le female gaze cherche à en faire ressortir le caractère traumatique : « un viol vu à travers un male gaze est un spectacle, un viol vu à travers un female gaze est une expérience qui marque la chair[30] ».
La représentation du viol dans I May Destroy You relève du female gaze. Le viol est restitué du point de vue d’Arabella ; la téléspectatrice n’a accès qu’aux flashbacks qui reconstituent partiellement l’agression et, visuellement, la caméra adopte le point de vue d’Arabella. La représentation du viol est fragmentaire, confuse, tout comme l’expérience et les souvenirs d’Arabella.
On retrouve une telle représentation d’un viol dans la série Grand Army, créée par Katie Cappiello et diffusée sur Netflix (2020), série représentant des adolescent·e·s et s’adressant à des adolescent·e·s. Il s’agit d’une série chorale dans laquelle on suit l’histoire de cinq personnages principaux ; l’un de ces personnages est Joey Del Marco[31], jeune fille blanche[32] qui fréquente une école secondaire de Brooklyn (l’action de la série se concentre sur des jeunes de cette école ; le titre de la série est d’ailleurs le nom de l’école). Joey est une jeune fille « cool », populaire, qui a beaucoup d’ascendant sur ses condisciples[33] et dont l’ambition est de devenir capitaine de l’équipe de danse de l’école. Dans le troisième épisode, deux de ses amis proches l’agressent sexuellement, pendant qu’un troisième assiste à l’agression sans intervenir. L’agression a lieu dans un taxi, alors que les quatre amis se rendent à une soirée.
Jusqu’au moment de l’agression, Joey s’amuse et flirte avec ses amis, surtout avec les deux qui vont l’agresser, en réaction à la jalousie du troisième, Tim, qui voudrait une relation exclusive avec elle. C’est d’ailleurs elle qui initie les contacts sexuels ; elle est assise sur ses deux futurs agresseurs et commence à les embrasser. Joey revendique son droit à s’amuser avec qui elle veut et quand elle le veut, sans se sentir désolée ni culpabiliser[34] : « Vous les mecs, vous faites ce que vous voulez, alors moi aussi ![35] » (GA, É3, env. 40’) ; « J’ai le droit. Je dois avoir le droit de faire ça[36] » (GA, É3, env. 41’).
Vient un moment, toutefois, où Joey veut arrêter : « Attendez. S’il vous plait, attendez[37] » (GA, É3, env. 44’). L’un des garçons lui répond qu’il sait ce qu’elle aime. Joey interpelle alors Tim, qui refuse de s’interposer. On voit sur le visage de Joey qu’elle ne s’amuse plus, elle ne rit plus. La musique de fête qui accompagnait la scène est remplacée par un accompagnement sonore dramatique. Les images deviennent floues, les paroles des garçons semblent venir de loin.
Lorsqu’ils arrivent à destination, les garçons sortent et elle reste seule dans le taxi. On voit les deux garçons célébrer : ils se serrent la main, s’enlacent, comme s’ils venaient de réussir un bon coup (GA, É3, env. 45’). Parallèlement, on montre Joey pleurer, toujours seule dans le taxi. Dans un flashback révélé lors de l’épisode suivant, on voit Joey payer le chauffeur de taxi. Les deux échangent un regard révélant que le chauffeur a compris ce qui venait de se passer (GA, É4, env. 13’).
Le reste de la série montre les effets et les conséquences de l’agression pour Joey (en plus, évidemment, des autres lignes d’intrigues concernant d’autres personnages). Joey tente d’abord d’agir normalement avec ses amis qui, eux se comportent comme si rien ne s’était passé (sauf Tim qui semble préoccupé), mais elle n’y arrive pas et décide finalement de porter plainte. L’arrestation des agresseurs de Joey soulève de nombreuses protestations de la part des élèves de l’école qui se tournent contre Joey et refusent de croire qu’il y a bien eu une agression. Une vidéo, filmée par un des agresseurs, a circulé dans l’école et montre Joey en train de flirter, de s’amuser ; on la voit mettre un vibromasseur dans sa bouche. La vidéo montre Joey consentante, et il est vrai qu’elle a été consentante jusqu’à un certain point.
La série est un bel exemple de l’incompréhension de ce qu’est le consentement. À la suite d’Oliver, je conçois le consentement comme un processus[38]. Oliver donne l’exemple des applications pour téléphones intelligents[39] qui servent à enregistrer le consentement d’une personne (souvent une femme) afin de se prémunir contre des accusations d’agressions sexuelles ou de viol. Ces applications sont fondées sur une incompréhension de ce que constitue le consentement, puisqu’elle le situe dans un moment donné, alors que le consentement peut être révoqué à n’importe quel moment. C’est la condition même pour qu’il y ait consentement : « la capacité de retirer son consentement est la condition minimale pour que le consentement soit possible[40] ». Suzanne Zaccour, dans La fabrique du viol, abonde dans le même sens : « [I]l n’y a pas de consentement sans la possibilité de le révoquer (voilà pourquoi une personne endormie ou inconsciente ne peut pas consentir » (FV, p. 117).
Le consentement n’est pas « un contrat notarié en trois exemplaires » (FV, p. 116), comme le souligne Zaccour qui explique que le « consentement contractualisé est irréconciliable avec une vision féministe de la sexualité » (FV, p. 116). En effet, le consentement conçu comme un contrat est un rappel malheureux de l’époque où le viol conjugal n’était pas puni par la loi, puisqu’on considérait que l’épouse, par son mariage, consentait de manière inconditionnelle aux rapports sexuels avec son mari[41] : « Ce consentement irrévocable faisait du sexe un “devoir conjugal”, et de la femme, un objet à la disposition du mari » (FV, p. 117). Le consentement par contrat constitué implique de s’engager dans le futur ; on consent maintenant pour un acte qui n’a pas encore eu lieu : « À l’inverse, le consentement requis par les principes d’égalité et d’autonomie sexuelle doit se donner au présent » (FV, p. 117). C’est pourquoi le consentement peut être retiré à tout moment, par des mots ou par des gestes.
C’est ce qui se passe dans le cas de l’agression de Joey dans Grand Army : Joey consent à certains actes, c’est même elle qui les initie, mais arrive un moment où elle cesse d’être consentante, ce qu’elle manifeste verbalement. Son consentement au départ n’engage pas un consentement à tout ce qui suit. L’incompréhension autour de la révocabilité du consentement comme condition de possibilité de celui-ci constitue une tension narrative dans la série, non seulement autour du fait que les autres élèves ne croient pas Joey et prennent plutôt le parti de ses agresseurs, mais aussi en ce qui concerne le personnage de Joey lui-même, qui n’arrive d’abord pas à reconnaître et affirmer qu’elle a été agressée.
Rape and Revenge
Grand Army n’est pas la seule série pour adolescent·e·s[42] abordant le sujet des agressions à caractère sexuel. 13 Reasons Why, Riverdale, Sabrina, Sex Education abordent certaines formes de violences sexuelles, notamment le slut shaming[43]. Dans certaines de ces séries, les représentations des violences sexuelles s’inscrivent dans la lignée du genre Rape and Revenge (Viol et vengeance)[44]. L’exemple le plus connu de ce genre est probablement Thelma & Louise, film de 1991 écrit par Callie Khouri et réalisé par Ridley Scott. Dans les films de viol et de vengeance comme Thelma & Louise, les femmes « retrouve[nt] une capacité d’agir en se réappropriant des mécanismes de violence[45] ». Le film adopte un female gaze, comme le souligne Brey, « réussissant à la fois à montrer la terreur des deux femmes lorsqu’elles comprennent qu’elles ne peuvent échapper au viol, leur jouissance lorsqu’elles détruisent le male gaze, et la possibilité pour les hommes de prendre du plaisir en regardant les femmes comme des sujets et non comme des objets[46] ».
Le film montre également la solidarité, voire la sororité des deux femmes, unies contre la violence masculine dont elles sont victimes. C’est également ce qu’on voit dans certaines séries pour adolescent·e·s. Ces séries n’ont pas nécessairement comme sujet les agressions à caractère sexuel ; celles-ci font l’objet d’un ou de quelques épisodes, mais la manière dont les agressions sont représentées et la réaction des victimes s’inscrivent clairement dans le registre du genre Rape and Revenge. Des séries comme Sabrina, Riverdale[47], Sex Education comportent ce type de représentation[48], sans que l’agression soit nécessairement un viol.
Je m’attarderai ici au cas de Sex Education. L’histoire qui m’intéresse se développe autour du personnage d’Aimee, victime de frotteurisme dans l’autobus qu’elle prend pour aller à l’école[49]. Au moment de l’agression, Aimee interpelle son agresseur et tente aussi de prendre à témoin les autres passagers de l’autobus (qui est bondé). Malheureusement, ces actions n’ont aucun effet : l’homme ne s’interrompt pas (Aimee découvre du sperme sur son jeans lorsqu’elle sort de l’autobus) et les passagers demeurent indifférents à ce qui se passe. Aimee demande donc au conducteur de s’arrêter pour qu’elle puisse descendre. Elle fait le reste du trajet à pied. Par la suite, Aimee est incapable de remonter dans l’autobus et se déplace uniquement à pied, ce qui lui prend beaucoup de temps puisqu’elle habite loin de l’école.
Le jour même, Aimee se confie à Maeve. Aimee minimise ce qui lui est arrivé alors que Maeve tente de la convaincre qu’il s’agit d’un crime et qu’elle devrait porter plainte. Finalement, Aimee décide d’aller au poste de police et Maeve l’accompagne. Toutefois, Aimee continue de minimiser l’agression. Regardant la femme devant elle, qui semble mal en point, elle dit : « Elle, elle a un vrai problème », ce à quoi Maeve lui répond : « Toi aussi[50] » (SE, S2, É3, env. 15’). Aimee veut s’en aller : « Allons-y. C’est comme s’il avait éternué » ; réponse de Maeve : « Il t’a éjaculé dessus, Aimee, d’accord[51] ? » (SE, S2, É3, env. 15’)
À ce moment de l’histoire, Aimee bénéficie du soutien de Maeve. Toutefois, une sororité plus large se développe quelques épisodes plus tard alors que six élèves, des filles, se retrouvent en retenue. Un message a été écrit au rouge à lèvres sur un miroir du vestiaire des filles ; le message constitue un acte de slut shaming envers une enseignante, Miss Sands. Six des personnages sont suspectés : Maeve, Aimee, Olivia, Lily, Ola et Viv. L’enseignante annonce qu’elles devront demeurer dans la bibliothèque jusqu’à ce que la coupable avoue. En guise de punition, les filles doivent encercler des lettres dans des journaux. Lorsque l’une d’elles se plaint de l’absurdité d’un tel exercice, l’enseignante les met au défi : « Ok. Vous voulez un défi ? Préparez un exposé sur ce qui vous lie en tant que femmes. Au moins une de vous a voulu rabaisser une autre femme. Vous pouvez passer un peu de temps à réfléchir à ce que vous avez en commun plutôt[52] » (SE, S2, É7, env. 17’).
Les six filles sont très différentes les unes des autres et, au premier abord, ont peu en commun[53] ; elles ont beaucoup de mal à trouver un intérêt partagé ou quelque chose qu’elles aiment toutes – même le chocolat ne fait pas consensus. À un moment, une dispute éclate entre deux des filles à propos d’un garçon (Maeve et Ola à propos d’Otis) ; Aimee éclate alors en sanglots et s’écrie : « Arrêtez de vous battre pour un stupide garçon[54] ! » (SE, S2, É7, env. 30’). Lorsque Maeve lui demande pourquoi elle pleure, elle avoue qu’elle n’arrive plus à monter dans l’autobus.
Si Aimee a peur de prendre à nouveau l’autobus, c’est parce que l’homme qui l’a agressée avait l’air gentil ; elle se rappelle qu’il lui a même souri : « On n’aurait pas dit un psychopathe de la branlette[55] » (SE, S2, É7, env. 31’.). Donc si lui a pu l’agresser ainsi, alors n’importe qui peut le faire, explique-t-elle aux autres filles. « Je me suis toujours sentie en sécurité avant, et maintenant non[56] » (SE, S2, É7, env. 31’).
La confession d’Aimee amène chacune des autres filles à confier une histoire où elles ont été victimes d’une agression (harcèlement, attouchement, exhibitionnisme). Elles en arrivent ainsi à la conclusion que ce qui les unit, ce sont « les pénis non consentis[57] » (SE, S2, É7, env. 35’30), comme elles le disent à leur enseignante. En d’autres mots, ce qui les unit en tant que filles, c’est qu’elles ont toutes été victimes d’agression.
De ce point commun naît donc une sororité entre les six filles qui mène à une revanche symbolique. Les filles vont sur un terrain désaffecté où se trouvent des objets abandonnés (incluant des voitures et des wagons de train). Ola tend une massue à Aimee afin qu’elle donne des coups sur une voiture en pensant à des choses qui la mettent en colère. Les autres filles encouragent Aimee alors qu’elle frappe sur la voiture à coups de massue, exprimant en criant des choses qui la mettent en colère, dont son agression : « Ça m’énerve qu’un homme horrible ait bousillé mon jean préféré, et personne n’a rien fait, et maintenant je ne peux plus prendre ce foutu bus[58] » (SE, S2, É7, env. 40’). Les cinq autres filles joignent ensuite Aimee et toutes se mettent à détruire la voiture en hurlant. Le lendemain, les filles attendent Aimee à l’arrêt d’autobus afin de monter avec elle et de l’aider à combattre sa peur.
Même si les filles ne s’attaquent pas directement à leurs agresseurs, la destruction de la voiture représente une vengeance symbolique. L’encouragement que lance le personnage de Viv à Aimee, « On va leur montrer[59] ! » (SE, S2, É7, env. 40’) – le « leur », ici, représentant les garçons et les hommes – est révélateur de la cible réelle de la colère des filles.
Snap
Cette scène représente également ce que Sara Ahmed nomme un « snap[60] féministe[61] ». Ce qu’Ahmed appelle un snap féministe est une manière, pour elle, de penser les points de rupture, ces moments où, après avoir enduré une situation, un comportement, soudainement, on n’en peut plus, on snappe : « Ahmed définit le feminist snap comme un moment de rupture qui semble soudain pour ceux qui n’ont pas remarqué la pression accumulée pendant une longue période : on supporte, on supporte, et puis snap !, on ne supporte plus rien[62] ». Ce snap n’est toutefois pas si soudain qu’il le paraît ; il est le fruit d’une longue histoire : « Vous manifestez une rage non seulement envers quelqu’un ou quelque chose dans l’instant présent, mais aussi en rapport avec le passé, toutes ces expériences passées à avoir enduré. Snapper, c’est dire non à cette histoire, à sa perpétuelle répétition[63] » (LFL, p. 202). On snappe quand on n’en peut plus d’accepter l’inacceptable, de supporter l’insupportable.
Ahmed pense le snap par le biais de l’image d’une petite branche (twig) qui casse : « Quand la petite branche snappe, nous entendons le bruit qu’elle fait en se brisant. Nous entendons la soudaineté de cette cassure[64] » (LFL, p. 188). À partir de ce qu’on entend, on peut croire que la petite branche qui se brise est un point de départ, explique Ahmed :
Un snap semble être le début de quelque chose, la transformation de quelque chose […]. Un snap peut même sembler être quelque chose de violent ; la destruction de quelque chose. Mais le snap paraît être un point de départ seulement si nous ne remarquons pas la pression exercée sur la petite branche. Si la pression est une action, le snap est une réaction. La pression se remarque difficilement sauf si nous subissions cette pression. Le snap est le début de quelque chose seulement en fonction de ce que nous ignorons[65].
LFL, p. 188-189
Le snap semble donc, d’un point de vue extérieur, quelque chose de violent – et il peut l’être, souvent. La personne qui snappe sera perçue comme celle qui est à l’origine de cette violence, comme celle qui cause la violence. Mais ce n’est pas le cas ; c’est l’histoire qui mène au snap qui est la cause de celui-ci, c’est cette histoire qui est violente, une histoire faite d’oppressions diverses, d’agressions, de domination. Le snap est une réaction à cette violence.
C’est ce qui se passe avec les six filles de Sex Education. La démolition de la voiture est un moment de rupture, un snap : les filles n’en peuvent plus des « pénis non consentis » et laissent sortir leur colère. Il s’agit là, pour citer Sara Ahmed, de « la représentation d’une revanche contre le patriarcat, ou contre le viol et la violence sexuelle[66] » (LFL, p. 205). Ce motif de la revanche contre le patriarcat est d’ailleurs introduit dès le début de l’épisode en question, donnant ainsi le ton pour ce qui est à venir. Dans une scène constituant un flashback, une femme critique la manière dont Maeve (plus jeune de quelques années) est habillée – Maeve porte un short court sur des collants –, lui disant qu’elle devrait faire attention, « habillée comme ça » ; Maeve lui répond que c’est elle qui devrait faire attention : « Et vous devriez faire attention à ne pas perpétuer une idéologie patriarcale dépassée[67] » (SE, S2, Ép7, 0’). On voit aussi, dans cette scène de flashback, des garçons harceler Maeve, en lui faisant des commentaires sur ses jambes ; Maeve riposte en les arrosant de boisson gazeuse[68].
Conclusion
Une différence fondamentale entre la scène de snap de Maeve et celle où les filles détruisent la voiture réside dans la sororité de la deuxième, car la sororité est en elle-même un snap comme le souligne Ahmed[69] : un snap collectif constitue la base d’une révolte féministe. Des histoires individuelles se tissent les unes avec les autres : le récit d’une agression, celui d’une autre agression, et encore un autre, encore un autre, un autre, forment une « tapisserie féministe[70] » (LFL, p. 202) où se raconte une histoire non plus individuelle mais collective, une histoire culturelle, sociale, politique des violences sexuelles – montrant ainsi encore une fois, si on en avait besoin, que le privé est politique.
J’ai voulu montrer dans cet article que les représentations des violences sexuelles, lorsqu’elles sont critiques, relevant d’un female gaze, s’inscrivent dans un projet de politique des représentations visant à dénoncer la culture du viol – par ailleurs, même les représentations esthétisantes, appartenant au registre du divertissement, sont politiques en ce qu’elles invisibilisent le vécu des victimes et perpétuent par conséquent la culture du viol. Certaines séries remplissent pratiquement une fonction pédagogique, s’attachant à montrer différents types d’agressions afin de faire comprendre qu’il s’agit bien d’agressions ; c’est le cas avec I May Destroy You. Le sujet des violences sexuelles soulève inévitablement la question du consentement ; ici aussi, une éducation est à faire afin de bien distinguer le consentement comme processus et le consentement par contrat, ce dernier irréconciliable avec une vision féministe de la sexualité. La série Grand Army illustre ce que peut être l’incompréhension du consentement comme processus qui implique une nécessaire révocabilité du consentement.
Le motif du Rape and Revenge est souvent utilisé dans le traitement fictionnel des agressions à caractère sexuel. Il apparaît notamment dans les séries pour adolescent·e·s comme Sex Education. Ce motif s’incarne la plupart du temps dans la manifestation d’une sororité : des filles partagent leurs expériences d’agressions et elles snappent, prenant ainsi leur revanche contre un système patriarcal qui les oppresse.
À l’ère de #MeToo, les séries abordant le sujet des violences sexuelles et du consentement possèdent un pouvoir transformateur et jouent un rôle fondamental dans la dénonciation de la culture du viol. Ensemble, ces séries forment une vaste « tapisserie féministe », lieu d’une sororité certes virtuelle, mais néanmoins puissante.
Appendices
Note biographique
Anne Martine Parent est professeure en études littéraires au Département des Arts et Lettres de l’Université du Québec à Chicoutimi. Elle est membre professeure du Réseau québécois en études féministes (RéQEF) et du centre de recherche Figura sur le texte et l’imaginaire. Ses recherches portent sur la représentation de la sexualité des femmes dans les séries télévisées ainsi que sur l’écriture de la douleur chronique chez les femmes. Elle a publié des articles dans des revues comme Protée, Fixxion, L’esprit créateur et Recherches féministes. Son ouvrage Paroles spectrales, lectures hantées. Médiation et transmission dans les témoignages concentrationnaires est paru en 2019 aux éditions Nota bene. Elle est également poète et a publié des suites poétiques dans Estuaire et Françoise Stéréo en plus d’un recueil aux éditions La Peuplade en 2016.
Notes
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[1]
Le présent article s’inscrit dans le cadre du projet Le sexe à l’écran. Représentations de la sexualité des femmes dans les séries télévisées subventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH ; 2017-2019) que je tiens à remercier pour son soutien.
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[2]
D’autres mots-clics liés à l’affaire Weinstein sont aussi apparus, comme #BeBrave, lancé par l’actrice Rose McGowan et #MyHarveyWeinstein, initié par l’avocate féministe Ann Olivarius.
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[3]
Mon utilisation du terme « femme » inclut toute personne s’identifiant comme femme.
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[4]
Alyssa Milano n’avait pas conscience de ce mouvement lorsqu’elle a lancé le mot-clic ; elle a toutefois rapidement reconnu l’existence du premier Me Too. Pour plus d’information sur le premier Me Too, consulter le site web du mouvement : https://metoomvmt.org/.
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[5]
Au Québec, le mot-clic a donné naissance à un équivalent en français : #AgressionNonDenoncee.
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[6]
L’arrestation et la mise en accusation de Dominique Strauss-Kahn pour le viol de Nafissatou Diallo dans la chambre 2806 de l’hôtel Sofitel à New York ; un documentaire sur cette affaire, Room 2806, est disponible sur Netflix.
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[7]
Parmi les productions de Netflix, on retrouve par exemple House of Cards (2013-2018, la première série produite par Netflix et dont l’acteur principal, Kevin Spacey, a été écarté à la suite d’allégations d’agression sexuelle en octobre 2017, dans la foulée de l’affaire Weinstein), Orange Is the New Black (2013-2019), Stranger Things (2016-), 13 Reasons Why (2017-2020), The Crown (2016-), Bridgerton (2020-), Sex Education (dont je parlerai plus loin ; 2019-) ; du côté d’Amazon Prime (dont la part de marché est moins grande que celle de Netflix), on retrouve Transparent (2014-2019), Fleabag (2016-2019), The Marvelous Mrs. Maisel (2017-), Goliath (2016-), Catastrophe (2015-2019), Bosch (2014-2021).
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[8]
Pour le moment, rien n’a encore été annoncé par Netflix concernant la sortie ou non d’une deuxième saison.
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[9]
I May Destroy You et Grand Army sont toutes deux sorties en 2020 ; quant à Sex Education, la série est diffusée depuis 2019, mais je m’intéresse ici à la deuxième saison qui, elle, date de 2020.
-
[10]
Kelly Oliver, Hunting Girls. Sexual Violence from The Hunger Games to Campus Rape, New York, Columbia University Press, 2016.
-
[11]
« The question remains, then, whether these equal-opportunity killers are new feminist role models or patriarchal fantasies of phallic girls with guns and arrows? » (Kelly Oliver, Hunting Girls. Sexual Violence from The Hunger Games to Campus Rape, ouvr. cité, p. 142 ; je traduis).
-
[12]
Suzanne Zaccour, La fabrique du viol, Montréal, Leméac, 2019, p. 76. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle FV, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
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[13]
Emilie Buchwald, Pamela Fletcher, Martha Roth (dir.), « Introduction », Transforming a Rape Culture, Minneapolis, Milkweed Editions, 1994, p. xi ; citées par Erin Wunker, Carnets d’une féministe rabat-joie. Essais sur la vie quotidienne [2016], trad. de l’anglais par Madeleine Stratford, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Vigilantes », 2018, p. 56-57.
-
[14]
Dans ces exemples de ce qui se produit sur les campus, on voit l’utilisation de l’expression « relation sexuelle non consensuelle » (non consensual sex). Cette expression est employée lorsque la victime n’a pas dit non. Elle n’a donc pas consenti à une relation sexuelle, mais elle n’a pas exprimé son refus non plus. (Soulignons que si la victime est endormie ou inconsciente, elle est dans l’incapacité de dire non.)
-
[15]
Erin Wunker, Carnets d’une féministe rabat-joie, ouvr. cité, p. 57.
-
[16]
Roxane Gay, Bad féministe, trad. de Santiago Artozqui révisée par Aimée Verret, Paris, Édito, 2018, p. 170.
-
[17]
Roxane Gay, Bad féministe, ouvr. cité, p. 171.
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[18]
Michaela Coel a créé, écrit et co-réalisé la série ; elle en est aussi la productrice déléguée (executive producer) et elle joue le rôle principal. Désormais, les références à cette série seront indiquées par le sigle IMDY, suivi du numéro de l’épisode et du minutage, et placées entre parenthèses dans le corps du texte. Pour l’ensemble des téléséries étudiées dans cet article, le minutage est approximatif, puisqu’il est difficile, dans le cas de plusieurs séries (sur Crave et sur Netflix notamment) de l’obtenir avec précision. Je mentionne aussi que le minutage indique le début de la scène.
-
[19]
Coel s’est inspirée de sa propre expérience ; elle a été droguée et violée en 2018.
-
[20]
« I thought you knew », « You mean you didn’t feel it ? ».
-
[21]
Le frotteurisme est un type d’agression à caractère sexuel qui consiste à frotter ses parties génitales (pelvis ou pénis en érection) contre une personne non consentante. Plusieurs cas de frotteurisme surviennent dans des espaces publics comme les moyens de transport.
-
[22]
« Yo, yo, no. We’re not having sex again », « Can you just stop that », « Can you just get off me », « Get the fuck off me ! » ; les traductions proviennent de la version française.
-
[23]
« What can I say ? I’m a bad boy » ; la traduction est tirée de la version française.
-
[24]
Les deux histoires se retrouvent dans le même épisode, le quatrième, et sont montrées en parallèle, ce qui renforce l’idée d’un lien entre les deux. Le titre de l’épisode, ironiquement, est « That was fun ».
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[25]
Kwame entre la question « is non consensual humping » ; les choix proposés sont « is non-consensual humping sexual assault », « is non-consensual humping rape », « is non-consensual humping a crime », « what is non-consensual humping », « what is frotteurism » ; la traduction est tirée de la version française.
-
[26]
« So many different types of sexual assault » ; je traduis.
-
[27]
Voir à ce sujet Iris Brey, « Le viol », dans Le regard féminin. Une révolution à l’écran, Paris, Éditions de l’Olivier, coll. « Les Feux », 2020, p. 93-138. Par ailleurs, je signale que l’article d’Audrey Deveault, dans le présent dossier, aborde la question de la violence sexuelle dans le film et la série She’s Gotta Have It.
-
[28]
Le concept de male gaze a été formulé par Laura Mulvey dans son article « Visual Pleasure and Narrative Cinema », Screen, vol. 16, no 3, 1975, p. 6-18. Je tiens à préciser que j’utilise les notions de male gaze et de female gaze en tant que dispositifs reproduisant les rapports de pouvoir de l’hétérosexisme patriarcal. Je m’éloigne ainsi de l’essentialisme qu’on a parfois reproché au concept de Mulvey.
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[29]
Iris Brey, Le regard féminin. Une révolution à l’écran, ouvr. cité, p. 103.
-
[30]
Iris Brey, Le regard féminin. Une révolution à l’écran, ouvr. cité, p. 103.
-
[31]
Son vrai prénom est Joanna, mais tout le monde l’appelle Joey ou Jo.
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[32]
Sur les cinq personnages principaux, il s’agit du seul personnage blanc.
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[33]
Dans le deuxième épisode, elle initie un mouvement « Free the nipple » qui est suivi par bon nombre d’élèves, incluant des garçons.
-
[34]
Grand Army, É3, env. 39’. Désormais, les références à cette série seront indiquées par le sigle GA, suivi du numéro de l’épisode et du minutage, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
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[35]
« You guys can do what you want, well so can I » ; je traduis.
-
[36]
« I get to do that. I need to be able to do that » ; je traduis.
-
[37]
« Wait. Please, just wait » ; je traduis.
-
[38]
Voir Kelly Oliver, Hunting Girls, ouvr. cité, p. 74.
-
[39]
Telles que LegalFling ; voir FV, p. 116.
-
[40]
« The ability to revoke consent is the minimal condition for the possibility of consent » (Kelly Oliver, Hunting Girls, ouvr. cité, p. 76 ; je traduis).
-
[41]
Suzanne Zaccour rappelle qu’il en a été ainsi jusqu’en 1983 au Canada, 1991 en Angleterre, et 1994 en France (FV, p. 117).
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[42]
Ces séries pour adolescent·e·s ne s’adressent toutefois pas uniquement aux adolescent·e·s.
-
[43]
Dans La fabrique du viol, Suzanne Zaccour traduit cette expression par « salopage » (FV, p. 17). Comme ce terme n’est pas encore très usité, je préfère garder l’expression anglaise, qu’on voit plus couramment.
-
[44]
À propos de ce script de la vengeance, on peut lire l’analyse que Joëlle Papillon consacre au livre de Martine Delvaux, Thelma, Louise & moi (Montréal, Héliotrope, 2018). Papillon utilise la figure de Némésis qui incarne « la rage féministe devant le problème endémique du harcèlement, des violences sexuelles et du viol » (Joëlle Papillon, « Mettre la hache dans le script : Martine Delvaux-Némésis », MuseMedusa [En ligne], no 8 [Némésis, ou le châtiment inéluctable], 2020, consulté le 28 décembre 2021, URL : http://musemedusa.com/dossier_8/papillon/).
-
[45]
Iris Brey, Le regard féminin, ouvr. cité, p. 120.
-
[46]
Iris Brey, Le regard féminin, ouvr. cité, p. 121.
-
[47]
Pour une analyse intersectionnelle des agressions à caractère sexuel dans Riverdale, voir l’article de Amber Moore, « “Just how depraved is this town ?” : An intersectional interrogation of feminist snaps, slut shaming, and sometimes sisterhood in Riverdale’s rape culture », Feminist Media Studies [En ligne], mis en ligne le 9 juillet 2020, DOI : 10.1080/14680777.2020.1786428. Moore montre notamment que la sororité des personnages féminins comporte des failles puisqu’elle reproduit une domination raciste des personnages blancs envers les personnages noirs.
-
[48]
Par ailleurs, toutes les séries qui représentent une agression ne donnent pas nécessairement lieu à une sororité entre les personnages féminins ; dans Grand Army par exemple, Joey, après avoir déposé une plainte contre ses agresseurs, se retrouve isolée et ostracisée.
-
[49]
Sex Education, S2, É3. Désormais, les références à cette série seront indiquées par le sigle SE, suivi du numéro de la saison, du numéro de l’épisode et du minutage, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
-
[50]
Aimee : « See. She’s got a proper problem ». Maeve : « You’ve got a proper problem » ; la traduction vient des sous-titres français.
-
[51]
« Come on, let’s go. It’s basically like he sneezed on me or something » ; « He came on you, Aimee. Yeah ? » ; la traduction vient des sous-titres français.
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[52]
« Ok. You want a challenge ? You can spend the rest of detention preparing a presentation on what binds you together as women. One or all of you wanted to tear a fellow female down, now you can spend some time thinking about what you have in common instead » ; je traduis.
-
[53]
Les scènes dans la bibliothèque, avec les six filles en retenue, rappellent le film Breakfast Club, de John Hugues, sorti en 1985. Cette référence à Breakfast Club est délibérée, puisque la série Sex Education est inspirée des films de Hugues. Voir Katy Louise Smith, « What year is Sex Education set in ? There’s a reason why the netflix show has that ‘80s vibe », Pop Buzz [En ligne], 17 janvier 2020, consulté le 13 avril 2021, URL : https://www.popbuzz.com/tv-film/sex-education/what-year-set-in/.
-
[54]
« Stop fighting over a stupid boy ! » ; je traduis.
-
[55]
« And he didn’t look like some wanking psycho killer » ; la traduction vient des sous-titres français.
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[56]
« I always felt safe before, and now I don’t » ; je traduis.
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[57]
« non-consensual penises » ; la traduction provient des sous-titres français.
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[58]
« I’m angry that a horrible man ruined my best jeans and nobody did anything, and now, I can’t get on the fucking bus » ; je traduis.
-
[59]
« Give it to them ! » ; traduction provenant des sous-titres français.
-
[60]
Je suis ici l’exemple de Joëlle Papillon qui garde le terme anglais snap en l’absence d’une traduction satisfaisante (« Mettre la hache dans le script », art. cité, p. 2). Dans son article, Papillon étudie le snap tel qu’il se présente dans Thelma & Louise, ainsi que dans le texte de Martine Delvaux, Thelma, Louise & moi.
-
[61]
Sara Ahmed développe sa conceptualisation du feminist snap dans Living a Feminist Life, Durham, Duke University Press, 2017 ; voir en particulier le chapitre 8, « Feminist Snap » (p. 187-212). Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle LFL, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
-
[62]
Joëlle Papillon, « Mettre la hache dans le script », art. cité, p. 2.
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[63]
« You enact a rage not only toward something or somebody in the present, but toward the past, all those past experience of putting up with it. To snap is to say no to that history, to its perpetual reenactment » ; je traduis.
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[64]
« When a twig snaps, we hear the sound of it breaking. We can hear the suddenness of a break » ; je traduis.
-
[65]
« A snap sounds like the start of something, a transformation of something […]. A snap might even seem like a violent moment; the unbecoming of something. But a snap would only be the beginning insofar as we did not notice the pressure on the twig. If pressure is an action, snap is a reaction. Pressure is hard to notice unless you are under that pressure. Snap is only the start of something because of what we do not notice » ; je traduis.
-
[66]
« the depiction of revenge against patriarchy, or against rape and sexual violence » ; je traduis. Voir aussi à ce sujet Joëlle Papillon, « Mettre la hache dans le script », art. cité, p. 3.
-
[67]
« You should be careful dressing like that. » « And you should be careful perpetuating old-fashioned patriarchal ideology » ; je traduis.
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[68]
Élément intéressant de cette scène : la caméra ne montre pratiquement pas les jambes de Maeve, refusant ainsi d’adopter un male gaze qui l’objectifierait.
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[69]
« Sisterhood is snap » (LFL, p. 212) ; je traduis.
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[70]
« a feminist tapestry » ; je traduis.