Number 128, 2022 Le sexe à l’écran. Représentation de la sexualité des femmes dans les séries télévisées Guest-edited by Anne Martine Parent, Martine Delvaux and Julie Lavigne
Table of contents (8 articles)
-
Liminaire
-
La solidarité féminine au service de la sexualité dans les séries à choeur féminin (2010-2020)
Céline Morin
pp. 17–33
AbstractFR:
Les séries télévisées ont longtemps privilégié la figure de l’héroïne qui, dans son cheminement vers l’émancipation personnelle, devait vaincre les obstacles sexistes en mobilisant des ressources individuelles. Ce mouvement se double aujourd’hui d’une vague de séries que nous appelons « à choeur féminin », centrées sur des couples ou des groupes de femmes très solidaires. Cet article explore six de ces productions : Girls, Mom, Jane the Virgin, Crazy Ex-Girlfriend, Grace & Frankie et Sex Education. Dans ces séries, les personnages mettent leurs amitiés au service de forums intimes, où la solidarité féminine est mise au service de la sexualité individuelle, en ayant pour socle la reconnaissance des désirs et des pratiques. Cette perspective ouvre la voie à des innovations majeures de représentations, comme, entre autres, la diversification des corporalités représentées ou l’ouverture des âges de la sexualité, des adolescent·e·s aux personnes âgé·e·s.
EN:
Television series have long favoured the type of heroine who had to overcome sexist barriers by mobilizing individual resources in her drive toward personal emancipation. Today this movement is coupled with a wave of what we call “female chorus” series, focused on couples or groups of women who strongly support each other. This article explores six of these productions: Girls, Mom, Jane the Virgin, Crazy Ex-Girlfriend, Grace & Frankie and Sex Education. The characters in these series place their friendships at the service of private forums characterized by a female solidarity supportive of individual sexuality and rooted in the recognition of desires and experiences. This perspective opens the way to major representational innovations including, notably, the diversification of represented corporalities or the sexual coming-of-age of everyone from adolescents to seniors.
-
Scripts sexuels et pratiques affectives lesbiennes dans The L Word
Sabrina Maiorano
pp. 35–62
AbstractFR:
L’impact de la série lesbienne The L Word (2004-2009) a été retentissant dans la culture populaire et au sein des communautés lesbiennes en termes de reconnaissance et de visibilité. Près de quinze ans plus tard, il importe de porter un regard critique sur la série, du fait des transformations politiques du mouvement LGBTQ+ et de la place grandissante des perspectives queer. Cet article propose d’analyser les scripts sexuels et de genre qui sont véhiculés dans la série (principalement dans la saison 1) à la lumière du concept de pratiques affectives. La sexualité lesbienne dans The L Word est traversée par de multiples rapports de pouvoir entre les personnages féminins (inégalités de race, d’âge, de classe et d’expérience sexuelle). La prise en compte des affects dans les scripts sexuels et les archétypes lesbiens dans The L Word donne à voir une représentation hétérogène mais lesbonormative de la sexualité lesbienne.
EN:
The lesbian series The L Word (2004-2009) resonated strongly in popular culture and within lesbian communities in terms of recognition and visibility. Close to fifteen years later, it’s important to take a critical look at the series because of the political transformations of the LGBTQ+ movement and the growing emphasis on queer perspectives. This article proposes to analyze the sexual and gender scripts conveyed in the series (mainly in season 1) in light of the concept of emotional experiences. Lesbian sexuality in The L Word is punctuated by multiple relationships of power between the female characters (inequalities of race, age, class and sexual experience). The consideration of emotions in the series’ sexual scripts and lesbian archetypes presents a heterogeneous but lesbonormative representation of lesbian sexuality.
-
La queerisation du mythe de la succube : les scripts de la bisexualité dans Lost Girl
Julie Lavigne
pp. 63–89
AbstractFR:
L’article propose une analyse textuelle de la série fantastique canadienne Lost Girl (Showcase, 2010-2015) créée par Michelle Lovretta. En recourant aux théories féministes, aux études sur la bisexualité, ainsi qu’à la théorie des scripts sexuels, l’article se penche sur les transgressions représentées dans la série par rapport aux rôles souvent passifs des femmes dans les scripts hétérosexuels traditionnels. Les intrigues, dans Lost Girl, sont centrées sur le personnage de Bo Dennis, une succube bisexuelle qui pratique une sexualité multipartenariale. Cette série innove en présentant ainsi une femme active, agentive et vivant une sexualité débordante et saine sans subir le slut shaming associé à ce type de transgression. L’analyse montre aussi que la bisexualité du personnage permet de transformer la figure patriarcale de la succube incarnant la peur masculine de la sexualité des femmes, en une figure héroïque, féministe, queer et antispéciste.
EN:
The present article presents a textual analysis of the fantastical Canadian series Lost Girl (Showcase, 2010-2015) created by Michelle Lovretta. Employing feminist theories, studies on bisexuality and sexual script theory, this article focuses on the transgressions represented in the series relative to the often passive roles of women in traditional heterosexual scripts. The plots of Lost Girl center on the character of Bo Dennis, a bisexual succubus who practices multi-partner sex. The series innovates by presenting an active, agentive woman who practices a healthy and unrestrained sexuality without experiencing the slut shaming associated with this type of transgression. The analysis also shows that the character’s bisexuality allows the patriarchal figure of the succubus embodying the male fear of female sexuality to be transformed into a heroic, feminist, queer and antispeciesist figure.
-
« I can’t control my body, and it does all these things. » Penser le potentiel de (dé)construction des normes de genre et de représentation du désir au féminin dans les séries pour adolescent·e·s de la télévision en ligne
Stéfany Boisvert
pp. 91–114
AbstractFR:
Cet article propose une analyse de plusieurs séries pour adolescent·e·s originales, distribuées sur Netflix ou Amazon Prime, afin de réfléchir au potentiel de (dé)construction des scripts sexuels et de la représentation de l’agentivité sexuelle des jeunes femmes à l’ère de la télévision en ligne. Le teen drama est reconnu comme un genre télévisuel promouvant habituellement des récits hétéronormatifs, où les références à des sexualités et désirs queer demeurent souvent implicites. Plus encore, les séries pour ados tendent à reproduire une vision de la passivité sexuelle des adolescentes. Or, nous constatons une mutation de ces tendances narratives dans plusieurs séries pour adolescent·e·s produites pour Netflix et Amazon, ce qui laisse présager une transformation des scripts sexuels et une volonté de subvertir les visions normatives habituellement promues concernant la sexualité féminine. Nous observons ainsi une tendance plus grande à la représentation de l’assertivité et de l’agentivité sexuelles des jeunes femmes. Cependant, les représentations demeurent influencées par certaines normes culturelles qui circonscrivent les récits, les scripts sexuels et la représentation des corps. Cet article vise donc à poser un regard critique sur les ambivalences propres aux nouveaux teen dramas.
EN:
This article proposes to analyze several original young adult series streaming on Netflix or Amazon Prime in order to examine the (de)construction potential of sexual scripts and the representation of young women’s sexual agentivity in the era of online television. Teen drama is recognized as a television genre that usually promotes heteronormative narratives where references to queer sexualities and desires are often implicit. What’s more, these series tend to emphasize a view of young women’s sexual passivity. However a mutation of these narrative tendencies is observed in several young adult series on Netflix and Amazon, suggesting a transformation of sexual scripts and a desire to subvert the usual normative views of female sexuality. Accordingly, there appears to be a greater tendency to represent young women’s sexual assertiveness and agentivity. These representations remain influenced, nevertheless, by certain cultural norms that contour the narratives, sexual scripts and representations of bodies. The present article therefore aims to critically examine the ambivalences in the new teen dramas.
-
Entre maladresse et authenticité : la recherche du plaisir dans Mrs. Fletcher
Marta Boni
pp. 115–138
AbstractFR:
Dans les nouvelles formes de sérialité télévisuelle se dégage une figure de personnages de femmes qui se trouvent en décalage avec la norme, grotesques, dissidentes : cet article propose de se pencher sur un personnage en particulier, la protagoniste de la série Mrs. Fletcher. Cette série de HBO, à cheval entre comédie et drame, met en scène la découverte de la pornographie par une femme de 45 ans, rôle joué par Kathryn Hahn. En analysant la représentation du désir et de la transgression présente dans cette série, nous aborderons l’idée d’un plaisir qui devient forme de connaissance et proposerons une piste de lecture de la sérialité contemporaine à l’aune de la maladresse et de l’authenticité.
EN:
The new forms of TV series portray female characters who are grotesque, dissident, in other words, out of step with the norm. This article focuses on one such character, the protagonist of the series Mrs. Fletcher. This HBO series, a mix of comedy and drama, depicts the discovery of pornography by a 45-year-old woman played by Kathryn Hahn. By analyzing the series’ representation of desire and transgression, we discuss the idea of a pleasure that becomes a form of knowledge and propose a playlist of contemporary series gauging awkwardness and authenticity.
-
La réappropriation de l’espace comme vecteur d’agentivité sexuelle dans She’s Gotta Have It de Spike Lee
Audrey Deveault
pp. 139–162
AbstractFR:
À travers l’étude du personnage de Nola Darling, l’article analyse la manière dont la première saison de la série télévisée She’s Gotta Have It (2017) politise les récits que font les femmes de leur sexualité et des violences sexuelles qu’elles subissent. Après une brève comparaison avec le film du même titre, paru en 1986, l’article met en évidence les transformations liées à l’agentivité sexuelle de Nola, qui se forme à la fois par la réappropriation de l’espace (privé/public) et par l’imbrication de son récit à celui d’autres femmes et, plus largement, d’autres habitants du quartier de Fort Greene. C’est, entre autres, par le biais de la pratique artistique de Nola que ces deux éléments deviennent possibles. En somme, l’article montre que le développement de l’agentivité sexuelle dans la série se fait de façon collective, qu’elle se crée à travers l’expérience d’une communauté.
EN:
This article focuses on the character of Nola Darling with a view to analyzing how the first season of the TV series She’s Gotta Have It (2017) politicizes the narratives women create around their sexuality and the sexual violence they experience. After a brief comparison with the 1986 film of the same title, the article underscores the transformations related to Nola’s sexual agentivity, which is shaped by both the reappropriation of space (private/public) and the interweaving of her narrative with that of the other women and, more broadly, the other residents in the Fort Greene area. It is, notably, Nola’s artistic practice that enables these two elements. In summary, the article shows that sexual agentivity in the series develops collectively; in other words, it is created through the experience of a community.
-
« So many different types of sexual assault ». Violences sexuelles et consentement dans les séries télévisées
Anne Martine Parent
pp. 163–181
AbstractFR:
L’article porte sur la représentation des violences sexuelles et du consentement dans les séries télévisées contemporaines. Il présente d’abord une brève explication de la culture du viol pour ensuite montrer comment la série britannique I May Destroy You dénonce cette culture. L’article aborde ensuite l’opposition entre male gaze et female gaze en prenant comme exemple la série américaine Grand Army. Si le female gaze s’inscrit parfois dans le motif du Rape and Revenge présent au cinéma dans un film comme Thelma & Louise, on retrouve également ce motif dans certaines séries télévisées. C’est ce que l’article examine à partir de la série britannique Sex Education. Enfin, l’article propose de lire ce motif de la vengeance à l’aune de la notion de snap féministe, telle que théorisée par Sara Ahmed.
EN:
This article examines the representation of sexual violence and consent in contemporary TV series. It gives a brief explanation of rape culture and then describes how the British series I May Destroy You denounces this culture. The article then discusses the opposition between the male gaze and the female gaze using the example of the American series Grand Army. If the female gaze is sometimes part of the pattern of Rape and Revenge found in films like Thelma & Louise, it is present in certain TV series as well. This is demonstrated in the present article, which examines the British series Sex Education. Finally, the article aims to examine this pattern of vengeance against the notion of the feminist snap theorized by Sara Ahmed.