Number 127, 2021 Louis Hémon, pluriel et exemplaire ? Ruptures, succès, oublis Guest-edited by Lucie Robert
Table of contents (8 articles)
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Liminaire
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Louis Hémon : un écrivain polyvalent
Aurélien Boivin
pp. 13–35
AbstractFR:
Le présent article fait le point sur la trajectoire de Louis Hémon comme écrivain d’une oeuvre qu’a occultée en quelque sorte son oeuvre maîtresse, Maria Chapdelaine. Cette oeuvre sera abordée en quatre étapes qui répondent au titre adopté : le journaliste et le chroniqueur sportif passionné ; le nouvelliste, traducteur de la réalité de son époque ; le romancier entêté et sa vision du monde ; enfin, l’écrivain intimiste, combien énigmatique, à l’image de sa célèbre héroïne.
EN:
This article reviews Louis Hémon’s trajectory as the author of an oeuvre in many ways overshadowed by his masterpiece, Maria Chapdelaine. His work is discussed here in four parts corresponding to the title adopted: the journalist and passionate sports columnist; the short story writer, translator of the reality of his time; the stubborn novelist and his vision of the world; finally, the intimate writer, as enigmatic as his famous heroine.
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Jacques Ferron, lecteur de Hémon, lecteur de soi
Betty Bednarski and Susan Margaret Murphy
pp. 37–72
AbstractFR:
Cette étude à quatre mains porte sur l’attitude complexe de Jacques Ferron (1921-1985) à l’égard de Louis Hémon, ainsi que sur sa lecture originale et fort personnelle de l’oeuvre de ce dernier. Fasciné autant par la vie de Hémon que par son oeuvre, éprouvant pour l’homme une profonde affinité, Ferron s’est montré particulièrement sensible à ce qu’il considérait comme la dimension autobiographique de la fiction de l’auteur breton. C’est sur cette association biographique que nous concentrons notre regard, identifiant, dans un premier temps, les éléments qui auraient amené Ferron à se voir dans l’autre écrivain, traçant ensuite, à travers sa correspondance personnelle et ses écrits publics, l’évolution de sa « passion » pour Hémon. Notre réflexion se complète d’une étude de la riche intertextualité hémonienne lisible dans Les roses sauvages (1971), roman où la critique littéraire se mêle à la fiction, et où le projet autobiographique de Ferron se nourrit de sa lecture de la vie et de l’oeuvre de Hémon. Notre étude vise à faire mieux connaître cette instance peu étudiée de la réception de Hémon au Québec. Elle offre en même temps de nouvelles pistes d’interprétation de l’oeuvre de chacun des deux auteurs.
EN:
This joint study examines Jacques Ferron’s (1921-1985) complex attitude towards Louis Hémon and his original and highly personal reading of the latter’s work. Fascinated by Hemon’s biography as much as by his work, and feeling a profound affinity with the man, Ferron was particularly alert to what he considered the autobiographical dimension of the Breton writer’s fiction. We chose to focus on this biographical association, first identifying the elements that led Ferron to see himself in the other writer, then tracing, through his private correspondence and public writings, the development of his “passion” for Hémon. Our discussion concludes with a close study of the complex Hémonian intertextuality running through Ferron’s novel Les roses sauvages, a work where literary criticism is woven into the fiction and where Ferron’s own autobiographical project is enriched by his reading of Hémon’s life and work. The aim is to highlight this important and little studied instance of Hémon’s reception in Quebec and suggest new avenues for interpreting the work of both Ferron and Hémon.
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La classicité de Maria Chapdelaine : un cas d’école ?
Sylvain Brehm
pp. 73–86
AbstractFR:
Oeuvre majeure de Louis Hémon, Maria Chapdelaine est un classique de la littérature québécoise. Conséquemment, il est aussi un classique scolaire. Or, compte tenu du rôle décisif de l’école comme instance de consécration et de transmission des textes, on peut se demander si, aujourd’hui, Maria Chapdelaine n’est pas un classique québécois parce qu’il est un classique scolaire. Après avoir examiné cette question, nous proposerons deux pistes d’analyse permettant de mener une lecture actualisante de cette oeuvre en contexte scolaire et de montrer que sa classicité tient à sa résonance dans la culture contemporaine.
EN:
Louis Hémon’s masterpiece, Maria Chapdelaine, is a classic of Quebec literature. As a result, it is also a school classic. However, given the decisive role of school as an authority for consecrating and transmitting texts, one wonders if, today, Maria Chapdelaine is not a Quebec classic because it is a school classic. After examining this question, we propose two avenues of analysis that enable a modern reading of this work in the classroom and show that its classicity lies in its resonance in contemporary culture.
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Maria Chapdelaine au cinéma : bonne fortune et mauvais héritage
Germain Lacasse
pp. 87–111
AbstractFR:
Le roman de Louis Hémon a été adapté plusieurs fois au cinéma, par la fiction ou le documentaire, par les Français, les Anglais, les Québécois, ou tous ensemble. L’article décrit ces adaptations et leur appréciation critique, lors de leur parution et dans la suite de leur histoire. L’auteur décrit et distingue le film de Julien Duvivier, celui de Marc Allégret, et ceux de Gilles Carle à qui il attribue la meilleure adaptation, qu’il n’associe pas au film et à la série télévisée de 1983, mais plutôt au film de 1973, La mort d’un bûcheron. Ce film n’adopte que quelques-uns des éléments du roman (les noms des personnages, le rapport entre la fille et son père, entre eux et la nature, etc.), mais les transpose dans un scénario décolonisant où Maria brise la tradition en exposant les violences sociales camouflées que comportait la société canadienne-française. Cette approche révisionniste semble avoir été historiquement plus pertinente, puisque ce film demeure le plus apprécié par la critique et les historiens.
EN:
Louis Hémon’s novel has been adapted several times for film, fiction or documentary by the French, the English, the Quebecois, or all of them at once. The present article describes these adaptations and their critical appreciation at the time of their release and afterwards. The author describes and distinguishes the films of Julien Duvivier, Marc Allégret and Gilles Carle, maintaining that one of Carle’s adaptations is the best. This is not the 1983 film and TV series but rather the 1973 film La mort d’un bucheron. This movie adopts only some of the elements of the novel (the names of the characters, the relationship between father and daughter, between these characters and nature, etc.) but transposes them into a decolonizing scenario where Maria breaks with tradition by exposing the covert social violence in French Canadian society. This revisionist approach seems to have been historically more relevant since this film remains the one most appreciated by critics and historians.
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Eutrope Gagnon contre Louis Hémon. Mythe, folklore et communauté dans Maria Chapdelaine de Sébastien Pilote
David Bélanger and Thomas Carrier-Lafleur
pp. 113–134
AbstractFR:
Cet article propose une lecture de la plus récente adaptation de Maria Chapdelaine au cinéma (2021), par le réalisateur québécois Sébastien Pilote (Le vendeur, 2011 ; Le démantèlement, 2013 ; La disparition des lucioles, 2018). Cette nouvelle transposition écranique est replacée dans le continuum des précédentes adaptations du roman (par Julien Duvivier en 1934, Marc Allégret en 1950 et Gilles Carle en 1983), face auxquelles Pilote choisit d’effectuer plusieurs pas de côté. Il est démontré que le projet du cinéaste peut et doit se comprendre comme une tentative de défolklorisation du texte de Hémon – geste également revendiqué par Carle, mais dans un sens bien différent –, autour duquel se sont depuis longtemps construits un mythe et une imagerie. Cette relecture à contre-courant d’une oeuvre et de son héritage par un média contemporain, qui sera menée ici dans le sillage de l’anthropologie littéraire, souligne les tensions narratives et éthiques du récit, de même que le rôle qu’y occupent les personnages, à commencer par celui, historiquement malmené par le septième art, d’Eutrope Gagnon, « héros » aussi inattendu qu’indéniable du film de Pilote.
EN:
This article proposes a reading of the latest film adaptation of Maria Chapdelaine (2021) by Québécois director Sébastien Pilote (Le Vendeur, 2011; Le démantèlement, 2013; La disparition des lucioles, 2018). Pilote places this new screen transposition within the continuum of previous adaptations of the novel (by Julien Duvivier in 1934, Marc Allégret in 1950 and Gilles Carle in 1983), but chooses several different approaches. The filmmaker’s project can and must be understood as an attempt to defolklorize Hémon’s text—a claim also made by Gilles Carle, but in a very different sense—around which an ongoing myth and imagery have been created. This countercurrent reading of a work and its heritage by a contemporary medium, done here in line with literary anthropology, underscores the narrative and ethical tensions of the story and the role of the characters, starting with that of Eutrope Gagnon, historically mishandled by the seventh art, who is now the unexpected but undeniable “hero” of Pilote’s film.
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« Il faut venir à la rescousse de Maria Chapdelaine ! » Une histoire du musée Maria-Chapdelaine/Louis-Hémon
Marie-Ève Riel
pp. 135–147
AbstractFR:
En 1973, s’adressant à la Commission des biens culturels du Québec, le propriétaire des Aménagements Maria-Chapdelaine demande la reconnaissance du lieu où vécut Maria Chapdelaine, connue internationalement par le roman de Louis Hémon. L’histoire du Musée Maria-Chapdelaine à Péribonka soulève au moins deux questions : celle, d’abord, de l’identification problématique à l’héroïne, négociée différemment selon les agents, et en particulier par les habitants du pays qui, l’adulant ou la reniant, se trouvent à défendre leur propre identité. Celle, ensuite, de l’évolution des critères de valorisation associés à l’oeuvre-phare de Hémon, soumise, comme les autres, à des pressions aussi bien économiques, politiques, que littéraires, voire personnelles. Plus largement, soixante-quinze ans après l’inauguration officielle du Musée Maria-Chapdelaine, que nous dit son histoire sur le champ littéraire dans lequel s’inscrit le roman ?
EN:
Addressing the Quebec Cultural Property Commission in 1973, the owner of Aménagements Maria-Chapdelaine asked for recognition of the place where Louis Hémon’s world famous heroine lived. The history of the Maria-Chapdelaine Museum in Péribonka highlights at least two issues concerning: 1) problematic identification with the heroine, negotiated differently depending on the agents and, in particular, by the inhabitants of the region who, whether adulating or denying her, find themselves defending their own identity; and 2) the evolution of the valuation criteria associated with Hémon’s masterwork, subject, like the others, to economic, political, literary and even personal pressures. More broadly, seventy-five years after the official opening of the Maria-Chapdelaine Museum, what does its history tell us about the literary field in which the novel is read?
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Louis Hémon, l’affaire Dreyfus, le sport et la littérature
Geneviève Chovrelat-Péchoux
pp. 149–163
AbstractFR:
En abordant deux nouvelles publiées par Louis Hémon, qui eut vingt ans pendant la période agitée de l’affaire Dreyfus, je montrerai comment l’écriture est fondatrice de sa conception radicale de la liberté et porte l’héritage militant de Zola. Car, marqué par cette affaire au tout début de sa carrière, Hémon prend ses distances par rapport à sa famille et, sans rompre avec elle, s’en éloigne géographiquement. De même, il se tient loin des salons littéraires parisiens et de leurs codes. Ayant conquis la liberté nécessaire pour écrire, l’auteur engage sa plume au service des laissés-pour-compte, ce qui ne l’empêche pas de voir aussi toutes leurs failles et leurs travers.
EN:
This article examines two short stories published by Louis Hémon, who was twenty years old during the turbulent period of the Dreyfus affair. It shows how writing was the basis of his radical conception of freedom and carried Zola’s legacy. For, marked by this affair at the very start of his career, Hémon distanced himself from his family and, without severing ties, removed himself geographically. Similarly, he kept his distance from Parisian literary salons and their codes. Having conquered the freedom to write, Hémon used his pen to give voice to the have-nots, while remaining aware of their flaws and difficulties.