Abstracts
Résumé
En 2023, l’UNESCO célébrera les vingt ans de « la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel » dont le but était d’assurer la préservation des pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire que des communautés reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. L’initiative était ambitieuse, elle incluait l’identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine. Les discussions qui ont mené à l’adoption de cette convention avaient commencé au tournant des années 1980, c’est-à-dire au début de ce que Milad Doueihi a qualifié de « grande conversion numérique ». Or, la Convention n’a pas pris en compte les bouleversements majeurs qui s’annonçaient et qui allaient avoir pour conséquence d’indifférencier le patrimoine culturel immatériel à l’intérieur du vaste univers infonuagique en formation. Il résulte de cela, aujourd’hui, un état paradoxal, celui d’une hypermnésie amnésiante, qui affecte particulièrement le champ des sciences humaines. Le projet LIRAHC, que décrit sommairement l’article, fait partie des initiatives actuelles qui tentent de distinguer les traces du patrimoine culturel du magma des données immatérielles, et d’en assurer la préservation autant que la diffusion.
Abstract
In 2023, UNESCO will celebrate twenty years of the “Convention for the Safeguarding of the Intangible Cultural Heritage”, which aimed to ensure the preservation of the practices, representations, expression, knowledge and expertise that communities recognize as part of their cultural heritage. The initiative was ambitious; it included the identification, documentation, research, preservation, protection, promotion, enhancement and revitalization of the different aspects of this heritage. The discussions leading to the adoption of this convention began at the turn of the 1980s, that is, at the start of what Milad Doueihi has described as the “great digital conversion.” Now, the Convention did not take into account the major impending upheavals whose consequence would involve distinguishing the intangible cultural heritage within the vast cloud computing universe being formed. Today, the result is amnesic hypermnesia, a paradoxical state affecting the social sciences and humanities in particular. The LIRAHC project briefly described in this article is among the current initiatives attempting to disentangle traces of the cultural heritage from the magma of intangible data to ensure these traces are both preserved and disseminated.
Article body
En introduction à The Nonhuman Turn, Robert Grusin confie son inquiétude face à l’état actuel de la réflexion et de la recherche en sciences humaines (ce qui inclut celle sur les arts, les lettres ou, plus globalement, la culture). Il constate une déprime et un épuisement généralisés parmi les chercheurs, incapables de suivre le rythme effréné d’apparition des nouvelles approches et des changements qu’elles provoquent. Il n’énumère pas tous les virages et sous-virages vécus, négociés, subis depuis le début du xxie siècle, il se contente d’en nommer quelques-uns, laissant à chacun le soin d’allonger la liste en fonction de sa propre expérience et de son champ d’intérêt. Et, effectivement, quiconque se plierait à l’exercice pourrait, sans difficulté et en toute spontanéité, enrichir cette liste d’une quinzaine d’éléments au moins. Quel serait le total ? Personne, à ma connaissance, n’a encore tenté d’en établir un inventaire exhaustif. Le pronostic de Grusin est clair, nous souffrons collectivement de « Turn Fatigue[1] ». Entraîné dans un puissant malstrom – à moins que ce ne soit un trou noir – où tourbillonnent à une vitesse vertigineuse concepts, théories et modèles nouveaux, exhumés, recyclés ou renouvelés, le monde de la recherche est plongé dans un profond désarroi et ses agents (humains), happés par les urgences, n’ont ni le temps ni les moyens d’avoir le recul nécessaire, historique ou épistémique, pour prendre la mesure de ce qu’ils observent et de s’y situer, puisqu’on sait depuis les avancées du réalisme agentiel (qui le tient de la physique quantique) que nous sommes dans ce que nous observons. Les appels insistants à transcender les frontières disciplinaires, à tous les niveaux de la hiérarchie heuristique – du simple chercheur aux organismes subventionnaires, en passant par les pouvoirs politiques – font écho à ce que tous pressentent : il existe des ramifications entre tous ces virages, non pas parce qu’ils seraient les épiphénomènes, les manifestations localisées et limitées de mouvements d’ensemble profonds et durables – ce qui ressortirait à une conception réductionniste des phénomènes –, mais parce qu’il existe nécessairement entre eux des dynamiques intra-actives[2], telles celles décrites par Karen Barad, et parce qu’ils relèvent de la logique deleuzienne des agencements.
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas abolir, du jour au lendemain, ces frontières entre disciplines sur lesquelles se fonde historiquement l’organisation du savoir universitaire. Ce n’est peut-être pas non plus souhaitable. Mais, par ailleurs, on ne peut pas ignorer les effets négatifs de la pensée en silos. Il faut donc trouver les moyens de multiplier des ouvertures, de jeter des ponts. Sans doute l’une des façons d’y parvenir serait-elle de procéder à un partage accru et plus systématique de ressources qui concernerait autant les outils que les objets de recherche et, pourquoi pas, en les combinant, des outils communs sur des objets communs en fonction de disciplines différentes mais engagées dans une dynamique dialogique ?
Dans les pages qui suivent, je me pencherai sur le rôle que les archives « immatérielles » pourraient jouer dans cette perspective grâce, précisément, à leur qualité transdisciplinaire intrinsèque. J’insiste sur leur nature « immatérielle », car il y a là, à la fois, le risque d’une aggravation de la crise actuelle et, au contraire, une piste de solution avec, à l’horizon, le nécessaire atténuement du Turn Fatigue. Celui-ci n’épargne aucun secteur ni aucune pratique de la recherche en sciences humaines, que ce soient les études en arts, en lettres, en histoire, en sociologie ou philosophie, qu’on y fasse de la recherche théorique ou de la recherche-création. Le problème est généralisé, sa résolution le sera tout autant.
L’immatériel et ses métamorphoses déroutantes
D’une part, il y a cette image émouvante et inoubliable de Winnie dans Oh les beaux jours de Beckett. On la voit sur la scène de l’Odéon à Paris, s’enfonçant dans le tas des déchets accumulés tout au long de sa vie au point, bientôt, de succomber submergée. Nous sommes en 1963, Madeleine Renaud tient là le plus grand rôle de sa riche carrière (qu’elle reprendra pendant près de vingt-cinq ans). De l’autre, ces images lugubres provenant d’Aberfan, au Pays de Galles. Nous ne sommes plus là face à une fiction scénique mais à la réalité brutale. Ce matin du 21 octobre 1966, un pan entier du gigantesque terril no 7 de la mine de charbon de la petite ville, formé à l’encontre de toutes les règles de sécurité en vigueur, se détache. L’énorme masse de déchets miniers engloutit tout sur son passage, dont l’école primaire de la bourgade : 116 enfants meurent dans les circonstances atroces qu’on peut imaginer.
Ces images viennent illustrer ce que l’économiste et sociologue américain Vance Packard dénonçait dans un retentissant réquisitoire, L’art du gaspillage[3], publié entre la création de la pièce de Beckett à New York[4] et ce terrible drame. Il y dénonçait l’insouciance et les excès de la société de consommation et du capitalisme tardif qui s’annonçait. Packard prédisait deux catastrophes. D’abord, l’épuisement des ressources naturelles ; ensuite, une terrifiante hécatombe due aux privations, aux maladies et aux guerres qu’elles ne manqueraient pas de provoquer. Un jour, pronostiquait-il, l’humanité en sera réduite à fouiller dans ses immenses dépotoirs pour en extraire de quoi assurer sa survie misérable. Packard appelait à une urgente prise de conscience collective et à des comportements sociaux et individuels plus raisonnables, encourageant, entre autres, la pratique du recyclage. Sa vision parut bien sombre. S’il avait lu Heidegger et saisi la dimension écosystémique des conséquences de cet « arraisonnement[5] » débridé de la nature par l’humain, ses prédictions auraient sans doute été plus apocalyptiques encore.
On le sait, l’appel de Packard n’a été entendu ni par les décideurs publics ni par les magnats de l’industrie et du commerce. Cependant, le monde des arts n’y a pas été insensible, comme en fait foi l’imposante étude codirigée par Walter Moser qui, près de quarante ans plus tard, soulignait l’importance du recyclage dans les pratiques culturelles contemporaines. Ce n’était pas, à proprement parler, une très bonne nouvelle. Ses auteurs voyaient dans le phénomène du recyclage esthétique l’écho glaçant d’un monde en perdition.
[L]a surabondance insoucieuse a mené à des pénuries, ou du moins à un gaspillage de matières premières. En plus, notre société de consommation, s’engageant pour des raisons économiques dans une attitude de consommation parfois effrénée, produit de plus en plus de déchets. D’où la vision d’une société incapable de se débarrasser des déchets et s’enfonçant dans ses propres détritus[6].
Si le recyclage apparaissait comme l’ultime geste de survie, il marquait aussi la fin de l’art, la fin de l’histoire, l’incapacité (moderne) d’avancer, comme l’illustre la scène obsédante de cette Winnie immobilisée, peu consciente des causes de sa propre perte. Ce que ni Packard ni les images que je viens d’évoquer ne prenaient en compte, mais que ces théoriciens du recyclage culturel ont, eux, au contraire bien souligné, c’est que le gaspillage n’est pas que matériel. L’humanité est aussi de plus en plus guettée par des dangers inhérents à cette autre catégorie de résidus de son activité frénétique, moins visibles, moins perceptibles, mais tout aussi préoccupants et envahissants, les résidus immatériels. On peut comprendre cette différence de sensibilité. Si l’origine du concept d’immatérialité se confond avec celle de la philosophie elle-même, cette immatérialité à laquelle ces penseurs du recyclage font plus précisément allusion ressortit plutôt à la notion d’immatérialité propre au patrimoine culturel, telle qu’elle s’est progressivement développée, à l’instigation de l’UNESCO[7], à partir des années 1980, soit deux décennies après le vibrant appel à la raison de Packard.
Le but initial du prestigieux organisme de l’ONU était plus que louable : reconnaître aux récits transmis par tradition orale, au sein de certaines communautés autochtones, une valeur équivalente à celle des récits qui reposent sur des supports matériels (écrits, illustrés, etc.) ou sont véhiculés par des productions artistiques en trois dimensions, par lesquels s’exprime et s’affirme une culture. Cet effort de légitimation, qui visait initialement à valoriser les pratiques culturelles non scripturales de quelques communautés nord-africaines, s’est étalé sur près de vingt années au cours desquelles le concept de patrimoine culturel immatériel s’est élargi et précisé, comme on peut en juger à la lecture de la définition que propose l’UNESCO dans sa Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée officiellement le 17 octobre 2003 :
On entend par « patrimoine culturel immatériel » les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine[8].
Au-delà de l’action légitimante se trouve, on le sent bien, la hantise d’une perte, celle de traces importantes du passé, d’une amnésie. J’y reviendrai.
La reconnaissance de ce patrimoine immatériel se trouve, comme on l’observe dans sa définition même, justifiée par le « sentiment d’appartenance et de continuité » qu’il procure non seulement aux communautés concernées, mais à l’ensemble de l’humanité dont il promeut « la diversité culturelle » et « la créativité ». On comprend pourquoi les États participants se sont engagés à le sauvegarder. Et, pour éviter toute équivoque, l’accord précise :
On entend par « sauvegarde » les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l’identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l’éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine[9].
Malgré ses naïvetés et imprécisions, la Convention a imposé l’idée encore relativement nouvelle à l’époque, du moins dans les sphères du pouvoir politique et au sein du grand public, que la légitimité et la valeur d’une culture ne se mesuraient pas qu’à ses seules traces tangibles (portées par des supports concrets). Elle a aussi et surtout induit l’idée que l’immatériel n’est pas le contraire du matériel et qu’il n’existe pas, entre les deux, de dynamique d’exclusion mutuelle. En cela, les auteurs de la Convention ne faisaient que devancer ce dont l’intermédialité nous a depuis convaincus : il n’y a pas de médiation sans supports et ces supports, quels qu’ils soient, revêtent toujours in fine une part de matérialité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Éric Méchoulan adopte cette formule étonnante d’« herméneutique des supports[10] » pour définir l’intermédialité.
La tradition orale, dont traite au premier chef la Convention, mobilise, toute immatérielle qu’elle soit, des entités diverses qui, elles, sont bien matérielles – à commencer par les corps de l’orateur et de l’auditeur-spectateur, les molécules d’air qui les relient, les réactions chimio-électriques qui permettent le passage de l’information par les neurones dans le cerveau, lui-même matériel (on pourrait ajouter aujourd’hui ces adresses physiques que sont les URL), etc. C’est d’ailleurs bien là le paradoxe de tout programme de défense de l’immatériel : sa sauvegarde nécessite des agentivités matérielles. Avec beaucoup de sagesse, les auteurs de la Convention ont donc inclus au patrimoine immatériel ces « instruments, objets, artefacts et espaces culturels » sans lesquels l’immatériel ne saurait advenir.
Le bouleversement numérique, l’immatériel et l’archive
Cette pensée de l’immatérialité patrimoniale est à peu près contemporaine de ce que Milad Doueihi a qualifié de « grande conversion numérique[11] », mouvement radical qui n’avait encore, dans les années 1980, de résonance théorique que dans des cercles restreints dont, de toute évidence, les pionniers de cette pensée du patrimoine culturel immatériel ne faisaient pas partie[12]. On peut le regretter. S’ils avaient été plus sensibles à la mutation numérique qui sourdait, ils auraient sans doute trouvé judicieux de distinguer davantage le patrimonial du non patrimonial ou, à tout le moins, de prévoir des degrés de patrimonialité dans tout ce que l’activité humaine allait déverser dans le monde immatériel et qui allait le bouleverser. On leur sait gré, néanmoins, d’avoir porté à leur liste d’éléments à sauvegarder « l’identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission […] ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine[13] ». De cette façon, ils ont mobilisé, outre les services gouvernementaux concernés, les organismes de production, de préservation, de transmission, de diffusion et d’analyse de la culture : musées, bibliothèques, universités, espaces de production et de diffusion, médias. Mais ce que nous devons surtout retenir de cette ambitieuse entreprise de sauvegarde mondiale, c’est la place inédite et grandissante qu’y tiennent les métadonnées[14].
Disons-le sans ambages : les penseurs du patrimoine culturel immatériel n’ont pas su prévoir la crise de l’archive immatérielle qui pointait et qui allait avoir pour effet de flouter son statut, de dénaturer sa genèse et de l’indifférencier. Alors qu’ils se sont efforcés de valoriser et de sauvegarder le patrimoine immatériel de l’humanité, ils n’ont pas songé à protéger les archives (immatérielles) sur lesquelles se fondait justement leur action. D’immenses déferlantes numériques se formaient qui, à l’image du pan fatal du terril no 7, allaient balayer les paysages familiers et enfouir l’archive sous une masse (numérique) informe où elle se trouve mêlée à des résidus de toutes sortes. Et nous en sommes là, tels les survivants évoqués par Packard, à tenter d’extraire de ce magma hétéroclite en constante croissance les éléments les plus précieux, ceux qu’une attitude plus sensée nous aurait permis de distinguer et de préserver dès le départ.
À la rigueur professionnelle et patiente des archivistes, Internet oppose en effet une autre façon de laisser des traces, comme le rappelle Louise Merzeau, soit « un système de publication qui court-circuite la plupart des médiations traditionnellement affectées au filtrage, à la validation et à l’organisation des informations. [Un système] décentralisé, transfront[alier] et largement affranchi des protocoles classiques d’autorisation politique ou scientifique des contenus[15] ». Et comme la puissance des dispositifs technologiques et numériques dont nous disposons ne cesse pas d’augmenter, l’expansion de notre environnement immatériel s’accroît non seulement de façon désordonnée et incontrôlée, mais dans des proportions qui vont bien au-delà de toute représentation imaginable, bien au-delà de notre image de déferlantes. Dans leur essai Intelligence collective et archives numériques : vers des écosystèmes de connaissances publié en 2017, Samuel Szoniecky et Nasreddine Bouhaï en donnaient cependant une certaine idée : « On estime que tous les deux jours, l’humanité produit autant d’information […] que pendant les deux millions d’années qui nous précèdent. À cette production humaine, il faut ajouter les informations que les machines produisent en continu[16]. » De savants calculs les amènent à conclure que « l’ensemble de ces “Big data” représentera en 2025 près de 8 zettaoctets (mille milliards de gigaoctets)[17] ».
Deux éléments sont à souligner dans le tableau que brossent ces deux spécialistes des écosystèmes de connaissances. D’une part, nous assistons à une déréglementation archivistique sauvage à laquelle les sciences humaines étaient mal préparées. « Avec l’apparition en ligne de vastes corpus de données, rarement structurés, souvent agrégés, [selon les auteurs,] la nature de l’archive change, comme ses modes d’utilisation[18] » et, pourrions-nous ajouter, ses modes de production. L’interchangeabilité étonnante des termes « information », « data » (données), « archive », « inscription » et « trace » dans l’argumentaire des deux auteurs ne témoigne pas d’un manque de rigueur lexicale, mais d’un flou réel qu’il importe de lier à cette dynamique de coalescence où, comme nous le verrons plus loin, se dissout le geste même d’archiver. D’autre part, les deux auteurs induisent l’idée forte que nous vivons un moment de bascule historique, le « patrimoine » immatériel se développant désormais beaucoup plus rapidement que le patrimoine matériel. Au point que si, au lieu de déchets matériels, l’univers immédiat de Winnie avait été composé de déchets immatériels, elle serait morte, ensevelie, bien avant le début de la pièce.
Le basculement observé n’est pas dû qu’aux traces laissées par les flux incessants d’informations dans Internet, il se trouve aussi amplifié par des politiques tout à fait assumées, telles ces vastes campagnes de numérisation massive de documents et d’objets menées par les grandes institutions de conservation (musées, bibliothèques, centres d’archives, etc.) du patrimoine matériel. Si celles-ci permettent, à certains égards et en mode virtuel, de rendre ce patrimoine accessible à plus d’usagers, elles contribuent aussi à gonfler considérablement notre univers immatériel et, surtout, à indifférencier l’archive (numérisée), la ramenant au rang de simples données numériques. Le patrimoine culturel immatériel se dilue ainsi dans la nébuleuse infonuagique, s’y égare. Mais il y a pire. Voilà quelques années, le service des archives (matérielles) de l’US Navy a lancé un vaste appel au public pour l’aider à dater des millions de photographies qu’il avait en sa possession et pour identifier les lieux, les personnes et les objets qui y figuraient, de même que les photographes qui en étaient les auteurs. Bien sûr, des protocoles avaient été fixés par les archivistes, mais les contenus, eux, provenaient de personnes ordinaires (anciens militaires, parents, amis, connaissances, témoins, etc.). On conçoit bien la plus-value que ces métadonnées ont conférée aux photographies en question ; les précisions qu’elles apportent – on présume qu’elles ont été validées – ont une valeur inestimable. On tient là un magnifique exemple de l’efficacité du crowdsourcing[19] et de la culture participative, qui montre bien aussi tout le potentiel du modèle de l’intelligence collective défini par Pierre Lévy[20]. Or, pour remercier ces centaines de milliers de contributeurs bénévoles, l’US Navy leur a fait cadeau de la photographie à propos de laquelle ils avaient partagé leurs souvenirs. Le patrimoine matériel s’est ainsi volatilisé en quelques mois et les métadonnées informatiques de l’objet se sont totalement et définitivement substituées à lui.
Le processus accéléré de dématérialisation des archives et la production quotidienne de zettaoctets de données numériques nouvelles dues aux activités informatiques et aux opérations machiniques, qui leur sont inhérentes, nous soumettent donc à présent à une surabondance d’information qui soulève des questions pratiques et méthodologiques, mais aussi éthiques et théoriques dans notre rapport au patrimoine culturel immatériel. Et cela, évidemment, a un impact sur la recherche. Pour Szoniecky et Bouhaï, « la problématique fondamentale des archives numériques consiste à s’interroger sur leur importance […] afin d’en estimer [la] pertinence en termes d’adéquation entre la finalité du processus de numérisation et les usages qui en sont faits[21] ».
L’hypermnésie
Mais l’interrogation est, en réalité, beaucoup plus complexe du fait que les produits des numérisations se mêlent aux données numériques natives. Aussi, si nous convenons que tout ce qui circule à travers Internet, numérisé et numérique confondus, est le résultat d’activités toujours-déjà passées et, en l’occurrence, en est la trace immatérielle, nous devons conclure que nous nous trouvons bien dans une situation d’hypermnésie qui ne peut que s’amplifier et qui bouleverse notre présent, le met à risque. « La moindre trace fait sens, insiste Patrick Bazin, et le présent, plus que jamais, est pétri d’un passé qui l’obsède[22]. » S’intéressant à la place et au rôle des archives dans les fictions littéraires, Nathalie Piégay-Gros, évoque, quant à elle, « une inflation générale[23] » aux effets paradoxaux : la surabondance actuelle des archives n’atténue en rien leur fragilité fondamentale, elle en fait ressortir les limites. À l’échelle individuelle, cette saturation du présent par le passé est clairement dangereuse. Loin de renforcer la capacité de l’individu à agir dans et sur son environnement, l’hypermnésie a l’effet inverse ; elle conduit à une forme d’impuissance progressive et tragique, celle que, précisément, illustre Winnie, dont l’image peut être vue comme la métaphorisation d’un passé sur-envahissant aux conséquences mortifères. Diverses études menées dans le champ des neurosciences en attestent par l’accumulation de cas de « mémoire absolue ». Ainsi, une jeune patiente – appelée A. J., dans une recherche américaine réalisée en 2006 – explique que « son hypermnésie, vue comme un don exceptionnel par plusieurs, représentait pour elle un “fardeau”, son étonnante capacité l’empêchant d’oublier les événements désagréables et les émotions qui y étaient associées[24] ».
Peut-on extrapoler de l’individuel au collectif ? La réponse est incertaine, mais ce qui l’est moins, c’est qu’un phénomène puissant travaille la mémoire collective : chaque jour, des masses incommensurables de données s’égarent dans les méandres mémoriels des ordinateurs ou dans l’espace infonuagique ou, plutôt, s’y engloutissent, disparaissant totalement et souvent irrémédiablement du champ de la recherche active. Tout semble ainsi indiquer que, individuellement et collectivement, notre capacité inépuisable à produire des archives ou des souvenirs n’a d’égale que celle de les perdre ou, pour faire écho à Packard, de les gaspiller. Notre hypermnésie s’avère ainsi indissociable d’un autre phénomène, dû en partie à la technologie (ou accentué par elle) : le délestage mémoriel. Nous nous trouvons ainsi dans une conjoncture paradoxale d’hypermnésie amnésique[25] ou même, peut-être plus justement encore, d’hypermnésie amnésiante, où notre capacité stupéfiante de convoquer le passé dans le présent se double d’une capacité tout aussi remarquable à rejeter de vastes pans archivés de ce passé. Comme si notre capacité de nous souvenir évoluait en parallèle et en proportion de notre capacité à oublier. Est-ce bien le cas ? La communauté des théoriciens de la mémoire et du temps est, à vrai dire, indécise. Tous reconnaissent la présentéité[26] de l’archive, ce que Deleuze a bien synthétisé dans une formule aux accents faussement tautologiques.
Jamais le passé ne se constituerait, s’il ne coexistait avec le présent dont il est le passé […].
[C]’est le passé tout entier, intégral, tout notre passé qui coexiste avec chaque présent[27].
Non seulement il n’y a pas de frontière entre passé et présent, mais les deux, tout en relevant de dynamiques différentes, sont nécessairement et indissolublement imbriqués l’un dans l’autre, le passé n’existant qu’au présent.
L’indécidabilité que je viens d’évoquer tient au fait que pour certains auteurs – pensons à Nietzsche, Freud, Bergson ou Ricoeur – et cela varie selon les disciplines, l’amnésie est davantage salutaire, alors que, pour d’autres, elle est plutôt nuisible. « Il faut oublier pour rester présent, oublier pour ne pas mourir[28] », insiste Augé, tandis que, pour Ricoeur, l’oubli est à déplorer « au même titre que le vieillissement ou la mort : c’est une des figures de l’inéluctable, de l’irrémédiable[29] », car il est l’anéantissement de toute vie. Cette diversité a au moins un avantage, elle montre que le « devoir » de mémoire et la hantise de l’oubli sont des corollaires, ainsi que le précise Éric Méchoulan : « L’oubli n’est pas l’envers de la mémoire, il en est, en quelque sorte, la doublure interne : c’est la mémoire qui, à son tour, bifurque, tantôt gorgée de temps dans le souvenir, tantôt vidée de temps dans l’oubli[30]. » Valérie Camos, autre spécialiste de la mémoire, va plus loin, en insistant sur l’aspect délétère qu’on attribue trop souvent et injustement à l’oubli : « Dans nos sociétés occidentales, on se plaint constamment d’oublier des choses. Or, l’oubli n’est pas négatif en soi, car il permet d’alléger le système, de laisser de la place à d’autres informations et de retrouver ces dernières plus rapidement[31]. »
Faire face à l’hypermnésie amnésique en sciences humaines : le cas du LIRAHC
Il ne s’agit pas donc, pensant au patrimoine culturel immatériel, aux archives et à la recherche en sciences humaines, de plaider pour le devoir de mémoire ou contre la hantise de l’oubli. Il convient plutôt, comme le suggère Marc Augé dans son essai Les formes de l’oubli, d’adopter l’attitude du jardinier : « Certes on n’oublie pas tout. Mais on ne se souvient pas de tout non plus. Se souvenir ou oublier, c’est faire un travail de jardinier, sélectionner, élaguer. Les souvenirs sont comme les plantes : il y en a qu’il faut éliminer très rapidement pour aider les autres à s’épanouir, à se transformer, à fleurir[32]. » Sélectionner, élaguer, éliminer : nous ramenant sur le terrain de la pratique, Augé nous invite à faire des choix, ce qui, il faut le noter, ne revient pas à nous interroger sur ce que devrait être le geste d’archiver aujourd’hui dans le domaine des sciences humaines, mais plutôt sur celui, inédit, de « post-archiver ». En effet, l’urgence n’est pas de raffermir, même en l’adaptant, le geste archivistique – cela viendra plus tard –, mais de sauv(egard) er ce qui peut l’être du patrimoine culturel immatériel, éparpillé dans des disques durs esseulés ou des grappes de serveurs inlocalisables. Le problème à régler ici et maintenant n’est pas l’archivage, mais bien l’archivé. Archiver, rappelons-le, c’est prescrire les usages de la mémoire collective et les formes d’institution du passé, et cette prescription résulte toujours de décisions politiques, de rapports de pouvoir et d’enjeux sociaux aussi bien que symboliques, technologiques et économiques. Mais comment aujourd’hui, à l’ère d’Internet, remonter à la source d’un archivage, en revisiter le long parcours, en fixer les étapes, identifier les agents qui y ont participé et leurs motivations ? Et comment évaluer tout cela ? Dans ce contexte, il n’y a d’imputabilité potentielle ni pour l’avènement d’une archive ni pour sa disparition. L’industrialisation et l’automatisation du geste d’archiver – on devrait dire « des gestes » tant les agentivités sont diverses et nombreuses – ne répondent en effet à aucune cohérence programmatique d’ensemble et plus rien n’assure la pérennité de l’archive une fois qu’elle est constituée. Et les modes de diffusion d’Internet jouent un rôle non négligeable dans ce gigantesque fatras. Ils obéissent à des logiques où l’archive patrimoniale ne jouit d’aucun traitement particulier[33] et, encore une fois, d’aucune mesure qui préserverait son ontologie. La priorité, pour la recherche en sciences humaines, consiste donc, dans l’immédiat, à différencier dans le magma numérique ce qui y a été banalisé, à le préserver et à le réintroduire dans la dynamique de la recherche.
C’est à cela que se sont engagés un groupe de chercheurs du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ) et une trentaine d’autres chercheurs issus d’une vingtaine de disciplines. Ils voulaient d’abord rattraper le retard que le Québec et le Canada accusent dans ce domaine. Mais par quoi commencer ? Le plus stratégique était de cibler deux ensembles numériques particuliers – parmi une infinité d’autres – qui, malgré leur grande richesse patrimoniale, risquaient de disparaître. Il s’agit, d’une part, de bases de données produites par des organismes de conservation patrimoniale (musées, bibliothèques, centres d’archives et de documentation) et, d’autre part, de bases de données produites au fil des années par des groupes scientifiques dont le patrimoine culturel est l’objet de recherche.
L’ambition des concepteurs de ce Laboratoire intégratif de recherche sur l’actualité et l’histoire culturelles (LIRAHC) n’est pas seulement de regrouper, préserver et diffuser les contenus de ces diverses bases de données, mais de procéder à leur « post-archivage », ce qui consiste à assurer leur pérennité et à les rendre interopérables, c’est-à-dire à les mettre en dialogue les unes avec les autres, mais aussi avec d’autres bases et plateformes à travers le monde qui visent les mêmes objectifs. Concrètement, il s’agit de mobiliser ces données et de pouvoir les traverser en fonction de parcours où se croiseront les approches et les disciplines. Le LIRAHC cherche ainsi à juguler la saignée des données numériques archivistiques constituant une bonne part du patrimoine culturel immatériel, jetant les bases d’une histoire intégrative inédite (passée et en cours) des pratiques culturelles et artistiques du Canada de 1880 à nos jours.
L’épithète « intégrative » de cette histoire à faire a une teneur programmatique et souligne l’ambition globalisante du projet. Elle donne aussi la mesure du défi à relever : comprendre les pratiques culturelles dans leur nature et dans la conjoncture complexe où elles s’inscrivent et que, en même temps, elles contribuent à transformer. Tirant profit des plus récentes avancées réalisées en humanités numériques, le projet LIRAHC procède de certains des « virages » majeurs (intermédial, sonore, spatial, agentiel, post-humain, néomatérialiste, etc.) qui ont marqué la réflexion en sciences humaines ces dernières années et provoqué ce Turn Fatigue évoqué par Richard Grusin. Pour l’équipe du LIRAHC, il est évident que la multiplicité et l’élargissement des approches et des objets d’analyse imposés par ces innombrables virages sont bénéfiques. Plus encore, elle est convaincue que la « fatigue » s’estomperait si les phénomènes pouvaient être saisis à la fois dans leur globalité et dans leur singularité. D’où la nécessité de moyens technologiques et d’applications adéquats et puissants et de ressources archivistiques stabilisées et activées. Ce sont précisément ces moyens que l’équipe entend se donner avec la création du LIRAHC, en gardant à l’esprit cette nécessité de combiner proximité et éloignement, micro, méso et macro, qu’évoque Matthew Jokers :
Qu’on le veuille ou non, les spécialistes de l’histoire de la littérature d’aujourd’hui ne peuvent plus se contenter d’être des lecteurs attentifs : la quantité de données disponibles rend la pratique traditionnelle de la lecture attentive intenable en tant que méthode exhaustive ou définitive de collecte de preuves. On passera inévitablement à côté de quelque chose d’important. Le même argument, cependant, peut être avancé contre la macro-échelle ; à trente mille pieds, quelque chose d’important sera inévitablement manqué. Les deux échelles d’analyse devraient et doivent donc coexister[34].
Ce qui est vrai de la recherche sur le patrimoine littéraire l’est aussi pour l’ensemble des sciences humaines. Le projet LIRAHC ajoute aux dimensions que souligne Jokers celle, essentielle aujourd’hui, des dynamiques transversales qui lient activement et percolent tous ces éléments dans leur devenir. Son équipe participe à sa façon au mouvement de sauvegarde lancé par l’UNESCO, et son action post-archivistique doit être vue comme un premier jalon dans la définition du nouveau geste d’archiver à l’ère de l’hypermnésie amnésique.
Appendices
Note biographique
Jean-Marc Larrue est professeur de théâtre à l’Université de Montréal. Ses recherches portent principalement sur le théâtre du Long Siècle (1880 à aujourd’hui) et plus précisément sur les médias et l’intermédialité. Il a rédigé ou dirigé divers ouvrages sur ces questions dont, plus récemment, Théâtre et intermédialité (direction, Presses universitaires du Septentrion, 2015) ; Le son du théâtre (xixe-xxie siècles). Histoire intermédiale d’un lieu d’écoute moderne (codirection avec Marie-Madeleine Mervant-Roux, CNRS Éditions, 2016) ; Le triomphe de la scène intermédiale. Théâtre et médias à l’ère électrique (codirection avec Giusy Pisano, Presses de l’Université de Montréal, 2017) ; Machines. Magie. Médias (codirection avec Frank Kessler et Giusy Pisanor, Presses universitaires du Septentrion, 2018) ; Dispositifs sonores. Corps, scènes, atmosphères (codirection avec Giusy Pisano et Jean-Paul Quéinnec, Presses de l’Université de Montréal, 2019) et Media Do Not Exist (co-auteur avec Marcello Vitali Rosati, Institute of Network Culture, 2019).
Notes
-
[1]
Richard Grusin (dir.), The Nonhuman Turn, Minneapolis, University of Minnesota Press, coll. « 21st Century Studies », 2015, p. ix.
-
[2]
Karen Barad, Meeting the Universe Halfway. Quantum Physics and the Entanglement of Matter and Meaning, Durham, Duke University Press, 2007. Voir en particulier la partie ii, « Intra-actions matter », p. 95-186.
-
[3]
Vance Packard, L’art du gaspillage [1960], trad. de l’anglais par Roland Mehl, Paris, Calmann-Lévy, coll. « Liberté de l’esprit », 1962.
-
[4]
La pièce est d’abord créée en anglais au Cherry Lane Theatre de New York le 17 septembre 1961, dans une mise en scène d’Alan Schneider avec Ruth White et John C. Becher. Beckett la traduit en français au cours de l’année 1962. Le spectacle (en français) de l’Odéon de 1963 est mis en scène par Roger Blin et réunit Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault.
-
[5]
Heidegger précise : « Arraisonnement (Ge-stell) : ainsi appelons-nous le rassemblant de cette interpellation (Stellen) qui requiert l’homme, c’est-à-dire qui le provoque à dévoiler le réel comme fonds dans le monde du “commettre”. » Martin Heidegger, « La question de la technique », dans Essais et conférences [1954], trad. de l’allemand par André Préau, Paris, Gallimard, coll. « Les essais », 1958, p. 27.
-
[6]
Claude Dionne, Silvestra Mariniello et Walter Moser (dir.), Recyclages. Économies de l’appropriation culturelle, Montréal, Éditions Balzac, coll. « L’Univers des discours », 1996, p. 39.
-
[7]
Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture.
-
[8]
UNESCO, Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel [En ligne], mis en ligne le 24 août 2017, consulté le 15 février 2021, URL : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000132540_fre, p. 2.
-
[9]
UNESCO, Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, art. cité, p. 3.
-
[10]
Éric Méchoulan propose cette définition parmi une série d’autres dans un entretien qu’il accorde à Elsa Tadier (« Tentative d’épuisement de l’intermédialité », à paraître en 2021 dans la revue Communication & langages, nos 208-209, printemps-été 2021).
-
[11]
Milad Doueihi, La grande conversion numérique, trad. de l’anglais par Paul Chemia, Paris, Seuil, coll. « La librairie du xxie siècle », 2008.
-
[12]
C’est du moins ce qu’on peut déduire, puisqu’il n’en est pas explicitement question dans la section définitoire de la Convention.
-
[13]
UNESCO, Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel [En ligne], mis en ligne le 24 août 2017, consulté le 15 février 2021, URL : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000132540_fre, p. 3.
-
[14]
Ce sont, pour le dire simplement, les données sur les données découlant des travaux de recherche en vue de l’identification, la contextualisation, la transmission, la valorisation des données.
-
[15]
Louise Merzeau, « Guerres de mémoires on line : un nouvel enjeu stratégique ? », dans Pascal Blanchard et Isabelle Veyrat-Masson (dir.), Les guerres de mémoire. La France et son histoire : enjeux politiques, controverses historiques, stratégies médiatiques, Paris, Éditions La Découverte, 2008, p. 288.
-
[16]
Samuel Szoniecky et Nasreddine Bouhaï (dir.), Intelligence collective et archives numériques : vers des écosystèmes de connaissances, Londres, ISTE Éditions, coll. « Systèmes d’information, web et société/Outils et usages numériques », 2017, p. 11.
-
[17]
Samuel Szoniecky et Nasreddine Bouhaï (dir.), Intelligence collective et archives numériques, ouvr. cité, p. 11.
-
[18]
Samuel Szoniecky et Nasreddine Bouhaï (dir.), Intelligence collective et archives numériques, ouvr. cité, p. 35.
-
[19]
Le terme est couramment utilisé en français en concurrence avec les expressions « externalisation ouverte » et « production participative ».
-
[20]
Voir en particulier Pierre Lévy, L’intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberspace, Paris, Éditions La Découverte, coll. « Sciences et société », 1994.
-
[21]
Samuel Szoniecky et Nasreddine Bouhaï (dir.), Intelligence collective et archives numériques, ouvr. cité, p. 13.
-
[22]
Patrick Bazin, « Après l’Ordre du livre », Médium, vol. 3, no 4, 2005, p. 19.
-
[23]
Nathalie Piégay-Gros, Le futur antérieur de l’archive, Rimouski, Tangence éditeur, coll. « Confluences », 2012, p. 20.
-
[24]
Elizabeth S. Parker, Larry Cahill et James L. McGaugh, « A Case of Unusual Autobiographical Remembering », Neurocase, vol. 1, no 12, 2006, p. 35-49, cité par Justine Canonne, « Le jeune homme qui n’oubliait rien », Le cercle de psy [En ligne], mis en ligne le 7 avril 2016, consulté le 15 février 2021, URL : https://le-cercle-psy.scienceshumaines.com/le-jeune-homme-qui-n-oubliait-rien_sh_29031. Je tiens à remercier Jessica Lupien, l’une de mes étudiantes en maîtrise, qui m’a fourni cette information.
-
[25]
Je renvoie ici au sens usuel du mot « amnésie » tel que défini par Le Petit Robert : « Perte totale ou partielle, temporaire ou définitive, de la mémoire. » Alain Rey et Josette Rey-Debove (dir.]), Le Petit Robert, Paris, Le Robert, 2019, p. 83
-
[26]
C’est-à-dire sa capacité d’aplanir les temporalités, ramenant les traces du passé dans le présent.
-
[27]
Gilles Deleuze, Le Bergsonisme, Paris, Presses universitaires de France, 1966, p. 54-55, cité par Paul Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2000, p. 562.
-
[28]
Marc Augé, Les formes de l’oubli [1998], Paris, Payot et Rivages, 2019, p. 137.
-
[29]
Paul Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, ouvr. cité, p. 553.
-
[30]
Éric Méchoulan, La culture de la mémoire ou comment se débarrasser du passé ?, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Champ libre », 2008, p. 75-76.
-
[31]
Valérie Camos, citée par Patricia Michaud, « L’oubli, un mal nécessaire ? », Universitas [En ligne], mis en ligne le 17 janvier 2016, consulté le 15 février 2021, URL : https://www.unifr.ch/universitas/fr/editions/2016-2017/leben-in-der-erinnerung/oubli-un-mal-necessaire/.
-
[32]
Marc Augé, Les formes de l’oubli, ouvr. cité, p. 26.
-
[33]
Louise Merzeau s’élevait contre la hiérarchisation des contenus infonuagiques à partir de critères quantitatifs, tels ceux mis au point par Google dans son système PageRank. « Le PageRank est le système de classement des résultats utilisés par le moteur de recherche Google, où le score de chaque page web dépend principalement des liens qui pointent vers elle. » (« Guerres de mémoires on line : un nouvel enjeu stratégique ? », art. cité, p. 289). Or, si depuis 2016 Google n’offre plus aucune valeur de PageRank, le principe du critère quantitatif demeure actif.
-
[34]
« Like it or not, today’s literary-historical scholar can no longer risk being just a close reader: the sheer quantity of available data makes the traditional practice of close reading untenable as an exhaustive or definitive method of evidence gathering. Something important will inevitably be missed. The same argument, however, may be leveled against the macroscale; from thirty thousand feet, something important will inevitably be missed. The two scales of analysis, therefore, should and need to coexist. » (Matthew L. Jockers, Macroanalysis. Digital Methods and Literary History, Champaign, University of Illinois Press, 2013, p. 9 ; l’auteur souligne ; je traduis).