Abstracts
Résumé
Les liens que l’oeuvre de Pascal Quignard entretient avec la littérature médiévale sont à la fois discrets et multiples, au sein d’une écriture de part en part travaillée par la confrontation à de multiples univers esthétiques et littéraires. Élaboré par l’écrivain contemporain, le concept de « jadis », d’inspiration lacanienne, engage néanmoins une réflexion sur la mémoire qui entretient avec le Moyen Âge perdu des contes, mais aussi, avec la conception médiévale de la mémoire littéraire, une résonance particulière. Cette étude se propose de mettre au jour cette résonance en confrontant deux récits qui reposent sur une intrigue en grande partie similaire : « La voix perdue » de Quignard et le lai anonyme de Tydorel. Cette lecture croisée met en évidence une réflexion en miroir sur l’inaccessibilité de l’origine, figurée dans les deux textes par des lieux/personnages aquatiques. Antérieure à la langue, cette origine fantasmée est dans les deux contes au coeur d’une poétique du détour qui tente de cerner, par la langue littéraire, les eaux les plus troubles de la rencontre amoureuse.
Abstract
The links that Pascal Quignard’s work maintains with medieval literature are both discrete and numerous, in a writing that is shaped throughout by the confrontation with multiple aesthetic and literary universes. Developed by the contemporary writer, the concept of “past”, in the Lacanian sense, nevertheless focuses attention on the memory that resonates in particular with the lost Middle Ages of fairy tales and the medieval conception of literary memory. The present article proposes to underscore this resonance by comparing and contrasting two narratives based on a largely similar plotline: Quignard’s “The Lost Voice” and the anonymous lai Tydorel. This comparative reading offers a mirror reflection of the inaccessibility of the source, represented in both texts by aquatic places/characters. In the time before language, this fantasized origin is, in the two texts, at the heart of a poetics of detour that aims to emphasize, through literary language, the most troubled waters of the amorous encounter.
Article body
Les berges des rivières, les grèves des mers, les ports. N’importe quels rivages. Dans la proximité de l’eau à l’état naturel. Je veux dire par là non dormante, non pluvieuse ; je parle de l’eau mouvante, de l’eau bruyante. J’aime être près de l’eau […]. J’y suis bien. La mer, les fleuves, je trouve cela plus beau que tout[1].
L’amour avoué de Pascal Quignard pour la mer vient de l’enfance, d’une enfance vécue au bord de l’océan[2]. Il se prolonge dans le monde de l’écriture, où il revêt une importance considérable, travaillée de résonances littéraires et esthétiques multiples. Récurrent, le thème aquatique sert en particulier à poser une analogie entre ces grandes masses d’eau et un concept devenu central dans l’oeuvre critique et fictionnelle de l’auteur : celui du « jadis », qu’il redéfinit en l’associant à une réflexion, récurrente elle aussi, sur l’origine. Le « jadis », ce temps antérieur au passé, qui précède aussi le temps de la langue, constitue pour Quignard un état exempt de manque, impossible à rejoindre en raison de notre condition d’êtres de parole. « Nous sommes sans noyau […], nous sommes des bêtes sans instinct », affirme l’écrivain[3] : ce que nous avons de plus profond, de plus véritable serait aussi le moins lié à notre identité sociale, le plus inaccessible. « Ne deviens pas toi-même mais deviens le soi, le self, le sui, l’objet sacré plus intime, la part incommunicable, le jadis », écrit encore Quignard dans La barque silencieuse[4]. Si le plus profond en nous, « le lieu qui ne serait pas mien mais moi en personne[5] » échappe au discours social, il faudra donc le chercher du côté de l’indifférencié, du non-dicible, de ce que nous avons d’animal et que le rationalisme moderne a si longtemps nié. La définition du « jadis » engage alors une réflexion sur la mémoire, qui entretient avec le Moyen Âge perdu des contes, mais aussi avec la conception médiévale de la mémoire littéraire, une résonance particulière. Cette étude se propose de mettre au jour cette résonance en confrontant deux récits qui reposent sur une intrigue en grande partie similaire : « La voix perdue » de Quignard[6] et le lai anonyme de Tydorel[7]. Si le texte médiéval n’est pas l’intertexte explicite du conte contemporain (qui en avoue quantités d’autres), les deux textes s’enrichissent d’une lecture croisée qui en souligne les lignes de force respectives.
L’autre monde : les eaux du jadis
Pour Quignard, l’espace-temps du jadis nous est interdit ou difficilement accessible car nous l’avons quitté une première fois à la naissance[8] et, dans un second temps, après la petite enfance, qu’il appelle aussi la « cinquième saison[9] ». Le motif de l’eau apparaîtrait dès lors comme une image du stade prénatal, moment où nous sommes sur la terre, sans être dans le monde[10]. Le noyau de la problématique quignardienne réside là, dans le « scandale ontologique » du caractère inaccessible du non-langage et de l’image qui nous créa[11], car l’acte de l’écriture — qui est aussi, indissolublement, acte de lecture, de reprise, de traduction — ne peut se faire sans le travail de remontée en amont vers ce temps inaugural qu’est le jadis.
Dans ce conte intitulé « La voix perdue », paru en 2001 dans Pascal Quignard : la mise au silence, le concept de jadis apparaît lié au symbole de l’eau et, plus particulièrement, à l’image d’un lac. Dans l’ajout critique qui suit le récit[12], ce jadis temporel s’enrichit d’une dimension spatiale qui l’apparente à un « autre monde » : « C’était un autre monde. C’était une eau sans âge, lointaine, tonale, dormante, obscure, sans cesse accompagnée d’une voix de femme qui soutenait à proportion qu’elle apaisait comme nulle autre toutes faims. Cette eau est une eau perdue. Toute voix est perdue. » (VP, p. 32-33) Cet autre monde, emprunté à la fois au vocabulaire des contes folkoloriques et à la poétique des fictions féeriques médiévales[13], apparaît ailleurs dans l’oeuvre de l’auteur, notamment dans Vie secrète, ouvrage consacré à l’expérience amoureuse et placé au centre de son Dernier royaume. Dans l’univers quignardien, l’autre monde sert à décrire, non seulement le temps de la plongée dans le fantasme amoureux, ici le temps de sa liaison avec Némie Satler (« Ce temps était un autre monde. J’ai vécu dans un autre monde […][14] »), mais aussi le temps du sommeil — à l’instar de l’autre monde féerique qu’exploitent les lais narratifs médiévaux[15] : « Une fois nu, on nettoyait le corps pour le sommeil. […] on se dirigeait vers le lit […] on enveloppait des draps si doux les membres nus qu’on allongeait encore […] puis on se recroquevillait […]. Devenu un point, on gagnait l’autre monde. Ou le premier monde. Chaque journée le hélait comme sa tanière de silence[16]. »
Écriture, lecture, amour, rêve : autant de voies privilégiées pour tenter un rapprochement de cet autre monde perdu, ce jadis, qui ne cesse de revenir nous hanter. Or, cette appellation ne fait que mieux souligner la proximité de « La voix perdue » avec le corpus des lais narratifs du xiie et du xiiie siècles et, tout particulièrement, avec le lai anonyme Tydorel. Outre par certains traits propres au récit merveilleux[17], ces deux narrations se ressemblent par leur intrigue, jusqu’à leur dénouement : l’une et l’autre voient la disparition du héros dans un lac lié à son origine, après avoir entendu une révélation qui, pour lui, était demeurée interdite jusque-là. Dans le texte médiéval, le récit commence par relater en détails les circonstances qui président à la naissance du héros éponyme. Né au sein d’un couple royal infertile, Tydorel est le fruit d’une union adultère, restée secrète, entre sa mère et un être féerique qui lui apparaît dans son jardin au cours d’une sieste. Le jeune homme, qui lui plaît sur le champ, révèle à la jeune femme sa nature aquatique avant de devenir son amant et de lui révéler son destin : la naissance d’un fils, et d’une fille :
T, p. 749 et 751[18]Nous nous aimerons longtemps,
avant d’être découverts.
Vous aurez de moi un fils magnifique,
Que vous appellerez Tydorel […]
Il sera seigneur de Bretagne,
Mais jamais ses yeux ne se fermeront pour dormir.
Affecté d’une tare, qui est la trace physique et psychologique de son ascendance féerique, Tydorel est élevé dans l’ignorance de son origine et distrait de ses insomnies par des conteurs de fortune, jusqu’à ce que l’un d’eux lui suggère d’enquêter sur sa nature. La mère, interrogée avec violence, finit par lui révéler son secret en reproduisant, presque mot pour mot et à la première personne, le récit initial de sa rencontre féerique : la révélation provoque la disparition volontaire du héros dans le lac (« le lai », en ancien français) originel.
À l’instar de Borges, qui considérait que « peut-être l’histoire universelle est l’histoire de quelques métaphores[19] », nous nous permettrons donc d’ajouter Tydorel à la collection quignardienne d’hommes possédés par le désir de se jeter à l’eau[20]. Pour n’en citer qu’un exemple, la figure de plongeur la plus proche de Jean de Vair, héros de « La voix perdue », serait celle de Boutès, ce compagnon d’Ulysse qui, au lieu de s’attacher au mât comme son capitaine ou de se boucher les oreilles comme les autres navigants, se jeta dans la mer pour rejoindre les sirènes[21].
Le chant des origines
Comme bon nombre de lais féeriques médiévaux, « La voix perdue » est l’histoire d’amour d’un homme avec une figure féerique. Le héros, Jean de Vair (dont le nom a une consonance médiévale transparente[22]), après avoir perdu ses parents dans un accident dans la forêt de Chantilly, parvient à se rendre à un village situé au bord d’un lac et s’installe dans une petite auberge, où il entame une relation avec une femme d’une extraordinaire beauté qui vient lui rendre visite chaque nuit. Jean tombe éperdument amoureux de cette femme et il est dit qu’« il aim[e] sa voix par dessus tout » (VP, p. 14). Une nuit, au cours d’une étreinte amoureuse, monte de la gorge de la femme « un soupir qui [est] comme un chant » (VP, p. 14). À la suite de cet incident, Jean lui demande de chanter pour lui. Elle refuse : « C’est dangereux. […] Te souviens-tu du temps où tu étais une oreille ? […] Tu n’avais pas de souffle alors. Tu ne respirais pas et tu vivais dans l’eau. Cette eau était très obscure. C’est pour cela que c’est dangereux. » (VP, p. 16) Avant même que l’on entende le chant de la jeune femme, l’équivalence est donc posée entre sa voix et celle de la mère que le foetus entend de l’intérieur de la cavité utérine. La demande de Jean se fait alors plus insistante et la jeune femme finit par céder. Après avoir attaché Jean au lit et bouché tous les orifices de la chambre de peur d’être écoutée — la référence à Ulysse est transparente —, elle se met à chanter. En l’entendant, Jean se sent irrésistiblement attiré vers elle, son corps est réchauffé et les sons, « en même temps qu’ils embras[ent] son âme, […] l’arrach[ent] à l’intérieur de lui-même » (VP, p. 18). Cet épisode marque la fin d’une première période heureuse pour les amants : la jeune femme interrompt ses visites et Jean de Vair découvre qu’elle est, en vérité, un être féerique venant d’un autre monde, aquatique — une grenouille. Celle qu’il aime et qui n’est plus, à ce moment du récit, qu’une voix, le supplie de partir ; sourd à toute requête, Jean tente alors de la rejoindre au fond du lac et « périt noyé dans l’eau profonde » (VP, p. 32). Le récit laisse clairement entendre qu’à la source de ce chant « inouï » (VP, p. 19) ne se trouve autre chose que le râle sexuel, lien exprimé ailleurs par l’auteur de façon encore plus explicite[23] : « L’orgasme est bien plus qu’un peu de temps : c’est le référent pour toute stase heureuse. C’est le point extatique du comput du temps. / Les trois à quatre, à cinq, à sept secousses du “je” devant l’“objet” forment la base de tous les rythmes de la musique que les hommes composent[24]. »
Dans l’avant-propos de La nuit sexuelle, Quignard s’attache aux images vouées à l’oubli, d’accès difficile, voire impossible, au nombre desquelles se trouvent les souvenirs de « nuit utérine[25] ». Ces images vouées au secret, rassemblées par l’auteur au fil des années et puisées dans plusieurs cultures, sont pour la plupart des images érotiques. Le lien avec cet autre livre illustré et essentiel dans son oeuvre qu’est Le sexe et l’effroi n’est pas difficile à tisser : parmi toutes, l’image la plus secrète, le point de fuite absolu de cette constellation toujours à demi voilée, serait celle de la scène primitive ; c’est elle qui, dans l’imaginaire de Quignard, coïncide avec le temps inaccessible du jadis. L’avant-propos de La nuit sexuelle se penche dans cette perspective sur l’énigme des peintures préhistoriques, qui a intéressé Quignard, dans le sillage de Georges Bataille et de Jacques Lacan. Pour penser les anamorphoses telles qu’elles se sont développées dans la peinture du début du xviie siècle (dans Les ambassadeurs de Hans Holbein, par exemple), Lacan revient sur les peintures murales préhistoriques, aux origines de l’histoire de l’art, pensée comme une « progressive maîtrise de l’illusion de l’espace[26] ». Ces peintures se présenteraient « avec le caractère d’un au-delà sacré », cherchant à « fixer l’habitant invisible de la cavité » (EP, p. 168), figure détournée de ce qui, dans l’homme, est insaisissable, à commencer par le mystère du plaisir dans la procréation et son résultat direct : l’enfant caché dans la cavité que forme le ventre de la mère. Rappelons que, pour Lacan, le geste qui consiste à fixer sur les parois de la grotte cette « Chose » insaisissable, l’ensemble des forces invisibles qui gouvernent l’existence humaine, constituerait « la figuration du vide sur les parois de ce vide lui-même », en faisant de la grotte l’ancêtre du temple, « en tant qu’organisation autour de ce vide, qui désigne justement la place de la Chose » (EP, p. 168). Comme on le sait, dans la pensée du psychanalyste, cet au-delà du sacré réapparaît des millénaires plus tard dans la figure parfaitement abstraite de la Dame de la lyrique courtoise, « pour autant que, d’une certaine façon, il s’agit toujours dans une oeuvre d’art de cerner la Chose » (EP, p. 169). Quignard, qui a attentivement lu Jacques Lacan[27], considère que cette « Chose » serait la traduction, dans la veille, des images de nos rêves, qui trouverait sa toute dernière descendance dans les salles de cinéma[28]. À l’origine de l’art, donc, la faculté de rêver, car « le rêve n’est pas né du langage. Les animaux sans langage rêvent[29] » : c’est la raison pour laquelle ce lieu, « qui ne serait pas mien mais moi en personne » et qui coïncide avec le geste artistique, relèverait de ce que nous avons en nous de plus ancestral.
Dans « La voix perdue », la jeune femme souffle la chandelle avant de chanter pour Jean de Vair ; au même titre, la mère de Tydorel raconte à son fils l’histoire de son engendrement pendant la nuit : mise en lumière, si l’on peut dire, de cette tentation du retour à l’origine, qui s’écrit en fiction. D’autant plus qu’il s’agit dans les deux cas d’une mise en scène de l’impossibilité de réaliser effectivement la part d’amour incestueux pour la mère qui sous-tend l’amour d’un homme pour une femme. Cette lecture, très explicitée dans l’oeuvre de Quignard, permet aussi de relire le lai de Tydorel en observant la construction de la relation ambivalente que ce récit anonyme construit entre mères et fils.
Figures féminines, figure maternelle
Malgré elle, la mère de Tydorel, en lui donnant accès au mystère de ses origines, le précipite dans un autre monde qui s’apparente à la mort. Si elle est liée au statut ontologiquement ambigu du père, l’eau devient aussi un espace mortifère, associé à la figure de la mère. Quignard explicite, sans la résoudre, cette ambiguïté sous-jacente à l’espace de l’« Autre Monde » des lais : nous assistons à l’accident du carrosse au début du récit, mais sa cause n’est jamais précisée pendant l’histoire. Ce n’est qu’à la fin, dans « l’ajout critique », que nous apprenons que le carrosse dans lequel voyageaient Jean de Vair et ses parents a été renversé à cause d’une tempête, et que tous ses passagers sont morts : c’est ainsi qu’est posé le caractère fantasmatique de l’histoire d’amour qui vient d’être racontée[30]. Dans « La voix perdue », l’identité entre la jeune femme et la mère est pointée par plusieurs marques textuelles. Ainsi, la jeune femme aimée, comme la mère mourante dans la forêt, se plaint par ces mots : « J’ai mal ! » (VP, p. 22) ; elle n’apparaît qu’une fois que les corps des parents ont été engloutis dans le lac et elle est, selon les villageois, « l’âme d’une noyée » (VP, p. 28). Relevés au fil de la lecture, ces indice textuels font signe vers une réalité plus profonde : cette jeune femme d’une beauté surhumaine, qui satisfait toutes les envies du héros et semble répondre parfaitement à son fantasme, apparaît dans la toute première étape de son deuil, là où le principal désir du personnage serait celui de rejoindre la figure maternelle perdue. La nature animale de la jeune femme, rainette qui incarne l’âme d’une noyée, ne fait que souligner la dimension incestueuse et régressive de la relation, comme Quignard prend soin de le souligner dans sa note critique : « Ovide dit que les hommes sont des anciennes grenouilles et que c’est la raison pour laquelle les garçons muent : à force de crier après les femmes, en vain, leur désir. Leur mère les expulse de l’eau de leur corps par la vulve. Quelques années plus tard, alors qu’ils tendent les mains vers leur mère, elle s’enfuit. Leur voix se perd dans le cri qu’ils poussent » (VP, p. 33). En effet, Quignard fait par la suite un portrait de l’homme en éternel suppliant de la femme, en même temps mère qui « s’enfuit » et objet de son désir. Se jeter à l’eau c’est donc redevenir grenouille[31], revenir à l’état d’être aquatique qui accueille notre gestation. Mais, Quignard le sait bien, la plénitude régressive d’un tel amour n’existe pas : « rejoindre la condition originaire c’est mourir[32] ».
Jean de Vair partage avec Tydorel un statut commun d’adultes incapables d’assumer la séparation d’avec la mère — ou de deuil de cette union, dans le cas du héros quignardien — : nostalgiques de la plénitude, trop sensibles à l’appel de cette musique antérieure à tout langage pour lui résister[33]. Dans les deux contes, par ailleurs, le rôle secondaire du père souligne davantage la primauté du fantasme incestueux : le père de Jean de Vair, décapité par la fenêtre de la portière au moment de l’accident, ne partage pas son agonie avec son fils, comme le fait la mère mourante. Il en va de même dans le lai : le roi y occupe une place nettement passive — l’ombre de l’infertilité plane sur lui et c’est grâce à son absence que Tydorel est conçu. De même, l’être féerique occupe une place en retrait vis-à-vis des enfants qu’il a engendrés : malgré le maintien d’une relation avec la mère qui s’étend sur plusieurs années, il ne remplit jamais les fonctions d’un père et finit par disparaître au moment même où le secret de sa relation amoureuse est découvert[34].
La principale différence entre le lai et le conte contemporain réside dans le détail du dénouement. Dans les deux récits, la disparition se présente de façon succincte et élusive, en s’opposant au développement lent qui la précède : celui du récit maternel, dans le cas du lai, celui de l’agonie sur trois nuits de la grenouille, dans le cas du conte. Dans le lai, l’histoire d’amour féerique n’est pas vécue par le héros, mais par sa mère : Tydorel n’a pas de vie amoureuse. Pendant dix ans, il règne sans jamais songer à se marier — contrairement à sa soeur, plus jeune que lui et déjà mariée à un comte. Bien qu’il soit « adulé des jeunes filles / et recherché par les dames » (T, p. 757[35]), le héros passe ses nuits d’insomnie assisté de conteurs de fortune sommés de lui raconter des histoires. Il semble rivé à la figure de sa mère, tout comme le dernier conteur qui vient à son chevet, jeune homme qui déclenche précisément le récit d’origine dans le récit médiéval[36]. Dans le texte, les seules allusions à la vie affective du personnage ne concernent d’ailleurs pas d’autre femme que sa mère : « Il aimait tout naturellement cette contrée, [Nantes] / par amour pour sa mère, qui vivait là,/et parce que tout son conseil s’y trouvait » (T, p. 759[37]). Le « conseil » est ici ambigu : dans la culture médiévale, il fait avant tout référence à la réalité du conseil politique d’un seigneur, mais dans le récit, il peut aussi suggérer la dépendance qu’aurait Tydorel à l’égard de sa mère, gardienne du secret — autre sens du substantif « conseil » en ancien français — de son origine. En outre, malgré sa beauté à laquelle il est fait allusion à plusieurs reprises, le narrateur précise que Tydorel est « de petite taille » (T, p. 771[38]) : s’il est vrai que le motif du tyran qui se fait lire des histoires chaque nuit est bien présent dans l’histoire, il n’est pas non plus interdit d’y voir un homme qui n’aurait pas grandi et auquel on raconterait des contes pour l’endormir. De façon spectaculaire, cette dépendance excessive entre l’enfant et la mère est d’ailleurs rejouée dans le récit par un autre couple mère-enfant, qui sert au héros de révélateur pour lui faire prendre conscience de son identité et de ses origines : le jeune « idiot » qui déclenche la révélation finale est le fils d’une veuve qui s’avoue incapable d’agir sans le conseil de sa mère, impuissant notamment à parler[39].
La mère de Tydorel a caché à son fils le secret de son origine. La séparation a lieu au moment tardif de découvrir le secret de son identité : « Quand Tydorel eut écouté son récit, / il quitta sa mère » (T, p. 773[40]). Cette séparation peut signaler l’abandon d’un état d’enfance excessivement prolongé ; le départ vers l’aventure féerique, qui coïncide avec la recherche du père, ferait alors office de passage symbolique vers l’âge adulte. Mais l’économie du récit médiéval semble également indiquer que la dernière nuit de Tydorel sert de point de fuite au récit. C’est à ce moment-là, en effet, qu’un événement proprement surnaturel se produit : par la puissance de la parole, Tydorel accède bien à la scène primitive telle que Quignard la conçoit, c’est-à-dire à l’image même de son propre engendrement : « Quand il m’eut tout révélé, / il me ramena au jardin. / Mon fils, c’est la vérité : /ce jour-là, je vous ai conçu » (T, p. 773[41]).
Accéder à la sexualité de la mère, c’est aussi accéder à la place du père et pouvoir s’arroger ses privilèges sur le corps maternel. Dans le texte médiéval, au moment de pénétrer dans les profondeurs du lac, le fils reproduit les mêmes gestes que son père, au moment où ce dernier avait révélé à la mère le mystère de son identité féerique : « Le chevalier retrouva son épée et son armure, / qu’il revêtit sur place en toute hâte. / Il a enfourché sa monture […] » (T, p. 747 et 749[42]). L’écho des derniers gestes du fils à ceux de son père, avant de rentrer dans le lac, soulignerait, dès lors, son identification avec lui : « [Tydorel] a demandé qu’on lui apportât ses armes / et qu’on lui amenât son cheval. / Ils [les chambellans] s’exécutèrent, / il s’arma au plus vite. / Une fois armée, / Il est monté sur son cheval » (T, p. 773[43]).
Outre l’insistance dans la vitesse des actions — « hastivement », « sifaitement », « delivrement » —, c’est le même acte de revêtir les attributs virils propres à la vie chevaleresque que père et fils accomplissent. Ces attributs seraient les marques d’une certaine agressivité qui se déclinerait, chez le chevalier idéal, d’abord dans le maniement des armes au combat et dans la joute, puis dans la version sublimée d’une conquête qui se ferait sur le champ de bataille de l’amour. Quant à la descendance de la soeur, elle semble suggérer qu’il est, effectivement, des images vouées à demeurer dans l’ombre : le fait que « leur origine les prédispos[e] à trouver le sommeil / plus facilement que tout un chacun » (T, p. 753[44]) semble indiquer que l’ensemble des personnages de cette famille fictive donne bien une place, par le sommeil et le rêve, à cet autre monde qui se constitue, parfois, du visage le plus obscur de l’amour. Tydorel, lui, incapable de dormir, n’a pas d’autre choix que d’incorporer à ses journées cet envers du monde, désir autrement refoulé qui se matérialise en amour démesuré pour la figure maternelle.
Donner la main ?
Le désir de possession de la mère est donc au coeur du récit médiéval et du conte contemporain. Sa violence est soulignée, dans le récit de Quignard, par le motif de la main, doublement commenté dans l’ajout critique. Jean de Vair, blessé à la main des suites de l’accident initial, est guéri grâce à un baume fait de frai de grenouille. Par ailleurs, quand la femme est redevenue rainette, son amant la prie de lui donner sa « main au moins » : il veut « toucher [s]a main si douce » (VP, p. 29). Le prenant au mot, la grenouille s’arrache la main pour la donner à celui qu’elle aime[45]. Ce jeu des mains arrachées et mutilées pointe vers le caractère destructeur de ce fantasme d’inceste et fait un pendant macabre à la scène de rencontre qui, comme dans Tydorel, s’amorce par le contact des deux mains, en bon respect des usages courtois[46]. Mais il réactive aussi un motif folklorique très répandu dans les contes européens, celui de la jeune fille à la main mutilée : ce motif, très présent dans la littérature médiévale en langues vernaculaires ou en latin, est explicitement lié au thème de l’inceste dans les versions françaises du motif, notamment dans La manekine de Philippe de Rémi[47]. Dans le conte contemporain, la dimension destructrice du motif est soulignée par les commentaires du narrateur (VP, p. 26-27), ainsi que dans l’ajout critique (VP, p. 33-34), qui l’associe à une signification dévoratrice, liée à la nature comestible de l’animal. Dans le même mouvement, Quignard revient sur l’expression « donner la main » : en dehors de la fiction, « rien ne donne la main » (VP, p. 33), ni la mère à l’enfant, ni la femme à l’homme. Façon de dire que l’amour fusionnel absolu — recréation de la vie de l’enfant dans le ventre de sa mère — n’est qu’un fantasme irréalisable. Là encore, le récit contemporain permet de lire différemment le lai médiéval pour en comprendre la richesse signifiante et la portée critique : dans les deux récits mis en regard, cette réflexion sur la relation du héros à l’univers maternel est étroitement associée à l’usage de la langue et s’assortit d’une mise en évidence des pouvoirs de la fiction.
La voix et la lettre : « écrire, c’est entendre la voix perdue »
La violence physique présente dans le conte de Quignard, ainsi que l’agressivité sous-jacente de Tydorel, témoignent de la violence faite à la mère dans le fantasme, violence sexuelle mais aussi violence issue d’un sentiment de colère, expression ultime de la frustration des héros envers celles qui les quittent. Si dans Tydorel cet abandon apparaît de façon subtile, par le biais du silence de la mère sur l’origine du fils — qui peut être lu par ce dernier comme une trahison —, chez Quignard le thème de l’abandon maternel est particulièrement explicite. Les fictions quignardiennes sont parsemées de mères glaciales ou absentes[48] et quantité de souvenirs personnels liés à la mère apparaissent dans les textes de l’auteur[49]. Dans notre récit, cet amour fantasmatique de la mère qui s’enfuit est nettement rattaché à la figure de l’auteur par un commentaire de l’ajout critique : « J’ai dit ma douleur » (VP, p. 34 ; nous soulignons). La précision est importante, elle a une signification métatextuelle : pour Quignard, la tâche de l’écrivain n’est autre que la tentative de rendre ce qui est perdu à jamais, c’est-à-dire la période bienheureuse de l’union avec la mère : « Écrire, c’est entendre la voix perdue[50] ». Cette vocation fait de lui, automatiquement, un dissident[51], un enchanté vivant dans une temporalité autre, s’entêtant dans une recherche impossible.
Cette réflexion théorique sur le mouvement de l’écriture met en lumière l’importance que joue la fiction au sein même de l’intrigue, dans le conte contemporain comme dans le texte médiéval. À l’image de son auteur, le héros de « La voix perdue » est un littéraire qui s’installe au bord d’un lac sans but précis, s’opposant par là aux villageois caractérisés par leur esprit pratique et pusillanime. Si l’identité lettrée de Jean de Vair est sans aucun doute en lien direct avec la source chinoise que revendique le récit, elle n’a rien d’anecdotique ; ce détail revient par ailleurs autrement dans le texte médiéval : à sa façon, Tydorel, le roi qui se fait raconter des histoires la nuit, est en effet, lui aussi, un lettré, un être voué à la lecture. Quoique dangereux, ce penchant témoigne pour Quignard d’une disposition particulière à la compréhension de l’existence humaine : ce sont ceux qui lisent comme une façon de renouer avec ce qui est « beaucoup plus ancien que l’Histoire[52] » qui sont vraiment éveillés, même si cela les contraint souvent à rompre toutes les attaches[53]. Ainsi, la jeune femme de La Voix perdue dit à Jean de Vair : « Tous les hommes sont des fantômes. Mais tu n’es pas un fantôme. C’est ce que j’aime en toi ! », dit la jeune femme à Jean de Vair (VP, p. 15).
Parmi les hommes, l’écrivain (et plus généralement l’artiste) serait celui qui a l’oreille suffisamment sensible pour entendre la voix perdue, voix de la mère entendue par l’enfant encore étranger au langage, qui trouverait à son tour son ancêtre dans la musique première et primitive du râle sexuel dans lequel nous fûmes conçus. Le geste artistique, depuis ses toutes premières manifestations préhistoriques, serait ainsi voué à rendre compte de « l’absence de l’absent », selon Quignard — conception qui fait écho à la définition lacanienne de l’art que nous avons évoquée, singulièrement rapprochée du travail sur la « lettre » élaboré par les romanciers médiévaux et que connaît Pascal Quignard. Le Graal, évoqué par Lacan, en est l’exemple le plus saisissant : « sorte de seringue qui, si je me laissais aller, me paraîtrait une sorte d’appareil à prise de sang, à prise du sang du Graal […] — si vous voulez bien vous souvenir que le sang du Graal est précisément ce qui, dans le Graal, manque. » (EP, p. 170[54])
Cette double absence, théorisée par l’auteur et le critique contemporains, intéresse de façon étroite le corpus des lais narratifs dont Tydorel fait partie. Récits hantés par la référence constante à une source lyrique inaccessible pour le lecteur, les lais narratifs reprennent à leur compte les conceptions de l’autre monde transmises par la mythologie celtique et les contes populaires médiévaux pour penser la vie affective, le désir et ses manques[55]. Ces textes, qui incluent toujours une réflexion sur leurs processus d’écriture, font reposer leur dynamique sur un double passage : du fragment mythologique au texte de fiction, du chant au récit. Centrés sur la vie érotique, ils mettent en fiction non seulement les lieux obscurs de la vie psychique, mais le rôle moteur que joue l’autre monde des fantasmes dans le processus d’écriture, la nature indéfiniment ouverte du signe littéraire.
Conclusion
Les eaux les plus troubles de la rencontre amoureuse, que tentent de cerner avec une cohérence qui leur est propre « La voix perdue » et Tydorel, apparaissent de manière détournée, indirecte, grâce — entre autres — aux ressources du récit merveilleux. La fiction révèle ici, par sa structure même, une certaine transgression du désir. Dans le texte contemporain comme dans le récit médiéval, le lecteur est ainsi confronté à « une organisation artificielle, artificieuse, du signifiant », qui fixe le sens d’une « conduite du détour », pour le dire avec Lacan (EP, p. 181). Dans les deux récits, le lac s’institue comme signifiant autour duquel se déploie ce détour. Le jeu de mots remarqué que la fin de Tydorel propose entre le « lai », qui désigne en ancien français à la fois le « lac », le chant et le récit qui en raconte l’aventure, souligne bien ce mouvement de retour du récit/héros vers sa propre origine, ce chant lyrique évoqué en son absence, qui crée un vide textuel aussi obscur que l’eau nocturne dans laquelle Tydorel s’enfonce[56]. Le conte de Quignard, quant à lui, recueille cette dimension antérieure de la masse d’eau et fait du « Lac des reines » (à la fois femmes et grenouilles) un règne de la non-reconnaissance foetale, d’êtres à la tête sans visage (VP, p. 31), hors du monde des vivants. Dans ces deux fictions qui se regardent en miroir, il s’agit bien de rendre par une obscurité textuelle nécessaire la nature impensable de ce qui fait le noyau de l’expérience amoureuse. Telle est l’idée quignardienne de la littérature : non de faire jour mais, à l’instar des peintres de la préhistoire ou des conteurs médiévaux, de créer des images dans le noir, comme une chandelle qui, en épaississant les ténèbres, nous aiderait à mieux les définir.
Appendices
Notes biographiques
Nathalie Koble
Nathalie Koble est archiviste paléographe, agrégée de Lettres modernes, docteure en littérature française ; elle enseigne la langue et la littérature médiévales françaises à l’École normale supérieure de Paris. Ses travaux portent sur les récits et les figures de fiction au Moyen Âge, l’édition, la traduction et la transmission des manuscrits médiévaux, et la mémoire du Moyen Âge dans le contemporain (Passé présent, mémoire du Moyen Âge dans les fictions contemporaines, ENS, 2009, avec Mireille Séguy ; et Mémoire du Moyen Âge dans la poésie contemporaine, Hermann, 2014, avec Amandine Mussou et Mireille Séguy).
Adriana Nicolau
Adriana Nicolau est née à Barcelone en 1990. Elle est actuellement lectrice de catalan à l’Université de Paris 4-Sorbonne. Licenciée en philologie catalane, elle a publié dans les revues Els Marges et Estudis romànics et collabore habituellement au magazine pour enfants Cavall Fort. Elle est titulaire d’un Master de théorie littéraire de l’École normale supérieure de Paris et a consacré son mémoire à l’écriture fictionnelle et théorique de Pascal Quignard.
Notes
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[1]
Pascal Quignard et Chantal Lapeyre-Desmaison, Pascal Quignard le solitaire. Rencontre avec Chantal Lapeyre-Desmaison, Paris, Galilée, 2006, p. 171.
-
[2]
Voir, entre autres : Pascal Quignard, Dominique Rouet, Élisabeth Chauvin [et coll.], Pascal Quignard, une enfance havraise, Nolléval, éd. L’écho des vagues, 2013.
-
[3]
Pascal Quignard, La barque silencieuse, Paris, Seuil, 2009, p. 59.
-
[4]
Pascal Quignard, La barque silencieuse, ouvr. cité, p. 55.
-
[5]
Pascal Quignard, La barque silencieuse, ouvr. cité, p. 59.
-
[6]
Pascal Quignard, « La voix perdue », dans Adriano Marchetti (dir.), Pascal Quignard : la mise au silence, Seyssel, Champ Vallon, 2000, p. 7-35. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle VP, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
-
[7]
Nous suivrons l’édition Lais bretons (xiie-xiiie siècles) : Marie de France et ses contemporains, éd. Nathalie Koble et Mireille Séguy, Paris, Honoré Champion, 2011, p. 742-743 Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle T, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
-
[8]
« Il n’y a pas d’autre frontière véritable en ce monde que le franchissement de la rive natale » (Pascal Quignard, « Le hors frontière », dans Irène Fenoglio et Verónica Galíndez-Jorge (dir.), Pascal Quignard : littérature hors frontières, Paris, Hermann, 2014, p. 13).
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[9]
Voir Pascal Quignard, Albucius, Paris, Gallimard, coll. « P.O.L. », 1990, p. 71.
-
[10]
Cette opposition, d’origine heideggérienne, s’abreuve également de Lacan : le monde, en tant qu’espace social et linguistique, s’oppose à la terre, concept qui, dans l’oeuvre de Quignard, précède celui du jadis et qui s’apparente au « réel » lacanien en tant qu’état exempt de manque. Par souci de brièveté, nous ne discuterons pas ici ce concept complexe ; la conférence donnée par le psychanalyste à Rome le 29 octobre 1974, connue sous le nom de « La troisième », donne une définition, sinon simple, du moins brève des différentes facettes du concept. Parue initialement dans Lettres de l’École freudienne (no 16, 1975, p. 177-203), la transcription de la conférence est également disponible en ligne : http://www.valas.fr/Jacques-Lacan-La-Troisieme, 011 (consulté le 16 septembre 2015).
-
[11]
Quignard insiste sur l’idée que « L’homme est celui à qui une image manque » : celle de sa conception (voir notamment Pascal Quignard, Le sexe et l’effroi, Paris, Gallimard, 1994, citation p. 10).
-
[12]
L’auteur a une pratique récurrente de l’autocommentaire, qui modifie en profondeur la lecture que l’on peut faire de ses fictions. Pour un commentaire in extenso de cette question, voir Laurent Nunez, « Un auteur autoritaire ? », dans Fabienne Durand-Bogaert et Yves Hersant (dir.), Critique : revue générale des publications françaises et étrangères, t. lxiii, nos 721-722 (Pascal Quignard), juin-juillet 2007, p. 432-442.
-
[13]
Les études critiques sur l’autre monde des lais bretons et le réagencement de motifs empruntés à la mythologie celtique sont nombreuses. Voir notamment Francis Dubost, « Les motifs merveilleux dans les Lais de Marie de France », dans Jean Dufournet (dir.), Amour et merveille. Les lais de Marie de France, Paris, Champion, 1995, p. 41-80 ; et, sur Tydorel, A. H. Krappe, « The Celtic Provenance of the lay of Tydorel », The Modern Language Review, vol. xxiv, 1929, p. 200-204, Francis Dubost, « Yonec, le vengeur, et Tydorel, le veilleur », dans Et c’est la fin pour quoy nous sommes ensemble. Mélanges offerts à Jean Dufournet, Paris, Champion, 1993, p. 449-467 et l’étude de Jean Frappier, « À propos du lai de Tydorel et de ses éléments mythiques », Histoire, mythes et symboles. Mélanges offerts à Paul Imbs, Strasbourg, Centre de Philologie et Littérature romanes de l’Université, 1973, p. 561-587.
-
[14]
Pascal Quignard, Vie secrète, Paris, Gallimard, 1998, p. 29.
-
[15]
Sur le sommeil dans les lais bretons, voir Fabienne Jan, De la dorveille à la merveille. L’imaginaire onirique dans les lais féeriques des xiie et xiiie siècles, postface d’Alain Corbellari, Lausanne, Archipel, 2007 ; Nathalie Koble et Mireille Séguy, « Nos sommes tuit enfantosmés ! L’effet de (dé) saisissement des lais narratifs bretons », dans Michelle Szkilnik et Laurence Harf-Lancner (dir.), Faire court, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2011, p. 181-202 ; Gaia Gubbini, « Le chronotope du sommeil-rêve dans les lais et dans les romans arthuriens français en vers », dans Gaetano Lalomia, Antonio Pioletti, Arianna Punzi, Francesca Rizzo Nervo (dir.), Forme del tempo e del cronotopo nelle letterature romanze e orientali. X Convegno Società Italiana di Filologia Romanza viii Colloquio Internazionale Medioevo romanzo e orientale (Roma, 25-29 settembre 2012), Rubettino, 2014, p. 479-489 (avec une mise au point bibliographique).
-
[16]
Pascal Quignard, Vie secrète, ouvr. cité, p. 397.
-
[17]
Un rapprochement a été fait entre « La voix perdue » et « La fille du roi et la grenouille » des frères Grimm (Lea Vuong, « Pascal Quignard et le non-lieu du conte », dans Agnès Cousin de Ravel, Chantal Lapeyre-Desmaison et Dominique Rabaté (dir.), Les lieux de Pascal Quignard. Actes du Colloque du Havre, Paris, Gallimard, 2014, p. 227-228). Néanmoins, dans ce conte, le merveilleux tient plutôt de l’influence de Pu Songling, explicitée dans l’ajout critique : « J’ai dit combien j’aimais P’ou, ami de Pi » (VP, p. 32). Écrivain chinois de la dynastie des Qing, Pu Songling (1640-1715) consacra une grande partie de ses nouvelles au thème des rencontres entre des hommes lettrés et des femmes surnaturelles. Une partie du récit quignardien — celle qui va de l’apparition de la fille jusqu’au mot « merci » écrit avec ses pattes par la petite grenouille — s’inspire très largement de son récit « La fille en vert » (Pu Songling, Chroniques de l’étrange, éd. Jacques Cottin, trad. du chinois et présenté par André Lévy, Arles, P. Picquier, 2005, vol. 1, p. 759-761). Les principaux ajouts de Quignard sont le rapprochement de l’épisode du chant avec celui des sirènes, le lien posé entre le caractère merveilleux de la voix et son origine sexuelle et l’insistance, par le biais des paroles de la chanson, sur le caractère dépendant (« Son image ne quitte pas le dedans de mes yeux »), sexuel (« Ses lèvres sont des vagues qui affluent ») et irréalisable (« Il n’y a pas de rive ») (VP, p. 18) de l’amour de Jean de Vair.
-
[18]
« Longuement nos entrameron, / Desi qu’aparceü seron. / De moi avrez un fiz molt bel, / Sel ferez nomer Tydorel […]. De Bretaigne seignor sera, / Mes ja des eulz ne dormira. » (T, p. 748 et 750)
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[19]
« Quizá la historia universal es la historia de unas cuantas metáforas » (Jorge Luis Borges, « La esfera de Pascal », Obras Completas, Barcelona, Emecé Editores, 1989, vol. 2, p. 14).
-
[20]
À ce sujet, voir l’étude génétique du manuscrit de Boutès : Pascal Quignard et Irène Fenoglio, Sur le désir de se jeter à l’eau, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2011.
-
[21]
Comme on le sait, l’image joue aussi un rôle important dans la réflexion quignardienne. Parmi celles de sa prédilection, deux figures reviennent avec une insistance particulière : d’un côté, le plongeur de Paestum — ou le symbole de l’eau et le sexuel se rassemblent car le sexe du personnage est en état d’excitation (à titre d’exemple, voir Pascal Quignard, Vie secrète, ouvr. cité, p. 39) ; de l’autre, la « scène du fond du puits » de la grotte de Lascaux (pour une analyse détaillée des apparitions du motif dans l’oeuvre de l’auteur, voir Bernard Vouilloux, La nuit et le silence des images. Penser l’image avec Pascal Quignard, Paris, Hermann, 2010, p. 7-31). À notre connaissance, Quignard ne relie jamais explicitement la scène du fond du puits à une narration incestueuse — interprétation d’André Leroi-Gourhan qui aurait été recueillie par Bataille de façon implicite, selon Daniel Fabre (voir Daniel Fabre, Bataille à Lascaux : comment l’art préhistorique apparut aux enfants, Paris, L’Échoppe, 2014, p. 101-122). Néanmoins, dans le ive traité de La haine de la musique (Pascal Quignard, « Au sujet des liens du son et de la nuit », dans La haine de la musique, Paris, Calmann-Lévy, 1996, p. 155-178), il défend l’idée que « les grottes paléolithiques sont des instruments de musique dont les parois ont été décorées » (p. 163) et dont la résonance exceptionnelle permettrait aux garçons qui ont mué de récupérer la voix perdue de l’enfance — dernier vestige, pour les hommes, de la voix maternelle entendue dans le ventre. Les silhouettes de ces deux figures ont été significativement dessinées par l’auteur, l’une en face de l’autre, sur le manuscrit de Boutès (sur la première page de la dernière version du manuscrit : voir Pascal Quignard et Irène Fenoglio, Sur le désir de se jeter à l’eau, ouvr. cité, p. 233). Enfin, l’un des dessins rassemblés dans La nuit sexuelle représente un minuscule plongeur qui se jette dans un sexe de femme entrouvert (Pascal Quignard, La nuit sexuelle, Paris, Flammarion, 2007, p. 209).
-
[22]
En ancien français, « vair » est à la fois adjectif et substantif : l’adjectif, issu du latin « varius », qualifie l’aspect changeant d’une couleur (des yeux, d’un pelage…) ; il peut, par extension, renvoyer au caractère insaisissable de quelque chose et désigner un être fantastique (par exemple, le cheval dans la nouvelle de Huon le Roi, Le vair Palefroi, éd. et trad. par Jean Dufournet, Paris, Champion, 2010) ; rappelons que le substantif renvoie à une fourrure d’écureuil qui entre dans la confection du vêtement aristocratique au Moyen Âge et qui a, dans l’histoire de la littérature française, connu un destin particulier lié au conte de Cendrillon, dont la chaussure (de verre, ou de vair ?) est l’objet magique, intermédiaire entre les mondes.
-
[23]
Midori Ogawa a expliqué le lien de la musique à la sexualité dans des termes proches de la pensée quignardienne : « À l’origine […] la musique est inséparablement liée à la sexualité. La musique, prise au sens le plus originel, impliquerait alors les sons émis du corps ivre de plaisir, c’est-à-dire le bruit que produit le corps pendant l’acte sexuel » (La musique dans l’oeuvre littéraire de Marguerite Duras, Paris, l’Harmattan, 2002, p. 195).
-
[24]
Pascal Quignard, Sordidissimes. Dernier royaume V, Paris, Gallimard, 2007, p. 222.
-
[25]
Pascal Quignard, La nuit sexuelle, ouvr. cité, p. 11.
-
[26]
Jacques Lacan, Le séminaire, Livre vii. L’éthique de la psychanalyse 1959-1960, éd. Jacques-Alain Miller, Paris, Seuil, 1986, p. 168. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle EP, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
-
[27]
Voir l’article de Chantal Lapeyre-Desmaison sur cette question : « Pascal Quignard : une poétique de l’agalma », dans Jean-Louis Pautrot et Christian Allègre (dir.), Études françaises, vol. 40, no 2 (Pascal Quignard, ou le noyau incommunicable), 2004, p. 39-53.
-
[28]
Pascal Quignard, La nuit sexuelle, ouvr. cité, p. 15.
-
[29]
Pascal Quignard, Rhétorique spéculative, Paris, Calmann-Lévy, 1995, p. 206.
-
[30]
Espèce de phénomène de passage qui demande encore à être analysé, la tempête annonce chez Quignard la rentrée dans un espace où le personnage rentre en contact avec le plus profond de son soi. Avec l’ambivalence constitutive de l’« Autre monde » qu’elle annonce, la tempête de « La voix perdue » est en même temps ce qui provoque la mort de toute la famille dans la forêt et l’événement qui précède l’arrivée de la jeune femme aimée. D’autres tempêtes marquantes signalent un changement dans les vies d’Edouard Furfooz, dans Les escaliers de Chambord, ou d’Ann Hidden, dans Villa Amalia. Un souvenir d’enfance lié aux tempêtes apparaît également dans le Triomphe du temps.
-
[31]
À propos d’une grenouille qui saute dans l’eau, une analogie est faite dans Boutès entre le héros du livre et cet animal et, par extension, entre ces personnages et l’artiste qui accepte de plonger dans l’appel du jadis : « Soudain elle saute. / Soudain elle quitte le nénuphar ou la brindille qui lui sert de support. Il lui faut replonger dans l’élément originaire. / Et c’est encore Boutès, c’est encore l’Argonaute, c’est encore le dissident qui plonge. / Sedeo c’est être assis sur son banc. / Dis-sedeo c’est se dés-asseoir. / Le dis-sident se désassocie du groupe qui ne recherche à accompagner et à domestiquer le solitaire qu’à partir de sa naissance » (Pascal Quignard, Boutès, Paris, Galilée, 2008, p. 33). La grenouille est un animal qui apparaît de façon récurrente chez l’auteur : rappelons ici, parmi d’autres apparitions mineures, la barrette ornée d’une grenouille bleue qui permet à l’Edouard Furfooz des Escaliers de Chambord de récupérer le souvenir de l’épisode qui marqua sa petite enfance.
-
[32]
Pascal Quignard, Boutès, ouvr. cité, p. 72. Quignard est loin d’être le premier à défendre ce type d’amour qui chercherait toujours à remonter au jadis et qui se lierait, d’après lui, à un caractère solitaire. L’une des sources les plus évidentes de ce positionnement, que lui-même a revendiqué à plusieurs reprises, est la pensée taoïste. Ce poème du Tao tö king (xx 85), cité par Roland Barthes dans les Fragments d’un discours amoureux et qui clôt la section « Seul », rend bien compte de ses enjeux : « Tout le monde a sa richesse / Moi seul parais démuni. /Mon esprit est celui d’un ignorant / parce qu’il est très lent. / Tout le monde est clairvoyant, / Moi seul suis dans l’obscurité. / Tout le monde a l’esprit perspicace,/Moi seul ai l’esprit confus/Qui flotte comme la mer, souffle comme le vent. / Tout le monde a son but précis, / Moi seul ai l’esprit obtus comme un paysan. / Moi seul, je diffère des autres hommes, / Parce que je tiens à téter ma Mère » (Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Paris, Seuil, 1977, p. 252).
-
[33]
Il importe de rappeler que la notion du lien entre la voix de la mère et la musique humaine est loin d’être purement littéraire. Chez Quignard, elle se construit notamment à partir de ses lectures psychanalytiques, qui vont de Freud à Lacan en passant par les moins canoniques Sandor Ferenczi, Didier Anzieu ou Guy Rosolato (voir Jean-Louis Pautrot, Pascal Quignard ou le fonds du monde, Amsterdam/New York, Rodopi, 2007, p. 87-88).
-
[34]
T, p. 754-756.
-
[35]
« De puceles ert molt amez / Et de dames molt desirrez » (T, p. 756).
-
[36]
Tout comme le personnage de Quignard, drôle de héros qui, au lieu de quitter la maison pour aller chercher l’aventure, arrive au lieu de l’épreuve, la forêt, sans s’être séparé de ses parents.
-
[37]
« Molt pot cele contree amer / Por sa mere qui la manoit, / Et si tot son conseil estoit. » (T, p. 758)
-
[38]
« Petiz serez, ne gueres granz » (T, p. 770).
-
[39]
Ce personnage secondaire entretient par ailleurs un lien très étroit avec la figure de Perceval dans le Conte du graal de Chrétien de Troyes : jeune « nice », orphelin de père, la difficulté à parler est, comme dans le roman, liée à la figure de la mère et déclenche une aventure identitaire qui s’apparente à une révélation sur le secret des origines.
-
[40]
« Qant Tydorel a tot oï, / De sa mere se departi » (T, p. 772).
-
[41]
« Qant tot m’ot dit et enseignié, / Si m’amena desq’au vergié. / Biau fiz, cë est la verité : / Ce jor fustes vos engendré » (T, p. 772).
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[42]
« S’espee et ses armes trova, / Hastivement illec s’arma, / Puis est montez […] » (T, p. 746 et 748). La version donnée par la mère dans ce même épisode témoigne du fait que le merveilleux fonctionne, dans les lais, comme « un outil qui donne à voir la perception du réel dans les yeux même » de la personne fascinée par l’objet du désir (Lais bretons, ouvr. cité, p. 40) : « Il m’emmena hors du verger, / là où son cheval était attaché ; / Il y retrouva les armes et l’armure /qu’il avait apportées avec lui. / Il s’en revêtit, splendide ; / son équipement était magnifique. / Il fut vite armé, / Puis il monta sur son cheval […] » (T, p. 769). « Il m’emmena fors du vergié, / Ou son cheval ot atachié ; / Toutes ses armes i trouva /Quë il avec soi aporta. / Armez s’en est molt gentement, / Molt furent bel si garnement ; / Delivrement s’estoit armez,/Puis est sor son cheval montez » (T, p. 768).
-
[43]
« Ses armes rova aporter/Et so bon cheval amener./Cil ont fet son conmandement,/Et il s’arma delivrement./Si tost conme il se fu armez,/Sor son cheval estoit montez » (T, p. 772).
-
[44]
« Mes par lignage dormiront / Molt miex que autre gent ne font » (T, p. 752).
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[45]
Pour un commentaire détaillé sur la question des mains mutilées, voir la thèse de Camilo Bogoya González, Pascal Quignard : musique et poétique de la défaillance, Université de la Sorbonne nouvelle-Paris 3, 2011, p. 115-126 (disponible en ligne sur Hal, URL : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01015578). Chez Quignard, les mains de femmes — souvent aux ongles très courts — se voient aussi accorder une attention particulière, tout comme les mains de l’écrivain ; à plusieurs reprises il affirme : « Jamais je n’ai vu ma main écrire », autre façon de dire que, au moment de la création, l’on est plus proche d’un état de transe ou de « dorveille » que d’un état conscient (voir Pascal Quignard, Vie secrète, ouvr. cité, p. 27).
-
[46]
« Le chevalier, dans le respect des usages, / lui prit la main gauche » (« Li chevaliers cortoisement / Par la main senestre le prent ») (T, p. 747 et 746).
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[47]
Philippe de Rémi, La manekine, éd. Marie-Madeleine Castellani, Paris, Champion, 2012.
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[48]
Voir, à titre d’exemple, la relation d’Edouard Furfooz avec sa mère dans Les escaliers de Chambord, ou celle d’Ann Hidden avec la sienne dans Villa Amalia. Nous trouvons des mères absentes dans Ethelrude et Wolframm, dans Tous les matins du monde ou dans Le salon du Wurtemberg, entre autres.
-
[49]
Voir celui qui ouvre le Triomphe du temps ou encore l’image de la mère cherchant des étymologies dans Le nom sur le bout de la langue : « La mère absente fut le coeur de ma vie » (Pascal Quignard, Le nom sur le bout de la langue, Paris, Gallimard, 1993, p. 85).
-
[50]
Pascal Quignard, Le nom sur le bout de la langue, ouvr. cité, p. 94.
-
[51]
Cet aspect de la création a pris dans les dernières années une importance croissante dans l’oeuvre quignardienne. Voir, à titre d’exemple, ces deux textes récents : Pascal Quignard, « Qu’est-ce qu’un littéraire ? » (Critique : revue générale des publications françaises et étrangères, ouvr. cité, p. 421-431) et « Le hors frontière » (art. cité, p. 9-17).
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[52]
Pascal Quignard, Triomphe du temps, Paris, Galilée, 2006, p. 62.
-
[53]
C’est ce qu’expliquent les contes du Triomphe du temps, où l’on déplore le peu de personnes qui sont vraiment vivantes, éveillées. Dans les récits de cette sonate de contes, ce sont aussi, paradoxalement, les plus éveillés qui réussissent à établir des rapports avec des morts et des revenants — ce qui s’érige, entre autres significations, comme un écho transparent de la lecture.
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[54]
Sur le Graal comme signe et sa résonance psychanalytique, voir en particulier Charles Méla, La reine et le Graal. La conjointure dans les romans du Graal de Chrétien de Troyes au Livre de Lancelot, Paris, Seuil, 1984 ; Henri Rey-Flaud, Le Sphinx et le Graal. Le secret et l’énigme, Paris, Payot et Rivages, 1998 ; Francis Dubost, Le conte du Graal ou l’art de faire signe, Paris, Champion, 2000 ; et Mireille Séguy, Les romans du Graal ou le signe imaginé, Paris, Champion, 2001.
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[55]
Sur le lien entre merveilleux et érotisme dans la littérature française médiévale, voir l’étude d’ensemble de Francis Gingras, Érotisme et merveilles dans le récit français des xiie et xiiie siècles, Paris, Champion, 2002.
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[56]
« Poignant en est au lai venuz / El plus parfont s’est enz feruz ; / Illec remest, en tel maniere / Que puis ne retorna ariere. / Cest conte tienent a verai / Li Breton qui firent le lai. » (« Il est monté sur son cheval, / a galopé jusqu’au lac / et s’est enfoncé dans ses profondeurs. / Il y resta si bien, / que jamais il ne revint. / Cette histoire est tenue pour vraie / par les Bretons, qui en firent un lai ») (T, p. 772 et 773 ; nous soulignons).