Abstracts
Résumé
Dans son oeuvre intitulée Franciados libri duo, le jésuite Laurent Le Brun personnifie la Nouvelle-France (Nova Gallia). La déesse adresse quatorze élégies rédigées en latin à de puissantes personnalités françaises : ces lettres-poèmes présentent les difficultés auxquelles doivent faire face les Premières Nations en Nouvelle-France, en décrivant la vie des autochtones d’un point de vue topographique et ethnographique. L’ouvrage n’a jusqu’à présent reçu que peu d’attention. Pourtant, la manière dont l’auteur utilise les figures latines classiques et les topoï afin de rendre cet « autre » Canadien compréhensible à un public européen et humaniste mérite d’être étudiée. Parmi ses nombreuses allusions aux poètes classiques, la Franciade entretient un long dialogue intertextuel avec les Tristes et les Pontiques d’Ovide. Ce dialogue permet à Le Brun de transformer l’appel individuel d’un exilé à la clémence impériale en un plaidoyer pour la rédemption universelle d’un monde non civilisé.
Abstract
In his work entitled Franciados libri duo, the Jesuit Laurent Le Brun attributes personality to New France (Nova Gallia). The goddess addresses fourteen elegies written in Latin to powerful French figures: these letter-poems present the difficulties faced by the First Nations in New France by describing aboriginal life from a topographic and ethnographic perspective. The work has received little attention to date, but merits study for the author’s use of classical Latin figures and topoï to render these “other” Canadians comprehensible to a European and humanist public. Among its many allusions to the classical poets, the Franciad maintains a long intertextual dialogue with Ovid’s Tristia and Epistulae ex Ponto. This dialogue allows Le Brun to transform an exile’s personal appeal for imperial clemency into a plea for the universal redemption of an uncivilized world.
Article body
Les vents de Dieu soufflaient sur la France,
Enflammant les foyers et les autels, changeant les voeux
du coeur en un alphabet de flammes —
E. J. Pratt, Brébeuf et ses frères [2]
Dans son oeuvre intitulée Franciados libri duo, le jésuite Laurent Le Brun (1608-1663) fait prononcer quatorze élégies latines par la Nouvelle-France (Nova Gallia) personnifiée. Dans ces lettres-poèmes, la déesse présente à de puissantes personnalités françaises les difficultés auxquelles font face les Premières Nations en Nouvelle-France, en décrivant la vie des autochtones d’un point de vue topographique et ethnographique. L’ouvrage mérite beaucoup plus d’attention qu’il n’en a reçu jusqu’à présent pour la manière dont l’auteur utilise les figures latines classiques et les topoï afin de rendre cet « autre » Canadien compréhensible à un public européen. Parmi ses nombreuses allusions aux poètes classiques, la Franciade entretient un long dialogue intertextuel avec les Tristes, les Pontiques et les Héroïdes d’Ovide, dialogue au cours duquel Le Brun transforme l’appel individuel d’un exilé à la clémence impériale en un plaidoyer pour la rédemption collective d’un monde non civilisé.
En 1639, quand le père Laurent Le Brun publia pour la première fois ses deux livres d’élégies consacrés à la vie des Premières Nations en Nouvelle-France, il avait évidemment été touché par le souffle divin [3]. Né près de Nantes en 1608, il entra dans l’ordre des Jésuites en 1627. Étant donné que le collège royal Henri-le-Grand de La Flèche était à proximité de sa ville natale (fait souvent rappelé avec fierté dans ses pages de titre), il est possible qu’il l’ait fréquenté dans sa jeunesse [4]. Si le lieu où il fit ses études demeure incertain, nous savons en revanche qu’après y avoir enseigné les humanités et la rhétorique pendant trois ans, il professa dix ans à ce même collège, d’où sont sortis certains des plus anciens et des plus ardents missionnaires jésuites de la Nouvelle-France. La génération d’Énemond Massé, missionnaire jésuite qui a accompagné le père Pierre Biard en Acadie dans les années 1610-1613, incita de plus jeunes recrues, comme Charles Lalemant et Paul Ragueneau, à traverser l’Atlantique ; Paul Le Jeune, un ancien étudiant du collège, qui joua un rôle important dans l’établissement de la mission jésuite au Québec, allait s’inspirer de « l’alphabet de flammes » pour composer son célèbre journal intitulé Relations de ce qui s’est passé en la Nouvelle France [5] ; plus tard, saint Isaac Jogues, lui aussi ancien élève du collège, subirait chez les Iroquois un martyre aujourd’hui célèbre. Il est à remarquer, cependant, que malgré son zèle pour la cause des missions canadiennes, nous n’avons aucune preuve attestant que Laurent Le Brun, mort à Paris en 1663, se soit rendu dans le Nouveau Monde [6]. Visiblement inspiré par les Relations, et sans doute aussi par les témoignages de ses confrères fraîchement revenus de Nouvelle-France, l’auteur de la Franciade décrit de manière très personnelle la situation des peuples indigènes à son lectorat européen. L’ouvrage n’en offre pas moins un intérêt certain pour comprendre l’idéal de l’humanisme jésuite en rapport avec l’entreprise missionnaire de la Compagnie. En outre, ce texte est fort utile pour saisir comment la tradition poétique néo-latine du xviie siècle a pu contribuer à expliquer à l’Ancien Monde le défi culturel que lui posait le Nouveau. Toutefois, si la Franciade a connu de nombreuses rééditions du vivant de Le Brun, cette oeuvre reste mal connue de nos jours, alors que l’auteur lui-même et d’autres de ses ouvrages ont commencé à attirer l’attention de chercheurs intéressés par la poésie jésuite néo-latine [7]. Par ailleurs, les artifices littéraires qui composent l’essentiel de la structure organique de la Franciade ne sont plus guère familiers aux lecteurs d’aujourd’hui, même formés à la littérature classique. L’objectif de cet article est de réhabiliter la Franciade en décrivant, tout d’abord, son contenu et en proposant des hypothèses concernant son lectorat, ses sources, sa poétique, sa rhétorique et les motivations de son auteur. Ensuite, nous tenterons de situer cette oeuvre dans le contexte de la littérature du xviie siècle concernant la Nouvelle-France. Mais avant toute chose, il nous faut dire quelques mots des options poétiques de Le Brun telles qu’elles apparaissent dans les autres oeuvres qu’il a publiées.
L’oeuvre de Le Brun : pédagogie poétique
Dans sa Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, Sommervogel attribue onze oeuvres à Le Brun, qui sont toutes, à une notable exception près, rédigées en latin. Toutefois, comme le bibliographe le remarque avec justesse, l’oeuvre de Le Brun ne se compose pas de onze livres distincts, puisque plusieurs de ses derniers volumes intègrent des parutions antérieures, parfois revues ou pourvues de nouveaux titres. La première publication de Le Brun, « Ode et stances à M. le Cardinal Duc de Richelieu », datée de 1635, est parue dans une anthologie d’éloges, comprenant des textes français et latins (BCJ, p. 1629, no 1). Elle fut suivie, en 1640, d’une série de paraphrases métriques bibliques composées en latin (BCJ, p. 1629, no 2). En 1641 paraît un ensemble de poèmes élégiaques sur la mort de l’archevêque de Tours et sur l’accession à l’archiépiscopat de son successeur (BCJ, p. 1629, no 3). Puis, en 1646, la vie en prose d’un jeune postulant jésuite mort en odeur de sainteté en 1608 (BCJ, p. 1629, no 4) est proposée sous le titre Nostri saeculi ornamentum et adulescentiae sanctae speculum Alexander Bertius. Il s’agit de la première oeuvre de Le Brun qui présente un caractère pédagogique, caractéristique qui sera par la suite prépondérante dans ses oeuvres en vers et en prose.
En suivant l’ordre chronologique, Sommervogel mentionne ensuite la Franciade, dont la première édition, selon lui, aurait été publiée en 1649 sous le titre Nova Gallia Delphino (BCJ, p. 1629, no 5). Cette date est cependant erronée. Le livre a été publié en 1639, comme l’indiquait déjà l’édition de 1854 de la Bibliothèque de la Compagnie [8], et comme le laissait présumer la dédicace de l’ouvrage au Dauphin Louis Dieu-Donné, fils de Louis xiii et d’Anne d’Autriche, né en 1638. On peut donc supposer que Sommervogel a ajouté par erreur un « X » à la date de publication donnée en chiffres romains. Ainsi, les élégies sur la Nouvelle-France font partie des oeuvres les plus anciennes de Le Brun, mais aussi de celles qui ont été les plus durablement populaires de son vivant, comme en témoignent leurs nombreuses réimpressions. Le Brun lui-même continua de s’y intéresser : il en proposa de nouvelles éditions qui modifiaient légèrement l’ordre des élégies et leur attribuaient de nouveaux titres. Ainsi, au début de 1650, il les fit rééditer sous le titre de Franciados Libri Duo, à la fin de la troisième édition de sa paraphrase poétique de l’Ecclésiaste qui comporte, outre ses plus anciennes paraphrases bibliques, ses élégies sur l’archevêque de Tours et quelques épigrammes choisies. Cet ensemble a bénéficié d’une autre édition (editio ultima) en 1653 [9].
Toujours selon l’ordre chronologique, l’oeuvre suivante de Le Brun est un manuel scolaire en deux volumes, probablement destiné à encadrer les exercices de composition latine des élèves du collège de La Flèche. L’Eloquentia Poetica combine à la fois les caractéristiques d’un traité de poétique et d’une anthologie de poèmes latins classiques et néo-latins, de styles, de genres et de sujets hétérogènes (BCJ, p. 1630, no 8). Les poèmes cités incluent quelques vers de Le Brun lui-même.
La dernière publication que nous mentionnerons, et la plus significative pour notre propos, est le Virgilius Christianus. La première édition de ce texte, qui propose une épopée en douze livres sur saint Ignace, paraît en 1660. L’année suivante voit la parution d’une nouvelle édition augmentée (BCJ, p. 1630-1631, no 9) [10]. Dans cette version, Le Brun ajoute à l’Ignatiade quelques-uns de ses plus anciens poèmes publiés, sous de nouveaux titres. Son objectif était de réimaginer son oeuvre dans un esprit d’émulation avec Virgile, le poète latin de référence pour les Anciens comme pour les poètes jésuites du xviie siècle. Parmi sa propre production poétique, abondante et hétérogène, Le Brun sélectionna les poèmes qui pourraient correspondre au modèle christo-virgilien envisagé. Les prétentions virgiliennes de Le Brun, qu’il partage avec quelques Jésuites de son temps [11], ne doivent pas être confondues avec les célèbres éditions expurgées de Joseph de Jouvancy, l’un de ses successeurs au collège de La Flèche [12]. Le Virgilius Christianus est un texte original de Le Brun, arrangé et mis en forme de manière virgilienne, et non un texte de Virgile que Le Brun aurait remanié. Il semblera évident, dès la lecture des titres, qu’il s’agit d’un Virgile fortement métamorphosé. Ainsi, la collection s’ouvre sur douze éloges dédiés à Michel Le Tellier, marquis de Louvois, qui font office de Bucoliques. Les Géorgiques, poèmes didactiques, sont représentés par les paraphrases du livre de l’Ecclésiaste, rebaptisées sous le titre « Les douze livres de “Psychurgie” ou l’Ecclésiaste de Salomon sur la culture de l’esprit [13] ». L’Énéide épique, enfin, est imitée dans les Ignatiados libri xii qui héroïsent le fondateur de la Compagnie de Jésus. Toutefois, le titre principal, qui renvoie au seul Virgile, n’est pas révélateur du contenu du livre dans son ensemble : on trouve en effet en appendice, à la fin du Virgilius Christianus, « Douze opuscules choisis » (Opuscula Selecta xii), dont une série de poèmes rangés sous le titre Ovidius Christianus. Bien que considéré comme inférieur au poète mantouan, Ovide est tout de même jugé digne d’une émulation soutenue [14]. Dans ce supplément, Le Brun refond quelques-unes de ses oeuvres précédentes sur le modèle ovidien. Les titres nous en donnent une fois de plus un aperçu : Liber Fastorum, sive Hexameron et de opera sex dierum. — ii. De Tristibus sive lamentationes Jeremiae. — iii. De Ponto, sive de Canadensi Barbarie. — iv. Epistolae Heroidum, sive ad Regem, Reginam et alios (en ce qui concerne Les Métamorphoses, une note renvoie le lecteur à divers poèmes parus dans l’Eloquentia Poetica [15]). Dans cet ensemble ovidien, le premier livre de la Franciade apparaît en lieu et place des Epistolae ex Ponto, tandis que le deuxième livre tient la place des Héroïdes. La terre d’exil du poète romain passe ainsi des frontières orientales de l’empire romain (Pont-Euxin/mer Noire) aux nouvelles frontières de l’empire français, celles de la « Barbarie du Canada ».
Cet aperçu de l’oeuvre de Le Brun rend bien compte de la diversité de production littéraire possible et certainement encouragée chez les professeurs d’humanités et de rhétorique dans le cadre scolaire et pédagogique établi par la Compagnie de Jésus. Il nous donne également une idée de la prolixité, des intérêts et des ambitions de l’auteur de la Franciade. Alors qu’au premier abord, cette oeuvre de jeunesse paraît plutôt originale en termes de genre, cette impression est à nuancer étant donné que son auteur a enseigné, et lui-même pratiqué, presque tous les grands genres poétiques hérités de l’Antiquité classique (à l’exception du genre dramatique).
La version finale de la Franciade porte un titre qui rappelle sa profonde filiation avec la Rome antique, tout en se détachant explicitement de l’univers de son modèle (ou plutôt de ses modèles, puisque Ovide n’est pas le seul poète présent dans le poème de Le Brun). De telles stratégies poétiques sont bien sûr loin d’être inconnues dans les écrits antiques [16], et sont en outre très représentées dans la littérature vernaculaire française des xvie et xviie siècles [17]. Le fait que Virgile se pose en émule d’Homère, ou Ovide en émule de Virgile, pour ne mentionner que les exemples les plus célèbres, donne un surplus de sens à leurs textes. Le lecteur peut y analyser la juxtaposition de strates anciennes et nouvelles [18]. Lue sous cet angle, la Franciade est susceptible d’ouvrir à de nouvelles interprétations. Par ailleurs, aussi nombreuses que soient ses filiations avec l’Antiquité classique, la Franciade reste par excellence un poème de son temps, consacré à sa propre époque, ce qui soulève la question des liens qu’il pourrait également entretenir avec des sources plus contemporaines. Mais avant de nous intéresser à la complexité d’une poétique qui s’appuie sur des modèles à la fois anciens et récents, il nous faut mieux comprendre le contenu général du poème et le contexte historique dans lequel il a été conçu.
La Franciade : contexte de rédaction
Les deux livres de la Franciade sont chacun composés de sept élégies d’une longueur moyenne de 87 vers. Le premier livre comporte une très brève préface en prose dans laquelle Le Brun explique selon quel principe il a fait de la Nouvelle-France (Nova Gallia) la locutrice de ses élégies : « Je la traite comme si [elle était] la déesse tutélaire de la Nouvelle-France : quelquefois sage et savante, quelquefois barbare et inculte, à l’imitation de Claudien [19]. » La préface explique aussi que la Nouvelle-France commencera par présenter au Dauphin les souffrances et les embarras qu’elle subit (premier livre), pour ensuite se concentrer sur son appel à l’aide (deuxième livre). Dans le second livre, les élégies s’adressent au Dauphin et à différents autres personnages [20]. Enfin, au second livre, est ajoutée une lettre en prose qui résume et reprend en termes plus simples le contenu de ce qui précède.
Le moment historique de la rédaction de la Franciade est globalement celui de la mission au Canada et, plus spécifiquement, pour Anne d’Autriche et Louis xiii, celui de la naissance du Dauphin, le futur Louis xiv. Cette naissance fut un événement exceptionnel, puisque le couple n’avait jusqu’alors pas réussi, en 23 années de mariage, à concevoir un enfant. Anne avait déjà presque 37 ans et, naturellement, la question de la succession se posait. Dans la mesure où la Franciade participe à la vague d’écrits généthliaques qui parcourt le xviie siècle, vague qui atteint un sommet au moment de la naissance du Dauphin, elle est sans conteste une oeuvre de son temps, publiée de façon tout à fait opportune. Les jeux de mots sur le nom et l’enfance du Dauphin ou encore sur le lys de France (par exemple, F, 1, 2, 103-6, p. 464 ; 1, 3, 58-9, p. 466 ; 1, 7, 1-2, p. 475 ; 2, 1, 21, p. 480 ; 2, 3, 73, p. 485) sont des exemples représentatifs de motifs populaires que nous retrouvons dans d’autres oeuvres contemporaines de la Franciade [21]. Dans le second livre, en particulier, Le Brun se plaît à reprendre le thème de la naissance inattendue pour Anne et de l’héritier enfin obtenu pour Louis (F, 2, 1 et F, 2, 2). Dans les poèmes qu’il adresse à Richelieu, il utilise volontiers un champ lexical maritime, jouant avec l’image de l’ancre qu’il associe au titre de Dauphin et à l’autorité de Richelieu sur la flotte nationale (F, 2, 4 ; aussi rencontré ailleurs) [22]. Le Brun établit ainsi un parallèle avec les intérêts particuliers de ses dédicataires pour les affaires d’outre-mer. De plus, le second livre contient de nombreuses allusions à de récents événements survenus dans le Vieux Monde et dont la Nouvelle-France a subi les contrecoups. Ainsi, la première élégie du second livre, adressée à « Louis son Roi », fait référence aux conflits opposant la France et l’Angleterre pour la possession de la Nouvelle-France : « Conquise par toi, l’Angle ne me réclamera plus [23] » ; ainsi qu’au siège de La Rochelle ordonné par Louis en 1628 : « À peine conquise, La Rochelle amplifie ton triomphe ;/mais ce sera une plus grande gloire de remporter la victoire sur nos “rochers [24]” » ; et à la défaite des Huguenots : « En effet, il t’appartient de soumettre les monstres de la sauvagerie canadienne,/puisque l’hydre de l’hérésie gît désormais sous ton autorité [25]. »
Toutefois, le contexte missionnaire décrit par le poème peut difficilement être mis en correspondance avec des événements historiques très précis. Si la Franciade partage certaines fonctions persuasives avec les Relations des jésuites, le genre littéraire ici privilégié est poétique : Le Brun ne cherche donc pas à rapporter des faits historiques, et s’en tient à un certain degré de généralité. Même si la recherche récente a décelé, sous la « simple prose » des Relations, une rhétorique beaucoup plus subtile qu’il n’y paraît, cette rhétorique n’en est pas moins subordonnée aux exigences d’un récit qui revendique la précision factuelle et la vraisemblance [26]. La Franciade, par contre, pour susciter l’adhésion de ses lecteurs, ne repose pas en premier lieu sur des topoï de vraisemblance, mais bien sur l’autorité des tropes poétiques antiques (et en particulier sur ceux de la poésie d’exil d’Ovide, comme nous allons le voir). La Franciade nous permet néanmoins d’avancer certaines remarques sur la conception qu’un jésuite vivant en France en 1638 pouvait se faire de la situation au Canada ; cette conception a influencé sa rhétorique et a inscrit les élégies de la Franciade dans une trame historique reconnaissable.
En parcourant l’histoire de cette période, nous pouvons relever plusieurs raisons pour lesquelles l’impression générale laissée par l’entreprise de colonisation se révèle très positive. En 1632, Québec avait été rendu aux Français après environ trois années d’occupation anglaise. Après quoi, sous les auspices de la Compagnie des Cent-Associés (dont fait partie le cardinal Richelieu), le développement des intérêts français et la diffusion de la religion catholique en Nouvelle-France semblaient en très bonne posture. Pour les Jésuites, la restauration constituait une excellente opportunité puisqu’on leur avait confié presque exclusivement la direction de l’évangélisation du Canada ; par conséquent, leur rayon d’action recouvrait inévitablement le domaine politique. En 1638-1639, divers projets des Jésuites avaient déjà connu de grandes avancées : premières tentatives pour éduquer la jeunesse des Premières Nations, établissement d’une « réserve » à Sillery pour les nomades du Saint-Laurent, importantes incursions dans le pays des Hurons. Tout ceci avait dûment été enregistré dans les Relations, dont les plus notables sont celles de Le Jeune et de Brébeuf. Mais, au moment où Le Brun composait la première version de sa Franciade, la décennie la plus marquante pour les Jésuites était encore à venir, particulièrement au pays des Hurons ; les années 1640 virent en effet leurs plus belles avancées mais aussi leurs plus gros revers et leurs plus glorieux martyres [27].
Le déploiement de tels efforts devait avoir de nombreux échos en France et au sein de l’ordre lui-même. Les Relations assuraient une croissance régulière de la littérature sur la Nouvelle-France publiée depuis le début du siècle, souvent par les presses personnelles du roi. Outre les Relations, nous pouvons mentionner les travaux plus anciens de Lescarbot [28] ; Le grand voyage du pays des Hurons du récollet Sagard [29], et les multiples livres du gouverneur Champlain, parmi lesquels on compte un panorama de la Nouvelle-France intitulé Les voyages de la Nouvelle-France Occidentale, dicte Canada paru en 1632 [30], trois ans avant la mort de Champlain à Québec à la fin de l’année 1635 [31].
Si le repérage des événements historiques ayant inspiré les élégies de Le Brun s’avère problématique, tout aussi difficile est l’identification des sources précises des descriptions ethnographiques et géographiques qu’elles contiennent. Alors que des échos des ouvrages mentionnés précédemment, et particulièrement des Relations, se retrouvent tout au long du poème, la plupart des descriptions sont dépourvues d’indications qui pourraient les relier à une source en particulier. Au contraire, Le Brun semble avoir recours à des impressions globales, que nous pourrions qualifier de lieux communs des observations françaises sur la vie des Premières Nations au xviie siècle, au lieu de faire état des particularités et des coutumes de chaque tribu en interaction avec les Français. Un lecteur habitué aux Relations, scrupuleusement détaillées, sera surpris de constater que Le Brun néglige de nommer les différentes tribus dans ses élégies, et qu’il semble même amalgamer les pratiques et les caractéristiques des différentes tribus appartenant à la sphère française : il confond par exemple la vie sédentaire des Hurons et celle, nomade, des Algonquiens et des Montagnais (aujourd’hui appelés Innu) [32]. Au lieu de représenter personnellement chacune des Premières Nations, la persona de Nova Gallia parle au nom de l’ensemble des peuples indigènes, autrement désignés sous le titre générique de « Canadiens ». L’approche poétique que Le Brun a de l’ethnographie est fortement influencée par la manière générique dont les Anciens ont souvent représenté l’Autre. Étant donné la coloration ovidienne déclarée de ses poèmes, on ne s’étonnera pas de deviner les Scythes derrière les peuples indigènes de Nouvelle-France [33].
Il est donc clair que le medium poétique de Le Brun (non moins que son intention rhétorique) le détourne du reportage historique que constituent les Relations. Mais sur d’autres plans plus importants pour comprendre les objectifs des Jésuites, la Franciade et les Relations partagent beaucoup d’éléments communs. Examinons le titre des élégies du premier livre qui proposent une sorte de catalogue des complaintes de la Nouvelle-France :
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Les guerres et la cruauté des Canadiens envers les prisonniers
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L’abondance et la famine chez les Canadiens
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La difficulté de voyager dans les forêts canadiennes
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La neige, et le froid canadien
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Leurs maisons et l’obscurité des forêts canadiennes
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Les avantages et les désavantages des Canadiens
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La religion, les coutumes et les vices des Canadiens [34]
Un rapide survol des sujets montre une progression logique respectant les éléments essentiels de la description ethnographique dans la littérature classique [35]. L’objectif rhétorique de Le Brun est évident : il veut susciter l’intérêt des Européens pour les missions auprès des indigènes. Le public européen est amené, étape par étape, du plus odieux et du plus barbare (la torture, le cannibalisme, la rudesse du climat) à ce qui ressemble le plus à sa propre culture (les conditions familiales, le confort, le luxe, la spiritualité, la morale et la collectivité). Cette approche d’abord plutôt négative ne doit pas masquer la sympathie latente de Le Brun à l’égard des peuples qu’il décrit. De plus, alors que l’altérité des Premières Nations s’estompe pour le public européen, la persona de Nova Gallia se permet à son tour d’observer (non sans un soupçon de satire) la culture des nouveaux venus, ceux-ci faisant preuve, à ses yeux, d’une curiosité intellectuelle qui leur permet de s’élever au-dessus de leur férocité naturelle (élégies vi et vii). Cette manière de représenter les indigènes est en parfaite cohérence avec l’attitude des Jésuites par rapport à la conversion des Premières Nations, telle qu’elle s’exprime dans les Relations. La nécessité de porter secours aux autochtones est soulignée par la description de leurs conditions de vie déplorables, tandis que leur droit au salut est mis en avant par la démonstration de leur profonde humanité. L’altérité du sujet est par conséquent accentuée et atténuée dans le même mouvement [36]. Mais, alors que les auteurs des Relations évoquent abondamment les activités chrétiennes, Le Brun, dans le premier livre, ne fait aucune mention des missions, et encore moins du Christ ou de la doctrine chrétienne ; et, dans le second, ne les convoque qu’en de rares occasions. L’exploration poétique de la vie des Premières Nations par Le Brun est peut-être guidée par le même but que celui des auteurs des Relations, mais la liberté inhérente à la fiction lui permet de jouer sur d’autres angles d’approche et d’insister sur des aspects que les auteurs des Relations ne peuvent pas exploiter. En faisant d’une divinité païenne la narratrice de ses poèmes, Le Brun imagine la perspective d’une humanité qui n’a pas la connaissance du Christ. Il la représente alors prise d’une sorte de dégoût d’elle-même (par exemple, F, 1, 6, 91-94, p. 473-474) tout comme d’un désir de voir ses arbres, symboles de la vie sauvage, céder leur place à l’agriculture, premier stade de la civilisation (par exemple, F, 1, 3, 54-55, p. 465-466). Ce trait est en accord avec la stratégie jésuite de conversion en Nouvelle-France, qui consistait à christianiser les nomades en les rendant d’abord sédentaires [37]. L’agriculture était considérée comme une condition préalable nécessaire à la renaissance spirituelle et à tous les bienfaits résultant de la civilisation [38].
Les modèles classiques de la Franciade
Ceci nous amène à traiter de la question de l’héritage antique classique de la Franciade, de ses liens explicites comme implicites avec la littérature ancienne. Dans le cadre de notre comparaison entre le poème de Le Brun et les Relations, nous pourrions être tenté de considérer cet aspect de l’écriture comme une divergence supplémentaire entre les deux projets. La question n’est cependant pas aussi simple, car Le Brun partageait avec les auteurs des Relations la même solide formation classique, formation qui contribuait à forger aussi bien les esprits que les modes d’énonciation. Cette éducation classique n’a pas seulement conféré aux auteurs des Relations la capacité de composer leurs textes avec une certaine élégance, elle leur a aussi inculqué une perspective intellectuelle pour observer le Nouveau Monde et un langage littéraire grâce auquel formuler leurs observations.
Il sera toujours plus facile de pointer l’élégance classique, quasi immédiate, des vers latins de Le Brun ou de la prose latine d’un Pierre Biard, par exemple (voir la discussion infra), que de l’identifier dans les Relations, qui comblent par leurs détails ou leurs topoï les lacunes de la Franciade. Cet état de fait découle non seulement du choix du moyen d’expression, mais aussi du type de public envisagé : public cultivé, et probablement jésuite, dans le cas des textes en latin, public plus large dans le cadre des rapports en français sur la Nouvelle-France. À cet égard, il a été suggéré avec raison que le style relativement dépouillé des Relations répond aux consignes de saint Ignace concernant ce genre d’écrits [39], ce qui n’empêche pas pour autant les auteurs d’être également influencés par les usages d’une rhétorique classicisante, aussi bien dans le développement stylistique du texte que dans la référence à des passages ou des idées tirés des auteurs anciens [40].
Un récent article de Haijo Westra et Milo Nicolic a montré combien les principes humanistes sont profondément ancrés dans les Relations composées en latin et dans d’autres écrits jésuites sur la Nouvelle-France, comme en font foi les références nombreuses aux auteurs latins classiques [41]. À partir de leurs conclusions, nous pouvons tenter d’analyser plus en profondeur les textes de Le Brun, puisqu’il semble que beaucoup de références latines classiques implicites des Relations n’aient pas encore été repérées — en particulier, bien sûr, par les chercheurs qui se sont fiés aux traductions des oeuvres originales. De telles références attestent pourtant de la profondeur de la formation classique reçue par ces auteurs : elles ne doivent pas être négligées sous prétexte qu’elles ne seraient que des ornements superflus, ou l’expression ordinaire d’une simple culture scolaire. Ces emprunts ne doivent pas non plus être considérés comme des atteintes à la véracité d’un témoignage qui aurait pu être présenté plus simplement et, par conséquent, plus fidèlement. Westra et Nicolic considèrent les références latines classiques comme des allusions qui mobilisent, consciemment ou non, un cadre de références familier au lectorat contemporain cultivé. En effet, les allusions tacites permettent de nuancer le sens des descriptions et des jugements qui vont bien plus loin que le sens conventionnel décelable en surface. Dans certains cas, comme l’analysent Westra et Nicolic, la lecture des récits sur les Premières Nations peut s’en trouver modifiée. Ainsi, quand Jouvency décrit les Premières Nations comme durum genus (« peuple endurci »), la dérivation de l’expression à partir de l’usage classique chez Ovide, Virgile et Tite-Live leur permet de soutenir que ce terme apparemment péjoratif n’exclut pas des connotations plus nuancées [42]. En tout cas, la conscience de la présence d’un intertexte classique dans l’écriture jésuite sur la Nouvelle-France peut aider le lecteur d’aujourd’hui à mieux apprécier l’humanisme qui se trouve au coeur de la politique de conversion des membres de la Compagnie, sans parler de leur remarquable circonspection.
Les conclusions auxquelles Westra et Nicolic parviennent concernant l’influence de la culture latine classique sur les Relations peuvent être à plus forte raison appliquées à la Franciade. Une telle perspective permet de relire les textes de Le Brun à la lumière de ses sources classiques non plus implicites mais manifestes. Cependant, avant de nous intéresser à chacune des élégies, il convient de considérer attentivement le mode énonciatif choisi par Le Brun.
Les différentes facettes de Nova Gallia
Nous avons déjà eu l’occasion de mentionner différentes facettes du personnage allégorique qui assume les épîtres composant la Franciade. Comme nous l’avons signalé plus tôt, la brève préface de Le Brun au « lecteur bien intentionné » nous invite à découvrir une Nouvelle-France, d’inspiration néo-latine, qui n’est pas seulement un endroit à décrire, mais aussi une voix subjective à entendre. C’est la divinité protectrice imaginaire de la région qui parle à travers l’auteur, selon un procédé déjà exploité par le poète latin tardo-antique Claudien [43]. Mais en dépit de l’appel explicite à l’émulation, on constate d’importantes différences entre les déesses nationales de Claudien et la Nova Gallia de Le Brun. Dans les panégyriques épiques composés par le premier, les divinités sont décrites de façon emblématique avant de prendre la parole pour plaider une cause ou servir d’interlocutrices dans un récit. La Nova Gallia élégiaque de Le Brun informe ses poèmes aussi bien qu’elle est informée par eux ; elle est la personnification même de la vie et des coutumes qu’elle évoque. En ce sens, lorsque le lecteur entend la Nouvelle-France parler à ses dédicataires, il doit comprendre qu’elle n’est pas une narratrice omnisciente, mais qu’elle s’exprime comme une personne « parfois savante et versée dans le sujet de son discours » et parfois « barbare et non civilisée [44] ». La préface du jésuite nous rappelle aussi, d’une manière quelque peu comparable à la seconde invocation à la muse de Virgile [45], que c’est bien lui qui dirige le discours fictif auquel nous avons le privilège d’assister. Et si la Nouvelle-France s’adresse au Dauphin et à d’autres grands personnages, c’est surtout le public lettré de ses confrères jésuites qui est visé [46].
Le Brun fait aussi appel à la tradition ovidienne dans les nouveaux titres qu’il propose pour chacun des livres de la Franciade dans son Ovidius Christianus. Dans le premier livre, réintitulé De Ponto sive de Canadensi Barbarie, la persona du poète exilé, envoyant des lettres descriptives et retentissantes depuis les marges barbares de la civilisation jusqu’à son centre, est adoptée et adaptée de manière plus radicale et efficace que ne le sont les déesses de Claudien. Dans ses Tristes et ses Pontiques, le poète Ovide est aux prises avec un défi d’ordre rhétorique : décrire son exil sur le Pont-Euxin de manière à susciter la pitié de ses lecteurs à Rome. Il peut y parvenir en accentuant l’altérité du monde qui l’entoure ; au risque d’ailleurs de se heurter à l’incrédulité d’un public ne pouvant ni comprendre, ni croire à l’existence d’un monde si différent du sien. Représenter l’Autre — le barbare, dans le langage usuel de l’ethnographie traditionnelle —, lui permet d’exprimer sa souffrance en termes compréhensibles. La lettre cherche ainsi à combler le fossé à la fois géographique et cognitif séparant l’auteur de son lecteur. Plus que des mots sur une feuille, l’écriture d’Ovide renvoie à un code littéraire qu’il partage avec ses dédicataires et son public [47]. Le Brun sera largement redevable sur ces points à son maître, mais il adaptera ses propos à ses propres lecteurs et aux codes de son temps.
Dans le premier livre, quand Nova Gallia décrit la torture, le froid et d’autres aspects de cette étrange barbarie canadienne, nous percevons de même régulièrement les échos de poètes classiques, et le plus souvent d’Ovide. Cependant, contrairement à ce qui se passe chez Ovide, dans la Franciade, c’est l’« autre » qui parle. Comme dans l’oeuvre de ce dernier, la terre d’exil est présentée de façon familière pour le public cible, mais la pitié qui est suscitée concerne moins le scripteur que la terre elle-même, étrange, malheureuse et en quête de salut. Le Brun a transformé l’appel individuel d’Ovide à la clémence impériale en un plaidoyer pour la rédemption collective d’un monde non civilisé. Le pathos de ce plaidoyer s’intensifie dans le second livre de la Franciade, réintitulé Epistulae Heroidum. Le Brun joue ici sur le modèle des Héroïdes ovidiennes, où des personnages mythologiques féminins tels que Pénélope, Médée ou Didon écrivent à un homme absent pour se plaindre d’une relation amoureuse interrompue, de retrouvailles retardées, ou de sentiments non partagés. La reprise de Le Brun donne le rôle du bien-aimé au Roi, à la Reine, au Dauphin, au cardinal ministre, à l’ensemble de la nation française, ou encore aux pères jésuites. Le poète suggère ainsi que le mépris envers la femme aimante — représentée par les peuples primitifs d’outre-mer — fait en réalité obstacle à l’accomplissement spirituel du bien-aimé lui-même. Refuser d’accorder leur pietas impériale à la Nouvelle-France reviendrait pour les Français à se condamner eux-mêmes à l’exil, à rejeter égoïstement la réciprocité de l’amour chrétien. Voici un Ovide véritablement transformé : ni imitation dénuée d’originalité ni simple adaptation, la Franciade constitue plutôt la métamorphose d’un système de références reçu en héritage.
La Nouvelle-France parle : les élégies de la Franciade, livre i
En dépit de son évidente popularité du vivant de Le Brun, la Franciade n’a jamais été traduite et n’a que rarement été commentée. Un examen des élégies du livre i, le livre le plus vivant et le plus inventif, nous permettra de mieux comprendre cette création littéraire unique et la façon dont l’auteur met références latines classiques et exigences contemporaines au service d’un objectif rhétorique.
La première élégie concerne les « guerres et la cruauté des Canadiens envers leurs prisonniers [48] ». Les scènes où les jésuites subissent un martyre aux mains de leurs bourreaux iroquois visent à frapper l’imagination. Le Brun donne la place d’honneur dans sa séquence poétique à une longue description regorgeant de détails révoltants sur les souffrances infligées par les membres des Premières Nations. Dans la transformation opérée par Le Brun du témoignage des Relations, l’ingéniosité poétique rivalise avec la macabre créativité des bourreaux. Il y est question de brûlures, d’amputations, de scalpage, de perforation des oreilles, de techniques de maintien en vie afin de prolonger les souffrances (« Ô qu’il est cruel d’épargner [49] ! »), tout ceci étant par ailleurs amplement rapporté dans les Relations françaises antérieures à 1639 [50]. Après l’usage du latin, la caractéristique classique la plus frappante de la première élégie est le recours aux exemples mythologiques, qui sont convoqués pour expliquer les horreurs décrites, souvent sur le mode de la prétérition, l’auteur traitant des sujets horrifiques tout en annonçant qu’il va les éluder. Ainsi, Thyeste et Saturne sont les figures du cannibalisme ; Prométhée illustre une agonie sans fin ; la folie d’Oreste est imputée aux tortionnaires (F, 1, 1, 75-82, p. 458).
Les allusions antiques de la première élégie sont principalement tirées de deux oeuvres d’Ovide : Les Métamorphoses d’abord, et l’Ibis ensuite, violente invective rédigée durant son exil, dans laquelle il se délecte de la mort cruelle de ses ennemis [51]. Pour évoquer les transformations violentes infligées aux victimes, Le Brun exploite de magnifiques analogies inspirées par les Métamorphoses, comme par exemple lorsque le poète rappelle la transformation de Callisto en bête (« [ses mains] font office de pieds et ses lèvres, que Jupiter avaient jadis louées, sont déformées en une gueule béante [52] ») pour décrire la mise à nu de la peau du crâne (« Les lèvres ouvertes et défigurés par leurs gueules béantes, ils sont terrifiés ; montrant des os rouges au lieu du visage [53] »).
L’élégie commence par une référence évidente à l’écriture et à l’art poétique, thèmes qui ponctuent les épîtres du premier livre et apparaissent aussi dans les élégies 3, 4 et 6. Malgré son caractère caricatural, ce premier texte pose les fondements d’une possible compréhension mutuelle entre auteur et lecteur : « Si j’écris et que vous lisez des choses dures, pardonnez-moi : mon encre est de sang, ma plume est un poignard […] Mars a été mon maître, la guerre ma leçon, les armes mes livres [54]. » Le désir d’être secouru de la barbarie et d’établir un lien de réciprocité avec le Vieux Monde est aussi exprimé à la fin de la première élégie dans un bref discours adressé au Dauphin, formulé avec une certaine préciosité : « Si la paix était pour moi née dans le même berceau que toi, tout mon bois deviendrait pour toi une oliveraie [55]. »
La seconde élégie traite des « festins et des famines des Canadiens [56] », de l’intense souffrance des Premières Nations et de leur absence de prévoyance face à la rareté des ressources naturelles, ainsi que de leur manque complet de modération pendant la saison de la chasse. Une allusion intéressante aux poèmes d’exil d’Ovide [57] permet à Le Brun de condamner la consommation immodérée d’alcool des Premières Nations [58]. Toutefois, dans ce poème comme dans d’autres textes postérieurs, Le Brun tempère élégamment la critique en se montrant conscient des erreurs françaises, tendance plus amplement développée dans les deux dernières élégies du livre i. Une comparaison amusante entre les Premières Nations et une oie gavée exprime de façon quelque peu indirecte, mais certainement mémorable, cette responsabilité du Vieux Continent : « De la même manière, l’oie, nourriture destinée aux lèvres françaises, succombe à son appétit avec de riches grains [59]. »
La « difficulté de voyager dans la forêt canadienne [60] » est le thème développé dans la troisième élégie, où le paysage apparaît véritablement pour la première fois ; la Nouvelle-France parle comme si elle était à la fois une voyageuse marchant à travers le paysage et le paysage lui-même. Au début du poème, elle proclame sa sincérité en niant ironiquement son talent pour la poésie, à travers une variation sur une figure d’Ovide [61] : « Je demande pardon si mon langage dénué de raffinement prouve que je ne suis pas poète. Je ne le suis pas puisque je parle pour dire la vérité ; le poète chante le mensonge [62]. » Pour décrire la densité des forêts, les motifs du labyrinthe crétois et l’évocation de Thésée reviennent de manière récurrente [63]. De même, dans son évocation des futaies intactes, impénétrables aux rayons du soleil, Le Brun a recours au thème très connu du locus inamoenus exploité par Ovide et Lucain [64]. Dans un passage, il semble y avoir aussi une allusion à la description par Virgile de la grotte de Cacus [65]. Ces caractéristiques, négatives à première vue, servent de support rhétorique au plaidoyer de la Nouvelle-France en faveur de la pratique de l’agriculture comme première étape sur la voie de la civilisation : « Retirez-vous, puissances des astres et hautes forêts, pour qu’une plus grande place soit donnée à Cérès et au Ciel [66]. »
La quatrième élégie vise certainement à provoquer un élan de patriotisme ou, à tout le moins, un sentiment de familiarité, chez tout lecteur canadien, puisqu’elle est dédiée à la neige et au froid de ce pays [67]. Voici un autre joyau d’invention poétique construit sur une métaphorisation de la neige : « Pourquoi ne suis-je pas capable d’écrire dans la neige si on peut écrire dans la poussière ? Pour la bonne raison que mon encre est de neige. La lettre tracée brille en vérité de sa propre couleur [68]. » La répétition obsessionnelle de verbes et d’adjectifs construits sur la racine candid- semble être intentionnellement conçue comme un jeu de mots avec le nom du pays.
La description du froid canadien (« Souvent, lorsque les cheveux bougent, la glace qui y pend résonne ; souvent, la barbe brille de givre blanc [69] ») n’est pas exempte de mirabilia comme la glace qui se forme sur la barbe et qui tinte dans le vent, allusion évidente aux Tristes d’Ovide (« Souvent, les cheveux couverts de glace résonnent lorsqu’ils bougent et la barbe brille de givre [70] »). En fait, ce portrait pittoresque remonte à la description du froid scythe donnée par Virgile dans ses Géorgiques [71] ; il appartient à une tradition initiée par Hérodote autour de la description du froid et de la glace en pays étranger. En dépeignant le froid emblématique du Canada, Le Brun exploite les richesses d’une très vieille tradition littéraire [72].
La cinquième élégie est dédiée « aux maisons des Canadiens et à l’obscurité de leurs forêts [73] ». Le Brun semble imaginer un mode de vie nomade, alors que le témoignage des Relations, auquel il avait accès, présente la culture sédentaire des Hurons. Le poème explique que les habitants portent leurs maisons sur leur dos comme des escargots et les échangent avec autant d’insouciance que les Cyniques (F, 1,18-19, p. 469). Il y a quelque chose de mélancolique dans ces maisons qui comportent plus d’ouvertures que de parois opaques, au sein d’un environnement presque privé de soleil [74].
La sixième élégie se propose de passer en revue les « désavantages et les avantages des Canadiens [75] ». Y sont classés les outrages à la piété, tels que le meurtre de personnes âgées et l’absence de mise en terre des dépouilles. Le ton mélancolique présent dès la cinquième élégie s’intensifie et se complexifie à partir du moment où la Nouvelle-France commence à parler avec franchise de sa propre monstruosité et de son impuissance en comparaison des Européens. L’élégie commence par un élégant topos : le Dauphin, « l’Hercule français », purgera le Nouveau Monde de ses monstres (F, 1, 6, 1-10, p. 471). Le triomphalisme potentiel de cette ouverture n’est néanmoins pas poussé à l’excès comme nous aurions pu nous y attendre. Le dégoût que la Nouvelle-France ressent pour elle-même semble atteindre son paroxysme lorsqu’elle s’exclame : « Nous sommes les monstres de la nature et vous les miracles des Cieux : vous êtes la grâce du divin et nous son courroux [76]. » Cependant, après cette déclaration, son discours se renverse : « Rien n’est purement diabolique ; même les damnés ont des plaisirs ; vous ne devriez d’ailleurs pas me plaindre pour ma douleur incessante [77]. » Ce qui suit est une apologie des plaisirs innocents et simples du Nouveau Monde en comparaison du luxe ostentatoire du Vieux Continent. Au premier abord, la confrontation entre une simplicité digne de l’Âge d’or et les goûts plus raffinés des Européens demeure clémente : notre nourriture sans assaisonnement nous apporte du plaisir, mais elle est un plat amer pour vous, observe par exemple la Nouvelle-France. Cependant, ses comparaisons prennent rapidement un ton plus cinglant et satirique : « Par-dessus tout, ma valeur ne se calcule pas en métal rougeoyant. Les peaux de castors sont ma mine d’or [78]. » Nova Gallia continue : non seulement « les lieux les plus intimes de Dis, le dieu du Tartare » ne sont pas exploités pour leur or « qui vous tire vers le bas par son poids naturel » (F, 1, 6, 111-112, p. 474), mais son peuple ignore les produits de beauté, les parfums et la vaine gloire de l’architecture.
La septième et dernière élégie du livre i est dédiée à la « Religion, à l’éthique et aux vices des Canadiens [79] ». Ce sous-titre contribue à éclairer la politique de représentation des autochtones chez Le Brun. Ainsi, la première élégie présentait les pratiques les plus brutales et diaboliques des aborigènes selon une perspective européenne et, ce faisant, renforçait à l’envi les préjugés tenaces des Européens. Cependant, au fur et à mesure que nous avons avancé dans notre lecture des élégies, nous avons constaté une attention croissante accordée aux aspects moins bien connus de l’environnement et des coutumes, ainsi que la multiplication d’images exprimant de la mélancolie, de la familiarité et même de la sympathie dans la représentation que donne Le Brun de la barbarie par l’entremise de figures classiques connues. D’un point de vue intellectuel, la question de la « religion et de l’éthique » semblait promettre des observations ethnographiques plus profondes sur la vie des Premières Nations. Un tel sujet, après tout, résume non seulement le caractère général d’un peuple, mais présente aussi (du moins selon la perspective d’un jésuite européen) sa manière de comprendre la place qui est la sienne dans le cosmos. Le Brun s’attarde longuement au début de l’élégie sur les vitia, les vices, sur les insuffisances de la vie en société ou encore sur les habitudes sexuelles [80]. À partir de là, il explique le désespoir d’une Nouvelle-France qui ignore les sentiments de crainte ou d’espoir d’une vie après la mort, dans lesquels des normes immanentes de justice pourraient s’enraciner [81]. Cependant, tout comme la sixième élégie passe d’une Nouvelle-France dégoûtée d’elle-même à une Nouvelle-France dont la critique se fait plutôt satirique, la septième élégie présente un important changement de ton et de point de vue.
Dans le dernier quart de la septième élégie, la Nouvelle-France se met à poser une longue série de questions sur la théologie et la science : « Des choses merveilleuses me concernant te sont rapportées, et vice versa ; une merveilleuse coutume commune se développa parmi nos ancêtres [82]. » Il s’agit en fait d’une invitation au dialogue : « Si tu m’expliques ces coutumes, ces merveilles, je serai témoin de ce que sont ma religion et la tienne [83]. » En dépit de son altérité barbare, la Nouvelle-France fait preuve de bon sens et de curiosité ; ses questions montrent qu’un dialogue, fondé sur une base commune, est possible, ce qui, dans un esprit jésuite, pourrait à la fois motiver et provoquer sa conversion sincère, et stimuler et édifier ses missionnaires. Le dialogue comme condition préalable à la conversion est aussi le message primordial promu par les Relations. Cependant, dans son discours poétique classicisant, Le Brun fait usage d’une rhétorique particulièrement concise pour exposer son point de vue, au moins à un lectorat cultivé. À la différence des auteurs des Relations, il n’est pas intéressé par les détails historiques précis. Nous pourrions passer de longues heures à dépouiller l’immense index de Thwaites à la recherche de correspondances entre les descriptions de Le Brun et celles des Relations, mais au bout du compte nous serions tout aussi frappés par les omissions flagrantes que par les similarités évidentes. En mettant de côté les détails particuliers, Le Brun vise une forme d’universalité. En effet, lorsque la Nouvelle-France parle de sa propre barbarie, elle le fait dans un langage universel, le latin, en s’appuyant sur les mythes et les références de la littérature classique. Et tandis que la Nouvelle-France tend à s’exprimer en termes incompréhensibles, à quelque degré que ce soit, par les autochtones canadiens du xviie siècle, son discours est bien sûr recevable par le public lettré de Le Brun. En effet, la triangulation complexe que Le Brun construit entre sa narratrice fictive, le public visé et lui-même place le plaidoyer de la Nouvelle-France dans la perspective d’une histoire humaniste et universelle. Nous ne pouvons considérer sa représentation saisissante (même si erronnée au niveau des données factuelles) de la vie des Premières Nations comme le fruit d’un étroit européocentrisme. En effet, sa poésie créative nous donne un aperçu, non seulement des relations entre l’Ancien Monde et le Nouveau au xviie siècle, mais également de la force d’influence du classicisme néo-latin qui a permis d’articuler cette relation.
En présentant la Franciade de Le Brun à un public du xxie siècle, cet article a tenté de mettre en évidence la puissance créative de son auteur et le caractère original de son texte. Ce dernier a encore beaucoup à offrir aux chercheurs et mérite une traduction et une édition modernes. Outre une lecture plus approfondie du second livre, d’autres pistes de recherche peuvent encore être pointées : l’analyse des références à la littérature latine classique, l’étude des rapports entre la théorie poétique de Le Brun et sa poésie, la comparaison de la Franciade avec ses autres oeuvres en vers et avec celles d’autres poètes néo-latins contemporains. Quoi qu’il en soit, quelques 375 ans après que la Nouvelle-France de Le Brun a éveillé l’intérêt de ses lecteurs, il est important de s’assurer qu’elle soit de nouveau entendue.
Appendices
Note biographique
Peter O’Brien est professeur adjoint en langue et littérature latines à l’Université Dalhousie et à University of King’s College à Halifax (Nouvelle-Écosse). Outre son exploration du néo-latin au Canada, il mène des recherches sur les aspects littéraires de l’historiographie de l’Antiquité tardive où il s’intéresse particulièrement à l’intertexte rhétorique et poétique chez Ammien Marcellin.
Notes
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[1]
J’aimerais remercier ici Véronique Olivier qui a traduit mon texte, et Jean-François Cottier et Aline Smeesters qui en ont révisé les différentes versions. J’aimerais également souligner l’apport d’Emma Curran et Hilary Ilkay pour leur travail comme assistantes de recherche. Enfin, mes remerciements vont au doyen de la Faculty of Arts and Social Sciences, ainsi qu’au vice-président et au provost de l’Université de Dalhousie pour leur soutien financier.
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[2]
Edwin John Pratt, Complete Poems, éd. Sandra Djwa et Robert Gordon Moyles, Toronto, University of Toronto Press, 1989, t. ii, p. 46.
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[3]
Laurent Le Brun, Nova Gallia Delphino, Paris, Camusat, 1639.
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[4]
La biographie courante se trouve dans la très brève notice de Carlos Sommervogel, Bibliothè̀que de la Compagnie de Jésus, Bruxelles/Paris, Oscar Schepens/Alphonse Picard, 1890-1932, 12 vol., t. iv (Première partie. Bibliographie, par les Pè̀res Augustin et Aloys de Backer. Seconde partie. Histoire, par le Pè̀re Auguste Carayon. Nouvelle é́dition par Carlos Sommervogel), p. 1629-1632. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle BCJ, suivi de la page et du numéro que Sommervogel donne à chaque oeuvre de Le Brun dans son catalogue, et placées entre parenthèses dans le corps du texte. Sigismond Ropartz (« Le Virgile chrétien du père Laurent Le Brun, Jésuite nantais », Revue de Bretagne et de Vendée, vol. 22, 1867, p. 434-445) présente quelques extrapolations plausibles à partir des poèmes de Le Brun au sujet de sa vie.
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[5]
On trouvera les Relations de Le Jeune de même que celles écrites par d’autres auteurs qui ont précédé Le Brun dans The Jesuit Relations and Allied Documents. Travels and Explorations of the Jesuit Missionaries in New France, 1610-1791. The original French, Latin and Italian texts, with English translations and notes, éd. Reuben Gold Thwaites et Arthur Edward Jones, Cleveland, Burrows Bros. Co., 1898-1901, t. iv-xv ; et dans Monumenta Novae Franciae, éd. Lucien Campeau, Québec, Presses de l’Université Laval (t. ii-iii) et Montréal, éditions Bellarmin, coll. « Monumenta Historica Societatis Iesu » (t. iv), 1979-1989. Désormais, les références à ces ouvrages seront indiquées par les sigles JR ou MNF, suivis du tome et de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
-
[6]
Son nom n’apparaît ni dans Thwaites (JR) ni dans Campeau (MNF), ni dans Arthur Melançon, Liste des missionnaires jésuites. Nouvelle-France et Louisiane 1611-1800, Montréal, Collège Sainte-Marie, 1929.
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[7]
Les recherches les plus récentes s’intéressent au poème de Le Brun sur la vie de saint Ignace. Voir à ce sujet Ludwig Braun, Ancilla Calliopeae : ein Repertorium der neulateinischen Epik Frankreichs 1500-1700, Leyde, Brill, 2007, p. 551-573 ; Thomas Gärtner, « Die Ignatias des Laurentius Le Brun : Ein Jesuitenepos über den Ordensgründer Ignatius von Loyola », Neulateinisches Jahrbuch, vol. 6, 2004, p. 17-49 ; Yasmin Haskell, « Practicing What They Preach ? Vergil and the Jesuits », dans Joseph Farrell et Michael C.J. Putnam (dir.), A Companion to Vergil’s Aeneid and its Tradition, Chichester (Royaume-Uni), Wiley-Blackwell, coll. « Blackwell Companions to the Ancient World », 2010, p. 203-216. Trois essais du xixe siècle sur l’oeuvre de Le Brun (dont l’un sur la Franciade) offrent parfois un éclairage utile, même s’ils relèvent plus du journalisme que de la science et tiennent surtout à l’intérêt que l’auteur porte aux origines bretonnes de Le Brun : Olivier de Gourcuff, « Les élégies canadiennes du père Le Brun, Jésuite nantais », Revue de Bretagne, de Vendée, et d’Anjou, vol. 3, 1890, p. 363-368 ; Eugène de la Gournerie, « Le père Le Brun, poète nantais sous Louis xiii », Revue de Bretagne et de Vendée, vol. 10, 1861, p. 81-100 ; Sigismond Ropartz, « Le Virgile chrétien du père Laurent Le Brun », art. cité.
-
[8]
Augustin et Aloys de Backer, Bibliothè̀que des é́crivains de la Compagnie de Jé́sus, Liège, Grandemont-Donders, 1854, t. ii, p. 353.
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[9]
BCJ, p. 1630, no 6 (Laurent Le Brun, s.j., Ecclesiastes Salomonis Paraphrasi Poëtica explicatus. Editio ultima, Paris, Cramoisy, 1653). Google Books fournit une reproduction pratique, complète et claire (à l’exception d’une page floue) de l’édition conservée à la Bodleian library (URL : http://books.google.ca/ books?id=ZJE-AAAAcAAJ&dq=inauthor:%22Laurent+Le+Brun%22&hl=fr&source=gbs_navlinks_s)
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[10]
Laurent Le Brun, Virgilius Christianus, Paris, Piget, 1661 (disponible sur Google Books, URL : http://books.google.ca/books/about/Virgilius_christianus. html?id=6WBEAAAAcAAJ&redir_esc=y). C’est la version que j’ai consultée et à partir de laquelle je donne les citations. Désormais, les références à la Franciade seront indiquées par le sigle F, suivi du volume, de l’élégie, du vers et de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
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[11]
Voir Yasmin Haskell, « Practicing What They Preach ? », chap. cité, p. 214.
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[12]
Voir Yasmin Haskell, « Practicing What They Preach ? », chap. cité, p. 210-211.
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[13]
Psycurgicon sive Ecclesiastis Salomonis de cultura animi capita xii (Laurent Le Brun, Virgilius Christianus, ouvr. cité, p. 61. Nous traduisons ici et dans les occurrences suivantes).
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[14]
Voir Yasmin Haskell, « Practicing What They Preach ? », chap. cité, p. 214.
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[15]
VIDE METAMORPHOSES in nostra Eloquentia Poëtica plurimas (Laurent Le Brun, Virgilius Christianus, ouvr. cité, p. 417).
-
[16]
Voir Stephen Hinds, Allusion and Intertext : Dynamics of Appropriation in Roman Poetry, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.
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[17]
L’oeuvre de Pierre de Ronsard est un très bon exemple de l’usage d’une multitude de motifs antiques au sein d’une poésie parcourue d’une forte dimension nationaliste. Ronsard est aussi un auteur dont le nom vient immédiatement à l’esprit : la Franciade reprend en effet le célèbre titre de son épopée inachevée. Cependant, l’oeuvre de Le Brun ne diffère pas seulement par son choix linguistique, mais aussi par son genre et sa conception. Plutôt qu’une narration épique racontant les combats d’un héros fondateur éponyme, la Franciade de Le Brun se sert de discrètes élégies pour évoquer les combats menés par l’ensemble de la nation française dans le Nouveau Monde.
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[18]
Yasmin Haskell (« Practicing What They Preach ? », chap. cité, p. 204) note que les poètes jésuites du xviie siècle s’engageaient entre eux dans une sorte de jeu, en se lançant le défi de repérer leurs allusions littéraires.
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[19]
En latin : « quasi deam Novae Franciae Praesidem, quam imitatus Claudinanum aliquando doctam et peritam rerum, aliquando barbaram et incultam induco » (Laurent Le Brun, Virgilius Christianus, ouvr. cité, p. 455).
-
[20]
Louis xiii (F, 2, 1), Anne d’Autriche (F, 2, 2), le cardinal de Richelieu (F, 2, 5), ainsi que la personnification de la « Vieille France » (F, 2, 3 et F, 2, 4) et les pères jésuites (F, 2, 7).
-
[21]
Voir Yvan Loskoutoff, L’armorial de Calliope : l’oeuvre du père Le Moyne, s.j. (1602-1671) : littérature, héraldique, spiritualité, Tübingen, Gunter Narr, coll. « Biblio 17 », 2000, p. 201-237.
-
[22]
Voir Yvan Loskoutoff, L’armorial de Calliope, ouvr. cité, p. 142-148.
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[23]
« Me tibi devictam non exprobret Anglus » (F, 2, 1, 26, p. 480).
-
[24]
« Vix auget superata tuos Rupella triumphos/Gloria nos rupes vincere maior erit » (F, 2, 1, 37-8, p. 480).
-
[25]
« Namque, tuum est, Canados feritatis monstra, domare/Si iacet auspiciis haeresis hydra tuis » (F, 2, 1, 41-42, p. 480).
-
[26]
Voir Yvon Le Bras, « L’Amérindien dans les Relations du Père Paul Lejeune (1632-1641) », dans Pierre Dostie et Yvon Le Bras (dir.), Études sur la relation de voyage en Nouvelle-France, Québec, Les éditions de la Huit, 1994, particulièrement, p. 12-31 ; aussi Yvon Le Bras, « Les Relations de Paul Le Jeune : pour une poétique du récit missionnaire en Nouvelle-France », dans Marie-Christine Pioffet (dir.), Écrire des récits de voyage (xve-xviiie siècles) : esquisse d’une poétique en gestation, Québec, Presses de l’Université Laval, 2008, p. 177-187 ; et Haijo J. Westra et Milo Nicolic, avec Alison Mercer, « The Sources of the Earliest Latin Descriptions of Canada and First Nations by the Jesuits », Fons Luminis, vol. 1, 2009, p. 61-82.
-
[25]
« Namque, tuum est, Canados feritatis monstra, domare/Si iacet auspiciis haeresis hydra tuis » (F, 2, 1, 41-42, p. 480).
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[26]
Voir Yvon Le Bras, « L’Amérindien dans les Relations du Père Paul Lejeune (1632-1641) », dans Pierre Dostie et Yvon Le Bras (dir.), Études sur la relation de voyage en Nouvelle-France, Québec, Les éditions de la Huit, 1994, particulièrement, p. 12-31 ; aussi Yvon Le Bras, « Les Relations de Paul Le Jeune : pour une poétique du récit missionnaire en Nouvelle-France », dans Marie-Christine Pioffet (dir.), Écrire des récits de voyage (xve-xviiie siècles) : esquisse d’une poétique en gestation, Québec, Presses de l’Université Laval, 2008, p. 177-187 ; et Haijo J. Westra et Milo Nicolic, avec Alison Mercer, « The Sources of the Earliest Latin Descriptions of Canada and First Nations by the Jesuits », Fons Luminis, vol. 1, 2009, p. 61-82.
-
[27]
Voir Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France. La seigneurie des Cent-Associés 1627-1663, Montréal, Fides, 1983, t. ii, p. 375-444.
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[28]
Marc Lescarbot, Histoire de la Nouvelle-France, Paris, Jean Millot, 1609.
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[29]
Gabriel Sagard, Le grand voyage du pays des Hurons, Paris, Denys Moreau, 1632.
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[30]
Samuel Champlain, Les voyages de la Nouvelle-France Occidentale, dicte Canada, Paris, Claude Collet, 1632.
-
[31]
Pour une vue d’ensemble de la bibliographie sur Sagard, Lescarbot et Champlain, voir David Hackett-Fischer, Champlain’s Dream, New York, Simon and Schuster, 2008, p. 745-758.
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[32]
Bien qu’aucun nom de tribu amérindienne ne soit donné dans la Franciade, on trouve, dans la première édition de 1639, des notes marginales qui identifient les bourreaux décrits dans la première élégie (celle-ci apparaît en deuxième position dans cette édition) comme étant des Iroquois (« Hyroci ») ; voir Laurent Le Brun, Nova Gallia Delphino, ouvr. cité, p. 5-12.
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[33]
Sur cette question, voir Emma Dench, Romulus’ Asylum. Roman Identities from the Age of Alexander to the Age of Hadrian, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 49-54.
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[34]
« i. Bella, et crudelitas Canadensium in captivos ; ii. Convivia et fames Canadensium ; iii. Difficultas itinerum in sylvis Canadensibus ; iv. Nix, et frigus Canadense ; v. Domus, et umbra sylvarum Canadensium ; vi. Incommoda, et commoda Canadensium ; vii. Religio, mores, et vitia Canadensium ». Nous traduisons ici et dans les occurrences suivantes.
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[35]
Sur les éléments ethnographiques dans la tradition classique, voir Richard F. Thomas, Lands and Peoples in Roman Poetry. The Ethnographical Tradition, Cambridge, Cambridge Philological Society, 1982, p. 1-5. Pour une analyse des éléments ethnographiques dans les oeuvres d’exil d’Ovide (et des rapprochements possibles avec le Brun), voir Jo-Marie Claassen, « Ovid’s Poetic Pontus », Papers of the Leeds International Latin Seminar, vol. 6, 1990, p. 65-94.
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[36]
Pour une bonne présentation de cette attitude, voir Allan Greer (dir.), The Jesuit Relations. Natives and Missionaries in Seventeenth-Century North America, Boston/New York, Bedford/St. Martin’s, 2000, p. 16-19 ; et Yvon Le Bras, « L’Amérindien dans les Relations du Père Paul Lejeune (1632-1641) », art. cité, p. 31-36.
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[37]
Le Jeune exprime ce sentiment dans un passage célèbre de la Relation de 1633 : « On s’estonne que depuis tant d’années qu’on vient en la Nouvelle-France, on n’entend rien dire de la conversion des sauvages. Il faut defricher, labourer et semer devant que le recueillir » (MNF, t. ii, p. 447).
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[38]
Cette idée exprimée fortement par Virgile dans les Géorgiques est reprise assez explicitement par Le Brun qui, dans son Virgilius Christianus, substitue son « de cultura animi » au « de cultura agri » virgilien.
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[39]
Voir Yvon Le Bras, « Les Relations de Paul Le Jeune », art. cité, p. 177-187.
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[40]
Pour une discussion très éclairante sur le sujet, voir Haijo Westra, « Références classiques implicites et explicites dans les écrits des Jésuites sur la Nouvelle-France », Tangence, no 92, 2010, p. 27-37 ; de même que Yvon Le Bras, « L’Amérindien dans les Relations du Père Paul Lejeune (1632-1641) », art. cité, p. 37-56.
-
[41]
Haijo J. Westra et Milo Nicolic, « The Sources of the Earliest Latin Descriptions », art. cité, p. 61-82.
-
[42]
Haijo J. Westra et Milo Nicolic, « The Sources of the Earliest Latin Descriptions », art. cité, p. 76-78.
-
[43]
Le locus classicus des déesses nationales dans l’oeuvre de Claudien se trouve dans De Stilichonis Consulatu, texte établi par John Barrie Hall, Leipzig, Teubner, 1985, livre ii, v. 218-407 où des déesses personnifiant des nations (Hispania, Gallia, Brittania, Africa, Oenotria) implorent Roma d’adresser une pétition à Stilicon. L’appellation « Nova Gallia » aurait été utilisée pour la première fois par Giovanni da Verrazano en 1524 (voir Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France, Montréal/Paris, Fides, 1963, t. i, p. 33).
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[44]
Laurent Le Brun, Virgilius Christianus, ouvr. cité, p. 455.
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[45]
Virgile, Énéide, texte établi par R.A.B. Mynors, Oxford, Clarendon Press, 1969, livre vii, v. 37-44.
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[46]
Sur le lectorat jésuite, voir Yasmin Haskell, « Practicing What They Preach ? », art. cité, p. 206. Il est aussi intéressant de noter que Le Brun adresse la septième et dernière élégie de son second livre aux « Pères de la Société de Jésus » (F, 2, 7).
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[47]
Nous devons cette analyse des poèmes d’exil d’Ovide à Fran Alexis, Littera pro verbis : Epistolarity, Ethnography and the Author’s Persona in Ovid’s Epistulae ex Ponto, mémoire de maîtrise, Université de Tasmanie, 2006, f. 11-56.
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[48]
« Bella, et crudelitas Canadensium in captivos » (F, 1, 1, p. 456-460).
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[49]
En latin : « parcendi o feritas » (F, 1, 1, 15, p. 256).
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[50]
Pour ne citer qu’un exemple parmi tant d’autres : « Ici, un [bourreau] s’acharne sur des joues avec ses poings, perce des oreilles avec un pieu, ici il frappe des tempes nues dont les cheveux ont été arrachés » (« Hic malas onerat pugnis, sude perforat aures :/ Hic quatit euultis tempora nuda pilis », F, 1, 29-30, p. 257) ; « les autres luy perçoient les oreilles auec des bastons qu’ils y laissoint » (JR, 13, p. 63). Sur ce sujet, voir Bruce Trigger, Les enfants d’Aataentsic. L’histoire du peuple huron, Montréal, Libre Expression, 1991, p. 54-55.
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[51]
Voici une allusion à l’Ibis : « Hanc rabiem sugit cum lacte parentis alumnus,/ Ille furor teneris prima sit esca labris » (F, 1, 1, 77-8, p. 456) ; « Gutturaque inbuerunt infantia lacte canino :/hic primus pueri venit in ora cibus ;/perbibit inde suae rabiem nutricis alumnus » (Ovide, Ibis, texte établi par S.G. Owen, Oxford, Clarendon Press, 1915, v. 229-31). Nous soulignons.
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[52]
« officioque pedum fungi laudataque quondam/ora Iovi lato fieri deformia rictu » (Ovide, Les Métamorphoses, texte établi par R. J. Tarrant, Oxford, Clarendon Press, 2004, livre ii, v. 480-81). Nous soulignons.
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[53]
« Ora patent, patuloque horrent deformia rictu/Ossea pro vultu rudera vultus habet » (F, 1, 1, 59-60, p. 458). Nous soulignons.
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[54]
« Aspera si scribam, si legeris aspera, parce,/Attramenta cruor, pennaque sica fuit/[…] Mars doctor, bellum lectio, tela libri » (F, 1, 1, 4, p. 456).
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[55]
« Si mihi pax tecum cunis nascatur eisdem,/Tota tibi totum fiet oliva nemus » (F, 1, 1, 153-154, p. 460).
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[56]
« Convivia et fames Canadensium » (F, 1, 2, p. 461-464).
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[57]
En latin : « nec dabit intonso iugulum caper hostia Baccho,/ Musta sub adducto si pede nulla fluent » (Ovide, Pontiques, texte établi et traduit par Jacques André, Paris, Les Belles Lettres, 1977, livre ii, 9, v. 31-32) ; « Quin cadis ut sacro quondam caper hostia Baccho ?/ Iste est pernicies vitis, et ille meri » (F, 1, 2, 59-60, p. 462). Nous soulignons.
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[58]
Cette ivrognerie a été causée, bien sûr, par l’introduction de vins et de spiritueux par les Français. La condamnation de ce penchant est très fréquente dans les Relations (voir par exemple, JR, 11, p. 195-197).
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[59]
« Haud secus indulget genio, pinguique polentae/Anser Francigenis esca dicata labris » (F, 1, 2, 33-34, p. 462).
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[60]
« Difficultas itinerum in sylvis Canadensibus » (F, 1, 3, p. 464-466).
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[61]
Ovide, Les Métamorphoses, ouvr. cité, livre xv, v. 877-878.
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[62]
« Parce precor : si sermo rudis neget esse poëtam,/ non ero : vera loquar : ficta poëta canit » (F, 1, 3, 1-2, p. 464).
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[63]
Un exemple particulièrement élégant se trouve dans une allusion à Catulle : « Flexilis incurvos sinuat labyrinthus in orbes,/ Sum Theseus, sed quis provida Gnosis erit ? » (F, 1, 3, 19-20, p. 464) ; « ne labyrintheis e flexibus egredientem/ Tecti frustraretur inobseruabilis error » (Catullus, texte établi et commenté par D.F.S. Thomson, Toronto, University of Toronto Press, 1997, 64, v. 114-115). Nous soulignons.
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[64]
Voir, à ce propos, Daniel Garrison, « The “Locus Inamoenus” : Another Part of the Forest », Arion, vol. 2, no 1, hiver 1992, p. 98-114.
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[65]
« Sunt et inaccessi Phoebo Phoebeque recessus,/ Suntque sepulcrales in mea tecta nives » (F, 1, 3, 13-14, p. 464) ; « hic spelunca fuit vasto summota recessu/semihominis Caci facies quam dira tenebat/solis inaccessam radiis » (Virgile, Énéide, ouvr. cité, livre viii, v. 193-195).
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[66]
« Cedite sydereae moles, atque ardua ligna,/ Latior ut caelo, sit Cererique locus » (F, 1, 3, 54-55, p. 465-456).
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[67]
« Nix, et frigus Canadense » (F, 1, 4, p. 466-468).
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[68]
« Quid nive non possum, potuit si pulvere scribi ?/ Candida namque mea sepia facta nive./Littera quippe suo fulget depicta colore » (F, 1, 4, 1-3, p. 466). L’image de l’écriture dans la poussière rappelle Jésus dans Jn, 8, 6 ou Io, dans Ovide, Les Métamorphoses, ouvr. cité, livre i, v. 647 (« littera pro verbis, quam pes in pulvere duxit »).
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[69]
« Saepe sonat glacies agitato pendula crine,/ Saepe gelu mentum candidiore nitet » (F, 1, 4, 25-26, p. 467).
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[70]
« Saepe sonant moti glacie pendente capilli,/ et nitet inducto candida barba gelu » (Ovide, Les Tristes, texte établi par John Barrie Hall, Stuttgart, Teubner, 1995, livre iii, 10, v. 21-22. Nous traduisons).
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[71]
Virgile, Géorgiques, texte établi par R.A.B. Mynors, Oxford, Clarendon Press, 1969, livre iii, v. 366.
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[72]
Voir Fran Alexis, Littera pro verbis, ouvr. cité, p. 13-21 ; Jo-Marie Claassen, « Ovid’s Poetic Pontus », art. cité, p. 77-79.
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[73]
« Domus, et umbra sylvarum Canadensium » (F, 1, 5, p. 469-470).
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[74]
« Tota domus rima est, dom’est mihi tota foramen/Tota domus porta est, tota fenestra domus » (F, 1, 5, 26-27, p. 470).
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[75]
« Incommoda, et commoda Canadensium » (F, 1, 6, p. 471-475).
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[76]
« Monstra sumus naturae, estis miracula caeli :/Gratia vos estis Numinis, ira sumus » (F, 1, 6, 93-94, p. 473-474).
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[77]
« Usque malum nihil est, sua sunt et commoda damnis ;/Nec tibi continuis sum miseranda malis » (F, 1, 6, 97-98, p. 474).
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[78]
« Quod summum est, non sum rutilo pretiosa metallo/Castorea pelles, aurifodina mea est » (F, 1, 6, 109-110, p. 474).
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[79]
« Religio, mores, et vitia Canadensium » (F, 1, 7, p. 475-478).
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[80]
Voici deux exemples pertinents de mores et de vitia : « Je remarque que les vêtements sont comme des entraves, que le toit est comme une prison et de là, [même] Vénus fuit en rougissant comme cela n’est pas à son habitude » (« Pro vinclis vestes reputo, pro carcere tectum,/Hinc fugit insolito tincta rubore Venus », F, 1, 7, 13-14, p. 475. Nous traduisons) ; « Pour les habitants de la forêt, la forêt est un temple, les querelles sont une assemblée, la rage des prières, la frénésie des voeux, le désir est Dieu » (« Sylvicolae, templum sylva est, sunt concio rixae,/Ira preces, rabies vota, libido Deus », F, 1, 7, 29-30, p. 476. Nous traduisons).
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[81]
La façon dont Le Brun présente l’absence de législation chez les Premières Nations recèle deux allusions à Ovide qui renvoient de manière ambivalente à la fois à l’Âge d’or (Les Métamorphoses) et au cynisme de la violence pontique (Les Tristes) : « La loi est presque inexistante pour moi et d’ailleurs peut-il y avoir des règles sans défenseur ?/Il n’y a pas de justice à l’exception de celle qui est donnée par l’épée se faisant juge » (« Lex mihi nulla fere est, quaeque est sine vindice regnat,/Ius nullum nisi quod iudice ab ense datur », F, 1, 7, 67-68, p. 477. Nous traduisons). Comparons : « La foule en désordre et suppliante ne craignait pas le visage de son juge/mais, sans vengeur tous erraient sans inquiétude » (« nec supplex turba timebat iudicis ora sui,/ sed errant sine vindice tuti », (Ovide, Les Métamorphoses, ouvr. cité, livre i, v. 92-93.) ; « De plus, une justice injuste est rendue par une épée rigide/et des coups sont souvent donnés au milieu du forum » (« adde quod iniustum rigido ius dicitur ense,/ Dantur et in medio vulnera saepe foro », Ovide, Les Tristes, ouvr. cité, livre v, 10, v. 43-44. Nous traduisons).
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[82]
« De me mira tibi, de te mihi mira feruntur,/Mirus uterque suis mos inolevit avis » (F, 1, 7, 81-82, p. 477).
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[83]
« Hos mihi si mores, haec si miracula solvas,/Quid mea relligio, quid tua, testi ero » (F, 1, 7, 83-84, p. 477).