Compte rendu

Hélisenne de Crenne, Les angoisses douloureuses qui procèdent d’amour, édition de Jean-Philippe Beaulieu, Publications de l’Université de Saint-Étienne, coll. « La cité des dames », no 2, 2005, 384 pages. ISBN 2-86272-368-1[Record]

  • Marilyne Audet

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  • Marilyne Audet
    Université du Québec à Rimouski

Si le terme de « best-seller » avait existé dans la pratique littéraire du xvie siècle, il aurait certainement qualifié le roman d’Hélisenne de Crenne intitulé Les angoisses douloureuses qui procèdent d’amour . Publié en 1538 et réédité une dizaine de fois jusqu’en 1560, ce roman a traversé le temps avec des éditions comme celles de Jérôme Vercruysse (1968), Paule Demats (1968) et Christine de Buzon (1997). Jean-Philippe Beaulieu, à qui on doit une édition critique des Epistres familieres et invectives de ma dame Hélisenne (1539) d’Hélisenne de Crenne, ainsi que le premier ouvrage collectif consacré à cette femme écrivain , nous offre la première édition au format de poche des Angoisses douloureuses. Cette édition, en français moderne, a le mérite de faciliter l’interprétation de ce texte sous forte influence stylistique du latin (comme le relevait déjà en son temps l’un de ses premiers éditeurs, Claude Colet). Avant d’entrer dans l’édition proprement dite, faisons une brève incursion du côté de l’argument du roman d’Hélisenne de Crenne. Tout d’abord, mentionnons qu’il est divisé en trois parties, lesquelles sont précédées d’une épître dédicatoire où Hélisenne exhorte les femmes à bien aimer et sont suivies, en guise d’épilogue, d’une « Ample narration » faite par Quézinstra, l’un des personnages. La première partie du roman, narrée par Hélisenne, raconte les tourments vécus par l’héroïne, une jeune femme mariée, lorsque celle-ci tombe amoureuse d’un jeune homme de condition inférieure nommé Guénélic. Face à un mari jaloux qui l’accuse d’adultère et la bat, Hélisenne trouve refuge dans sa chambre où elle consigne par écrit ses réflexions et ses angoisses afin que son expérience serve d’exemple et que d’éventuels lecteurs et lectrices « se puissent conserver et garder que la sensualité ne domine la raison » (p. 363). Cette première partie se terminera peu après l’emprisonnement d’Hélisenne, par son mari jaloux, au château de Cabasus. Dans la seconde partie, la narration est confiée à Guénélic qui relate les aventures vécues avec son compagnon Quézinstra afin de libérer Hélisenne. Cette partie met l’accent sur l’activité chevaleresque, ce qui contraste avec l’influence du roman sentimental relevée dans la première partie. On assiste donc à de nombreux combats, tournois et navigations où l’action est privilégiée. Toutefois, comme Guénélic est aveuglé par ses sentiments pour Hélisenne, on retrouve également de longues discussions sur l’amour. La troisième partie est narrée par Guénélic et raconte une série d’aventures chevaleresques qui, à première vue, ressemblent à celles de la seconde partie. Par contre, ces situations conduiront finalement à la réunion des amants. En effet, Hélisenne est délivrée de sa prison par Guénélic, mais consécutivement au combat provoqué par son départ, elle trouvera la mort. Guénélic, qui ne peut supporter la perte de son amoureuse, connaîtra la même fin tragique. L’introduction de Jean-Philippe Beaulieu est, en elle-même, un petit exploit littéraire où on peut observer l’intérêt évident de l’éditeur pour la recherche sur les femmes écrivains de la Renaissance. En effet, Beaulieu y fait état de la recherche actuelle, ainsi que des principales études portant sur l’oeuvre d’Hélisenne de Crenne, « l’autrice la plus importante de la première moitié du xvie siècle ». Un bref portrait biographique est également dressé, où l’accent est mis sur l’identité énigmatique de celle qui écrit sous un nom de plume (il est effectivement admis qu’Hélisenne de Crenne est le pseudonyme d’écriture de Marguerite Briet). Les principaux renseignements connus à son sujet, bien que rares, sont ainsi présentés au lecteur. Par la suite, Jean-Philippe Beaulieu propose un résumé du roman suivi d’une microanalyse très bien structurée et permettant au lecteur d’aborder le texte dans une perspective analytique …

Appendices