Depuis quelques années, les sciences sociales n’étudient plus que les sociétés humaines, mais aussi la socialité animale. Il importe donc de définir ce qui caractérise la société humaine : la culture. Une introduction aux sciences de la culture, sous la direction de François Rastier et Simon Bouquet, présente quelques pistes de réflexion sur les sciences de la culture (expression de Cassirer) . Le livre est divisé en deux parties : « Les Genèses » dresse un portrait des origines de la culture tandis que « Anthropologies et cultures » se concentre sur divers aspects de la culture. Les directeurs préconisent l’approche pluridisciplinaire : ethnosciences, anthropologie, paléontologie, éthologie humaine, archéologie et linguistique comparée sont ainsi mises à contribution. Bouquet décrit d’abord ce que sont les sciences cognitives. Elles peuvent être classées selon deux paradigmes de pluridisciplinarité : grammatical et complémentaire. À la suite d’un aperçu de quelques conceptions du langage, Bouquet affirme que la « […] sémiotique générale, éclairée […] par la sémiotique particulière du langage naturel, est bien une sémiotique de l’interprétation » (p. 30). Ce paradigme d’une sémiotique de l’interprétation est fédérateur des sciences de la culture, d’où la conclusion que ces sciences de la culture peuvent être vues « […] comme les sciences d’une cognition située […] dans un cadre culturel » (p. 35). Ces sciences de la culture peuvent ainsi entretenir des liens entre elles ou des rapports réglés avec les sciences cognitives, d’où la primauté de la pluridisciplinarité de ces sciences. Deux auteurs s’intéressent à la genèse humaine. André Laganey dénonce le racisme des études sur l’origine de l’espèce humaine. L’homme véritable étant « celui qui a le profil grec » (p. 41), le chaînon manquant doit être un Africain. Les scientifiques confirment cette hypothèse par la mesure des crânes, que Laganey croit arbitraire : « Lors de la reconstitution du fossile, on lui donnera un angle facial plus ou moins fermé […]. Si on choisit un angle facial réduit, on accentue son prognathisme et on fait du fossile un australopithèque. […] Il suffit de faire varier l’angle inconnu de 20° à 30° pour qu’on obtienne un homme ! » (p. 42) Les chercheurs préféreront interpréter leur découverte comme étant un ancêtre de l’homme, question de visibilité. On en revient à la question : pourquoi nos ancêtres viendraient-ils d’Afrique ? L’auteur décrit les recherches sur le terrain par la métaphore « de l’ivrogne qui cherchait ses clés sous un réverbère parce qu’ailleurs il ne les aurait pas trouvées, même s’il ne savait plus s’il ne les avait pas perdues ailleurs ! » (p. 44). Bref, on choisit la facilité. De plus, l’hypothèse de l’origine africaine conforte tant ceux qui veulent prouver la supériorité européenne (les Africains sont plus primitifs) que ceux qui prônent la supériorité africaine (ils ont une plus grande évolution et une antériorité culturelle). Bref, Langaney suggère que ces scientifiques manipulent considérablement les faits. Dans le chapitre suivant, Rachel Caspari critique les modèles, dont l’utilisation abusive du schéma arborescent, pour interpréter les données qui concernent la genèse de l’espèce humaine. Boris Cyrulnik traite, dans une partie consacrée à la genèse de l’individu, des consciences qui font accéder au monde humain. Il parle d’abord de la conscience cognitive. L’être développe un « processus biologique de liberté » (p. 82), qui permet au corps d’échapper aux stimulations nombreuses du contexte. On pourrait dire qu’il s’agit d’une conscience génétiquement programmée. Il y a aussi la conscience imprégnée, une conscience acquise, lorsque « le cerveau […] n’éprouve plus le monde de la même façon » (p. 83), par exemple lors d’expériences de conditionnement. Enfin, la conscience partagée …