Abstracts
Résumé
Nous postulons que les discours esthétiques sont porteurs de nouveaux modèles de socialité par le type d’ethos énonciatif qu’ils mettent en place, c’est-à-dire par les « manières d’être ou de vivre » dans le langage (et dans le monde dont il parle) qu’induisent les formes intersubjectives d’énonciation propres aux actes de paroles qu’ils incarnent. Pensant par affects et par percepts, plutôt que par idées, valeurs ou concepts, la littérature et l’art renvoient à une socialité du monde sensible ou à des configurations collectives de la sensibilité (des «esthésies »), qui passent notamment par la fonction conative du langage, responsable pour une large part de la dimension empathique de l’expérience esthétique. Le présent article cherche à saisir la nature et la dynamique des modes de co-existence politique, au sein de la Cité ou de l’Agora (de l’espace public de la parole), qu’entraînent les pratiques non communicationnelles du langage, pour mettre en lumière les aspects non sémantiques mais « esthésiques » au sens fort (du grec aisthesis : perception par les sens externes et internes) qui sous-tendent les mécanismes de socialisation et de subjectivation dans lesquels singularité et communauté ne s’opposent plus mais s’entrelacent en un véritable chiasme.
Abstract
We postulate that aesthetic discourses bring new models of sociality through the type of enunciative ethos they put into place, that is, through the “ways of being or of living” in language (and in the world it speaks of) induced by the intersubjective forms of enunciation characteristic of the acts of words they embody. By thinking through emotions and perceptions, rather than through ideas, values or concepts, literature and art refer to a sociality of the sensitive world or to collective configurations of sensitivity (“esthesias”), which pass, notably, through the conative function of language, which is largely responsible for the empathic aspect of aesthetic experience. This article seeks to grasp the nature and dynamic of the modes of political co-existence within the Cité or the Agora (the arena for public speaking) that the non-communicational practices of language lead to, in order to highlight aspects that are non-semantic, but “esthesic” in the strict sense of the word (from the Greek aisthesis, meaning perception by external and internal senses), and which underlie the mechanisms of socialization and of subjectivation in which singularity and community no longer oppose one another but interconnect, rather, in a veritable chiasmus.