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En contexte canadien, les politiques assimilationnistes et discriminatoires visant les peuples autochtones ont profondément bouleversé leur mode de vie, notamment la transmission intergénérationnelle des cultures et des langues. Les politiques coloniales mises en place par l’État canadien ont ciblé de manière particulière les familles autochtones (Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics [CERP], 2019 ; Commission de vérité et réconciliation [CVR], 2015). On n’a qu’à penser à la politique des pensionnats et à celle de la « rafle des années 1960 », qui se sont traduites par le retrait forcé de milliers d’enfants autochtones de leur famille (Sinclair, 2016), ou encore au phénomène des « enfants fantômes » au Québec[1]. En s’attaquant aux familles, on s’assurait d’éroder le fondement même des institutions et des systèmes de gouvernance des sociétés autochtones (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées [ENFFADA], 2019 ; CVR, 2015).

Pendant des décennies, la société canadienne a vu dans les modes autochtones d’éducation des enfants des comportements inappropriés. Elle a ainsi occulté le fait qu’ils puissent être le reflet de pratiques éducatives singulières. Encore aujourd’hui, celles-ci restent peu visibles et mal comprises par la plupart des acteurs qui interviennent auprès des familles autochtones (CERP, 2019). Cette méconnaissance, jumelée au fait que les lois et les systèmes de protection de la jeunesse sont fondés sur des conceptions occidentales de la famille, contribuent au retrait des enfants autochtones de leur communauté d’origine (CERP, 2019). Ainsi, la surreprésentation des enfants autochtones au sein de ces systèmes persiste partout au Canada, à un point tel que des auteurs qualifient la période actuelle de « rafle du millénaire » (Kennedy-Kish et al., 2017 ; Sinclair, 2016). C’est ce qui a fait dire à la CVR (2015) que ceux-ci perpétuent le génocide culturel engendré par les pensionnats. Dans un tel contexte, il est important de rendre compte des fondements singuliers qui animent la vie des familles autochtones et des pratiques éducatives contemporaines qui en découlent.

Le présent article[2] vise à présenter les résultats d’une recherche[3] ayant pour objectif de valoriser les pratiques innues d’éducation et de protection des enfants de la communauté innue d’Uashat mak Mani-utenam[4], située sur la Côte-Nord, dans l’est du Québec. Il constitue la suite d’un article antérieur (Guay, Grammond et Delisle-l’Heureux, 2018) qui rend compte de l’importance de la famille élargie en contexte innu. En s’appuyant sur des récits d’expérience, l’article met en lumière la manière unique et singulière par laquelle les Innus affirment des pratiques éducatives qui s’appuient sur des valeurs et systèmes de connaissances ancrés dans leur relation au territoire. Entre autres, nous verrons que les Innus insistent sur l’importance de l’observation et de l’expérimentation et sur le respect du rythme et des choix des enfants, qu’ils accordent beaucoup de liberté à ceux-ci et, enfin, qu’ils misent sur le dialogue et l’humour pour transmettre les règles. Nous terminons l’article en discutant de la portée de ces constats pour le renouvellement des pratiques d’intervention sociale au Québec.

L’analyse proposée s’appuie sur dix récits familiaux de parents et de grands-parents[5] et cinq récits communautaires[6], construits et validés avec les participants à la suite d’entrevues semi-dirigées. Elle s’appuie également, lorsque cela est pertinent, sur une dizaine de récits réalisés dans le cadre de trois autres projets de recherche menés au sein de la même communauté[7]. Le recrutement s’est fait sur une base volontaire à partir d’un communiqué diffusé à la radio communautaire et affiché dans certains endroits clés de la communauté et à partir de groupes déjà constitués. Nous nous sommes également assurées d’avoir une représentation équilibrée entre les deux communautés, Uashat et Mani-utenam. Cela dit, malgré nos efforts de diversification sur le plan du genre, la majorité des personnes rencontrées sont des femmes.

La mise en lumière des pratiques innues d’éducation des enfants se fonde sur l’approche biographique[8] et un cadre théorique constructiviste (Berger et Luckmann, 2018 ; Martin, 2009). Ce cadre nous invite à appréhender les pratiques culturelles des peuples autochtones comme des constructions historiques et quotidiennes et à le faire à partir des Innus eux-mêmes. Un tel regard porté de l’intérieur permet d’éclairer les choix réflexifs et singuliers que font ou que souhaitent faire les Innus à l’égard de l’éducation des enfants.

Néanmoins, une certaine mise en garde s’impose. Les modes de vie des familles autochtones, leurs visions du monde, leurs traditions juridiques et leurs pratiques culturelles, en plus de s’être transformés au fil du temps, varient considérablement d’une nation à une autre et même d’une famille à une autre. Il n’est donc pas possible ici de rendre compte de ces particularités. Les auteurs qui s’intéressent aux réalités des familles autochtones s’entendent tout de même pour dire que les peuples autochtones possèdent une solide relation à leur Terre ancestrale et partagent un certain nombre de valeurs communes (Gehl, 2017), lesquelles orientent des comportements similaires quant à l’éducation des enfants (Baskin, 2006 ; Tagalik, 2010). Le texte qui suit fait état de ces principes généraux. De la même manière, les propos des participants doivent être compris comme l’expression de leur vérité. Ils ne reflètent pas nécessairement l’ensemble des points de vue des familles innues sur le sujet.

Le territoire, premier lieu de socialisation et d’éducation

Il existe une variété de conceptions relatives à la famille et aux manières d’éduquer et de prendre soin des enfants. En contexte autochtone, les conceptions de la famille, des pratiques familiales et éducatives sont le reflet de systèmes de pensée qui sont profondément enracinés dans la relation singulière que les peuples autochtones entretiennent avec leur territoire traditionnel (Hansen, 2018).

Si la relation au territoire est si importante, c’est que ce dernier représente le lieu où chaque société autochtone puise les savoirs (normes, valeurs, croyances, traditions, lois, etc.) nécessaires à son fonctionnement (Morales, 2017). Dans les faits, la nature elle-même fournit des enseignements à ceux et celles qui prennent le temps de l’observer et de l’écouter (Borrows, 2016). Par exemple, la fréquentation du territoire permet d’apprendre et de transmettre des valeurs telles que l’entraide, le respect, la patience, la responsabilité, l’honnêteté, l’interdépendance, le consensus et la reconnaissance des compétences de chacun (Guay et Delisle L’Heureux, 2019 ; Sylvestre et Gaouette, 2018). Ainsi, le territoire porte en lui un ensemble de savoirs qui sont certes liés à la survie en forêt, mais aussi à une manière d’être au monde qui est propre aux peuples autochtones et qui persiste au fil du temps. Ces savoirs constituent un bagage de connaissances tacites qui fonctionnent ni plus ni moins comme un schème de référence culturelle (Guay, 2017). Des études ont montré en quoi ces connaissances et en particulier les valeurs qui en font partie orientent la plupart des choix que font les peuples autochtones, que ce soit dans les modes de résolution des conflits (Sylvestre et Gaouette, 2018 ; Monchalin, 2016), d’intervention sociale (Guay, 2017) ou d’éducation des enfants (Ball et Simpkins, 2004).

La fréquentation du territoire occupe d’ailleurs une place importante dans la vie familiale des Innus. Dans le cadre de notre recherche, elle est apparue comme l’une des pratiques familiales les plus valorisées par les familles. Pour plusieurs participants, le seul fait d’être sur le territoire permet d’être plus présents les uns pour les autres et d’établir des relations plus authentiques. Comme l’expliquent ces participants :

Dans le bois, il n’y a pas d’inquiétude, pas de stress, pas de factures. Même si c’est dispendieux, ça en vaut la peine. Quand on monte dans le bois, on se sent enveloppés d’un sentiment de calme… Pas de télé, pas de jeu vidéo… C’est propice à la discussion avec les enfants. Ça nous permet d’avoir des échanges qui valent tout l’or du monde.

Intervenant des services communautaires

Je me considère chanceuse d’avoir de bons enfants, mais je prends aussi une partie du crédit : c’est parce que j’ai élevé mes enfants dans le bois qu’ils sont ainsi. Nous avons eu du temps de qualité ensemble. Il n’y a rien dans le bois, alors qu’en ville, tout est là pour nous distraire et séparer les familles.

Annie

Le territoire représente également le lieu par excellence pour éduquer les enfants, leur transmettre les valeurs, les traditions, la langue et la spiritualité. Encore aujourd’hui, parents et grands-parents amènent les enfants sur le territoire, les élèvent ou les éduquent en forêt. Pour la plupart des participants, les formes d’éducation plus informelles et culturelles qui ont lieu sur le territoire sont perçues comme étant tout aussi importantes que les formes d’éducation formelles et institutionnelles réalisées dans les salles de classe.

J’ai vécu l’expérience d’aller dans le bois pendant trois mois avec mes enfants. Mon fils avait onze ans et ma fille, douze. C’était très enrichissant pour eux, c’est une autre éducation. Ils y ont acquis plusieurs qualités : la responsabilité, la persévérance, l’initiative. Ce sont toutes des qualités dont un être humain a besoin pour être autonome.

Intervenant des services communautaires

Quand j’élevais mes enfants, je les emmenais dans le bois toutes les fins de semaine. C’est important pour moi de leur transmettre la culture innue et de les faire participer à la vie en forêt. Les premières fois, nous partions avec la tente. L’été, nous allions pêcher sur la rivière Moisie ; l’automne, nous allions à la chasse au porc-épic et nous posions des collets à lièvre.

Bernadette

Une des participantes pousse plus loin la réflexion et considère que ces formes d’éducation devraient faire partie du curriculum scolaire.

C’est un rêve pour moi d’avoir une école qui montrerait aux enfants comment vivre dans le bois. Un éveil à la culture, un souffle d’espoir, pour leur montrer comment nos ancêtres vivaient. Pas seulement pour leur montrer, mais qu’ils le vivent. Ce n’est pas suffisant qu’ils le lisent dans un livre.

Kathleen

Les processus de transmission des savoirs, de la langue et de valorisation des liens sociaux et familiaux, qui s’actualisent plus facilement sur le territoire, sont non seulement bénéfiques pour les jeunes, mais également essentiels à la vie des familles, car ils portent en eux la certitude que les cultures autochtones demeureront bien vivantes. D’ailleurs, pour plusieurs Autochtones, « apprendre d’où l’on vient et qui l’on est, c’est tout aussi important que d’apprendre à lire » (Martin et Capitaine, 2005, p. 53). Bref, la fréquentation du territoire permet de renforcer les relations familiales tout en assurant la transmission des savoirs, de la langue et des croyances innues. Par conséquent, le maintien du lien au territoire revêt une fonction essentielle dans l’éducation des enfants innus.

Une éducation innue axée sur l’observation et l’expérimentation

C’est principalement à partir de ce lien au territoire qu’il est possible de comprendre les pratiques familiales et la plupart des choix que font les familles autochtones à propos de l’éducation des enfants. Dans les sociétés algonquiennes, notamment chez les Innus, les pratiques éducatives sont ancrées dans un mode de vie qui, jusqu’à tout récemment, était orienté vers la survie sur le territoire. Les modes éducatifs basés sur l’observation et l’imitation favorisaient le développement rapide de l’autonomie de l’enfant, laquelle était essentielle au bon fonctionnement du groupe. Par conséquent, l’enfant était amené très tôt à contribuer aux travaux de base. Ainsi, comme le rappelle Bousquet (2012) : « l’apprentissage des enfants passait par la reproduction de gestes : l’enfant regardait, écoutait et copiait ce qu’il avait vu » (p.7). De la même manière, Anderson (2009) souligne que les Innus considéraient « la véritable sagesse comme le fruit de l’expérience individuelle directe » (p. 24). Le rôle des adultes consistait non pas à enseigner aux enfants, mais plutôt à les aider « à découvrir par eux-mêmes les vérités essentielles » (Anderson, 2009, p. 24). Bien que ce mode de vie sur le territoire soit révolu, il n’est pas si lointain et il continue de façonner l’éducation des enfants autochtones (Loiselle et al., 2008).

Les récits recueillis mettent en lumière des pratiques éducatives similaires. En effet, plusieurs Innus insistent sur les apprentissages implicites qu’acquièrent les enfants, en observant et en interagissant avec leur environnement :

Quand je parle des valeurs de la communauté, je parle de la langue, du mode de vie au jour le jour […] et de l’apprentissage par observation. C’est pour cela que j’amène mon bébé partout, pour qu’il voie comment nous vivons.

Kateri

Les enfants innus apprennent en touchant […]. J’enseigne plusieurs choses à ma fille de cette façon. On se promène et je la questionne sur ce qu’elle entend, ce qu’elle voit, ce qu’elle sent. C’est important pour moi de l’amener à être à l’affût de ses sens : de l’observation, de l’odorat, du toucher.

Shipiss

Plusieurs participants insistent aussi sur l’importance de ne pas faire les choses à la place de l’enfant, du fait que celui-ci apprend mieux s’il observe d’abord, imite et expérimente par lui-même ensuite. Cela transparaît dans les pratiques éducatives ayant cours dans la communauté, mais aussi dans les nombreux processus de transmission culturelle qui se déroulent sur le territoire :

Moi, je ne leur ai jamais dit : « Viens ici je vais te faire ça ! » Non, je leur montre seulement comment faire. Je leur dis de me regarder faire. […] La manière dont j’ai été élevée ? C’est : « Tu me regardes. » C’était pas : « Hey ! Viens ici, je vais te montrer à faire ça. » Non. « Tu me regardes ».

Une Aînée

Moi, je n’ai jamais fait à la place des jeunes. Il fallait qu’ils apprennent. J’ai confiance. Quand je veux montrer quelque chose à quelqu’un, il faut que ce soit lui qui le fasse. Qu’il te montre comment il fait. Moi, je suis là. « Est-ce bien fait ? » Je lui dis : « Bien oui, c’est bien fait. Continue. » C’est comme ça que j’ai montré aux jeunes comment faire des choses dans le bois.

Une Aînée

L’apprentissage par l’observation et l’expérimentation implique aussi de faire des erreurs et d’apprendre de celles-ci. Comme le dit bien cette mère : « Je veux leur apprendre que vivre des échecs [ça] existe et que ce n’est pas la fin du monde ». Comme pour la plupart des auteurs qui ont écrit sur le sujet, les Innus reconnaissent le pouvoir de l’expérience individuelle, laquelle suppose de leur laisser une grande latitude afin qu’ils puissent apprendre de leurs erreurs comme de leurs réussites (Anderson, 2009 ; Wark, Neckoway et Brownlee, 2019). Bref, il s’agit de modes éducatifs qui respectent profondément l’individualité et l’autonomie des enfants. Par conséquent, ces modes misent sur l’habileté des enfants à observer, à expérimenter et à prendre des décisions.

Respecter le rythme et les choix de l’enfant

Des recherches ont montré que les peuples autochtones font preuve d’une grande patience à l’égard des enfants, respectent leur rythme et font confiance en leurs capacités (Anderson, 2009 ; Bousquet, 2012 ; Byers et al., 2012 ; Hicks, 2012 ; Makokis et al., 2020). Cette confiance repose sur l’idée que, dès leur naissance, les enfants sont considérés comme des personnes égales aux adultes et capables de communiquer leurs besoins (Kruske et al., 2012 ; Guay, 2015).

Dès son plus jeune âge, l’enfant est invité à développer une connaissance et une compréhension personnelle de ses propres besoins et à être à l’écoute de son corps et de son rythme naturel (Byers et al., 2012). Ainsi, le développement de l’autonomie de l’enfant est principalement pensé en fonction de ses habiletés personnelles, cognitives, émotionnelles et physiques, en respectant et en se fiant à son rythme (Muir et Bohr, 2014). Cela dit, au sein de la plupart des familles autochtones, le développement de l’autonomie n’est généralement pas rythmé par un ensemble de routines strictes. Comme l’expliquent Loiselle et ses collègues (2008), les enfants, par l’observation et l’imitation des Aînés, sont encouragés à « exercer leur propre volonté et à développer leur autonomie de penser et d’agir avec peu d’interférence de la part des adultes de leur entourage » (p. 15). Le respect du rythme et des choix de l’enfant renvoie au principe éthique de non-ingérence qui reconnaît le droit que possède chaque individu, incluant les enfants, de faire ses propres choix et de créer sa vie à partir de ses propres expériences (Hicks, 2012 ; Muir et Bohr, 2014). Ce principe favorise l’établissement de relations positives et harmonieuses en évitant toute forme de contrainte (physique, psychologique ou verbale), à moins que la sécurité de l’enfant soit menacée (Wark, Neckoway et Brownlee, 2019).

L’analyse des récits recueillis chez les Innus rejoint les conclusions des études sur le sujet. En effet, à l’instar des pratiques éducatives cries (Makokis et al., 2020) et anicinapek (Loiselle et al., 2008), les familles innues font preuve d’une grande patience à l’égard de leurs enfants en les encourageant de façon positive et sans jugement. Les Innus valorisent l’unicité de l’enfant, et accordent beaucoup d’importance à son rythme et à ses besoins, particulièrement en ce qui a trait à son sommeil et à son alimentation.

Je pense qu’il faut y aller avec le rythme de nos enfants.

Une mère

Quand il dort, je veux qu’il dorme aussi longtemps qu’il le désire. Je ne veux pas être obligée de le réveiller, je veux qu’il vive à son rythme […]. Depuis que j’ai un enfant, mes priorités ont complètement changé, pas seulement en ce qui concerne le travail. Mon rythme de vie a changé parce que je me suis adaptée au sien.

Kateri

Selon les valeurs des Blancs, les enfants doivent manger telles affaires, se coucher à telle heure et être disciplinés de telle façon, alors que dans le milieu ici, ça ne fonctionne pas comme ça. Par exemple, les Innus mangent quand ils ont faim. Pourquoi obliger un enfant à manger à des heures fixes, soit à 7 heures, midi et 18 heures, s’il n’a pas faim ? À part le fait que ce soit plus pratique pour la mère, je ne vois pas très bien quelle est la logique derrière tout ça !

Danielle

L’importance, pour les Innus, de manger « à ta faim et quand tu as faim » découle, selon cette dernière participante, de la terreur vécue au sein des pensionnats, où les enfants étaient obligés de finir leur assiette et de manger de la nourriture qu’ils n’aimaient pas, parfois jusqu’à en vomir. De manière similaire, de nombreux participants ont souligné l’importance de laisser les enfants faire leurs choix, à leur rythme, tout au long de leur vie. En témoignent les propos de ces participants :

Je vais t’accepter telle que tu seras, peu importe, tes choix. […] Ma fille va faire sa vie. Elle ne fera pas la vie que je désire. Pourvu qu’elle soit bien, ses décisions vont lui appartenir. […] Je veux donner à ma fille la liberté de faire ses propres choix.

Shipiss

Je ne la juge pas. J’ai fait ma vie et maintenant c’est à son tour de faire la sienne.

Alanis

Une autre belle valeur transmise par mes parents adoptifs […] Ils nous disaient quelque chose et c’était à nous de le prendre ou non ; nous étions libres de faire un choix et de l’assumer, car il était de notre responsabilité de le faire. « Tu fais un choix, et bien ̎ that’s it ̎ : assume-le ! » J’agis de la même façon avec mes enfants. […] Nous allons au rythme de l’enfant, c’est lui qui mène.

Gertrude

Ce respect de l’enfant et de ses choix se traduit même lors de décisions importantes le concernant, notamment lors du choix de son milieu de vie, en particulier dans un contexte de protection de la jeunesse. Comme l’explique cette mère :

Je crois que l’enfant a son mot à dire sur ses désirs et sur l’endroit où il se sent bien. Les besoins et les désirs de l’enfant devraient pencher dans la décision de la famille. […] Ce n’est pas la DPJ provinciale qui est en mesure ou qui est apte à décider de la vie d’un enfant en communauté. Cela relève plutôt de nous, de la famille proche, du parent et de l’enfant. Le point de vue d’un enfant a toujours été pris en compte, alors pourquoi aujourd’hui ne le serait-il plus ? Un enfant sait ce qu’il veut. […] Même si nous évoluons dans un monde moderne, ceci ne veut pas dire que nous avons les mêmes mentalités. […] Je crois que la meilleure façon de protéger un enfant innu […], c’est de partir de sa volonté à lui. Un enfant est très intelligent et il sait ce qu’il veut. Il faut lui demander dans quel environnement il veut vivre. […] Ce n’est pas une limite d’âge qui fait la différence ; en tout cas, pas chez nous. Il faut savoir écouter le besoin et les désirs de l’enfant.

Une mère

En somme, les enfants sont perçus comme des individus à part entière et la considération de leur point de vue est fondamentale, peu importe leur âge.

Concilier liberté et encadrement

La liberté accordée aux enfants est un principe qui est souvent souligné dans les études sur l’enfance autochtone (Anderson, 2009 ; Bousquet, 2012 ; Loiselle et al., 2008 ; Tassinari, 2016). Elle est liée à l’idée de laisser les enfants apprendre par eux-mêmes dans les processus éducatifs qui reposent largement sur l’observation et l’imitation dont nous avons fait état plus haut. Elle traduit aussi une forme d’encadrement indirecte qui valorise l’autonomie individuelle et encourage le développement précoce de l’enfant. Elle est basée sur le principe qui veut que « les enfants doivent vivre librement pour développer un corps fort et sain, et acquérir les savoirs utiles à la vie quotidienne » (Tassinari, 2016, n.p.). Il importe alors de ne pas confondre ce style d’éducation démocratique (qui vise à rendre les enfants plus autonomes, libres et responsables de leurs choix) à un style d’éducation « permissif » (qui produit des enfants « rois », ayant peu de contrôle de soi et qui sont dépendants des adultes) (Guay, 2015).

La très grande liberté accordée aux enfants est une des pratiques éducatives soulevées par les Innus. L’exemple le plus probant est que les enfants sont libres de se promener dans la communauté. Comme le dit cet intervenant en réadaptation : « Il est dans la tradition que les enfants se promènent librement dans la communauté. C’est comme s’il y avait une clôture imaginaire à l’intérieur de laquelle les enfants sont en sécurité ». Plusieurs Innus considèrent la liberté comme une des caractéristiques principales différenciant les manières d’éduquer chez les Innus et chez les non-autochtones :

Par exemple, à Maliotenam, ce sont les enfants qui gèrent les rues. Si un enfant se promène en plein milieu de la rue, c’est la voiture qui va se tasser, ce n’est pas l’enfant. Tandis qu’en ville, c’est l’enfant qui doit se tasser. À Maliotenam, les enfants ont plus de liberté et plus d’espace à eux. Ils sont plus libres, ils peuvent se promener davantage. Il y a des heures où ils sont moins encadrés. Tandis que ceux de Sept-Îles vont avoir des heures de coucher plus strictes.

Famille d’accueil innue

Il y a des différences entre la façon dont les Autochtones et les Blancs élèvent les enfants. Mon enfant est plus libre, cela ne m’inquiète pas qu’il sorte dehors. Il ne peut pas encore se promener où il veut parce qu’il n’a que deux ans et qu’il y a des voitures, mais s’il n’y avait pas de voitures, je ne serais pas inquiète.

Kateri

Si la liberté accordée aux enfants est importante, cela ne veut pas dire que les parents innus n’instaurent pas de règles ou d’encadrement. Au contraire, plusieurs participants ont insisté sur l’importance de la discipline et de l’encadrement, toutefois, le discours sur la discipline est souvent nuancé :

Le fait de mettre des règles et d’encadrer [les enfants], ce sont des choses importantes chez les Innus, mais ce n’est pas aussi strict que chez les non-autochtones.

Famille d’accueil innue

Dans l’éducation de mes enfants, la discipline était importante. Je ne les laissais pas faire n’importe quoi […] Mais je considère que la discipline chez les Blancs et la discipline chez les Innus sont deux choses différentes.

Bernadette

Par ailleurs, plusieurs participants ont fait état de contextes où la liberté accordée à un enfant peut parfois être nocive : le fait de laisser de jeunes enfants complètement à eux-mêmes (Shipiss), de les négliger (intervenant en réadaptation), ou encore lorsqu’il n’y a aucun encadrement ni règle (famille d’accueil innue). Dans les faits, la liberté accordée aux enfants n’est valorisée que lorsqu’il y a transmission de certaines valeurs, ou de certaines « bonnes bases » (Aînée). Ainsi, si la liberté demeure une valeur phare dans l’éducation des enfants innus, elle est toujours accompagnée d’autres valeurs tout aussi importantes telles que le respect, l’autonomie et la responsabilité.

J’ai toujours essayé de lui montrer, le plus possible, à être autonome, de ne pas trop dépendre de moi.

Un père

Aujourd’hui, c’est important pour moi que mon enfant aille à l’école, qu’il apprenne l’hygiène, qu’il soit autonome, qu’il respecte les autres et qu’il apprenne à prendre soin de son enfant.

Bernadette

Je veux leur apprendre à être maîtres de leur vie, à choisir le bonheur plutôt que le malheur. Je veux en faire des personnes autonomes et responsables. ()

Un père

De mon côté, ça se passe plutôt au niveau du coeur, de la liberté, du respect et de l’amour. C’est lié à la communication, la bonne humeur, l’émotion. ()

Gertrude

Dialoguer plutôt que punir et miser sur l’humour pour transmettre les règles

L’éducation des enfants autochtones fait également appel à un ensemble de pratiques qui repose généralement sur une discipline souple, fondée sur le respect, l’harmonie et la bienveillance (Anderson, 2009 ; Bousquet, 2012 ; Byers et al., 2012 ; Hicks, 2012 ; Makokis et al., 2020). Guidés par l’éthique de non-ingérence dont nous avons parlé plus haut, les parents autochtones vont généralement utiliser des techniques d’attention sélectives et éviter de sermonner ou de donner des ordres (Byers et al., 2012). Par exemple, certains vont faire des gestes ou des bruits pour distraire les jeunes enfants, alors que d’autres vont miser sur l’humour ou les taquineries afin de décourager certains comportements inappropriés (Hicks, 2012 ; Irvine 2009 ; Van de Sande et Menzies, 2003). De manière générale, les parents vont gérer les comportements indésirables de leur enfant de manière à ne pas devoir les interdire de manière directe. Ainsi, l’usage de la punition est assez rare, parfois en dernier recours, lorsque l’enfant fait face à un danger imminent (Byers et al., 2012).

Au coeur des pratiques éducatives des Innus que nous avons rencontrés se trouve l’importance de communiquer et d’établir une bonne relation avec son enfant. Il semble que le dialogue soit davantage préconisé aux dépens d’une approche plus répressive :

Chez les Innus, nous ne punissons jamais les enfants. Nous leur parlons beaucoup, nous leur expliquons pourquoi telle chose doit être faite ainsi, et pourquoi tel comportement n’est pas acceptable […].

Gertrude

Moi, c’est ma devise : je ne leur dis pas de faire des choses sans leur en expliquer la raison.

Famille d’accueil innue

Pour protéger ma fille du danger, je ne lui dis pas « Fais pas ci, fais pas ça ». Je lui explique pourquoi elle ne peut pas faire quelque chose. Je veux qu’elle comprenne la raison de l’interdiction. Je lui parle des conséquences de ses gestes.

Une mère

Ces témoignages montrent l’importance accordée par les Innus aux valeurs telles que le respect, l’harmonie et le rôle central des enfants dans les processus éducatifs. Ces derniers ont un droit de parole vis-à-vis des règles et, de l’avis des participants, ils méritent de comprendre pourquoi elles ont été instaurées. En définitive, ces règles doivent faire sens pour eux, sans quoi elles seront vaines.

La communication est facile avec eux : ils ont toujours le droit de parole et le droit de donner leur opinion, mais nous ne cédons pas toujours à leurs demandes.

Annie

Pour les aider à accepter les règles, je demande toujours aux enfants : « C’est-tu correct ? S’il y a quelque chose qui ne marche pas pour toi pendant que tu es ici, dis-le-moi. Dis-le-moi et je vais m’ajuster. Il y a des choses dont on peut parler. Ne garde pas tout dans ton coeur jusqu’à ce que tu exploses un moment donné. Dis-le-moi toujours au fur et à mesure, n’aie pas peur ». Après cela, ils écoutent toujours ce que je leur demande.

Famille d’accueil innue

À l’instar de cette famille d’accueil, plusieurs Innus accordent beaucoup d’importance au fait de communiquer ses problèmes et ses émotions, de ne pas tout garder « à l’intérieur » :

Je me suis reprise en main avec [ma fille]. Maintenant, elle est capable de s’ouvrir et de m’en parler. Elle sait qu’elle peut se confier à moi, qu’elle peut vivre ses émotions et qu’elle peut pleurer devant moi. C’est comme cela que ma mère m’a élevée : nous passions beaucoup de temps ensemble et nous parlions de ce que nous étions en train de vivre. Nous ne gardions pas toutes nos émotions à l’intérieur de nous. C’est ce que j’essaie de transmettre à ma fille maintenant.

Étudiant en techniques d’éducation spécialisée

La propension à ne pas communiquer ses émotions et son vécu est, pour certains, liée aux traumatismes vécus au sein des pensionnats. Les pratiques éducatives valorisant la communication s’inscrivent ainsi dans une volonté d’en contrer les séquelles :

Plusieurs familles vécurent des séparations forcées lorsque leurs enfants furent placés dans des pensionnats. […] Chez les Innus, nous avons de la misère à parler de nos émotions, de nos joies comme de nos peines. Nous avons du mal à aller chercher cela. Nous commençons maintenant à parler de ce que nous ressentons. Avant, nous restions plutôt en surface ; nous nous limitions à cela. Aujourd’hui, il est important de travailler avec les émotions, de savoir ce que les gens vivent.

Intervenant en réadaptation

La bonne communication est également encouragée en matière d’éducation sexuelle et en particulier en contexte d’agression sexuelle. À cet effet, plusieurs sont ceux (et surtout celles) qui constatent un changement dans la manière dont les Innus réagissent lorsqu’il y a des abus. S’il régnait autrefois une certaine loi du silence par rapport à ceux-ci, on encourage aujourd’hui les enfants à parler et à dénoncer. La bonne communication et l’expression des émotions sont des éléments timidement évoqués dans la littérature, qui reste silencieuse sur l’importance accordée au dialogue par rapport à certains sujets délicats, en tant que mode de prise en charge de problématiques sociales vécues par les enfants. L’importance du dialogue (ouvert et authentique) avec les enfants innus semble un phénomène nouveau qui contraste avec les résultats de certaines études antérieures, qui soutiennent que la pédagogie innue (Unamen Shipu) (Beaulieu, 2012) et algonquine (Bousquet, 2012) semblait plutôt prescrire la discrétion dans l’expression des émotions.

Cela dit, l’établissement de relations harmonieuses entre les enfants et les adultes se fait aussi en misant sur l’humour pour transmettre les règles, plutôt que sur la confrontation ou la punition. En effet, certains parents vont blaguer ou taquiner afin de décourager certains comportements inappropriés. C’est le cas de Shipiss, qui mentionne :

J’utilise beaucoup l’humour dans l’éducation de mon enfant : on rigole, on se taquine. L’humour me sert à transmettre les règles. En riant, ça passe bien. Quand je prends un ton blagueur, elle le sait. Par contre, si elle ne comprend pas avec l’humour, je me mets à compter. Elle sait que si j’arrive à trois, c’est sérieux. C’est un petit truc magique ! C’est important pour moi qu’elle écoute et respecte les règles.

De façon plus générale, plusieurs participants considèrent que l’humour participe des formes d’interaction préconisées par les Innus qui vont bien au-delà des pratiques éducatives. Une famille d’accueil innue précise à cet effet que « l’humour est une des caractéristiques des Innus ». Ainsi, avoir le sens de l’humour est une qualité valorisée et l’on souhaite que les enfants la cultivent. Au contraire, le fait de rire des autres ou de manquer de respect est grandement dévalorisé, comme l’expliquent deux mères de famille d’accueil innues :

On a beau rire et ricaner, quand t’es à l’école, il y a des limites. Il y a des limites à la maison, à l’école, et avec les amis. […] Il y a des choses qu’on accepte et il y a des choses qui ne sont pas acceptables. Le non-respect, ce n’est pas acceptable.

Famille d’accueil innue

Les règles les plus importantes ? Ça dépend notamment de l’âge des enfants. Ne pas se chicaner avec ses amis. Le respect. La politesse. Je leur dis tout le temps : « Faut parler avec respect ». Je n’ai jamais eu de problème là-dessus. Ne pas rire des autres.

Famille d’accueil innue

Ces extraits nous rappellent qu’entre la valorisation de la capacité de rire et la proscription de rire des autres, la valeur du respect de l’autre et de la différence est encore une fois mise de l’avant.

Renouveler les pratiques d’intervention sociale auprès des familles autochtones

L’intervention sociale auprès des familles autochtones pose des défis importants, particulièrement dans le contexte de la protection de la jeunesse. En effet, les intervenants doivent appliquer une loi qui est fondée sur des conceptions occidentales de la famille qui laissent peu de place aux conceptions culturelles différentes et aux pratiques éducatives qui en découlent (CERP, 2019). Dans ce contexte, les habiletés parentales constituent une dimension importante dans l’évaluation des capacités des parents à prendre soin et à protéger leurs enfants. Ainsi, les intervenants sociaux sont amenés à porter une attention particulière aux attitudes et aux conduites qui sont considérées comme favorables au développement normal d’un enfant. De manière générale, ceux-ci s’attendent d’un parent qu’il établisse une routine journalière. Les routines sont considérées comme faisant partie des besoins essentiels des enfants, notamment parce qu’elles sont sécurisantes et qu’elles aident l’enfant à développer son autonomie (Stainhauer, 1996). On s’attend également d’un parent qu’il soit à même de fixer des règles claires et des limites appropriées à l’enfant tout en assurant le suivi de celles-ci, en imposant, de manière cohérente, des conséquences proportionnées aux écarts de conduite (CJM-IU, 2014).

En insistant sur ces aspects, ce type d’évaluation occulte les pratiques éducatives singulières des peuples autochtones dont nous avons fait état dans cet article. Dans bien des cas, la méconnaissance des conceptions autochtones de la famille, en particulier des valeurs qui guident leurs comportements à l’égard des enfants, incite certains intervenants, de façon consciente ou non, à exiger que les parents autochtones se conforment à ces modèles de parentalité normatifs, sous peine de se voir retirer leurs enfants (CERP, 2019). Cette méconnaissance fait également en sorte que la grande liberté laissée aux enfants, le respect de leur rythme et de leurs choix ainsi que les stratégies indirectes de régulation des comportements sont souvent perçus comme étant le reflet d’un manque d’encadrement et d’un laisser-aller des parents, voire un signe de négligence. Or, elles sont le reflet de pratiques singulières qui, à l’instar des pratiques occidentales, visent le développement de l’autonomie (Guay, 2015 ; Van de Sande et Menzies, 2003).

Cela étant dit, il n’existe pas de réponse simple à la question de savoir comment répondre aux besoins des familles autochtones et les soutenir dans leur rôle. Chaque famille est unique et les pratiques éducatives varient considérablement d’une nation et d’une communauté à une autre. Il importe donc de laisser aux familles le pouvoir de faire des choix qui sont conformes à leurs croyances et à leurs traditions. À cet égard, le degré d’adhésion aux valeurs et aux pratiques dites traditionnelles peut grandement varier. Dans bien des cas, « [l]es parents réussissent mieux à devenir parents lorsqu’ils décident du type de parentalité qu’ils souhaitent offrir » (Fearn et Spirit Moon Consulting, 2006, p. 53, traduction libre). Par conséquent, chaque intervenant qui oeuvre en contexte autochtone doit prendre le temps de se familiariser avec les réalités sociohistoriques et culturelles de la communauté et de la famille avec lesquelles il intervient. Bien qu’il soit difficile de faire abstraction des schèmes de référence « dominants », une intervention sociale culturellement sécuritaire ne peut se faire sans considérer d’autres manières d’éduquer les enfants, tout autant légitimes.

Afin de miser sur les forces de la famille, il importe également de mobiliser l’ensemble de ses membres dans la recherche de solutions, respecter le point de vue et le choix des enfants et privilégier des programmes d’intervention qui sont culturellement sécuritaires (ex. séjours ou activités sur le territoire, initiatives de guérison communautaires, cérémonies, etc.). À cet effet, les intervenants doivent reconnaître que les pratiques culturelles et les traditions, bien souvent, agissent comme des facteurs de protection. Des recherches sur la résilience auprès de familles autochtones ont fait ressortir que la culture, notamment les valeurs, les règles éthiques et les pratiques traditionnelles apportent plusieurs bienfaits sur les plans individuel et communautaire, comme le renforcement d’une identité positive, du pouvoir d’agir et de la cohésion sociale (Redvers, 2016). Lorsque ces facteurs sont mobilisés par les intervenants, ils ont un impact positif sur les processus de guérison (Irvine, 2009).

Enfin, la parentalité autochtone s’inscrit dans un contexte sociohistorique marqué par un ensemble de politiques assimilationnistes qui ont engendré des traumatismes historiques. Ces derniers exigent des intervenants sociaux d’être flexibles, de respecter le rythme des parents et de consacrer le temps jugé nécessaire au rétablissement des familles autochtones.

Conclusion

Le mode de vie traditionnel des peuples autochtones et les valeurs qui lui sont associées continuent de façonner la manière avec laquelle ils éduquent leurs enfants dans le contexte contemporain (Bousquet, 2012 ; Loiselle et al., 2008). Bien qu’à l’instar des parents allochtones, les parents et les familles innus se préoccupent du développement de leurs enfants et de leur autonomie, ils valorisent des pratiques distinctes qui nécessitent d’être mieux connues et appréciées.

Les intervenants sociaux qui oeuvrent auprès des familles autochtones devraient avoir en tête que la vision du développement de l’enfant autochtone est d’abord pensée en fonction de son unicité et d’une grande confiance en ses capacités. En ayant une meilleure connaissance du mode de vie des familles autochtones et des valeurs qui y sont associées, il est possible de mobiliser davantage leurs forces.

On peut espérer que l’entrée en vigueur de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis (Loi C-92) en janvier 2020, au Canada comme au Québec, permettra de changer la donne. La nouvelle loi intègre des valeurs autochtones comme l’unité familiale, la continuité culturelle, l’ancrage au territoire et le respect du point de vue de l’enfant dans les décisions qui le concernent. La prise en compte de ces nouvelles normes par les intervenants sociaux constitue sans aucun doute l’une des manières d’assurer la protection du droit des enfants innus, notamment celui de vivre et de grandir au sein de leur communauté d’origine, de « vivre » leur culture et de grandir en étant fiers de leur identité.