Coming-inL’entrée dans le placard en littérature à thématique homosexuelle destinée aux adolescents[Record]

  • Samuel Champagne

Nos sociétés contemporaines sont composées d’individus possédant chacun des caractéristiques à la fois communes et singulières qui déterminent leurs modes d’existence. Leur identité et leur vision du monde sont tributaires de ces caractéristiques et des groupes au sein desquels ils évoluent. Je m’intéresse à la thématique de l’homosexualité en littérature destinée à la jeunesse. Les romans qui l’abordent donnent à lire le parcours d’un personnage à l’orientation sexuelle hors norme. Ce parcours s’inscrit dans un univers fictif ayant un impact certain sur celui-ci. La sortie du placard (coming-out) d’une personne LGB est une étape charnière de son cheminement. Cependant, cette expression ne me semble pas être autosuffisante ; de fait, ce concept ne suffit pas pour rendre compte de la construction identitaire globale des personnages LGB. L’acte de discours qu’il implique est dépendant d’un autre mouvement qui le précède, parfois de plusieurs années. Ce processus, je l’appelle le coming-in : l’entrée dans le placard. En effet, sans entrée, pas de sortie, forcément… Pour observer de quelle manière les protagonistes des romans LGB prennent conscience de leur différence et en viennent à l’accepter, j’ai développé le concept du coming-in. L’individu homosexuel ou bisexuel entre dans le placard dès la reconnaissance – même diffuse – de ses sentiments pour une personne de même sexe. Je prends pour objet d’étude la littérature LGB destinée aux adolescents qui présente nombre de coming-in. Elle m’a permis de constater l’importance de ce processus jusqu’alors négligé dans la sphère théorique. La sortie du placard est fortement conditionnée par les éléments en ayant influencé l’entrée. Ainsi, conceptualiser le coming-in permet de saisir pleinement l’importance du geste politique qu’est le coming-out. J’ai choisi un corpus restreint d’oeuvres pour illustrer mon propos. Ces oeuvres, toutes publiées dans une maison d’édition après 1998, présentent un ou des personnages LGB d’importance. Ces romans proviennent du Québec, de la France et des États-Unis. Bien que la littérature québécoise LGB ait connu une rapide expansion au cours de la dernière décennie (une douzaine de romans LGB pour la jeunesse furent publiés depuis 2008), le manque de diversité dans les représentations me force à étendre le corpus aux oeuvres internationales. En effet, pour rendre compte du processus d’entrée dans le placard des personnages, il me faut avoir accès à une multitude de lieux de vie, à diverses approches narratives. J’ai donc délimité un corpus de quinze oeuvres qui me serviront à atteindre l’objectif de l’étude. Les études sociologiques accordent une certaine importance à la prise de conscience, par l’adolescent, de son attirance pour les personnes de même genre. Michel Dorais reconnaît que « la découverte de leur attirance, exclusive ou non, pour des personnes de leur sexe, avec toutes les interrogations sur l’identité, la sexualité et l’image de soi qu’elle comporte, est en général un moment de leur vie dont les jeunes se rappellent très précisément. Ils savent que cela va marquer leur existence et leurs relations avec autrui pour longtemps » (Dorais, 2014 : 25-26). Cette étape de leur cheminement m’intéresse tout particulièrement. Les romans LGB proposent un coming-in plus ou moins distinct et, sans sous-entendre l’existence d’un modèle unique, leur étude permet tout de même de dégager plusieurs constantes qui rendent possible l’établissement de ce que j’appelle une « chronologie de la reconnaissance ». Le héros devra composer avec plusieurs éléments culturels et sociaux qui influenceront son coming-in : pratique religieuse, lieux géographiques, intérêts particuliers, etc. L’étude du coming-in appelle donc une « analyse textuelle de faits culturels » (Lagabrielle, 2007 : 39) en ce sens qu’il est impossible de détacher la prise de conscience du protagoniste du milieu social dans …

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