Compte rendu

Lutte contre la pauvreté et développement social intégré. Le cas de Trois-Rivières par Pierre-Joseph Ulysse et Frédéric Lesemann, Québec, Presses de l’Université du Québec Collection Problèmes sociaux et interventions sociales 2007, 154 p.[Record]

  • Yvan Comeau

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  • Yvan Comeau
    Professeur
    École de service social
    Université Laval, Québec

L’objet du livre consiste à rendre compte d’une démarche récente de développement social à Trois-Rivières. Bien que la structure du livre n’en prenne pas la forme, il s’agit d’un rapport de recherche dont les données proviennent de 25 entrevues qualitatives impliquant des acteurs variés. L’expérience de Trois-Rivières mérite que des chercheurs s’y arrêtent pour plusieurs raisons, peut-on apprendre dans l’ouvrage. En premier lieu, il s’agit d’une région où la revitalisation économique et sociale pose un défi de taille, en raison d’une déstructuration économique qui a fait des ravages pendant une trentaine d’années, et qui a placé la ville au sommet du palmarès canadien du chômage à plusieurs reprises. En deuxième lieu, un des traits caractéristiques de cette expérience est qu’elle a pris racine dans la mouvance de l’éducation populaire pratiquée au Centre d’organisation mauricien de services et d’éducation populaire (COMSEP), qui a été légalement constitué en 1986. Ce volet de l’éducation populaire a persisté dans le processus de développement social et dans la mise sur pied des programmes d’insertion sociale et professionnelle ainsi que dans la création d’activités d’économie sociale. En troisième lieu, comme l’illustrent fort bien les auteurs, les protagonistes de la démarche trifluvienne ont entrepris des activités spécifiquement destinées aux personnes exclues du marché du travail, souvent peu scolarisées, et ayant travaillé dans des secteurs d’activités qui n’existent plus à Trois-Rivières. En quatrième lieu, il s’agit d’une des rares démarches où une protagoniste du développement social a porté la voix des exclus sur la scène politique municipale, en étant élue conseillère à la mairie de la ville. Cette action a favorisé, par la suite, une plus grande réceptivité politique aux initiatives de développement social. Outre le fait de s’arrêter à une expérience respectueuse des principes du développement social, l’intérêt du livre réside dans la description de la démarche. Il s’agit d’une description plutôt programmatique, dans la mesure où elle porte davantage sur des projets d’insertion et de création de micro-entreprises, et sur les activités d’organisations, que sur la pratique d’intervention des organisateurs communautaires, par exemple. Les projets décrits concernent l’action des élites locales et régionales (le Technopole), les activités de la corporation de développement économique communautaire (Économie communautaire de Francheville – ÉCO - créée en 1996) et de COMSEP, la contribution de l’économie sociale et l’implication des services publics gouvernementaux dédiés à l’intégration en emploi (notamment Emploi-Québec). L’ouvrage comporte un certain nombre de faiblesses sur les plans de la méthodologie de la recherche et de l’analyse. Sur le plan méthodologique, les auteurs auraient avantage à distinguer les deux volets de la démarche que sont le processus et le résultat. Si l’illustration qu’il s’agit d’un processus prometteur de développement social est convaincante, il en est autrement de la démonstration de sa contribution effective à la lutte contre la pauvreté. Une première observation à ce propos est qu’en lisant la présentation de l’ouvrage, le lecteur a l’impression que « la revitalisation de cette ville » est un fait accompli. Cette impression est confirmée à la page 103, lorsque les auteurs rappellent que la question « initiale » de la recherche était : « Quels sont les facteurs qui font de l’expérience de Trois-Rivières une réussite ? ». La preuve du succès de la démarche sur le plan des résultats n’apparaît pas clairement. Le problème doit être élucidé, car les statistiques du chômage et de la pauvreté ne semblent guère avoir bougé à Trois-Rivières jusqu’en 2005, comme les auteurs le soulignent dans le premier chapitre, malgré le contexte économique apparemment favorable du début des années 2000. Bien sûr, les chercheurs présentent quelques données sur les résultats de COMSEP et ÉCOF en …