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Les auteurs de l'ouvrage en titre sont professeurs à l'Université du Québec à Chicoutimi. Le sujet de leur recherche est extrêmement pertinent dans le contexte actuel des relations de travail, surtout au Québec. En effet, ils ne s'intéressent pas à la retraite en tant que telle, mais bien à la retraite anticipée (qu'on appelle aussi préretraite). Tout le monde se souvient de la vague de mises à la retraite anticipée à laquelle nous avons assisté il y a quelques années lorsque nos gouvernements avaient adopté le mot d'ordre « atteindre le déficit zéro à tout prix ». On pouvait, en effet, s'inquiéter de cette séparation offerte à un si grand nombre de personnes en même temps, sans connaître les effets potentiels d'une telle initiative. De plus, comme le signalent les auteurs, cette tendance se maintient. La retraite est de moins en moins ce qu'elle était à l'origine : une institution gérontologique visant à organiser le retrait du marché du travail des salariés vieillissants dont les forces déclinent. Elle est de plus en plus une institution politico-économique visant à solutionner les problèmes du marché du travail, surtout le chômage et le coût plus élevé d'une main-d'oeuvre ayant plus d'ancienneté. Or nous n'avons pas encore assez de recul pour disposer de recherches évaluant les conséquences du marathon de mises à la préretraite des dernières années.
La recherche de MM. Dubois et Ntêtu est de type qualitatif. Les auteurs définissent comme suit la population visée par leur projet : « des personnes résidant au Saguenay–Lac Saint-Jean et ayant bénéficié d'une retraite anticipée en répondant positivement aux offres de départ volontaire proposées par leur employeur ». Parmi cette population, les auteurs ont sélectionné un échantillon de 23 personnes, mais en ont finalement retenu 19 pour entrevues « parce qu'elles assuraient la comparabilité des cas ». On aurait souhaité des précisions au sujet de l'âge des répondants dans le rapport de recherche. Ces informations se trouvent dans l'annexe 2 qui présente chacun des répondants. Ce ne sont pas tous les lecteurs éventuels qui auront le temps ou la motivation de s'astreindre à une analyse systématique de cette annexe de 19 pages comportant une somme considérable d'informations schématisées (au-delà de 450 items concernant l'identification des répondants et leurs réponses au questionnaire).
En plus de la pertinence de son sujet, la recherche se démarque aussi par sa méthodologie (qualitative) bien adaptée à ses objectifs. La présentation du rapport est bien structurée et rédigée dans un style clair et agréable. Dans l'ensemble, cette recherche est bien faite et pourrait être fort utile. Mais justement, à cause de sa pertinence même, on souhaiterait qu'elle soit plus poussée et surtout plus « pointue » en vue de son applicabilité.
Les auteurs, en effet, ne nous annoncent pas une recherche de plus sur la retraite en général. C'est la préretraite en tant que telle qui les intéresse : « Comment se fait la transition, et quel est son impact sur chaque individu? » On a l'impression que les auteurs parlent parfois de la retraite en général et d'autres fois de la retraite anticipée comme telle. Surtout quand on lit le guide d'entrevue, on se trouve devant un questionnaire qui pourrait être utilisé aussi bien avec des retraités, sans plus de précision. On aimerait avoir plus de questions du type suivant : « Le fait précis que votre mise à la retraite ait été anticipée a-t-il eu pour vous des effets…, (par exemple du point de vue de votre santé -physique et psychologique - du point de vue de votre vie familiale, de vos relations sociales, de vos revenus, etc.)? » Il est possible qu'en utilisant un questionnaire aussi général les auteurs aient voulu se ménager la possibilité d'établir une comparaison avec les personnes s'étant retirées à l'âge prévu. En comparant les réponses des deux groupes, ils pourraient conclure que la variable « retraite anticipée » a entraîné telle ou telle différence, ou encore qu'elle n'a eu aucun effet. Mais pour cela, la méthodologie n'aurait-elle pas dû être modifiée?
Le sujet spécifique de la recherche soulève aussi d'autres questions fort importantes. Ce sont des questions de fond, il est vrai, sur lesquelles la recherche ne portait pas directement. Mais si la spécificité de la retraite anticipée avait été serrée de plus près, autant dans la partie théorique que dans la réalisation concrète de la recherche, inévitablement ces questions auraient été touchées et auraient pu recevoir des réponses qui auraient fourni un éclairage nouveau. Ainsi, on a l'habitude d'associer retraite et vieillissement. Mais à 55 ans, les préretraités ont raison d'affirmer : « Ce n'est pas parce que nous sommes retraités que nous sommes vieux! ». Mais quand on est mis à la retraite à cet âge, dans quelle phase du cycle de la vie faut-il se situer? Ce n'est pas encore le troisième âge, et la gérontologie n'est pas concernée. Serions-nous en train d'assister à l'émergence d'une nouvelle phase du cycle de la vie? Les auteurs avaient pourtant touché à cette question, à la page 24, mais ils ne l'ont pas vraiment reprise dans leur questionnaire et surtout dans leur analyse des réponses obtenues.
Enfin, la conclusion de la recherche, à la page 109, nous laisse un peu sur notre appétit. Les résultats sont étonnamment positifs. Tant mieux si la situation des préretraités est si bonne…, mais on aurait quand même souhaité un texte un peu plus élaboré où il y aurait eu place pour des nuances. On aurait souhaité surtout une certaine interprétation d'un paysage aussi positif pour offrir au lecteur une compréhension plus approfondie de la réalité. Enfin, on aurait souhaité quelques orientations en vue de l'applicabilité des résultats de cette recherche. En somme, en raison même de sa qualité, cette recherche mériterait maintenant d'être poussée plus loin, surtout dans le sens d'un approfondissement de ce qui constitue la spécificité de son sujet.