Abstracts
Résumé
Le courant néoclassique est largement répandu au Canada durant les décennies 1940 et 1950, et notamment au Québec. Selon l’historien George Proctor, il s’agirait d’une voie médiane entre un conservatisme trop appuyé et le modernisme « extrême » de la seconde École de Vienne. Les origines européennes du courant néoclassique sont d’abord rappelées, de même que les principales caractéristiques musicales qui y sont associées, sur lesquelles il n’y a cependant pas de réel consensus. La programmation des orchestres montréalais ainsi que des coupures de presse de l’époque permettent de retenir quelques moments-clés attestant la pénétration du courant néoclassique au Québec. L’auteur met en valeur l’influence d’Igor Stravinski, chef de file du mouvement à compter du milieu des années 1920, qui a visité trois fois Montréal entre 1937 et 1946, de même que celle de la pédagogue Nadia Boulanger. En effet, celle-ci fait la promotion des oeuvres de Stravinski auprès de ses élèves, parmi lesquels figurent, à partir des années 1940, plusieurs compositeurs canadiens-français. D’autres grands noms rattachés à l’école moderniste française, tels Ravel et Poulenc, tout comme la musique et les écrits théoriques de l’Allemand Paul Hindemith, ont aussi eu un certain retentissement au Québec. En témoigne le compositeur Jean Vallerand (1915-1994) dans ses chroniques musicales. Le néoclassicisme est porté au Québec en premier lieu par Jean Papineau-Couture (1916-2000), mais aussi par Maurice Blackburn (1914-1988). Enfin, la qualité de plusieurs oeuvres composées durant et après la Seconde Guerre mondiale, tant au Québec qu’ailleurs dans le monde, incite à remettre en question les connotations péjoratives de l’étiquette « néoclassique », souvent réduite à des clichés, par exemple le recours au pastiche. Ce jugement sévère sera notamment le fait, chez les compositeurs de la génération suivante, des tenants d’un avant-gardisme affirmé. Un regard plus large permet aujourd’hui de reconnaître l’importance du courant dans l’ensemble de la production des compositeurs canadiens.
Abstract
Neoclassicism was an important trend in Canada in the 1940s and 1950s, particularly in Quebec. According to historian George Proctor, it served as a middle-ground between the old and the new, between conservatism and the “extreme” modernism of the twelve-tone school. The European origins of the current is discussed and so are the main musical characteristics that generally define it, even though no real consensus exists on that matter. A survey of various performances of neoclassical works by Montreal orchestras and a study of their reception in the press help bring to light a few key-moments attesting the penetration of musical neoclassicism in Quebec. Considered the main leader of the movement from the middle of the 1920s onward, Igor Stravinsky visited Montreal three times between 1937 and 1946. His influence in Quebec is emphasized, as that of French pedagogue Nadia Boulanger, a strong promoter of his works and teacher of many French-Canadians in the 1940s and 1950s. Other renowned French modernists, such as Ravel and Poulenc, had an impact in the province, as did the works and theoretical writings of Paul Hindemith. This is clearly demonstrated in composer Jean Vallerand’s work as a music critic. In Quebec, the main proponent of neoclassicism is without doubt Jean Papineau-Couture (1916-2000), but Maurice Blackburn (1914-1988) presents another interesting case. Finally, in view of the quality of many works composed during or after World-War ii, in Quebec and elsewhere, one should question the derogatory aura of the “neoclassical” label, too often reduced to a couple of simple traits, such as the use of pastiche. This harsh judgement is mainly due to composers of the following generation, advocates of a more pronounced avant-gardism. A wider perspective should allow to reconsider the importance of the neoclassical trend in Canadian contemporary music as a whole.
Article body
L’historiographie musicale nous a déjà appris que le courant néoclassique est assez largement répandu au Canada durant les décennies 1940 et 1950, et notamment au Québec[1]. À titre d’exemple, George Proctor, à qui l’on doit le premier ouvrage substantiel sur l’histoire de la musique canadienne du xxe siècle, a intitulé « L’apogée du néoclassicisme » le chapitre qu’il consacre à la décennie 1950-1959 (1980, 61-102). Au Québec, plusieurs compositeurs sont associés à cette esthétique et l’influence française — comprise ici au sens large, afin d’inclure notamment un personnage aussi influent qu’Igor Stravinski[2] (1882-1971) — se révèle alors dominante, comme elle le sera d’ailleurs dans d’autres domaines artistiques, par exemple en peinture et en littérature.
Il s’agira donc ici de mettre en valeur cette courroie de transmission stylistique entre la France et le Canada français, et d’identifier au passage les principaux « passeurs » impliqués, qu’il s’agisse d’interprètes, de sociétés de concert, de compositeurs ou encore de pédagogues. Parmi ceux-ci se distingue rapidement Nadia Boulanger (1887-1979), associée à juste titre à la propagation de l’esthétique néoclassique, et en particulier au rayonnement de l’oeuvre de Stravinski (Segond-Genovesi 2018, 201). La pédagogue a en effet contribué à faire connaître à ses nombreux élèves canadiens — francophones autant qu’anglophones — plusieurs oeuvres marquantes du compositeur (Boivin 2013). Celui-ci, il n’est sans doute pas inutile de le rappeler, s’est fortement imprégné de musique française de tendance moderniste durant les 18 années où il habite en France (de juin 1920 à septembre 1939[3]). Appuyé notamment sur divers articles de presse, ce texte se veut une chronique de quelques moments-clés attestant de ce transfert culturel entre l’Europe francophone et l’Amérique du Nord[4], où la musique de Stravinski, mais aussi celle de Ravel, de Poulenc, et d’autres compositeurs rattachés à l’école française moderne, suscitera un intérêt chez nombre de créateurs canadiens de premier plan, Jean-Papineau-Couture en tête (1916-2000). Et on verra qu’il est légitime, dans le cas présent, d’élargir l’angle d’approche de façon à inclure dans ce « portrait de groupe » des figures influentes en Amérique du Nord après la Seconde Guerre mondiale, comme le Russe Serguei Prokofiev (1891-1953) (qui visite la France pour la première fois en 1921 et pour qui Paris sera un port d’attache à compter de 1923, pour une dizaine d’années) ou encore, ce qui pourra étonner davantage, l’Allemand Paul Hindemith (1895-1963).
Dans son livre publié en 1980, Proctor situe donc l’apex du courant néoclassique au Canada dans les années 1950, soit plusieurs décennies après les principales manifestations européennes. Il en observe toutefois les premières manifestations dès le début des années 1940, tant à Toronto qu’à Montréal[5]. On connaît la chanson : en opposition aux « excès postromantiques », à un discours souvent dense, à des harmonies chromatiques ou sensuellement « colorées », à une émancipation de la dissonance (tant chez Debussy que chez Schoenberg), l’emphase est alors placée sur la clarté de texture, l’économie, la retenue émotive, l’équilibre des proportions, un retour de la mélodie, un thématisme clair, un diatonisme assumé, etc. (voir par exemple Chion 1986 et Whittall 2001). Plusieurs compositeurs canadiens, surtout au sein de la jeune génération — née autour du début de la Première Guerre mondiale —, reviennent alors à des formes, des textures, des patrons rythmiques et des techniques d’écriture préromantiques[6]. En bref, à un style favorisant les procédés classiques, certes, mais aussi baroques, ce que l’adjectif néoclassique peut faire oublier. Dans un autre texte, daté celui-là de 1976, Proctor suggère d’expliquer la fortune qu’aura au pays cet important courant musical par un trait de caractère de ses habitants, l’attrait du « juste milieu » :
Quand la musique canadienne a atteint sa pleine maturité après la Seconde Guerre mondiale, il était naturel que dans une optique typiquement canadienne, un compromis stylistique soit adopté. Le néoclassicisme offrait cette possibilité et est devenu la principale force stylistique derrière la musique canadienne en 1940 et 1960. […] Dans les faits, l’ancien était combiné avec le nouveau. […] La jeune génération de compositeurs canadiens était particulièrement préoccupée par la nécessité de faire entrer, musicalement parlant, le Canada dans le 20e siècle. Et ils ont choisi le néoclassicisme comme outil pour y parvenir. […] Ils ont choisi d’éviter ce qui était alors considéré comme l’aile extrémiste du modernisme musical, l’école dodécaphonique de Schoenberg, Berg et Webern
Proctor 1976, 15-16[7]
Le néoclassicisme aurait donc constitué une sorte de terrain neutre entre le conservatisme plus ou moins affirmé de la génération précédente et l’avant-garde que représentait alors l’École de Vienne. Un compromis qui permettait de compenser le retard indéniable accusé par la musique canadienne si on la compare avec ce qui s’écrivait en Europe ou même aux États-Unis[8]. Cette analyse doit bien sûr être nuancée : tous les compositeurs canadiens ne monteront pas dans le train en marche du néoclassicisme. Et il en est d’autres qui choisiront justement, pour s’exprimer pleinement, cette voie « extrême » du dodécaphonisme, voire du sérialisme intégral. Mais ceux-là seront minoritaires et des études ont été consacrées à certains d’entre eux[9].
Avant d’examiner quelques exemples concrets de la « montée » du néoclassicisme au Québec, il importe de souligner que ce courant s’y infiltre alors qu’on constate, surtout de la part des plus jeunes compositeurs, un affaiblissement marqué du courant nationaliste, auparavant nourri par une exploitation du folklore, réel ou imité. Après qu’on se soit beaucoup demandé, dans le Québec des années 1930, s’il est possible d’écrire une musique véritablement canadienne — et, en l’occurrence, canadienne-française —, l’idée de recourir à un tel outil d’affirmation identitaire, de « localisation géographique », si l’on peut dire, ne fait pas — ou plus — l’unanimité parmi les compositeurs. Le Montréalais Jean Papineau-Couture se fait sans doute le porte-parole de la jeune génération lorsqu’il ose écrire, à l’automne 1942 (il est alors âgé de 25 ans), dans un texte que je considère fondateur et qui sera publié dans la revue Amérique française[10], que le contenu canadien d’une oeuvre importe peu. La musique « contemporaine » (celle de 1942) tend, à son avis, vers un abandon des caractéristiques nationales. Le principal défi consiste à amener le public à accepter les nouveaux moyens d’expression et à créer un auditoire pour les nouvelles oeuvres canadiennes. « Même si une musique proprement canadienne existait, de déclarer Papineau-Couture, il serait impossible d’expliquer ce qui la fait canadienne » (Papineau-Couture 1942, 24[11]). Pourquoi, suggère-t-il, ne pas plutôt tenter de composer une musique « internationale », à l’exemple de Stravinski ?
Un grand nombre d’oeuvres de Stravinsky, Perséphone, la Symphonie de psaume [sic], le Concerto pour deux pianos, le Concerto grosso « Dumbarton Oaks », et même la Pastorale, une oeuvre de jeunesse — offrent de nouveau cet aspect universel. De même pour Prokofieff
1942, 24[12]
Le choix des termes (« international », « universel ») peut faire sourire aujourd’hui, mais Papineau-Couture se réclame ici de principes structurels ayant fait leur preuve et surtout d’une certaine objectivité, opposée à la thématique nationaliste et aux accents du terroir. George Proctor voit justement dans le mariage, d’une part, de formes « classées » (sonates, variations, etc.) et, d’autre part, de mélodies et d’harmonies qui évitent consciemment la tonalité traditionnelle, donc dans le mariage de l’ancien et du nouveau, le trait dominant de ce néoclassicisme qui a fait couler beaucoup d’encre (1976, 15). Et si le folklore n’est plus de saison, alors même que le second conflit mondial, en exaltant le filon nationaliste, aurait pu produire l’effet inverse, un consensus semble s’établir au Canada français à partir des années 1940 — à tout le moins entre les critiques musicaux et les compositeurs les mieux informés — quant au recours nécessaire à des techniques modernes d’écriture, afin de combler ce retard assez manifeste, sur le plan stylistique, entre les oeuvres canadiennes récentes et ce que la radio et le disque révèlent de la modernité musicale, déjà bien implantée en Europe et aux États-Unis. On n’a qu’à penser aux concerts radiodiffusés mettant en vedette les grands orchestres américains, populaires chez les mélomanes qui suivent de près l’actualité musicale (Boivin 2017).
La prise en compte d’un nouveau courant
L’histoire du courant ayant été suffisamment balisée (Messing 1988, Taruskin 1993, Whitall 2001, etc.), je ne m’attarderai pas ici en détails sur le contexte historique qui a vu, non pas naître mais plutôt se cristalliser le néoclassicisme. Je rappellerai seulement qu’en France, particulièrement, après les six interminables années d’un premier conflit mondial qui a touché comme jamais auparavant la population civile, le nombre très élevé de vétérans lourdement handicapés, voire défigurés — les tristement fameuses « gueules cassées » —, circulant dans les villes et villages ne cessent de rappeler à la population l’échec de la course au progrès. Dans cette France qui cherche à panser ses plaies, bon nombre de compositeurs ressentent la nécessité de rejeter les épanchements sentimentaux du postromantisme tardif et de l’expressionnisme, importés des contrées germaniques, honnies et belligérantes. On cherche plutôt à adopter un style musical plus direct, sobre, linéaire, équilibré et objectif, éloigné du pathos, en somme, qui emprunte souvent (mais pas toujours) des éléments formels et de langage au passé, et qui revendique à l’occasion une parenté avec la chanson populaire, par exemple chez Poulenc. Histoire de s’éloigner d’un excédent de sentimentalité et d’une emphase sur le moi, jugés obscènes après la tragédie traversée, tout comme des sonorités riches, sensuelles et hédonistes qu’on a associées à l’impressionnisme musical[13]. Pensons à Cocteau qui, dans Le Coq et l’arlequin, en appelle à une musique simple, « de tous les jours » (1918, 31[14]). À ce mouvement multiforme, on donnera éventuellement le nom, certes imparfait, de « néoclassicisme ». Cette étiquette traîne aujourd’hui son lot de résonances plutôt péjoratives — on y reviendra — mais la volonté qui la sous-tend de démocratiser davantage la musique moderne en la rendant plus accessible est véritablement dans l’air du temps puisqu’elle apparaît simultanément — quoiqu’avec force variante — dans plusieurs endroits, y compris en Union soviétique, et qu’elle s’étendra donc largement à l’extérieur de la France. Le terme, déjà utilisé pour décrire certaines oeuvres du xixe siècle, se généralise, pour acquérir le sens qu’on lui donne aujourd’hui, au milieu des années 1920. Dans son ouvrage sur le néoclassicisme en musique, la première étude substantielle sur le sujet, Scott Messing propose plutôt l’expression « nouveau classicisme » pour qualifier les oeuvres composées autour de 1900 qui relèvent surtout d’une objectivisation assumée du langage (1988, 12 et suivantes[15]).
Stravinski, locomotive du mouvement ?
Même si son nom y est associé dans tous les manuels d’histoire de la musique, Stravinski n’est pas l’initiateur du néoclassicisme en musique, peu s’en faut. En effet, nombre de compositeurs simplifieront de façon notable leurs langages vers 1917-1918, voire plus tôt encore, la Sonatine de Ravel remontant à… 1905 ! Ainsi, le Tombeau de Couperin du même Ravel (1914-1917) et la Symphonie no 1, op. 25, dite « classique », de Prokofiev (1917) précèdent-elles de quelques années le célèbre ballet Pulcinella de Stravinski (1920[16]), hommage fort habile au baroque italien et souvent présenté comme un point tournant dans sa production, une sorte de manifeste sonore de la nouvelle esthétique. Participent bien sûr au mouvement — on serait tenté d’écrire, à la « parade », en se référant au controversé ballet présenté en mai 1917 par les Ballets russes — les principaux membres du Groupe des Six, tous précédés, voire guidés, par Érik Satie. Outre la jeune école russe, qui inclut Chostakovitch, bon nombre de compositeurs modernistes de l’Europe centrale, dont plusieurs séjourneront d’ailleurs à Paris dans l’entre-deux-guerres, leur emboîteront le pas (Lazzaro 2018). Chose certaine, aucune définition de ce qu’est le néoclassicisme en musique ne fait autorité, et si des références à des codes antérieurs sont fréquentes chez les compositeurs qu’on regroupe sous cette ample bannière, « les formes, écrit avec justesse Danick Trottier, ne sont pas tant la réplique exacte du passé qu’elles le suggèrent, de sorte que l’auditeur de l’époque est confronté davantage à un travail de réinvention qu’à un simple pastiche » (2006, 145).
Il demeure que le compositeur des courtes Pièces faciles pour piano à quatre mains (1914- 1917[17]), de L’Histoire du soldat (1917) puis surtout de Pulcinella, est rapidement identifié comme l’un des plus importants représentants du néoclassicisme en musique[18]. On a beaucoup commenté, voire dénoncé, le « virage » effectué par le compositeur russe durant la Première Guerre mondiale. Le terme « néoclassique » lui est associé la première fois en 1923 sous la plume de Boris de Schloezer, et sans connotation négative (Messing 1988, 129 et suivantes ; 152). C’est encore Schloezer qui aurait utilisé le premier l’expression « retour à Bach » à propos de son Octuor (1923), un point aussi discuté par Valérie Dufour (2006, 129-130). On ne s’étonnera guère que Stravinski ait d’abord refusé l’étiquette, avant de s’y résigner, apparemment, à la fin de la décennie (Dufour 2006, 152), aucun créateur n’appréciant d’être placé dans une case ou une catégorie[19]. L’agaçaient bien davantage les critiques qui évoquaient, pour expliquer la simplification inattendue de son langage, une manifeste panne d’inspiration. À propos du Duo concertant pour violon et piano (1931-32), le compositeur écrivait :
Je ne suis pas un néo-classique ; je me suis seulement tourné vers une forme constructive plus austère, mais en restant un musicien moderne. Les passéistes sont ceux qui en demeurent au « climat » du Sacre et du jazz. L’heure présente réclame une musique où l’élément décoratif le cède à l’élément spirituel
cité par Mooser 1947?, 201[20]
Le néoclassicisme à Montréal
L’esthétique musicale néoclassique — ou du moins la tendance objective et formaliste qui en est la prémisse et avec laquelle on peut souvent la confondre — est présente au Québec dès le début des années 1920, notamment grâce à la rediffusion de concerts radiophoniques en provenance du nord-est des États-Unis et à l’engagement en faveur de la modernité de quelques interprètes, dont le pianiste Léo-Pol Morin (1892-1941), qui appréciait beaucoup la musique de Debussy et de Ravel, mais aussi celle de Francis Poulenc et d’autres compositeurs de sa génération, tels Arthur Honegger, Alexandre Tansman, Georges Auric, Darius Milhaud et Jacques Ibert. Élève d’Isidore Philipp et de Ricardo Viñes, Léo-Pol Morin s’est fait un porte-parole de l’école française moderne de piano, à la fois comme pianiste et comme chroniqueur et conférencier, comme l’a bien montré Claudine Caron (2013, 85 et suivantes). À l’occasion du passage à Montréal de Maurice Ravel le jeudi 19 avril 1928, dans le cadre d’une tournée nord-américaine, Morin interprète, avec le compositeur, la version originale pour piano à quatre mains de la suite Ma Mère l’Oye (1910) tandis que Cédia Brault chante les récentes Chansons madécasses (1925-1926). Dans le texte qu’il a consacré au séjour de Ravel au Canada, Gilles Potvin nous apprend, s’appuyant sur une critique de Frédéric Pelletier parue le lendemain dans Le Devoir, que la salle du théâtre Saint-Denis n’est remplie qu’au tiers (Potvin 1988, 161[21]) ; on peut présumer que parmi ces auditeurs privilégiés figuraient certains des mélomanes les mieux informés de la métropole...
La Société des concerts symphoniques de Montréal (SCSM), fondée en 1934, contribuera également à cette « percée » du néoclassicisme européen. Dès sa deuxième saison, le 17 décembre 1935, elle invite Léo-Pol Morin à interpréter le Concert champêtre de Poulenc (1928), composé par son amie Wanda Landowska et inspiré par la musique pour clavier des xviie et xviiie siècles[22]. L’orchestre inscrit également à ses programmes, tout comme l’avait fait à quelques reprises avant lui le Montreal Orchestra[23] (MO), des oeuvres de Maurice Ravel, par exemple Le Tombeau de Couperin (1914-1917, joué en mars 1936), la suite orchestrale Ma Mère L’Oye (1911, jouée en août 1940) et les deux concertos pour piano (tous deux achevés en 1931), présentés à tour de rôle en mars 1944 et en mars 1945[24]. Entre 1935 et 1946, soit la première décennie de son existence, la SCSM propose aussi à quelques reprises à ses auditeurs des oeuvres de Prokofiev, dont la populaire Symphonie classique (1917) ; d’abord en mars 1942, puis en juillet 1943 et à nouveau en juillet 1945[25]. Le compositeur-pianiste russe était d’ailleurs venu jouer en récital à Montréal et à Québec dans la période d’entre-deux-guerres, d’abord en 1920, alors qu’il effectue une tournée de concerts aux États-Unis, puis à nouveau en 1930, pour un unique récital montréalais[26]. D’autres oeuvres facilement accessibles et pouvant être rattachées plus ou moins étroitement au courant néoclassique sont proposées par la Société des concerts symphoniques de Montréal. Léo-Pol Morin félicitera d’ailleurs en octobre 1937 Wilfrid Pelletier, directeur artistique de l’orchestre, pour être allé « chercher les belles oeuvres là où il s’en trouve, dût-il pour cela faire le voyage de Bolchévie », une claire allusion aux oeuvres russes entendues à Montréal (cité dans Flamand 1999, 95). La Symphonie no 1 de Chostakovitch (1925) a ainsi été jouée au moins deux fois par la Société des Concerts symphonies de Montréal au cours de leur première décennie d’existence (en octobre 1937 et en mai 1945[27]). En comparaison, la programmation du Toronto Symphony Orchestra (TSO), dont la situation financière était alors précaire[28], semble plus conservatrice, ou nettement moins orientée vers le modernisme français ou russe. Le compositeur John Weinzweig se souvenait que « [d]ans le monde anglo-saxon, Sibelius régnait au sommet et Finlandia servait de mesure étalon » (Weinzweig 1996, 77[29]). Étaient largement absents des programmes, au moins durant les années 1930, la plupart des compositeurs français postérieurs à Ravel, et afortiori les trois Viennois ou encore Hindemith[30] (Schabas 1996, 121).
On peut aussi associer Darius Milhaud (1892-1974), ainsi que d’autres membres du Groupe des Six, au néoclassicisme à la française en ce que sa musique, fortement antiromantique, se veut d’une approche plus directe que celle de son prédécesseur Debussy, par exemple[31]. Le compositeur du Boeuf sur le toit (1920) séjourne lui aussi à Montréal dans l’entre-deux-guerres. Le 31 janvier 1927, sous l’égide de la société Pro Musica, il présente un concert commenté sur le thème « L’évolution de la musique française contemporaine », axée particulièrement sur l’oeuvre de Satie et du Groupe des Six ; le compositeur insère dans son propos quelques pièces pour piano de Satie et de lui-même, et accompagne la mezzo-soprano Cédia Brault[32] dans des mélodies de Honegger, de Poulenc et dans la première canadienne de deux de ses propres Poèmes juifs, datés de 1916[33]. Ce ne sont là que quelques exemples des liens serrés entre la scène musicale parisienne et son modeste pendant québécois. Ce à quoi il faut bien sûr ajouter les mentions régulières des compositeurs déjà nommés dans divers médias écrits, journaux ou revues musicales publiés au Québec (par exemple La Lyre, parue entre 1922 et 1931) ou importés (telle La revue musicale, fondée à Paris en 1920 et accessible à l’étranger par abonnement), ce qui ne pouvait manquer d’attiser la curiosité d’un certain public mélomane[34]. Mais rien ne vaut la présence des compositeurs pour attirer sur eux l’attention.
Stravinski et le Québec
Le 25 janvier 1937, Stravinski étonne les mélomanes montréalais les plus à l’affût de nouveauté en présentant à l’auditorium de l’école Le Plateau, en compagnie du violoniste Samuel Dushkin, un récital de ses oeuvres pour violon et piano. Il s’agissait essentiellement d’arrangements pour duo de pages assez récentes : la Suite italienne (1932-1934) tirée de Pulcinella, et le Duo concertant (1931-1932), tiré du ballet LeBaiser de la fée d’après Tchaïkovski (1928), deux arrangements auxquels contribua le violoniste[35]. En complément, des transcriptions tirées de L’Oiseau de feu (la « Berceuse » et le « Scherzo ») (1910) et du Chant du Rossignol (1917[36]), ainsi que la « Danse russe » de Petrouchka (1911), dans la version pour piano seul (1921). Le compositeur et critique musical Jean Vallerand (1915-1994), un précieux témoin de cette époque (Lefebvre 1996), écrit dans le journal étudiant Le Quartier latin que tout le programme lui semble « d’une habileté de facture incroyable, déconcertante » (Vallerand 1937, 5). Le critique est toutefois peu impressionné par les arrangements pour deux chambristes de passages choisis de ces chefs-d’oeuvre orchestraux que sont L’Oiseau de feu et Petrouchka, qui lui paraissent, présentés ainsi, « fluets », « presque insignifiants ». Il conclut : « Stravinsky restera, quoi qu’il fasse, un grand symphoniste » (Vallerand 1937, 5[37]).
À nouveau de passage à Montréal quelques années plus tard, le 5 mars 1945, Stravinski se présente cette fois au Théâtre Saint-Denis en qualité de chef d’orchestre, à la tête de l’éphémère Orchestre philharmonique de Montréal, un ensemble de pigistes auxquels se seraient joints des étudiants du tout récent Conservatoire de Montréal[38]. Stravinski a choisi de diriger, en plus de la suite tirée de L’Oiseau de feu, une oeuvre très récente, en première montréalaise : les Scènes de ballet, datées de 1944, comportant neuf sections, ainsi que l’étonnante Circus polka composée pour le cirque Barnum[39] (1942). Si ce deuxième séjour à Montréal est un succès, il n’en confirme pas moins l’orientation prise par le compositeur depuis le début des années 1920. Le journaliste Thomas Archer, qui s’est entretenu avec Stravinski avant le concert, note l’épuration de son langage : « Stravinski est par goût un classiciste » (Archer 1945[40]). C’est aussi ce que Vallerand souligne au profit de ses lecteurs du journal Le Canada :
Les Scènes de ballet qui datent à peine d’un an à peine manifestent un Stravinsky que nous ne connaissions pas, un Stravinsky qui est toujours le même magicien de l’orchestre, mais un Stravinsky classique en ce sens que la pensée est ici générale et pure comme chez Haydn ou Mozart
Vallerand 1945a, 9[41]
On me permettra de souligner que ces Scènes de ballet, qui ne comptent certes pas parmi les oeuvres les plus connues de Stravinski, sont de la même eau que les quatre Impressions norvégiennes (1942), qui, lors de leur création française à Paris dix jours plus tard, le 15 mars, seront sifflées (à l’aide de vrais sifflets) par le jeune Pierre Boulez et ses amis, dont Serge Nigg, lesquels étudient alors avec Olivier Messiaen ; la controverse éclaboussera d’ailleurs quelque peu ce dernier[42] (Poulenc 2011, 108-109). La création montréalaise (et sans doute canadienne) s’est révélée passablement moins houleuse puisque le compositeur a été « longuement acclamé » (Vallerand 1945b, 5). En fait, le critique précise dans sa chronique du 7 mars que la venue du compositeur a attiré de nombreux jeunes admirateurs, dont les rédacteurs du journal étudiant de l’Université de Montréal Le Quartier latin, ainsi que des représentants de la troupe de théâtre Les Compagnons de Saint-Laurent[43], que « l’art moderne ne laisse pas indifférents » (Vallerand 1945a, 9). Le compositeur en devenir Gabriel Charpentier (né en 1925) ainsi que les comédiens Jean Gascon (1921-1988) et Jean-Louis Roux (1923-2013) sont du nombre des jeunes gens qui entourent Stravinski avec enthousiasme à sa sortie du théâtre. Gabriel Charpentier gardait jusqu’à récemment un souvenir ému de la gentillesse du grand musicien[44].
On ne peut nier que Montréal est devenue une étape pour plusieurs musiciens effectuant des tournées nord-américaines puisque Stravinski y séjourne pour une troisième fois en décembre 1946[45]. Il dirige cette fois l’orchestre de la Société des concerts symphoniques (futur Orchestre symphonique de Montréal), pour deux concerts présentés à l’auditorium de l’école Le Plateau. Le programme comprend la suite tirée du ballet Pulcinella, le Divertimento tiré du ballet Lebaiser de la fée (1934) — donc entendu cette fois dans sa version orchestrale —, le premier tableau de Petrouchka (« La Foire ») et enfin « Berceuse et Final » de L’Oiseau de feu. Ces dernières pages sont maintenant familières au public montréalais, grâce surtout à la radio. On remarque que le compositeur prend soin de juxtaposer des pages de sa première période, dite « russe », et de sa deuxième manière, dite « néoclassique », sans doute une façon d’attirer le public tout en confirmant la direction qu’il avait choisi de prendre. Jean Vallerand ayant cessé sa collaboration au journal Le Canada à l’automne de cette même année 1946[46], on ne peut connaître son opinion sur ce concert. Mais Romain-Octave Pelletier (1904-1968) en rend heureusement compte dans Le Devoir (auquel Vallerand sera associé plus tard, à partir de 1952). Très sévère à l’endroit de Stravinski en tant que chef d’orchestre, Pelletier loue toutefois le compositeur, tout en restant dubitatif devant certains de ses choix : « Sa musique la plus récente, comme ce Divertimento qu’il a dirigé hier soir, montre son talent d’orchestrateur à son apogée, même s’il ne dédaigne pas les redites et se montre avare d’originalité. L’oeuvre est toujours amusante, souvent charmante, et un peu vulgaire […] » (Pelletier 1946, 7). Pour sa part, Marcel Valois, le critique du journal La Presse, n’hésite pas à titrer son texte : « Le Divertimento de Stravinsky est une merveille d’esprit ». Il y voit « à la fois l’éloge, la critique, la caricature et la résurrection du genre. […] La suite en plusieurs mouvements est une merveille d’écriture se jouant de tous les styles » (Valois 1946, 13).
Il demeure que c’est Jean Vallerand qui, avec le critique de The Gazette Thomas Archer, paraît le mieux informé des enjeux stylistiques auxquels font face les compositeurs de l’époque. C’est ainsi qu’après la deuxième visite de Stravinski à Montréal, en mars 1945, donc alors que la Seconde Guerre mondiale tire à sa fin, il fait état, comme d’autres observateurs avertis, des deux principales écoles de pensée qui divisent depuis quelques décennies le milieu de la composition musicale, représentées par l’auteur du Sacre et par celui de Pierrot lunaire (1912), ces deux grands rivaux qui se disputent le titre de plus grand compositeur vivant (Trottier 2008). Tout en notant que « Stravinsky se refuse à porter des jugements définitifs sur la musique des compositeurs qui sont ou ont été ses contemporains[47] », si ce n’est pour leur reprocher de ne pas connaître « leur métier aussi à fond que les compositeurs classiques » (Vallerand 1945b, 5), le chroniqueur évalue que c’est bien le compositeur russe qui montre la voie à suivre. « Pour l’instant, tout l’espoir de la jeune génération est tourné vers [lui] » (1945b, 5). Vallerand poursuivra sa réflexion durant les mois qui vont suivre :
Stravinsky a exploré la tonalité jusque dans ses recoins les plus éloignés. […] La preuve que Stravinsky n’a pas trouvé ce qu’il cherchait est qu’il continue de chercher comme en fait preuve chacune de ses nouvelles oeuvres[48] »
Vallerand 1945c, 5
Appelés à choisir entre le dodécaphonisme (ou du moins l’atonalité franche) et un modernisme plus consensuel, d’autres compositeurs et compositrices canadiens se rangeront dans le camp de l’auteur de l’Octuor. C’est le cas du Torontois Godfrey Ridout (1918-1984), qui enseigna l’harmonie au Conservatoire de Toronto à partir de 1940, puis l’histoire de la musique à la Faculté de musique de l’université de cette même ville à compter de 1948. Ridout se considérait un stravinskien actif :
Stravinsky m’a beaucoup influencé. Toute mon oeuvre, sauf la Ballade [1938], a subi l’influence du Stravinsky des trois premiers ballets. Je me sens attiré par sa Symphonie de psaumes [1930], même par son Apollon musagète [1928] […], parce qu’on y retrouve les courbes mélodiques de ses premières oeuvres. La clarté intellectuelle du Jeu de cartes [1936] a eu sur moi un effet profond
Hatton 1974, 7
Aucune césure stylistique n’est ici déplorée. George Proctor se réfère lui aussi à Stravinski lorsqu’il donne, parmi d’autres exemples de néoclassicisme canadien, deux oeuvres du compositeur montréalais Jean Papineau-Couture, le Mouvement perpétuel pour piano (1943) et l’Étude en sibémol pour piano (1945), où le caractère de toccate, la polytonalité, les rythmes et l’usage d’ostinatos lui rappellent les oeuvres pour piano des années 1920 du compositeur de la Sérénade en la (1925). Au moins deux autres compositions signées par des Montréalais figurent dans la liste d’oeuvres « néoclassiques par nature » que propose Proctor : Sacrilège d’Alexander Brott (1941), écrit comme une invention à deux voix de Bach, et la Sonatina no 2 de Violet Archer (1946), pastiche d’une sonate de Mozart (Proctor 1976, 16[49]). Pour l’heure, concentrons-nous un moment sur Jean Papineau-Couture, qui s’imposera comme une figure de proue du néoclassicisme, façon québécoise.
Papineau-Couture, un disciple montréalais de Stravinski et de Nadia Boulanger
Si le Québec paraît rétrospectivement avoir été moins sensible que d’autres régions du Canada au Stravinski de l’Octuor ou de laSonate pour piano (1924), Jean Papineau-Couture sera l’un des premiers à emprunter cette voie, et ce, de façon très consciente. Déjà admirateur de Poulenc mais aussi de Prokofiev, dont il apprécie notamment les modulations inattendues (Bail Milot 1986, 15 et 18[50]), et surtout très tôt un disciple de Stravinski, il trouve le « mentorat » idéal, si l’on peut dire, auprès de Nadia Boulanger. Il étudie avec celle-ci à compter de 1941[51], d’abord à la Longy School de Cambridge, près de Boston, puis ponctuellement, avec une pause en 1943, jusqu’en 1945 en divers endroits aux États-Unis, y compris en Californie où celle-ci avait trouvé refuge durant les dernières années de la Seconde Guerre mondiale (Bail Milot 1986, 30-31 ; Boivin 2013, 75-76[52]). Or, Boulanger était très proche de Stravinski (Francis 2009 et 2015). Celui-ci lui faisait régulièrement parvenir les partitions de ses nouvelles oeuvres et ils ont même donné « ensemble » un cours de composition à l’École normale de Paris en 1935-1936, une rare incursion du compositeur dans le domaine de l’enseignement ; dans les faits, et selon l’un de ses biographes, Stravinski « s’y rend une fois par mois pour assister, plutôt que pour participer activement, aux analyses de Boulanger » (Boucourechliev 1982, 255 ; voir aussi Walsh 2006, 32-33, sur le contexte de ce partenariat). Tant en France que lors de son séjour aux États-Unis, la pédagogue invitera à l’occasion Stravinski à rencontrer ses élèves et déchiffrera avec lui, au piano à quatre mains, un manuscrit encore inédit ou à la veille d’une exécution publique (souvenirs de Papineau-Couture, dans Bail Milot 1986, 26-28[53]). Après avoir eu le privilège d’assister à des répétitions du Concerto « Dumbarton Oaks » (1939) et de la Symphonie en ut (1940), le jeune musicien peut à nouveau côtoyer de près le célèbre compositeur russe en Californie, où ce dernier est régulièrement l’invité de la famille Sachs, qui héberge Boulanger (Bail Milot 1986, 30-31). On comprend sans peine que ces deux figures marquantes de la musique occidentale ont contribué à forger le langage musical du jeune compositeur canadien-français.
La réputation de pédagogue de Nadia Boulanger n’est plus à faire en ce qui concerne le haut niveau de ses exigences, tant envers elle-même qu’envers ses élèves les plus doués, mais un certain mystère plane encore quant au climat et au contenu des séances de groupe qu’elle organisait dans son vaste appartement parisien (au 36, rue Ballu, dans le 9e arrondissement), à la Longy School ou en d’autres lieux, et surtout quant au contenu des cours privés qu’elle prodiguait du matin au soir. De nombreux témoignages d’élèves, dont celui de Papineau-Couture, nous apprennent qu’elle accordait une très grande importance à la maîtrise complète des règles de l’écriture musicale ainsi qu’au développement intensif de l’oreille intérieure, un musicien digne de ce nom se devant de percevoir à la lecture d’une partition tous les éléments qui la composent : mélodie, harmonie, contrepoint, phrasé, nuances, etc. (Boivin 2009 et surtout 2013[54]). Comme le confirme une intéressante étude qui a tenté d’y voir plus clair (Johnson 2020, 53 et suivantes), Boulanger s’appuiera tout au long de sa remarquable carrière de pédagogue (qui s’étend des années 1910 jusqu’à peu de temps avant sa mort en 1979) sur le Traité de fugue de Gédalge (1904), le Traité d’harmonie théorique et pratique de Théodore Dubois (1921), le Cours de contrepoint de l’organiste Marcel Dupré (1938), ainsi qu’une compilation d’exercices à partir de basses figurées de Paul Vidal (Bonet 2006 ?[55]), sources qu’elle ne jugera jamais dépassées et qu’elle fera étudier à ses élèves de façon systématique. Même si Jean Papineau-Couture avait déjà été introduit à ces exercices soumis par son maître Gabriel Cusson, qui avait été lui-même l’élève de Boulanger dans les années 1930, il devra s’y replonger à la Longy School. Il semble que tous les élèves canadiens de Boulanger qui ne furent pas simplement des auditeurs à sa classe du mercredi, rue Ballu, soient passés par ce rigoureux entraînement, destiné à développer les réflexes et la compréhension, tant à la plume qu’au clavier, des fondements théoriques de la musique tonale (ce que les anglophones désignent comme les « materials of music[56] »).
Pour en revenir au sujet principal de cet article, il apparaît significatif que Jean Papineau-Couture, âgé de 25 ans en 1941, ait approfondi auprès de Nadia Boulanger plusieurs partitions importantes de Stravinski, dont celles de l’Histoire du soldat, de la Symphonie en ut (1940), de la Symphonie des psaumes et du ballet Apollon musagète, cette dernière oeuvre analysée en détail (Bail Milot 1986, 25). Certes, d’autres compositeurs modernes seront à l’étude, par exemple Fauré, Debussy, Ravel, certains membres du Groupe des Six, Prokofiev (le Concerto pour violonno 1) et Hindemith (le Trio à cordes no 2) (Bail Milot 1977, 263), mais l’influence de Stravinski sur le travail de Papineau-Couture dominera, au moins pour un temps. On parle ici d’une compatibilité profonde : « Nadia Boulanger […] m’a amené à suivre de près l’École de Stravinsky dans toutes ses ramifications, tous ses déboires et toutes ses impasses. J’ai été un Stravinskyste [sic] actif[57] ». On relira avec intérêt les pages que consacre sa biographeà cette étape cruciale de sa formation (Bail Milot 1986, par ex. 25-31). Une oeuvre très représentative de la première manière du compositeur, où cette double influence est sensible sans qu’elle ait entravé l’imagination créatrice du compositeur québécois, est sa belle Sonate pour violon et piano en sol (1944, révisée en 1953), fréquemment interprétée au Québec dans les années d’après-guerre[58].
De Stravinski, Papineau-Couture aurait admiré la démarche et aimé toute la musique, au dire de sa fille Nadia, ce qui n’était pas si fréquent à cette époque, même parmi ses aficionados les plus fervents[59]. De là à juger qu’il s’est fait « le propagandiste d’une musique pure, sans émotion, où l’oeuvre dans toute sa forme est autonome, “libérée de toute correspondance avec le plan humain” », il y a un pas que certains commentateurs peu portés sur la nuance n’hésiteront pas à franchir (Bouchard et Lagassé 1986, 310). On retrouve là un reproche souvent adressé à celui qui lui aura servi de modèle, Stravinski s’étant explicitement efforcé d’exclure de sa musique toute sentimentalité. Quant au langage de Papineau-Couture, il évoluera considérablement au cours des années, les sonorités impressionnistes de ses premières oeuvres devenant, selon Timothy McGee, plus dissonantes dans les années 1950 (McGee 1985, 116-117) ; dans la décennie suivante, de forts éclats discordants[60], rappelant Stravinski et Bartók, s’associent à des rythmes aux arêtes tranchantes et à de fréquents contrastes de texture et de mesure (pace) (McGee 1985, 116-117). Les combinaisons contrapuntiques et le développement de motifs révèlent dans tous les cas un métier très sûr (Bail Milot 1977, 264). De Nadia Boulanger, le jeune compositeur aurait appris à être direct et concis, clair en tout temps, et à faire la différence entre simplicité et simplisme[61], le classicisme étant inhérent à son style (Davidson 1961, 2). Après avoir également souligné l’influence positive de Boulanger dont lui aussi a été l’élève, John Beckwith, autre commentateur très attentif, distingue quant à lui dans la production de Papineau-Couture deux phases distinctes de néoclassicisme, la première couvrant les années 1942 à 1948, où domine une écriture rythmique redevable à Stravinski mais aussi, au départ, l’influence de Ravel, par exemple dans les Églogues de 1942. Beckwith relève ensuite, dans le texte substantiel qu’il lui consacre, une production qu’il qualifie de « semi-dramatique », où son aîné québécois exploite des formes plus larges, dont une symphonie et des oeuvres destinées à être dansées (Beckwith 1959, 7 et 9).
Le Concerto grosso (1943, révisé en 1955), dont la première exécution n’eut lieu que le 4 avril 1957, lors d’un concert de la Société de musique canadienne[62], constitue un bon exemple des influences croisées qu’on peut reconnaître dans la musique de Papineau-Couture durant cette deuxième phase, et qui incluent Hindemith, comme on le verra sous peu. Le titre de l’oeuvre, sa première pour orchestre, témoigne clairement de l’affection du compositeur pour les structures architectoniques, comme la variation, la sonate, le concerto et la symphonie. Outre la clarté de texture et la maîtrise du contrepoint qui caractérisent son style, on y retrouve l’idée de dialogue concertant, les traits baroques caractéristiques en doubles croches continues, les rythmes secs et motorisés typiques du premier Hindemith (par ex. dans la deuxième Kammermusik, op. 24 no 2, de 1925), de même que des superpositions de quartes, de fréquents accords de septième majeure ou des triades avec tierces majeures et mineures alternées ou simultanées (Beckwith 1959, 8). On y entend aussi, comme dans d’autres oeuvres de cette époque, des accords polytonaux, par exemple formés de deux triades entrecroisées à distance de tierce, comme sol mineur et si majeur, une couleur également chère à Stravinski dans Petrouchka ; la polytonalité est d’ailleurs un procédé auquel ont souvent recours les compositeurs dits « néoclassiques », notamment Prokofiev. Enfin, le compositeur admet avoir tenté de déployer, dans le second mouvement de ce concerto grosso, cette « longue ligne », « qui parcourt le chemin le plus long possible avant d’aboutir à sa cadence », une « façon de concevoir inculquée par Nadia Boulanger[63] ». Quant à la PremièreSymphonie du compositeur (1948, rév. en 1956), écrite dans la tonalité réhabilitée de do majeur, elle pourrait avoir eu pour modèle la Symphonie en ut de Stravinski (1940), qui la précède de quelques années[64] (1940). Or, cette « manière d’être néoclassique » du compositeur québécois, Louise Bail Milot jugera qu’il faut justement « l’interpréter à la façon de Stravinsky, non pas comme un retour au passé mais comme une forme intellectuelle de rigueur et de précision » (Bail Milot 1993, 2618). Nul doute que le compositeur eût approuvé[65].
Durant la période qui nous occupe ici, l’orientation esthétique du compositeur se manifeste aussi dans ses activités d’enseignant. Professeur de piano au Collège Jean-de-Brébeuf en 1943 puis à nouveau à son retour à Montréal au printemps 1945, Papineau-Couture devient à cette époque membre de l’Académie de musique du Québec. Chargé de la préparation des programmes des examens de fin d’année pour le piano, le violon, l’orgue et le chant, il introduit des pièces contemporaines, comme par exemple, Les cinq doigts (Huit pièces faciles) de Stravinski (1921), ce qui aurait fait « crier bien du monde[66] ».
Hindemith, une autre approche de la « simplicité volontaire »
Stravinski n’est bien sûr pas le seul compositeur européen à laisser une marque sur les compositeurs du Québec. Le 25 janvier 1946, donc à peu près à la même période que la venue remarquée de ce dernier à titre de chef d’orchestre, Montréal accueille un autre visiteur de marque en la personne de Paul Hindemith. Celui-ci présente, au Conservatoire de musique de Montréal, alors situé dans les locaux de la bibliothèque Saint-Sulpice, au 1700, rue Saint-Denis, une conférence en anglais intitulée, comme son important ouvrage théorique, The Craft of Musical Composition[67] (Lefebvre et Pinson 2009, 279). L’oeuvre de ce compositeur est mal connue dans la métropole, mais 14 mois auparavant, en novembre 1944, la Petite symphonie de Montréal avait interprété sa Trauemusik (Musique de deuil) pour alto et orchestre à cordes (1936), une oeuvre qu’avait appréciée Jean Vallerand, tout en notant son caractère sombre[68]. Hindemith vit alors aux États-Unis, d’abord à Buffalo puis à New Haven, au Connecticut[69]. Le très éveillé Jean Papineau-Couture s’intéresse depuis un moment aux théories harmoniques du compositeur allemand, dont il a un peu étudié la musique au New England Conservatory of Music, à Boston, avant d’avoir pu s’inscrire à la classe de Boulanger. Le jeune homme assiste donc à sa conférence au Conservatoire. Les deux musiciens ont alors sûrement échangé quelques mots puisque la biographe de Papineau-Couture nous apprend que ce dernier aurait été convié par le compositeur allemand à venir étudier avec lui, vraisemblablement à l’Université Yale, où il enseigne (Bail Milot 1986, 157). Maintenant père de famille, le compositeur des Églogues préfère toutefois poursuivre sa carrière à Montréal[70] (Bail Milot 1986, 157) tout en continuant à étudier le traité de Hindemith avec attention[71] ; il s’exercera un peu plus tard à en appliquer certains principes, par exemple dans le Concerto pour violon et orchestre de chambre (1952) où « l’essentiel de ce qu’il retient du total chromatique est mis à l’épreuve » (Bail Milot 1986, 157). Son compatriote Roger Matton (1929-2004) s’intéressera lui aussi, au moins pour un temps, aux procédés d’écriture élaborés par l’auteur de Mathis der Maler[72].
Maurice Blackburn, un émule moins connu de Stravinski
Je terminerai ce survol en mentionnant un autre compositeur québécois qui s’est montré particulièrement sensible à l’oeuvre de Stravinski et à son apport à l’évolution de la pensée musicale[73]. Né à Québec en 1914, formé, en ce qui a trait à la composition, à l’Université Laval (notamment par Jean-Marie Beaudet et Henri Gagnon) puis au Conservatoire de Montréal et en privé (par Claude Champagne), Maurice Blackburn remporte un deuxième prix au Concours de composition Jean-Lallemand en 1938. Questionné à l’été 1939, dans le cadre d’une enquête du journal Le Mauricien (renommé justement à cette époque Horizons) sur les compositeurs qu’il admire et qui ont pu l’influencer, il nomme sans hésitation Igor Stravinski, celui du Rossignol (1909), de L’Histoire du soldat (1918) et des Noces (1923[74]), mais aussi, et c’est plus étonnant, celui de l’Octuor (1923), de la Sérénade en la pour piano (1925) et du Concerto pour violon (1930) (Benoit 1939, 17), donc essentiellement des pages néoclassiques, celles-là même qui en ont laissé tant d’autres perplexes[75]. Il fait montre, dès 1939, d’une connaissance peu commune au Québec de la deuxième manière du compositeur russe[76]. Au journaliste Réal Benoit, il déclare : « Il [Stravinski] est l’égal des plus grands. […] Le musicien est un formidable créateur, un remarquable technicien. Je ne vois pas beaucoup qui actuellement pourrait lui damer le pion » (Benoit 1939, 17). Au moment de l’entrevue, Blackburn précise s’inspirer, pour un projet en cours, du petit orchestre de Renard (1916) et de Mavra[77] (1922). Dans cette nouvelle oeuvre, une farce intitulée Jean le Nigaud, il prévoit qu’un orchestre d’harmonie soit appuyé par une « batterie complète de jazz-band » (Benoit 1939, 17), ce qui, dans le Québec de 1939, paraît être un pari plutôt risqué mais qui s’inscrit bien dans la démarche de celui qui apparaît comme l’un de ses principaux modèles.
Déjà conquis par la manière stravinskienne, Blackburn est donc en mesure, alors qu’il poursuit ses études au New England Conservatory of Music de Boston, de profiter pleinement des six conférences du célèbre compositeur russe à l’Université Harvard en 1939 et 1940, publiées en français deux ans plus tard sous le titre Poétique musicale sous forme de six leçons par les Presses de la Harvard University[78]. Inscrit dans la classe de composition de Quincy Porter, Blackburn y obtient le prix George Allan pour sa Sonatine pour piano (1940), une oeuvre dont je n’ai pas retrouvé la trace ; il s’agirait en fait d’un nouveau titre donné à ses Digitales pour piano, une partition officiellement datée de l’année précédente et éditée à partir du manuscrit par le Centre de musique canadienne (Blackburn, s.d.[79]). L’oeuvre en cinq courtes parties se révèle très proche, par son diatonisme, sa simplicité affirmée (on remarque par exemple le nombre très réduit de hauteurs de notes) et les fréquents changements de mesure, des trois recueils de Pièces faciles pour piano ou piano à quatre mains de Stravinski — toujours lui ! Le critique du journal Le Soleil de Québec, commentant des extraits de la version pour orchestre, présentée en 1940 sous le titre de Petite suite, note que le compositeur y délaisse la musique descriptive des Petites rues du Vieux Québec (1938) au profit d’une
… écriture sobre, du contrepoint serré; une orchestration qui garde à l’oeuvre son caractère de musique intime […] un rythme fortement syncopé […] qui porte à dire que l’oeuvre doit quelque chose au jazz
Benoît 1940, 3
Quant au projet de comédie intitulé Jean le Nigaud, il ne semble pas avoir été achevé (l’oeuvre ne figure pas à son catalogue). Par contre, un orchestre d’harmonie sera bel et bien exploité par Blackburn dans son Concertino en do pour piano et orchestre à vent de 1948. Il s’agit ici encore d’une oeuvre clairement marquée du sceau stravinskien, en quelque sorte adouci par un lyrisme à la Poulenc ou à la Ravel[80]. La musique, d’une réelle fraicheur et très habilement écrite, quoique dans un mètre étrangement invariable, gagnerait à être (mieux) connue[81] (voir l’Exemple 1).
Conclusion
On sait maintenant à quel point l’étiquette néoclassique est ambiguë et imprécise, tout en étant fortement teintée de considérations extra-musicales, ce sur quoi s’est notamment penché le musicologue américain Richard Taruskin (1993[82]). Cette bannière ne recouvre-t-elle pas une variété considérable de démarches, de syntaxes et de modèles, de même qu’un non moins large éventail de possibilités quant au respect des dits modèles, allant de la simple émulation au clair pastiche? Le jugement péjoratif qui s’y rattache s’est heureusement adouci avec le temps, à mesure que s’affinait la compréhension qu’on pouvait avoir des oeuvres. On ne peut réduire une si abondante production, étalée sur plusieurs décennies et dans laquelle abondent les oeuvres de grande qualité, à quelques caractéristiques sommaires sans encourir le risque d’une généralisation excessive. Une simplification globale du langage, doublée dans plusieurs cas d’un thématisme affirmé et de références plus ou moins volontaires à la tradition tonale, peut fort bien aller de pair avec une réelle recherche harmonique ou formelle. Le rappel, même explicite, d’un style ou d’une esthétique des siècles passés n’exclut nullement l’originalité et la fraîcheur des idées. L’idée même de pastiche n’est d’ailleurs nullement un critère absolu de rattachement au mouvement. Répétons-le : quoique des références précises viennent généralement en tête dès que le terme est utilisé, aucune définition du néoclassicisme n’a réussi à s’imposer.
Plongés dans un processus créatif qui n’est pas toujours compatible avec une conscientisation de leur propre parcours ou de leur place dans l’histoire, les compositeurs sont généralement les premiers à s’opposer à toute catégorisation. Stravinski ne fait évidemment pas exception; ayant fini par tolérer le qualificatif incriminant, il revendique toutefois sa liberté d’artiste et déclare à Jean Vallerand que les « compositeurs d’aujourd’hui […] ne peuvent que par exception être reliés entre eux par des parentés de vocabulaire » (Vallerand 1945b, 5). Globalement, on ne peut que donner raison à Rafaele Pozzi lorsqu’il affirme, dans l’article qu’il consacre au néoclassicisme dans Musiques : Une encyclopédie pour le xxie siècle, que le courant relève davantage d’une idéologie que d’une liste de caractéristiques musicales — idéologie étant compris par l’auteur dans le sens plutôt large de « rappel à l’ordre », qu’il s’agisse d’une réaction à ce que l’on considère comme des excès, d’un retour à des valeurs jugées fondamentales, ou encore, plus simplement, d’une volonté d’être facilement compris (Pozzi 2003).
Parmi les compositrices et compositeurs canadiens du deuxième tiers du xxe siècle, l’espoir d’établir un contact plus direct tant avec le public qu’avec les interprètes semble assez largement partagé. C’est ainsi que John Beckwith observe, à partir de la Seconde Guerre mondiale, une recrudescence d’oeuvres de musique de chambre d’une certaine ampleur et offrant des points de référence langagiers aux auditeurs :
Dans les années 1940 et 1950, une remarquable floraison de pièces de concert plus élaborées firent leur apparition, adoptant souvent la forme abstraite et néoclassique de la sonate en plusieurs mouvements, soit pour un instrument seul ou, plus fréquemment, pour deux instruments dont l’un est le piano. Suivant l’exemple de la Gebrauchmusik [musique utilitaire] de Paul Hindemith, qui avait été son professeur, Violet Archer a été particulièrement prolifique dans ce domaine, avec des sonates en duo pour piano avec violon, violoncelle, hautbois, clarinette, basson, cor ou saxophone alto
Beckwith 1993, 714
Beckwith, un élève de Nadia Boulanger[84] auquel on doit justement quelques oeuvres de ce type, rejoint ainsi son collègue George Proctor qui dénombre, pour le seul Harry Somers, pas moins de cinq sonates pour le piano écrites entre 1945 et 1957 (Proctor 1980, 34 et 38). Au Québec, même le jeune Gilles Tremblay (1932-2017) se prêtera au jeu du pastiche dans une page de jeunesse, intitulé Trois Huit (1950), composée alors que Tremblay étudie avec Claude Champagne et que Proctor décrit comme une parodie du style galant de Couperin[85] (Proctor 1980, 35).
Il convient toutefois de préciser qu’outre le souhait légitime de s’adresser à un auditoire un peu plus large, le recours à des formes ou à des structures rythmiques familières peut aussi s’expliquer par un contexte peu favorable, dans le Canada de l’immédiat après-guerre, à une franche exploration en dehors des habitudes d’écoute. C’est ainsi que le même George Proctor croit qu’en ce qui concerne les oeuvres pour orchestre, la préférence des compositrices et compositeurs canadiens pour les formes architectoniques néoclassiques (symphonie, sérénade, suite, divertimento, etc.) peut s’expliquer par la rareté des exécutions d’oeuvres nouvelles par les ensembles symphoniques canadiens, même après la création, à Toronto, de l’orchestre de la radio de Radio-Canada (CBC Symphony) en 1942 (1980, 73). Cet argument vaut d’être pris en compte, tout comme le fait que nombre de ces oeuvres sont relativement courtes (la concision étant, selon Proctor, elle aussi associée au néoclassicisme), alors que paradoxalement de plus en plus de ces musiciennes et musiciens avaient acquis les capacités, sur le plan technique, d’écrire des oeuvres plus longues.
Pour en revenir au sujet principal de cette étude, on aura compris que même en rattachant Stravinski au contexte français — n’était-il pas le compositeur le plus influent en France dans les années 1920 et 1930 ? (Messing 1988, 131) —, les racines du néoclassicisme musical au Québec se révèlent plus nombreuses et entremêlées qu’on aurait pu le penser. Malheureusement, les compositeurs canadiens-français, à l’exception, comme on l’a vu, de Jean Papineau-Couture et de Maurice Blackburn, sont demeurés largement silencieux à cet égard. À ma connaissance, on ne trouve guère de prise de position en faveur de cet important courant stylistique, aucun manifeste clair. Rien d’équivalent, assurément, au positionnement sans équivoque de Papineau-Couture en faveur de Stravinski, artiste « international », et d’une musique « universelle » épurée de toute source folklorique[86], comme il s’en réclame dans « Que sera la musique canadienne ? », publié à l’automne 1942 et cité au début de ce texte. Ce seront aux critiques musicaux et aux auditrices et auditeurs de proposer des rapprochements entre, d’une part, les manifestations européennes et états-uniennes de ce que je ne peux m’empêcher, malgré les réserves exprimées plus haut, de désigner encore comme le néoclassicisme, et, d’autre part, la production musicale québécoise et canadienne, dans l’ensemble encore si mal connue.
À l’orée des années 1950 et à la suite d’un rejet non équivoque de la part de l’avant-garde européenne, Pierre Boulez en tête (suivi au Québec par Serge Garant et ses amis Gilles Tremblay et François Morel), le néoclassicisme sera bientôt vu comme un choix réactionnaire, et ses principaux représentants (telle Nadia Boulanger), comme les ennemis à abattre. Le terme est devenu péjoratif, et le restera longtemps dans les esprits, particulièrement dans les années 1960 et 1970, où le structuralisme domine[87]. Si les exclusions se justifient de la part de créatrices et des créateurs avant tout préoccupés par la construction de leur propre identité artistique, elles sont toujours regrettables lorsqu’il s’agit de prendre, dans une perspective historique plus large, le pouls d’une époque. En ce sens, cette contribution se veut un modeste complément à l’ouvrage de Jonathan Cross, The Stravinsky Legacy (1998), où cet héritage canadien est malheureusement absent.
Appendices
Note biographique
Professeur titulaire à l’Université de Sherbrooke, Jean Boivin détient un diplôme d’études approfondies de l’Université de Paris iv-Sorbonne et un doctorat en musicologie de l’Université de Montréal. Il s’intéresse à différents aspects de l’histoire musicale du 20e siècle, tant au Québec qu’en Europe. Son livre La classe de Messiaen (Paris, Bourgois, 1995) a été couronné de plusieurs prix. Jean Boivin a été invité à participer à plusieurs colloques internationaux et a collaboré à divers ouvrages collectifs (parus notamment aux éditions Garland, Einaudi, Actes Sud, IQRC, Ashgate et Symétrie). On lui doit plusieurs articles sur l’histoire de la musique moderne et contemporaine au Québec et au Canada, publiés par exemple dans les revues Circuit, Intersections et dans les Cahiers d’histoire de la radiodiffusion (France). Le prix de « L’article de l’année » lui a été décerné par le Conseil québécois de la musique en 1999 et 2002. Il a présidé la Société québécoise de recherche en musique de 1998 à 2001 et dirigé le Département de musique de l’Université de Sherbrooke de 2003 à 2006. Depuis l’automne 2013, il est le rédacteur en chef des Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique. Il prépare une monographie sur l’histoire de la musique moderne au Québec (1930-1967).
Notes
-
[1]
Voir par exemple Proctor 1976, 1980 et 1984 ; Winters, Beckwith et MacMillan 1993 ; Keillor 1984, 222.
-
[2]
J’opte ici pour cette graphie, usuelle en français, du nom du compositeur d’origine russe, même si l’orthographe avec un « y » est aussi courante et qu’on la retrouvera dans certaines coupures de presse ou titres d’ouvrages auxquelles je fais référence.
-
[3]
En France, Stravinski partage son temps entre Paris et Biarritz jusqu’à l’automne 1924, puis choisit de s’installer à Nice (Boucourechliev 1982, 199 et 210 ; Walsh 2002, 392-393).
-
[4]
Pour reprendre le thème d’un colloque international organisé par l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), à l’Université de Montréal, en février 2015.
-
[5]
Proctor intitule le chapitre précédent « A New Beginning », « Un nouveau départ », et y utilise le terme « neoclassic » dès la quatrième page de cette section (1980, 35).
-
[6]
Parmi les compositeurs et compositrices de cette génération figurent Barbara Pentland (née en 1912), John Weinzweig (1913), Violet Archer (1913), Maurice Blackburn (1914), Jean Vallerand (1915) et Jean Papineau-Couture (1916).
-
[7]
« When Canadian music came of age in the post-World-War ii period it was natural that, in typical Canadian fashion, a stylistic middle ground should be chosen. Neo-classicism provided such a ground and served as the main stylistic force behind Canadian music between 1940 and 1960 [...] In effect, the old was combined with the new. [...] The new generation of Canadian composers were particularly concerned with the matter of bringing Canada into the twentieth century, musically speaking, and selected neo-classicism as their means. [...] They chose to avoid what was then regarded as the extreme wing of musical modernism, the twelve-tone school of Schoenberg, Berg and Webern. » Toutes les citations en anglais ont été traduites par l’auteur de ces lignes.
-
[8]
L’entrée du Québec dans la modernité musicale s’est faite, comme ailleurs au Canada, de façon très progressive. Si des styles très variés s’y sont côtoyés, l’attachement à la tonalité et aux formes traditionnelles y a longtemps prévalu. Tout en sachant qu’une comparaison de ce genre est risquée puisque les contextes culturels, sociaux et économiques sont fort différents, je noterai simplement que Claude Champagne, né en 1891, est de la même génération que Prokofiev et Milhaud. Né en 1900, Aaron Copland est de quelques années leur cadet, tout comme le sont, au Québec, Auguste Descarries (1896-1958), Eugène Lapierre (1899-1970) et Hector Gratton (1900-1970). Pour en savoir davantage sur ces compositeurs canadiens-français, on consultera les articles issus de l’Encyclopédie de la musique au Canada (Kallmann et Potvin, dir., 1993 [1982]), incorporée, avec d’occasionnelles mises à jour, dans l’Encyclopédie canadienne (https://thecanadianencyclopedia.ca/fr).
-
[9]
Je pense en particulier aux travaux de Marie-Thérèse Lefebvre sur Serge Garant (1986, 1996b) et Gilles Tremblay (1994). La liste pourrait s’allonger considérablement.
-
[10]
Jean Papineau-Couture, « Que sera la musique canadienne ? », Amérique française, vol. 2, no 2, octobre 1942, p. 24-26.
-
[11]
Cette question de l’existence d’une musique proprement canadienne préoccupera d’autres commentateurs à l’époque, tel le compositeur et chroniqueur Jean Vallerand (voir la liste de ses articles sur le sujet colligée par Marie-Thérèse Lefebvre 1996, 104-105), et suscitera des échanges dans les journaux. Le regretté Lucien Poirier s’y est penché en ciblant spécifiquement le Québec (1984), tout comme Jean-Jacques Nattiez (1987).
-
[12]
J’ai conservé ici la formulation d’origine, en ajoutant simplement l’italique aux titres des oeuvres.
-
[13]
Apposé à la musique du tournant du xxe siècle, le qualificatif impressionniste est aujourd’hui contesté par certains chercheurs, l’importance du mouvement symboliste sur l’évolution de compositeurs comme Paul Dukas, Claude Debussy et Maurice Ravel étant mieux comprise. Il demeure que le terme, au-delà des références à la nature, renvoie à un certain nombre de caractéristiques musicales (harmonie largement non fonctionnelle où les accords sont essentiellement traités comme des couleurs, rythmique souple et fluide, modalité permettant d’éviter les tensions tonales, orchestration délicate et frémissante, etc.) qui n’en rendent l’usage ni anachronique ni inutile.
-
[14]
La phrase entière mérite d’être citée, pour son franc rejet de l’impressionnisme : « Assez de nuages, de vapeurs, d’aquariums, d’ondines et de parfum la nuit ; il nous faut une musique sur la terre, une musique de tous les jours » (les majuscules sont de Cocteau).
-
[15]
Scott Messing a répertorié dans les deux premiers chapitres de son livre une liste d’oeuvres qui se rattachent plus ou moins directement et consciemment à la démarche « néoclassique », et qui incluent des pages de Saint-Saëns, d’Indy, Roussel, Debussy, Ravel, Schmitt, etc. (1988, 26 et suivantes).
-
[16]
L’oeuvre est composée à partir de manuscrits pour la plupart attribués à Pergolesi. Une suite orchestrale en sera tirée en 1922.
-
[17]
Trois pièces faciles pour piano à quatre mains (1914-1915), suivies de Cinq pièces faciles (1916-1917), également pour piano à quatre mains, orchestrées en 1921 sous le titre de Suite no 2. Ces deux recueils seront suivis de Les cinq doigts (Huit pièces faciles) pour piano, en 1921.
-
[18]
Sur cette question, voir la thèse de Danick Trottier sur la querelle Schoenberg/Stravinski (2008), en particulier les pages 168 à 180.
-
[19]
Quelques réactions de Stravinski à l’épithète néoclassique ont été regroupées par Messing (1988, 192, note 4). Voir aussi Walsh (2002, 338, 376 et autres). Et à propos de la propension des musicologues ou commentateurs à étiqueter les compositeurs, quitte à inventer des catégories pour ce faire, on consultera l’ouvrage qu’a consacré Federico Lazzaro à la prétendue « École de Paris » (2018, par ex. p. 14).
-
[20]
Déclaration relayée en 1947 par Heinrich Strobel (au moins la première phrase) dans la revue Melos (« Igor Stravinsky », vol. 14, p. 379) et citée par Messing (1988, 192, note 4). Stravinski a aussi déclaré, dans un court texte intitulé « Avertissement » et daté de décembre 1927, que si le terme néoclassicisme renvoie à un respect de la forme, il n’a rien à redire : « La musique classique — la vraie musique classique — avait comme substance à sa base sa forme musicale […]. Si ceux qui marquent du terme “néoclassique” les oeuvres de la dernière tendance musicale y constatent le retour salutaire à cette base unique de la musique, qui est la substance formelle, je veux bien » (dans Stravinski 2013, 69). Je remercie Valérie Dufour de m’avoir aidé à retracer cette référence.
-
[21]
Gilles Potvin fournit, en complément de son article, une liste des articles relatifs au passage de Ravel parus dans la presse canadienne, notamment au Québec (1988, 338, note 5).
-
[22]
L’oeuvre est originellement écrite pour clavecin et orchestre, mais la partie concertante est assez régulièrement interprétée au piano. Claudine Caron s’est attardée aux circonstances du choix effectué par le directeur artistique Wilfrid Pelletier, parmi les trois propositions que lui avait faites Morin (Caron 2013, 194).
-
[23]
Le Montreal Orchestra a été fondé en 1930 par un groupe de musiciens montréalais laissés sans emploi stable après l’avènement du cinéma parlant. Douglas Clarke, doyen de la Faculté de musique de l’Université McGill et premier chef invité par l’ensemble, le dirigea bénévolement pendant 11 ans. Le Concerto pour la main gauche de Ravel (1931) a été interprété par cet orchestre et par son dédicataire, le pianiste Paul Wittgenstein, le 4 novembre 1934. La suite tirée de Ma Mère l’Oye (1910) a été présentée par le MO en février 1935. Le prix de location élevé du matériel d’orchestre en provenance de France expliquerait en partie la relative rareté du répertoire français récent dans les programmes de cet orchestre, tout comme, apparemment, le peu d’affinité du Britannique Douglas Clarke pour la musique française (Flamand 2003 ; Lefebvre 2004, 128-130).
-
[24]
Le Concerto en sol est dirigé le 7 mars 1944 par le jeune Leonard Bernstein, à la tête de la SCSM ; Ross Pratt, pianiste de Winnipeg, en est le soliste. Le Concerto pour la main gauche est entendu pour la deuxième fois à Montréal (voir la note précédente) les 27 et 28 mars 1945 ; Robert Casadesus en était le soliste. Je tiens à remercier ici Judith Godin qui, dans le cadre d’études de 2e cycle en histoire à l’Université de Sherbrooke, a dépouillé les programmes des deux principaux orchestres montréalais dans les années 1930 et 1940 (documents inédits).
-
[25]
Le premier de ces concerts a été présenté dans la série des Matinées symphoniques, destinée au jeune public, les deux suivants au Chalet de la Montagne. Pierre et le loup (1936) et la suite Ala et Lolly, aussi connue sous le titre de Suite scythe (1915), ont aussi été joués par la SCSM durant cette période. À ma connaissance, Prokofiev n’a jamais été joué par le Montreal Orchestra.
-
[26]
Le pianiste-compositeur a séjourné au Québec une semaine, du 24 janvier au 1er février 1920. Il donne un premier récital à Montréal le 25 janvier (au théâtre His Majesty’s) et un second à Québec le 27 (au Columbus Hall) (Caron 2008, 6 ; Gingras 2014a et Gingras 2014b, 147-149). Après avoir interprété des pages de Bach, Beethoven, Moussorgski, Rachmaninov et Scriabine, il présente quelques-unes de ses propres compositions, dont la Troisième sonate, op. 28 (1917) et la Suggestion diabolique, op. 4 no 4 (1907-1908). Dans le second tome de son journal, le compositeur mentionne ce séjour (2012a, 466-469). Le critique Frédéric Pelletier a rendu compte très favorablement du premier récital dans Le Devoir du lendemain (Pelletier 1920, 2) et Edmond Trudel fait écho au second dans la revue La Musique le 20 février suivant (Trudel 1920, 39). Alors qu’il effectue un nouveau séjour nord-américain, le compositeur et pianiste russe est à nouveau de passage à Montréal le 20 mars 1930, pour un unique récital à la salle Moyse de l’Université McGill. Il interprète alors des pages de Moussorgski (extraits des Tableaux d’une exposition) et de Miaskowski (deux Fantaisies), ainsi qu’un groupe de ses propres compositions : quatre pages des Dix pièces pour piano, op. 12, deux extraits des Contes de la Grand-Mère, quatre gavottes tirées des op. 25 et 32, Suggestion diabolique et l’Andante de la Quatrième sonate. Frédéric Pelletier a jugé plutôt favorablement cette prestation, évoquant « une personnalité forte au point qu’on ne peut s’en désintéresser » (Pelletier 1930, 3). Prokofiev a quitté Montréal en train dès le lendemain, en route vers Chicago ; il fait cette fois encore brièvement mention de ce séjour éclair dans ses mémoires (Prokofiev 2012b, 936).
-
[27]
Morin est toutefois décédé en mai 1941.
-
[28]
Le Conseil de ville de Toronto accorda sa toute première subvention à l’orchestre en 1943.
-
[29]
« In the English-speaking world, Sibelius reigned supreme and his Finlandia ruled the waves. »
-
[30]
John Weinzweig laisse toutefois entendre que Prokofiev et Chostakovitch faisaient partie des compositeurs qu’on tentait alors d’introduire dans les programmes du TSO afin d’imiter les accents modernistes des performances radiodiffusées depuis New York (Weinzweig 1996, 77 ; ses propos sont en fait datés de 1988).
-
[31]
L’appartenance de Milhaud et de Poulenc au mouvement fait l’objet de discussions : « Il faut bien convenir que la musique du groupe des Six (composé de Milhaud, Poulenc, Honegger, Tailleferre, Auric et Durey) multiplie les références au passé sans qu’elles soient exclusivement classiques, et que cette association derrière un manifeste [celui de Cocteau] fut purement artificielle, et par là même destinée à éclater » (Favrot 2011, 429). Barbara L. Kelly a bien étudié l’enjeu que représente la tradition dans l’oeuvre de Milhaud et ses réactions à la musique de Stravinski, notamment à l’opéra Mavra (1922) et à l’Octuor (2016, 15-18).
-
[32]
La cantatrice Cédia Brault (1894-1972) s’était fait une spécialité de la musique française, tant à l’opéra (elle se distingua dans le rôle de Carmen) qu’au concert. On lui doit la première canadienne des Proses lyriques de Debussy en 1918 (Potvin 2013). Elle était la mère de la musicologue Andrée Desautels (née en 1923).
-
[33]
Milhaud interprète notamment les Gymnopédies, une Sarabande et les Descriptions anatomiques de Satie. De lui-même, il joue une suite de trois pièces intitulée Printemps (il peut s’agir du premier cahier portant ce titre, op. 25, 1915-1919, ou du second, op. 66, 1919-1929 ; le chroniqueur ne le précise pas) et trois Saudades do Brasil, oeuvres qualifiées « d’un modernisme plutôt étrange » par le chroniqueur du Devoir (pseudonyme Interim, « Pro Musica », Le Devoir, 2 février 1927, p. 1). Voir aussi Jean Béraud (1927). Je signale que la plupart des articles tirés de la presse auxquels je réfère dans ce texte peuvent être consultés dans la collection numérique de Bibliothèques et Archives nationales du Québec (BAnQ).
-
[34]
Une recherche effectuée dans la collection numérisée de revues et journaux québécois de BAnQ avec le mot néoclassique (avec ou sans trait d’union) ne donne que peu de résultats significatifs rattachés à la musique (et non à l’architecture ou à la sculpture, par ex.) avant les années 1950. Une exception notable : un article consacré à Prokofiev dans un numéro de La Lyre paru à la fin de l’hiver 1930 (p. 10) et un autre nettement plus développé, qui fait écho aux réflexions d’Edgard Varèse, qualifié de « médiocre compositeur » mais « excellent musicologue », par l’auteur Paul Roussel. Ce dernier s’appuie sur une entrevue, « Music of the Future », accordée par Varèse à Olin Downes pour l’édition du 25 juillet 1948 du New York Times. Le compositeur d’Hyperprisme y dénonce vertement le néoclassicisme, ce « retour à Bach, Pergolèse, Scarlatti, Couperin, Mozart et autres », dont il attribue l’origine à son maître à Berlin, Ferruccio Busoni (Roussel 1948, 5 ; cette entrevue est aussi traduite dans Varèse 1983, 121-123).
-
[35]
En 1934, le compositeur tirera de ce Duo concertant une suite pour orchestre, sous le titre de Divertimento.
-
[36]
Le violoniste a également contribué à l’écriture et à l’édition de ces arrangements.
-
[37]
Alors que dans cette même chronique du Quartier latin, Vallerand présente Stravinski comme un « musicien de génie, le plus grand compositeur contemporain », il ajoute que ce dernier « n’a pu attirer à son récital que quelque huit cents auditeurs, hébreux pour la plupart [sic] », une remarque qui témoigne de l’antisémitisme si répandu un peu partout sur la planète à cette époque, mais aussi, par ricochet, du précieux soutien apporté par la communauté juive à la vie musicale montréalaise... Le compositeur est apparu à Vallerand « petit, maigre, laid, maladif ». Au piano, il joue « d’un air suprêmement détaché, posément, sans […] contorsions ». Enfin, en tant que compositeur, il sait tirer du piano et du violon « des sonorités inconnues jusqu’à présent », le violoniste étant appelé à maîtriser une technique de jeu spéciale, très exigeante (Vallerand 1945a, 9).
-
[38]
Simon Couture (1997, 29, note 51), s’appuyant sur Andrée Desautels (1987, 46). Wilfrid Pelletier, dans un « Mémoire à l’honorable premier ministre de la province » rédigé en janvier 1947 et cité par le même Couture, mentionnait simplement que certains des meilleurs étudiants étaient fortement en demande auprès des chefs d’orchestre de la ville et participaient à certains concerts (Couture 1997, 29).
-
[39]
Le programme substantiel choisi par le compositeur russe est complété par l’ouverture Russlan et Ludmilla de Glinka, la Deuxième Symphonie de Tchaïkovski (dite « Petite Russie ») et le Concerto pour violoncelle de Lalo. Accompagné par sa seconde épouse Véra, Stravinski est à cette occasion l’invité du mélomane et philanthrope Jean Lallemand à sa résidence de l’avenue Côtes-des-Neiges (Vac 1987, 199). (Bertrand Vac est le nom de plume d’Aimé Pelletier, médecin et écrivain ; je remercie Marie-Thérèse Lefebvre pour ce détail.)
-
[40]
« Stravinsky is by inclination a classicist. »
-
[41]
Selon Charles M. Joseph, Stravinski aurait accordé à cette occasion une entrevue à Radio-Canada — ni la langue ni le réseau ne sont spécifiés — durant laquelle il aurait expliqué les circonstances de la composition de Circus Polka (2001, 20). Je n’ai trouvé aucune autre trace de cette entrevue radiophonique.
-
[42]
La création des Impressions norvégiennes, par l’Orchestre national sous la direction de Manuel Rosenthal, s’inscrit dans le cadre d’une intégrale parisienne en sept concerts mensuels des oeuvres d’orchestre de Stravinski, une initiative de la radio publique française. Quelques jours plus tôt, le 27 février 1945, lors d’un concert de la Société privée de musique de chambre, les Danses concertantes pour orchestre de chambre du même Stravinski (composées également en 1942) avaient été mal reçues par certains membres du public. Le troisième concert de la série ayant été annoncé, Boulez, Nigg et leurs amis s’étaient munis de sifflets de policier pour accueillir cette nouvelle preuve du virage néoclassique de l’auteur du Sacre. Ce petit scandale entraîna diverses réactions dans la presse parisienne, dont celle de Francis Poulenc (« Vive Stravinsky ! »), parue dans Le Figaro le 7 avril 1945 et reprise dans l’anthologie des écrits et entrevues de Poulenc rassemblée, présentée et annotée par Nicolas Southon (Poulenc 2011, 108-112). À propos de ce débat parisien auteur de l’orientation néoclassique de Stravinski, on lira avec intérêt l’article de Leslie A. Sprout (2009) et la monographie qui y a fait suite (2013, en particulier la p. 161). Évoquant pour ma part il y a près de 25 ans cet épisode et ses conséquences sur Olivier Messiaen, dont au moins quelques-uns des chahuteurs étaient les élèves, je m’appuyais sur la biographie de Pierre Boulez par Dominique Jameux (1984, 30) ainsi que sur les témoignages d’Antoine Goléa et de Serge Nigg (Boivin 1995, 64-65).
-
[43]
Troupe de théâtre fondée en août 1937 au Collège Saint-Laurent, à Ville Saint-Laurent, par le père Émile Legault et à laquelle des personnalités plus tard aussi connues que Félix Leclerc se sont jointes.
-
[44]
Entrevue accordée à l’auteur le 28 août 2004, à Montréal. Le compositeur est malheureusement atteint aujourd’hui de la maladie d’Alzheimer.
-
[45]
Les concerts ont lieu les 10 et 11 décembre (Lefebvre et Pinson 2009, 248; Klein, Potvin et coll., 1972, 21-23).
-
[46]
Vallerand reprendra la plume en septembre 1947, cette fois dans le quotidien Montréal-Matin ; Klein, Potvin et coll. 1972, 21-23.
-
[47]
Vallerand écrit manifestement ceci en se référant à l’entrevue spécifique que lui a accordée Stravinski, mais celui-ci ne s’est pas privé, comme me l’a rappelé Danick Trottier, d’exprimer son opinion sur certains de ses confrères, notamment sur Schoenberg (voir Stravinski 2013).
-
[48]
S’appuyant sur un article déjà ancien mais substantiel de Boris de Schloezer paru dans la deuxième parution de La Revue musicale (1er décembre 1923) (voir Dufour 2006, 133, note 63), Vallerand s’attardera en août 1946, dans Le Canada, aux ballets Petrouchka et Le Sacre du printemps (1913), des oeuvres qu’il admire beaucoup et dont il commente longuement le langage, la forme, le rythme et l’esthétique générale (Vallerand 1946b). Il choisit de ne pas aborder ce jour-là des oeuvres plus récentes du maître russe.
-
[49]
Proctor nomme plusieurs autres compositeurs canadiens ayant été touchés, au moins pour un temps, par le courant, dont John Weinzweig (1913-2006), Harry Somers (1925-1999) et Barbara Pentland (1912-2000) (1976, 17 ; 1980, 33 et suivantes).
-
[50]
La principale professeure de piano du jeune Papineau-Couture, France d’Amour, lui avait fait travailler des oeuvres de Poulenc, ce qui était, de l’aveu du principal intéressé, passablement original dans le Québec de la fin des années 1930 (Bail Milot 1986, 15). Ce contact direct avec la musique française s’est poursuivi lorsqu’il a pris des leçons de Léo-Pol Morin. Cette influence est si marquante que le compositeur a plus tard détruit toutes ses oeuvres de jeunesse où cet héritage de Fauré, Poulenc, Milhaud et Prokofiev était à son avis trop perceptible, selon l’entrevue accordée à Pierre Rolland, gravée dans le coffret de l’Anthologie de la musique canadienne (Papineau-Couture 1979). Par ailleurs, j’abonde dans le sens de Louise Bail Milot qui repère, notamment dans la Suite pour piano et dans les Églogues (deux oeuvres de 1942), l’influence du Prokofiev des Sarcasmes (1912-1914) et des premiers concertos pour piano (1912-1921) ; j’y ajouterais celle des Visions fugitives (1915-1917), assez frappante dans les deux Bagatelles de la Suite. J’en profite pour remarquer que Scott Messing ne mentionne que deux fois, et sans s’y attarder, Prokofiev dans son livre, définitivement axé sur la France et ses racines françaises (1988, 125-126).
-
[51]
La chronologie précise n’est pas facile à établir, les informations étant assez dispersées. Lorsque Papineau-Couture se rend à Boston à l’automne 1940 dans le but explicite d’étudier avec Nadia Boulanger, celle-ci n’a pas encore commencé à enseigner à la Longy School, alors que l’établissement avait pourtant annoncé en juin lui avoir fait signer un contrat de trois ans. Entre-temps, le jeune compositeur étudie au New England Conservatory of Music avec Quincy Porter durant un an (1940-1941), obtient son baccalauréat en accéléré, puis poursuit à la Longy School, d’abord avec Ernst Lévi, à l’automne 1941 (entrevue accordée à Pierre Rolland, Anthologie de la musique canadienne, Papineau-Couture 1979). Une fois Boulanger arrivée à Cambridge, il peut enfin étudier avec elle, sans doute à compter de l’hiver 1941-1942, puis durant toute l’année académique 1942-1943. Il est de retour à Montréal en juin 1943 car sa bourse d’étude n’a pas été renouvelée, en dépit d’une recommandation chaleureuse de la pédagogue. Il pourra rejoindre Boulanger au Wisconsin en juin 1944, et finalement en Californie, d’août 1944 jusqu’au printemps suivant (Bail Milot 1986, 25-26 ; Bail Milot 1993, 2617).
-
[52]
On réécoutera à ce sujet l’entrevue accordée par le compositeur à Pierre Rolland, gravée sur disque dans le coffret de l’Anthologie de la musique canadienne qui lui est consacré (Papineau-Couture 1979).
-
[53]
Il s’agissait, dans le cas présent, de la partition d’Apollon musagète (1928). Cette information est confirmée par l’entrevue accordée par le compositeur à Pierre Rolland pour l’Anthologie de la musique canadienne (Papineau-Couture 1979).
-
[54]
J’ai traité assez longuement de l’impact au Canada de Nadia Boulanger dans cet article paru dans la revue Intersections et dont je reprends ici quelques éléments. On pourra aussi écouter le bref hommage rendu par Papineau-Couture à sa professeure, gravé sur le disque compact qui complémente la biographie consacrée par Louise Bail à Maryvonne Kendergi (2002), ainsi que les souvenirs de cette dernière dans ce même ouvrage (par ex. p. 99-107).
-
[55]
Paul Vidal avait été le professeur d’accompagnement de Boulanger au Conservatoire de Paris. Johnson donne la référence suivante : Paul Vidal, Keyboard Harmony — 178 Figured Basses by Paul Vidal — 42 Basses from Other Sources — Edited and Corrected by Easley Blackwood (collection particulière d’Easley Blackwood). Narcis Bonet, qui a succédé à Nadia Boulanger à la direction du Conservatoire américain de Fontainebleau, a colligé, révisé et réalisé une sélection de ces exercices, sous le titre Paul Vidal, Nadia Boulanger : Recueil de basses et chants donnés, en 2 vol., le tout complété, dans le second volume, par les solutions proposées par Nadia Boulanger (Barcelone, DINSIC Publications Musicals, 2006). L’ouvrage a été publié en quatre langues, dont le français et l’anglais.
-
[56]
Plusieurs Canadiens se croiseront chez Boulanger une fois que celle-ci aura pu regagner Paris à la toute fin de l’année 1945, la circulation des civils par bateau entre l’Amérique et l’Europe ayant enfin repris. La pianiste Jeanne Landry (1922-2011) se souvient par exemple d’avoir vu au 36, rue Ballu, le compositeur Maurice Blackburn (1914-1988) dont il sera question un peu plus loin (entrevue avec l’auteur, le 17 juillet 2009, à Québec). J’ai tenté d’établir une liste au moins partielle des élèves canadiens de « Mademoiselle » Boulanger entre 1924 et 1977 (Boivin 2013, 91-96).
-
[57]
Entrevue accordée à Lyse Richer, datée du 15 octobre 1969 et citée dans Bail Milot 1986, 25.
-
[58]
La partition, non éditée, est disponible au Centre de musique canadienne, section Québec, à Montréal. Il en existe un bel enregistrement par la violoniste Angèle Dubeau et la pianiste Louise-Andrée Baril (Papineau-Couture 1999).
-
[59]
Entrevue accordée en anglais par Nadia Papineau-Couture à Eitan Cornfield (Centre de musique canadienne 2002, disque 1, plage 4).
-
[60]
« strong harmonic clashes »
-
[61]
« simplemindedness »
-
[62]
Le compositeur attribue ce délai important à la difficulté de faire jouer une oeuvre orchestrale à Montréal à cette époque. Il a dû produire lui-même toutes les parties d’orchestre (Papineau-Couture 1987, 109).
-
[63]
Entrevue de Louise Bail Milot avec le compositeur, le 14 juillet 1974, citée dans Bail Milot 1986, 145.
-
[64]
À cet égard, George Proctor remarque qu’à l’exception de la Symphonie gaspésienne de Claude Champagne (1945) et de la Symphonie no 2 de Healey Willan (1948), les compositeurs canadiens, autant du côté francophone qu’anglophone, n’ont été que peu séduits après la guerre par le romantisme tardif ou le néoromantisme, courants pourtant assez en vogues aux États-Unis, qui se manifeste par exemple dans certaines oeuvres de Virgil Thomson, Howard Hanson, Gian Carlo Menotti et Samuel Barber (Proctor 1976, 16). Quelques années plus tard, le même Proctor revient sur ce point tout en observant, outre la prépondérance déjà mentionnée de traits néoclassiques dans la musique canadienne, le fait que quelques compositeurs européens ayant émigré au Canada, tels István Anhalt, Udo Kasemets et Otto Joachim, ont plutôt emprunté des traits stylistiques à l’École de Vienne (1980, 67-68). Et le musicologue de noter qu’immédiatement après la Deuxième Guerre mondiale, peu de compositeurs canadiens ont cherché à compléter leur formation aux États-Unis, ce que feront des interprètes, éducateurs ou musicologues (Proctor 1980, 68). Parmi les exceptions notables, on peut mentionner Clermont Pépin (1926-2006).
-
[65]
Louise Bail me confirme que Jean Papineau-Couture a lu l’ouvrage en entier et en avait annoté des passages (communication personnelle, le 28 juin 2019).
-
[66]
Entrevue accordée par Papineau-Couture à Pierre Rolland pour l’Anthologie de la musique canadienne (Papineau-Couture, 1979). Le compositeur y discute également de son engagement en faveur du développement de la vie musicale au Québec, qui prendra de multiples formes, dont la création avec son épouse Isabelle, en décembre 1953, d’une aile québécoise de la Ligue canadienne des compositeurs, qu’on renommera en 1957 la Société canadienne de musique/Society of Canadian Music. L’organisme choisira de cesser ses activités peu après la fondation de la Société de musique contemporaine du Québec, en 1966.
-
[67]
The Craft of Musical Composition (tome 1, « Theoritical Part »), paru à Londres chez Schott Music en 1942, est la traduction anglaise de Unterweisung im Tonsatz, t. 1 : « Theoritischer Teil » (1937, réédité en 1940). La traduction anglaise de la seconde partie du traité, « Exercises in Two-Part Writing », paraîtra en 1941 (la version originale allemande est datée de 1939). À ma connaissance, seuls deux extraits de ce traité ont été traduits en français (Hindemith 1996). Deux autres ouvrages didactiques de Hindemith sont parus durant la guerre, tous deux chez Associated Music, New York : A Concentrated Course in Traditional Harmony (1943) et Elementary Training for Musicians (1946). Notons que Nadia Boulanger appréciait et utilisait ce dernier manuel d’exercices (Rosenstiel 1982, 360) et qu’elle aurait même souhaité traduire en français la version originale de The Craft on Musical Composition (Rosenstiel 1982, 282).
-
[68]
« C’est d’un style chargé, comme un ciel d’orage. Musique où domine une atmosphère lugubre d’où ne suinte cependant jamais l’ennui. L’oeuvre est drue, violente même comme tout ce que fait Hindemith ; c’est aussi une merveille d’écriture et peut-être ce que Hindemith a écrit de meilleur après Mathis der Malher [sic : Maler] » (Vallerand 1944, 5). Vallerand manifeste donc une certaine connaissance de la musique de ce compositeur pourtant peu joué au Canada.
-
[69]
En raison de l’ostracisme croissant dont il était victime de la part du régime national-socialiste, Hindemith avait dû quitter son poste d’enseignant de la composition à la Berlin Hochschule en mars 1937. Il émigre en Suisse en septembre 1938, quelques mois après la création triomphale de son opéra controversé Mathis der Maler à Zurich. Le compositeur, qui a effectué trois visites aux États-Unis en autant d’années entre 1937 et 1939 (à la fois comme compositeur et comme altiste), y retourne en février 1940 à l’invitation de diverses institutions d’enseignement ; il obtient alors un poste à l’Université Yale mais enseigne aussi à l’Université de Buffalo, à l’Université Cornell et au Wells College (Aurora, New York).
-
[70]
En plus de ses tâches de professeur de piano au Collège Jean-de-Brébeuf, il enseigne la théorie musicale à domicile (Bail Milot 1986, 39).
-
[71]
Pour un résumé de la pensée théorique du compositeur allemand, s’appuyant sur les harmoniques naturelles, le principe de « tonalité élargie » et une hiérarchisation des intervalles, on pourra lire Giselher Schubert, 2013.
-
[72]
Entretien inédit de Roger Matton avec l’auteur, en février 1995, à Québec.
-
[73]
Blackburn n’est certainement pas un cas unique. Danick Trottier s’est intéressé par exemple aux oeuvres du jeune André Mathieu (1929-1968), pianiste virtuose et compositeur qui créait en bonne partie par mimétisme, et y a repéré des traces de ces « valeurs néoclassiques » que sont la limpidité mélodique, les formules rythmiques répétées et, surtout, de très évidentes cadences (Trottier 2016, 675, 679). Le premier mouvement du Concertino no 2 (1935), aux couleurs assez prokofieviennes, pourrait à mon avis être analysé en ce sens. Étonnamment, aucune mention de Prokofiev n’est faite dans l’ample biographie de Georges Nicholson (2010).
-
[74]
La composition de l’oeuvre a commencé en 1914. Stravinski a longtemps hésité avant d’adopter, pour accompagner les chanteurs solistes et le choeur, l’instrumentation que l’on connaît, pour quatre pianos et percussions.
-
[75]
À titre d’exemple, Marcel Marnat a notamment exprimé un jugement fort sévère sur l’Octuor et la Sérénade dans sa monographie consacrée au compositeur (1995, 91-92 et 98).
-
[76]
On notera qu’à compter de la fin de l’automne 1946, Blackburn pourra étudier à Paris avec Nadia Boulanger, ce que le déclenchement de la guerre n’avait pas permis. Ce premier séjour en France se terminera en avril 1948. Le couple Blackburn retournera à Paris en novembre 1954, pour un an.
-
[77]
Renard est écrit pour un ensemble de 17 instruments, dont un cymbalum ; Mavra pour un ensemble à vent, cordes, harpe et percussion.
-
[78]
L’ouvrage fut réédité en 1952 (Paris, Édition Le bon plaisir/Plon). Longtemps introuvable, il a été réédité en 2011 chez Flammarion (texte présenté par Myriam Soumagnac). La traduction anglaise, Poetics in Music in the Form of Six Lessons, est parue en 1947 (Cambridge, Harvard University Press).
-
[79]
Je remercie Louise Cloutier, spécialiste du compositeur, pour cette précieuse information. Au moins une autre oeuvre de Blackburn porte plusieurs titres : Charpente ou Canadian Forest ou La forêt canadienne (1944). Certaines partitions du compositeur auraient été détruites lors de l’inondation du sous-sol de sa maison le 14 juillet 1987, à Montréal. Ce serait hélas le cas de sa Symphonie en un mouvement (1943), dont Jean Vallerand pensait le plus grand bien (Vallerand 1943).
-
[80]
Timothy Maloney a plutôt entendu, dans cette oeuvre qu’il qualifie de « néo-classique » une combinaison du « matériel mélodique et harmonique réminiscent de la musique folklorique française avec l’esprit, l’énergie rythmique et les légères dissonances que l’on retrouve dans la musique de compositeurs tels que Poulenc, Milhaud, Honegger et Martinu. L’usage de mélodies quasi folkloriques que fait Blackbum démontre son allégeance aux principes de Claude Champagne, son premier professeur de composition » (Maloney 2008, 89). Quoique Stravinski ne soit pas mentionné par Maloney, ressort de ses propos la filiation que je cherche à mettre en valeur ici de l’oeuvre de Blackburn avec la musique française — encore une fois, au sens large — du début du xxe siècle. On notera par ailleurs que Stravinski a confié l’accompagnement de son propre Concerto pour piano (1924) à un ensemble à vents, complété par des timbales et trois contrebasses.
-
[81]
On peut en entendre, après s’être dûment inscrit, un enregistrement sur le site du Centre de musique canadienne, https://collections.cmccanada.org/final/Portal/Composer-Showcase.aspx?lang=fr-CA, consulté le 19 mai 2019.
-
[82]
Il s’agit d’une recension des travaux de Scott Messing, Stephan Hinton, Wolfgang Osthoff et Reinhard Wiesend sur le néoclassicisme.
-
[83]
Je tiens à remercier chaleureusement Mme Esther Rochon, fille du compositeur, de même que le Centre de musique canadienne (CMC), tant la section Québec que le bureau central, à Toronto, pour leur permission de reproduire cet extrait. On peut acquérir la partition numérisée, éditée par Clifford Ford, sur le site du CMC : http://musiccentre.ca, consulté le 1er février 2020.
-
[84]
Dans ses mémoires, John Beckwith évoque de façon particulièrement intéressante son expérience auprès de Nadia Boulanger (2012, 97-105 et 111).
-
[85]
Cette miniature pour piano peut être écouté sur le site du Centre de musique canadienne : https://musiccentre.ca/fr/, consulté le 1er février 2020.
-
[86]
Richard Taruskin a toutefois montré que la marque du folklore russe demeure présente dans les oeuvres composées par Stravinski dans les années 1920, y compris dans les Symphonies pour instruments à vent (1920) (Taruskin 1996). Je remercie Danick Trottier d’avoir porté ce fait à mon attention.
-
[87]
Des traits d’écriture néoclassiques ont pourtant persisté à travers les oeuvres, par exemple, d’André Prévost, de Jacques Hétu, puis de Denis Gougeon, et dans ce qu’on a fini par nommer la « postmodernité » à partir de 1980. Je remercie Marie-Thérèse Lefebvre pour cette juste observation et pour sa lecture attentive de ce texte.
-
[88]
J’ai choisi de donner cette référence et la suivante dans l’ordre chronologique et non alphabétique.
Bibliographie
- Fonds Jean et Isabelle Papineau-Couture, Bibliothèque et archives nationales du Québec à Montréal, MSS 099.
- Fonds Jean Vallerand, Université de Montréal, P286.
- Fonds Blackburn Morisset Rochon, Bibliothèque et archives nationales du Québec à Montréal, P957.
- Archer, Thomas (1945). « Igor Stravinsky Here to Conduct His Own Music — Famous Composer of “Fire-bird” Talks of Music and Musicians », The Gazette, Montréal, 3 mars, p. 6.
- Bail Milot, Louise (1977). « Papineau-Couture, Jean », dans Louise Laplante (dir.), Compositeurs canadiens contemporains, Montréal, Les Presses de l’Université du Québec à Montréal, p. 262-270.
- Bail Milot, Louise (1986). Jean Papineau-Couture, Montréal, Hurtubise/HMH.
- Bail Milot, Louise (1993) [1982]. « Papineau-Couture, Jean », dans Helmut Kallmann et Gilles Potvin (dir.), Encyclopédie de la musique au Canada, 2e éd., Montréal, Fides, t. 3, p. 2617-2621.
- Beckwith, John (1959). « Jean Papineau-Couture », Canadian Music Journal, vol. 3, no 3, hiver, p. 4-20.
- Beckwith, John (1993) [1982]. « Composition — Solos et duos instrumentaux », dans Helmut Kallmann, Gilles Potvin et Kenneth Winters (dir.), Encyclopédie de la musique au Canada, 2e éd., Montréal, Fides, t. 1, p. 714. Accessible en ligne : https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/composition-solos-et-duos-instrumentaux, consulté le 1er février 2019.
- Beckwith, John (2012). Unheard of, Memoirs of a Canadian Composer, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press.
- Benoît, Réal (1939). « Nos musiciens vus par Réal Benoît — Maurice Blackburn », Horizons, août, p. 16-17.
- Benoît, Réal (1940). « “Petite suite” de Blackburn à Québec », Le Jour, Montréal, 27 avril, p. 3.
- Béraud, Jean (1927). « Spectacles et concerts », La Presse, Montréal, 31 janvier, p. 17
- Blackburn, Maurice (1939). Digitales pour piano, Montréal, Centre de musique canadienne.
- Blackburn, Maurice (2003). Concertino pour piano et vents, Toronto, Clifford Ford Publications. Publié précédemment par le Centre de musique canadienne, « Série patrimoine canadien », 1999.
- Boivin, Jean (1995). La classe de Messiaen, Paris, Christian Bourgois.
- Boivin, Jean (1996). « Olivier Messiaen et le Québec : Une présence et une influence déterminantes sur la création de l’après-guerre », Revue de musique des universités canadiennes, vol. 17, no 1, p. 72-97.
- Boivin, Jean (2009). « Convictions religieuses et modernité musicale au Québec avant la Révolution tranquille : L’exemple de Nadia Boulanger et d’Olivier Messiaen, pédagogues et transmetteurs de renouveau musical en France et au Québec », dans Sylvain Caron et Michel Duchesneau (dir.), Musique, arts et religion dans l’entre-deux-guerres, Lyon, Symétrie/Montréal, OICCM, p. 443-469.
- Boivin, Jean (2011). « Pierre Mercure, Gilles Tremblay et quelques autres compositeurs canadiens aux Ferienkurse à Darmstadt dans les années 1950 et 1960 », Circuit, Musiques contemporaines, vol. 21, no 3, p. 55-73.
- Boivin, Jean (2013). « Providing the Taste of Learning: Nadia Boulanger’s Lasting Imprint on Canadian Music », Intersections, vol. 33, no 2, p. 71-100.
- Boivin, Jean (2016). « Dans le Québec des années 1930 et 1940, la radio, facteur essentiel de développement culturel et voie d’accès privilégiée à la “grande musique” », Revue d’histoire de la radiodiffusion, octobre-décembre, « La radio et la francophonie », p. 95-113.
- Bonet, Narcis (2006). Paul Vidal, Nadia Boulanger : Recueil debasses et chants donnés, Barcelone, DINSIC Publicacions Musicals.
- Boucourechliev, André (1982). Igor Stravinsky, Paris, Fayard.
- Bouchard, Claude et Robert Lagassé (1986).Nouvelle-France, Canada, Québec : Histoire du Québec et du Canada, Montréal, Beauchemin.
- Caron, Claudine (2008). « Chronique des concerts du pianiste Léo-Pol Morin (1892-1941) : Pour un portrait de la modernité musicale au Québec », thèse de doctorat, Faculté de musique, Université de Montréal, Montréal.
- Caron, Claudine (2013). Léo-Pol Morin en concert, Montréal, Leméac.
- Centre de musique canadienne (2002). Jean Papineau-Couture, coll. « Portraits de compositeurs canadiens/Portraits of Canadian Composers », Centredisques, CNCCD 8602, 2 disques compacts. Inclut un documentaire produit et réalisé par Eitan Cornfield.
- Cloutier, Louise, et Denis Allaire (1993) [1982]. « Blackburn, Maurice », dans Helmut Kallmann et Gilles Potvin (dir.), Encyclopédie de la musique au Canada, 2e éd., Montréal, Fidès, t. 1, p. 330-332. Accessible en ligne : https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/maurice-blackburn-emc, consulté le 1er février 2020.
- Chion, Michel (1982). « Néoclassicisme », dans Marc Vignal (dir.), Larousse de la musique, Paris, Larousse, t. 2, p. 1086.
- Cocteau, Jean (1918). Le Coq et l’arlequin, Paris, Éditions de la Sirène.
- Couture, Simon (1997). Les origines du Conservatoire de musique du Québec, mémoire de maîtrise, Université Laval, Québec.
- Cross, Jonathan (1998). The Stravinsky Legacy, Cambridge, Cambridge University Press, coll. « Music of the 20th Century ».
- Davidson, Hugh (1961). « Composers’ Page: Jean Papineau-Couture », J.M.C. Musical Chronicle, février, p. 2.
- De Schloezer, Boris (1923). « Igor Stravinsky », La Revue musicale, vol. 2, p. 97-141.
- Desautels, Andrée (1987). Les origines du Conservatoire de musique du Québec, catalogue d’exposition, Montréal, Ministères des affaires culturelles.
- Dubois, Théodore (2014) [1921]. Traité d’harmonie théorique et pratique, Paris, Alphonse Leduc [Paris, Heugel].
- Dufour, Valérie (2006). Stravinski et ses exégètes(1910-1940), Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles.
- Dupré, Marcel (1938). Cours de contrepoint, Paris, Alphonse Leduc.
- L’Encyclopédie canadienne, Accessible en ligne : https://thecanadianencyclopedia.ca/fr, consulté le 1er février 2020.
- Favrot, Michel (2011). « Néoclassicisme », dans Christian Accaoui (dir.), Éléments d’esthétique musicale, Paris, Actes sud/Cités de la musique, p. 426-430.
- Flamand, Guylaine (1999). The Montreal Orchestra and Les Concerts symphoniques de Montreal (1930-1941), thèse de doctorat, City University of New York, New York.
- Flamand, Guylaine (2003). « Le Montreal Orchestra et la création de la Société des Concerts symphoniques de Montréal (1930-1941) », Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique, vol. 7, nos 1-2, décembre, p. 23-31.
- Francis, Kimberly (2009). « Nadia Boulanger and Stravinsky: Documents of the Bibliothèque Nationale de France », Revue de musicologie, vol. 95, no 1, p. 137-156.
- Francis, Kimberly A. (2015). Teaching Stravinsky: Nadia Boulanger and the Consecration of a Modernist Icon, New York, Oxford University Press.
- Gédalge, André (1901). Traité de fugue, 1ère partie : De la fugue d’école, Paris, Enoch.
- Gingras, Claude (2014a). « Prokofiev et le Québec », La Scena Musicale, vol. 20, no 2, 1er octobre, Accessible en ligne : http://www.scena.org/lsm/sm20-2/sm20-2_notes_fr.html, consulté le 1er février 2019.
- Gingras, Claude (2014b). Notes. 60 ans de vie musicale, confidences et anecdotes, Montréal, Les Éditions La Presse.
- Hatton, Helen (intervieweuse) (1974). « Interview ! Godfrey Ridout », Le Compositeur canadien/The Canadian Composer, no 93, septembre, p. 4, 7, 9, 11 et 13. Version française.
- Hindemith, Paul (1941). « Exercises in Two-Part Writing », The Craft of Musical Composition, t. 2, Londres, Schott Music.
- Hindemith, Paul (1942). « Theoritical Part », The Craft of Musical Composition, t. 1, Londres, Schott Music. Traduction anglaise de Unterweisung im Tonsatz, t. 1, Theoritischer Teil (1937, réédité en 1940).
- Hindemith, Paul (1943). Concentrated Course in Traditional Harmony, with Emphasis on Exercises and a Minimum of Rules, New York, Associated Music.
- Hindemith, Paul (1946). Elementary Training for Musicians, New York, Associated Music.
- Hindemith, Paul (1996). « La théorie des accords » et « Analyses », extraits de The Craft of Musical Composition (tome 1, Theoritical Part), traduits de l’anglais par Jean-Claude Teboul, Ostinato rigore, revue internationale d’études musicales, vol. 6-7 (dans « Paul Hindemith »), Paris, Jean Michel Place, p. 101-114, 115-134.
- Intérim (pseudonyme) (1927). « Pro Musica », Le Devoir, Montréal, 2 février, p. 1.
- Jameux, Dominique (1984). Pierre Boulez, Paris, Fayard/Sacem, coll. « Musiciens d’aujourd’hui ».
- Johnson, Barrett Ashley (2010). Training the Composer: A Comparative Study Between the Pedagological Methodologies of Arnold Schoenberg and Nadia Boulanger, Cambridge, Cambridge Scholars.
- Joseph, Charles M. (2001). Stravinsky In and Out, New Haven, Yale University Press.
- Kallmann, Helmut, et Gilles Potvin (dir.) (1993) [1982]. Encyclopédie de la musique au Canada, 2e éd., Montréal, Fides. Accessible en ligne : http://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/, consulté le 1er février 2019.
- Keillor, Elaine (1984). « The Conservative Tradition in Canadian Music », dans Godfrey Ridout et Talivaldis Kenins (dir.), Célébrations : Aspect of Canadian Music (Essays Published in Honour of the 25th Anniversary of the Canadian Music Center)/Aspects de la musique canadienne (essais publiés à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du Centre de musique canadienne), Toronto, Canadian Music Center/Centre de musique canadienne, p. 49-56.
- Kelly, Barbara L. (2016). Tradition and Style in the Work of Darius Milhaud (1912-1939), New York, Routledge.
- Klein, Lothar, Potvin, Gilles, et coll. (1972), « Regards en arrière », Les Cahiers canadiens de musique, printemps-été (« Dossier Stravinsky-Canada 1937-1967 »), p. 19-31.
- Laplante, Louise (dir.) (1974). Compositeurs au Québec — Jean Papineau-Couture, Centre de musique canadienne à Montréal.
- Lazzaro, Federico (2018). Écoles de Paris en musique : 1920-1950, Paris, Vrin.
- Lefebvre, Marie-Thérèse (1986). Serge Garant et la révolution musicale au Québec, Montréal, Louise Courteau.
- Lefebvre, Marie-Thérèse (1994). « Gilles Tremblay : Documentation », dans Circuit, revue nord-américaine de musique du xxe siècle, vol. 5, no 1, « Gilles Tremblay : Réflexions », p. 69-78.
- Lefebvre, Marie-Thérèse (1996a). Jean Vallerand et la vie musicale du Québec 1915-1994, Montréal, Éditions du Méridien.
- Lefebvre, Marie-Thérèse (1996b). « Pour débusquer l’inconnu : Chronologie de Serge Garant », Circuit, revue nord-américaine de musique du xxe siècle, vol. 7, no 2, p. 57-73.
- Lefebvre, Marie-Thérèse (2004). Rodolphe Mathieu, l’émergence du statut professionnel de compositeur au Québec, 1890-1962, Montréal, Septentrion, coll. « Cahiers des Amériques ».
- Lefebvre, Marie-Thérèse et Jean-Pierre Pinson (2009). Chronologie musicale du Québec (1535-2004), musique de concert et musique religieuse, avec la coll. de Mireille Barrière, Paul Cadrin, Élisabeth Gallat-Morin, Bertrand Guay et Micheline Vézina, Québec, Septentrion.
- Maloney, Timothy (2008). « Regard sur le répertoire canadien : Concertino pour piano et vents de Maurice Blackburn », traduit de l’anglais par Jade Piché, Vents canadiens/Canadian Winds, printemps, p. 89-91.
- McGee, Timothy J. (1985). Music in Canada, New York, Norton.
- Marnat, Marcel (1995). Stravinsky, Paris, Seuil, coll. « Solfèges ».
- Messing, Scott (1988). Neoclassicism in Music: From the Genesis of the Concept through the Schoenberg/Stravinsky Polemic, Ann Arbor, University of Michigan Press.
- Mooser, R.-Aloys (1947 ?). Regards sur la musique contemporaine, 1921-1946, Lausanne, Libraire rouge.
- Nattiez, Jean-Jacques (1987). « Y a-t-il une musique québécoise ? », InHarmoniques, mai, « Musiques, identités », p. 152-160.
- Nicholson, Georges (2010). André Mathieu, biographie, Montréal, Québec Amérique. Précédé d’un entretien avec Alain Lefebvre.
- La Lyre (Aline Duchesnay ?) (1930). « Serge Prokofiev », février-mars-avril, p. 10.
- Papineau-Couture, Isabelle et Jean (1972). « Souvenirs », Les Cahiers canadiens de musique, printemps-été (« Dossier Stravinsky-Canada 1937-1967 »), p. 59-63.
- Papineau-Couture, Jean (1942). « Que sera la musique canadienne ? », Amérique française, vol. 2, no 2, octobre, p. 24-26.
- Papineau-Couture, Jean (1979). [Oeuvres et entrevue], Anthologie de la musique canadienne, Radio-Canada International, ACM 4, 6 disques noirs.
- Papineau-Couture, Jean (1999). Sonatepour violon et piano, Angèle Dubeau, violon et Louise-Andrée Baril, piano, Analekta, FL 2 3150, 1 disque compact (Opus Québec).
- Pelletier, Frédéric (1930). « Les concerts : Serge Prokofieff », Le Devoir, 21 mars, p. 3.
- Pelletier, Romain-Octave (1946). « Les concerts : Stravinsky », Le Devoir, Montréal, 12 décembre, p. 7.
- Poirier, Lucien (1984). « Nationalisme et musique au Canada français (1860-1945) », Les Cahiers de l’ARMuQ, novembre, p. 6-33.
- Potvin, Gilles (1946). « Jean Papineau-Couture, compositeur », série « La jeune musique canadienne », Le Passe-Temps, novembre, p. 5.
- Potvin, Gilles (1988). « Maurice Ravel au Canada », dans John Beckwith et Frederick A. Hall (dir.), Musical Canada: Words and Music Honoring Helmut Kallmann, Toronto, Toronto University Press, p. 149-163.
- Potvin, Gilles (2013). « Brault, Cédia », dans Helmut Kallmann et Gilles Potvin (dir.), Encyclopédie de la musique au Canada, Accessible en ligne : https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/brault-cedia-1, consulté le 14 avril 2019.
- Poulenc, Francis (2011). J’écris ce qui me chante : Textes et entretiens réunis, présentés et annotés par Nicolas Southon, Paris, Fayard.
- Pozzi, Raffaele (2003). « L’idéologie néoclassique », dans Jean-Jacques Nattiez (dir.), Musiques : Une encyclopédie pour le xxie siècle, Arles/Paris, Actes-Sud/Cité de la Musique, vol. 1, « Le vingtième siècle », p. 348-376.
- Proctor, George (1976). « Neo-classicism and Neo-romanticism in Canadian Music », Studies in Music from the University of Western Ontario, vol. 1, p. 15-16.
- Proctor, George (1980). Canadian Music of the Twentieth-Century, Toronto, Toronto University Press.
- Proctor, George (1984). « Canadian Music from 1920 to 1945: The End of the Beginning », Music Studies of the University of Western Ontario, no 9, p. 2-26.
- Prokofiev, Sergei (2012a). Diaries, tome ii: 1915-1923, Behind the Mask, Londres, Faber and Faber. Édité, traduit du russe et annoté par Anthony Phillips.
- Prokofiev, Sergei (2012b). Diaries, tome iii: 1924-1933, The Prodigal Son, Londres, Faber and Faber. Édité, traduit du russe et annoté par Anthony Phillips.
- Roussel, Paul (1948). « Sur tous les tons : Sur le néo-classicisme », Le Devoir, Montréal, 19 août, p. 5.
- Schabas, Ezra (1994). Sir Ernest MacMillan: The Importance of Being Canadian, Toronto, Toronto University Press.
- Schloezer, Boris de (1923). « Igor Stravinsky », La Revue musicale, 1er décembre, p. 97-141.
- Schubert, Giselher (2013). « Système et poétique chez Paul Hindemith », dans Nicolas Donin et Laurent Feneyrou (dir.), Théories de la composition musicale au xxe siècle, Symétrie, vol. 1, p. 255-268.
- Sprout, Leslie A. (2009). « The 1945 Stravinsky Debates: Nigg, Messiaen, and the Early Cold War in France », The Journal of Musicology, vol. 26, no 1, hiver, p. 85-131.
- Sprout, Leslie A. (2013). The Musical Legacy of Wartime France, Berkeley, University of California Press, coll. « California Studies in 20th-Century Music ».
- Segond-Genovesi, Cédric (2018). « L’enseignement de Nadia Boulanger après la Seconde Guerre mondiale », dans Laurent Feneyrou et Alina Poirier (dir.), De la Libération au Domaine musical : Dix ans de musique en France (1944-1954), Paris, Vrin, coll. « MusicologieS », p. 199-216.
- Stravinski, Igor (2011). Poétique musicale, Paris, Flammarion, coll. « Harmoniques ». Texte complet édité et présenté par Myriam Soumagnac.
- Stravinski, Igor (2013). Confidences sur la musique. Propos recueillis (1912-1939), Arles, Actes Sud. Textes et entretiens choisis, édités et annotés par Valérie Dufour.
- Stravinsky, Igor, et Robert Craft (1963). Souvenirs et commentaires, Paris, Gallimard/NRF. Traduit de l’anglais par Francis Ledoux.
- Strobel, Heinrich (1947). « Igor Stravinsky », Melos, vol. 14, p. 328-332, 377-379.
- Stuckenschmidt, Hans Heinz (1963). « Igor Stravinsky », dans Roland-Manuel (dir.), Histoire de la Musique, Paris, Pléiade, t. 2, p. 1015.
- Taruskin, Richard (1993). « Back to Whom?: Neoclassicism as Ideology », 19th-Century Music, vol. 16, no 3, printemps, p. 286-302.
- Taruskin, Richard (1996). Stravinsky and the Russian Tradition. A Biography of the Works through Mavra, Berkeley, University of California Press.
- Trottier Danick (2008). « La querelle Schoenberg/Stravinski : histoire et prémisses d’une théorie des querelles au sein de l’avant-garde musicale », thèse de doctorat, École des Hautes Études en Sciences Sociales/Université de Montréal, Paris/Montréal.
- Trottier, Danick (2016). « André Mathieu (1929-1968): The Emblematic Case of the “Young Canadian Mozart” », dans Gary McPherson (dir.), Musical Prodigies: Interpretations from Psychology, Education, Musicology, Ethnomusicology, Oxford, Oxford Scholarship Online, p. 667-684.
- Trudel, Edmond (1920). « Récital de piano Prokofieff », La Musique, Québec, 20 février, p. 39.
- Vallerand, Jean (1937). « Le concert Stravinsky », Quartier latin, Montréal, 29 janvier, p. 5.
- Vallerand, Jean (1943). « Création d’une oeuvre de Maurice Blackburn », Le Canada, Montréal, 10 mars.
- Vallerand, Jean (1944). « Concert de la Petite symphonie », Le Canada, Montréal, 16 novembre, p. 5.
- Vallerand, Jean (1945a[88]). « Stravinsky à Montréal », Le Canada, Montréal, 7 mars, p. 9
- Vallerand, Jean (1945b). « Paroles et musique : Igor Stravinsky », Le Canada, Montréal, 10 mars, p. 5.
- Vallerand, Jean (1945c). « La période expérimentale », Le Canada, Montréal, 4 août, p. 5.
- Vallerand, Jean (1946a). « Le métier de compositeur », Le Canada, Montréal, 29 janvier, p. 5.
- Vallerand, Jean (1946b). « Sur Igor Stravinski », Le Canada, Montréal, 29 août, p. 5.
- Valois, Marcel (1946). « Le Divertimento de Stravinsky est une merveille d’esprit », La Presse, Montréal, 11 décembre, p. 13.
- Varèse, Edgard (1983).Écrits, Paris, Christian Bourgois, coll. « Musique/Passé/Présent ». Textes réunis et présentés par Louise Hirbour, traduits de l’anglais par Christiane Leaud.
- Walsh, Stephen (2002). Stravinsky: A Creative Spring: Russia and France, 1882-1934, Berkeley, University of California Press.
- Walsh, Stephen (2006). Stravinsky: The Second Exile: France and America, 1934-1971, Berkeley, University of California Press.
- Weinzweig, John (1996). « The Making of a Composer », dans Glen Carruthers et Gordana Lazarevitch (dir.), A Celebration of Canada’s Arts 1930-1970, Toronto, Canadian Scholars’ Press, p. 77-86. Accessible en ligne : https://www.musiccentre.ca/fr/node/60715, consulté le 1er février 2019.
- Whitall, Arnold (2001). « Neo-classicism », Grove Music Online, https://www-oxfordmusiconline-com, consulté le 30 mai 2019.
- Wikipedia, « Néo-classicisme ». https://fr.wikipedia.org/wiki/Néo-classicisme_(musique), consulté le 14 avril 2019.
- Winters, Kenneth, John Beckwith et Rick MacMillan(1993) [1982]. « Néoclassicisme », dans Helmut Kallmann et Gilles Potvin (dir.), Encyclopédie de la musique au Canada, 2e éd., Montréal, Fidès, t. 3, p. 2384-2386. Accessible en ligne : https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/neoclassicisme, consulté en avril 2019.