Abstracts
Résumé
Le songe est un élément que l’on trouve dans un certain nombre d’oeuvres dramatiques musicales à la fin du xviie siècle. Sa fonction et sa mise en scène sont pourtant soumises à différents facteurs. Le corpus d’étude de cette recherche est constitué par les songes de Renaud dans l’Armide (Jean-Baptiste Lully, 1686), celui d’Atys (dans l’oeuvre lullienne du même nom, 1689) et celui d’Ulysse dans Circé (Henri Desmarets, 1694).
La comparaison de ces trois songes montre que les différences peuvent être expliquées par le recours des librettistes et des compositeurs, soit à une certaine matrice littéraire ancienne, soit aux caractéristiques du genre de la pastorale musicale. La source de référence pour la mise en scène du songe fournit au compositeur différents moyens d’expression. Le recours à un texte littéraire crée la possibilité de laisser participer le spectateur à une mise en scène du songe comme une sorte d’illusion. L’utilisation des éléments de la pastorale, en revanche, dissocie les actions, exposant a priori tranquillement le dormeur pour relater ensuite le contenu de son rêve.
L’analyse du rôle de ces traditions, complétée par celles de la place du songe dans la trame de l’histoire et des éléments dramatiques et théâtraux concrets qu’engagent les compositeurs, fait ressortir deux grandes lignes : plus le songe s’inscrit dans la tradition de la pastorale dramatique, plus il joue sur l’allégorique. Le recours à une matrice littéraire entraîne cependant une concentration sur les questionnements humains.
Il est ainsi possible de confirmer, mais aussi d’affiner un lien qu’établit Michel Brenet en 1883 dans Le Ménestrel entre la tragédie lyrique Circé de Desmarets et l’Armide de Lully et de placer Atys dans ce contexte.
Abstract
The “songe” (dream) is an element found in several musical dramatic works in the late 17th century. Yet, its function and staging are subject to different factors. The study corpus for this research is constituted of Renaud’s dreams in the Armide (Jean-Baptiste Lully, 1686), those of Atys (in the Lullian work of the same name, 1689) and those of Ulysses in Circe (Henri Desmarets, 1694).
Comparing these three dreams shows that the differences can be explained by the fact that librettists or composers made use either of an old literary matrix or of the characteristics of the pastoral musical genre. Indeed, the source to which the composer refers for the staging of the dream provides him with different means of expression. While the use of a literary source creates space for the staging of the dream as a kind of illusion in which the spectator participates, the use of the pastoral musical elements dissociates the actions, initially quietly revealing the sleeper to then convey the contents of his dream.
Analyzing the role of these traditions, supplemented by those of the dream’s place within the fabric of history and of the specific dramatic and theatrical elements used by composers, highlights two main lines: the more the dream falls within the tradition of the pastoral drama, the more it plays on the allegorical, and on the other hand, the use of the literary matrix corresponds to a focus on human questions.
It is thus possible to confirm, but also to refine, a link established by Michel Brenet in 1883 in Le Ménestrel between Desmarets’ “tragédie en musique” Circé and Lully’s Armide, and to place Atys in this context.
Appendices
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