Comptes rendus

Monique Desroches, Sophie Stévance et Serge Lacasse (dir.), Quand la musique prend corps, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2014, 390 p. ISBN 978-2-7606-3380-3[Record]

  • Lothaire Mabru

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  • Lothaire Mabru
    Maître de conférences habilité à diriger des recherches, Université Bordeaux 3-Michel de Montaigne/CIRIEF (Centre international de recherches interdisciplinaires en ethnomusicologie de la France)

Cet ouvrage collectif rassemble les travaux de vingt-deux chercheurs sur le thème du corps en musique. Le beau titre donne envie de se plonger rapidement dans les diverses contributions, et la diversité des terrains devrait permettre de bien balayer la problématique et d’apporter des réponses variées. Je précise d’emblée ma déception profonde à la lecture de la plupart des contributions – mais non de toutes, heureusement – d’abord et surtout en raison d’une méconnaissance de la part de plusieurs auteurs des travaux antérieurs sur le sujet, ensuite parce que nombre d’entre elles ne traitent pas vraiment de la question affichée dans le titre. Si, en 1995, je pouvais écrire que la question du corps en musique n’avait pratiquement pas été abordée, hormis les travaux déjà lointains d’André Schaeffner et un bel article de Jean Molino, il n’en est plus de même aujourd’hui. Hormis l’étude bien connue de François Delalande sur la gestique de Glenn Gould et les deux auteurs précédemment cités, aucune autre référence n’est considérée par les auteurs. De là le fait que certaines contributions enfoncent des portes ouvertes, si j’ose m’exprimer ainsi : tout bon pédagogue sait que le corps est indissociable de toute pratique musicale vocale ou instrumentale, ou que le geste est important pour la réalisation des idées musicales. C’est en tous cas la conclusion du premier chapitre signé par Isabelle Héroux et Marie-Soleil Fortier (« Le geste expressif dans le travail d’interprétation musicale »), texte qui m’a déçu, pour cause de méconnaissance de la question. Pour les deux contributrices, « selon la littérature le geste musical comporterait différentes fonctions », à savoir effectuer, accompagner et figurer (p. 23), développées par Delalande. Il aurait mieux valu écrire selon une certaine littérature et non toute la littérature sur la question. Ce ne sont pas les seuls auteurs à ne s’appuyer que sur Delalande, et c’est bien dommage. Non que ses travaux ne présentent pas d’intérêt, mais parce qu’ils ne sont pas les seuls, et leur confrontation avec d’autres analyses aurait pu être fructueuse. Bien que cela me répugne quelque peu, et l’on comprendra aisément pourquoi, je suis bien obligé d’évoquer ici mes travaux personnels qui ont permis de proposer un autre point de vue, en distinguant trois modes d’engagement du corps : le mode fonctionnel ou effectuateur, le mode social et le mode « ontologique ». Que l’on me comprenne bien, je ne prétends pas à une quelconque supériorité de mes analyses, mais comment peut-on fonder une recherche sans prendre en compte l’ensemble des travaux antérieurs dans le but de les mettre en regard et d’en tirer sinon le meilleur, du moins des propositions nouvelles pour faire progresser la réflexion? De plus, je ne suis pas le seul, bien évidemment, à avoir travaillé sur cette problématique du corps dans la pratique musicale. Il apparaît donc que la majorité des contributions partent de zéro et proposent en conséquence un discours loin d’être nouveau et pertinent, ce qui est fort dommage. Il y a tout de même le texte d’Yves Defrance (« Sonner avec son corps. Danser avec sa voix ») qui aurait mérité à mon avis d’être placé en ouverture du recueil, car, avec des accents quasiment schaeffneriens, il pose les jalons pour traiter la plupart des problèmes soulevés par la question du corps et de la musique, dans une perspective programmatique et généralisée. C’est à mon sens l’un des chapitres pertinents de cet ouvrage, du fait de sa volonté de fournir un ensemble d’hypothèses pour bâtir un programme de recherches. Mais lorsque je lis, par exemple, dans le début de la contribution de Vincent Cotro (« Le …

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