Abstracts
Résumé
Dans un texte rédigé en italien, Marcello Vitali Rosati analyse la pensée d’Emmanuel Lévinas d’un point de vue logique. La distance prise par Lévinas face à l’ontologie et à la logique formelle contraint l’auteur à développer sa propre « logique de la transcendance », en s’appuyant, entre autres, sur la « logique de l’Inconscient », explorée dans la deuxième moitié du XXe siècle par le psychiatre et psychanalyste Ignacio Matte Blanco.
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Riflessione e trascendenza (itinerari a partire da Levinas), texte de Marcello Vitali Rosati, fut publié par la maison d’édition italienne Edizioni ETS (Voir en ligne) en mars 2003, alors que l’auteur était jeune doctorant en philosophie à l’Université de Pise. Le livre (170 pages) est divisé en cinq chapitres précédés d’une introduction et suivis d’une vaste bibliographie sur le philosophe franco-lituanien (1906-1995). Mais, plus qu’une analyse des idées lévinassiennes, Vitali Rosati, en fin logicien, expose les fondements de ce qu’il appelle une nouvelle logique de la transcendance et de la réflexion à partir d’une critique de la logique mise en œuvre par Lévinas dans son éthique. Cette note de lecture, avec ce qu’elle peut avoir de personnel et de subjectif comme toute lecture, met donc l’accent non pas sur la « philosophie » de Lévinas (lui-même récusait la philosophie ontologique traditionnelle), mais sur la succession explosive des idées de Vitali Rosati, dont la dimension esthétique est bien rendue par La cabeza rafaelesca explotando, le tableau de Salvador Dalí choisi par l’éditeur pour illustrer la couverture du livre. Un texte philosophique peut être aussi « beau » qu’un texte poétique. Ne peut-on pas lire le Tractatus Logico-Philosophicus du jeune Wittgenstein comme le plus beau des poèmes mathématiques ?
Ce qui facilite et rend très agréable la lecture de Riflessione e trascendenza, outre la transparence et l’exactitude du langage philosophique de l’auteur, c’est la richesse lexicale et la flexibilité syntaxique de la langue italienne, qui s’introduit aisément dans les recoins les plus abstraits de la philosophie et de la logique formelle[1]. Ceci explique que cette note de lecture soit tissée avec des citations du texte original (prélevées directement dans l’édition italienne qui sert de référence bibliographique), leur traduction apparaissant dans les notes en fin d’article, sauf lorsque leur brièveté ou la coïncidence des racines latines communes des mots italiens et des mots français rendent la traduction superflue. Sens public est une revue plurilingue.
Dans l’« Introduzione » du livre, Vitali Rosati donne une première définition du concept de « réflexion » (riflessione) :
In un senso generalissimo e provvisorio intendiamo per " riflessione " proprio questa struttura : il soggetto, nel cercare un rapporto con l’alterità, funge da specchio, luogo di apparizione, e di contatto insieme, di tutto ciò che è altro. Nel " riflettere " il soggetto crea in se stesso il luogo di incontro con ciò che è altro da lui. Senza un " i o rifletto " ogni immagine è destinata a dileguarsi, l’alterità non può essere in nessun modo incontrata [2].
Et il signale, immédiatement, l’incompatibilité de ce concept avec celui de « transcendance », fondement ultime de l’« altérité » (alterità) : « La trascendenza è la possibilità della differenza assoluta dell’alterità » [3]. Mais (et celle-ci est l’une des questions fondamentales de la pensée lévinassienne), comment un rapport avec une altérité qui reste absolument autre est-il possible, c’est-à-dire un rapport qui ne détruise pas l’altérité, mais qui la conserve ?
Dès le premier chapitre, Vitali Rosati examine la logique de la tentative de Lévinas pour dépasser la philosophie traditionnelle d’ascendance aristotélicienne, fondée sur l’ontologie et la question de l’Être. Comme chacun sait, le penseur franco-lituanien veut mettre en place une philosophie fondée sur l’éthique et l’analyse de la relation entre le Même (il Medesimo) et l’Autre (l’Altro). Pour lui, l’Autre en tant qu’Autre n’est pas un objet qui peut devenir mien ou qui devient moi, l’Autre ne peut pas m’appartenir, il ne s’aplatit (appiattisce) pas sous moi, il se retire dans l’absolu de son mystère. Cette relation rappelle inéluctablement la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel, dont la critique, à l’égal de celle du Dasein heideggérien, est primordiale pour Lévinas.
Sur la critique lévinassienne de Hegel et sa dialectique, Vitali Rosati écrit exactement ceci :
L’uomo hegeliano è soddisfatto, non ha bisogno di niente altro e per questo è chiuso ad ogni possibile alterità. Il sapere assoluto è un’infinita libertà de manomissione, appropriazione e soddisfazione, che non lascia spazio al desiderio né al bisogno. Il lavoro del pensiero hegeliano non tende a " lasciare la Cosa così com’è ", bensì a sopraffarla, a tradirla per farla cadere nelle proprie mani, ad appropiarsene come un beni di consumo. E fa questo con le cose come con gli uomini[4].
Or, cette référence à l’uomo hegeliano approche plutôt la définition du « maître » dans le cheminement que fait la conscience de soi vers l’autocoscienza (Selbstwebusstsein), mouvement décrit étape par étape dans la Phénoménologie de l’Esprit. La référence à la critique lévinassienne de Hegel ne tient pas compte du « serviteur », uomo autant que le maître, mais qui travaille pour satisfaire (soddisfare) celui-ci [5]. L’homme comme serviteur n’est pas satisfait (soddisfatto). Néanmoins, il est, comme conscience de soi identique à la conscience de soi de celui qui deviendra le maître, le seul des deux qui se trouve dans la voie qui le mènera, grâce à son travail (former), vers sa libération et la Selbstwebusstsein. En revanche, le maître « jouissif », éphémèrement soddisfatto, est destiné à être abandonné à son désespoir lorsque son serviteur se sera reconnu dans la forme de son œuvre (travail) et, par conséquent, quand il n’aura plus besoin de la reconnaissance du maître. On pourrait se demander si cette imprécision dans le rappel du concept de l’uomo hégélien, rappel excluant le serviteur, ne cacherait pas un proton pseudos qui affaiblirait, dès sa racine, la pensée lévinassienne. D’ailleurs, dans le sous-chapitre « La critica a Heidegger e all’ontologia », Vitali Rosati repère (et d’une certaine façon, excuse) d’autres imprécisions de Lévinas : « Non è certo possibile pensare che il sottile ingegno levinassiano non sia stato capace di una lettura più attenta di Essere e Tempo » [6]. Aurait-il fait, en revanche, une lecture peu attentive de Hegel ?
La pensée de Lévinas pose incontestablement des problèmes dans sa formulation logique. C’est l’un des motifs pour lesquels Vitali Rosati, en logicien averti, fera un effort considérable pour offrir au lecteur une vision de l’éthique lévinassienne moins étrangère à la pensée ontologique traditionnelle. Celle-ci nous vient, bel et bien, de la Grèce antique et elle s’étend de Socrate à Heidegger et son concept de Dasein. Sans doute, l’un des obstacles majeurs pour saisir Lévinas, c’est le remplacement qu’il propose de l’ontologie (comme philosophia prima) par l’éthique, remplacement qui va, répétons-le, à l’encontre de la logique aristotélicienne et de ses principes fondamentaux. D’après Lévinas, pour la philosophie classique, l’altérité serait toujours relative à l’ipséité (ipseità) qui la connaît. Afin que la relation avec l’altérité puisse se donner absolument, elle ne peut pas être cognitive mais éthique.
Vitali Rosati confirme que l’éthique lévinassienne est caractérisée par des structures différentes de celles de la logique formelle : « Le idee levinassiane non rispettano i principi della logica formale, sembrano piuttosto basarsi su una logica " altra " » [7]. Pour sortir de cet étonnant cul-de-sac dans lequel semble s’enfermer Lévinas, il faut donc découvrir une nouvelle logique, différente aussi bien de la logique hégélienne que de la logique formelle. C’est ce que tentera de faire l’audacieux doctorant à partir du deuxième chapitre, « Etica et Logica » et ses deux sous-chapitres, « Oltre la logica formale » et la « Logica dell’etica », introduisant un véritable suspens dans son livre. « La nostra tesi è che la filosofia di Levinas possa essere totalmente interpretata come le costruzione di una logica altra o, meglio, di una logica dell’altrimenti. L’etica è logica, una logica che va al di là della logica formale e della dialettica »[8], signale-t-il, envisageant une « logica della trascendenza », au-delà de la logique formelle et de ses principes fondamentaux, notamment le principe d’identité et le principe de non-contradiction, principes que Lévinas transgresse : « Ciò che lo induce ad una così grave trasgressione è la necessità […] di poter avere una molteplicità che non si riduca ad unità. A tale irriducibilità è infatti legata la possibiltà dell’alterità. Se tale riduzione fosse possibile […], l’appiattimento dell’Altro sul Medesimo sarebbe inevitabile. »[9]
À partir de cette constatation, l’auteur commence à ponctuer son texte de notes de logique formelle d’une grande précision mathématique, cette même logique définie par Lévinas comme « logique de l’immanent », système qui empêche la possibilité de l’altérité. Pour la pensée lévinassienne, la logique formelle doit être surmontée. Vitali Rosati précise : « La logica è un sistema. Come tale è ciò che rende simmetrica ogni asimmetria, ciò che può dare giudizi su tutto, ciò che può tematizzare e totalizzare. Anche se vi fosse, dunque, una qualche differenza tra Medesimo ed Altro, essa viene ridotta nella totalizzazione sistematica » [10]. Puis, il analyse les objections que Derrida, s’imaginant à la place de Parménide, adresse à Lévinas dans Violence et Métaphysique.Les objections derridiennes (l’altérité ne peut être que l’altérité de quelque chose, l’Autre ne peut être donc absolument Autre) semblent démasquer « un errore banale, quasi una distrazione di Levinas » [11]. Derrida, d’ailleurs, se refuse à prendre au sérieux l’affirmation de Lévinas selon laquelle l’être se produit comme multiplicité, mais que celle-ci ne pourrait, en aucun cas, se trouver réduite à l’unité.
Nous savons que le concept de Temps chez Lévinas est très éloigné de la conception classique. Vitali Rosati souligne que
la logica formale si basa su una concezione del tempo come continuo. È possibile in ogni momento parlare logicamente del futuro in quanto il tempo è qualcosa di omogeneo. L’ammissione di una discontinuità del tempo porterebbe ad una serie di paradossi che la logica formale non può accettare. Sarebbe impensabile la validità del principio di causalità per chi penssase la possibilità di " salti " del tempo, di spezzature qui tronchino la relazione tra presente passato e futuro […] D’altra parte pensare il tempo come continuo e ipotizzare una relazione logica stretta e indiscutibile tra gli instanti che lo compongono rende difficile la possibilità dell’ alterità[12].
Lévinas propose un Temps discontinu, dont la caractéristique fondamentale est l’impossibilité de synchroniser des instants divers. C’est ce qu’il appelle « diachronie » : la diachronie est l’impossibilité de coller un instant à l’autre. L’identité diachronique n’est pas valide pour la logique formelle, à savoir, le fait qu’une chose reste ce qu’elle est. Évidemment, le principe de causalité est aussi mis en question. Dans ce cas, comment expliquer, par exemple, le lien de la paternité, la relation père-fils, où l’un est la cause de l’autre ? Ce sont ces structures éthiques, non explicables par la logique traditionnelle, que le penseur franco-lituanien appelle « intrigues » (intrigo), structures qui empêchent que « la sua etica venga inglobata da una logica ancora più potente : la dialettica » [13].
Dans le sous-chapitre « La Logica dell’etica », Vitali Rosati, après avoir révisé les concepts du Dire et du Dit, constate que la structure lévinassienne la plus incompatible avec la logique formelle, c’est l’asymétrie (dissymétrie ou asymétrie éthique). En examinant les conséquences d’une telle assertion, il conclut que l’impossibilité d’établir la différence entre relations asymétriques et relations symétriques déterminerait l’effondrement de toute la logique formelle. C’est sur ce point que la tentative de Vitali Rosati va se croiser avec le travail du psychiatre et psychanalyste Ignacio Matte Blanco[14], notamment dans son livre L’inconscio come insiemi infiniti, où Matte Blanco interprète l’Inconscient freudien du point de vue de la logique mathématique[15].
Matte Blanco décrit l’Inconscient en tant qu’entité psychique fondée sur une logique symétrique qui considère toutes les relations comme symétriques et qui ne connaît pas l’asymétrie[16]. Cette logique est totalement incompatible avec les principes de la logique formelle… à l’instar de la logique mise en œuvre par Lévinas, qui décrit l’espace qui va du Même à l’Autre comme irréversible, donc hétérogène et asymétrique. Vitali Rosati souligne : « Possiamo opporre all’enunciato matteblanchiano il seguente : l’etica tratta la relazione inversa de qualsiasi relazione come se non fosse in nessun caso identica alla relazione. In altre parole tratta le relazioni simmetriche come se fossero assimetriche » [17]. Il continue le contrepoint avec Matte Blanco, cette fois sur les notions d’Espace et de Temps. Si les relations asymétriques ne sont pas disponibles (comme ce serait le cas dans la « logique » de l’Inconscient), la succession des moments dans un ordre sériel ne peut pas exister. Il n’y a plus de distinction entre passé, présent et futur. Quant à l’Espace, il n’existerait plus de différence entre les dimensions de grandeur. Bien entendu, on peut dire la même chose s’agissant des relations symétriques : « L’assenza di relazioni simmetriche determina una pari sparizione di qualsiasi tipo di ordinamento » [18].
Par la suite, Vitali Rosati remarque que « le implicazioni dell’etica levinassiana sono ancor più paradossali di quelle dell’Inconscio matteblanchiano per quanto riguarda il problema dell’universalizzazione » [19]. En effet, en relation au problème de l’universalisation, les structures lévinassiennes sont encore plus paradoxales que celles de Matte Blanco, car si la logique symétrique permet une universalisation totale (même si non conforme à la logique formelle), l’éthique de Lévinas empêche toute forme d’universalisation et donc de langage (puisqu’elle suppose la possibilité de conceptualiser, de réunir un groupe de termes sous une définition unique). Derrida s’en étonnait. Lévinas oppose à l’universalisation son concept d’« anarchie », où les liens sont coupés entre les termes. Ainsi, par exemple, la « responsabilité » (responsabilità), concept de l’éthique traditionnelle, est définie par Lévinas comme « anarchique ». La « responsabilité » précéderait tout engagement, elle n’a pas une origine propre du fait de la structure asymétrique qui lie le Même à l’Autre. Donc, le Même peut être responsable de l’Autre avant de l’avoir rencontré… formule à la fois merveilleuse et difficilement imaginable. Bref. Puisque l’éthique de Lévinas et son concept d’« anarchie » semblent déterminer la fin de la logique traditionnelle et de la philosophie classique, Vitali Rosati se pose, avec d’autant plus de pertinence, la question : « È possibile la strutturazione di una logica della trascendenza ? Di un sistema che non sia sistema e che d’altra parte sia capace di gestire la paradossalità del rapporto con un’alterità che rimanga tale, una alterità assoluta, assolta anche dal rapporto con lo stesso sistema che la gestisce ? » [20] Voilà, mieux profilé, son défi et son pari.
D’emblée, le troisième chapitre, « Ritornare allo specchio » (Retour au miroir), affichera son ambition :
Il " ritorno allo specchio " che analizzaremo non sarà mostrato come una necessità insita nel pensiero levinassiano, necessità non vista dal filosofo e che la nostra intelligenza dei testi avrebbe scoperto. Tale " ritorno allo specchio " sarà piuttosto mostrato come una nuova possibilità, forse più feconda, di una "stasi etica " [21].
Ce retour à lo specchio est très significatif. Déjà dans l’« Introduzione », Vitali Rosati y fait référence lorsqu’il définit provisoirement son concept de riflessione avant d’entrer dans l’analyse du Même et de l’Autre. Il y reviendra souvent dans les chapitres suivants, notamment dans le quatrième quand il se proposera d’aller vers une nuova riflessione. Nonobstant, l’auteur n’analyse pas lo specchio comme la métaphore qui a été utilisée non seulement en philosophie, mais aussi en psychologie, particulièrement par Lacan dans sa théorie du « stade du miroir », pensée qui n’est pas étrangère à celle de son collègue psychanalyste, Matte Blanco. Cela l’aurait sans doute conduit à analyser la métaphore socratique et platonicienne de la caverne et, peut-être, à approfondir les analogies possibles (ou plutôt impossibles) entre l’hypothétique reflet spéculaire du corps de l’enfant lacanien et l’affrontement de deux consciences de soi identiques décrit dans la Phénoménologie de l’Esprit [22].
« Ritornare a lo specchio » est peut-être le chapitre le plus complexe du livre. Vouloir le résumer serait trop hasardeux comme, d’ailleurs, toute tentative de résumer fidèlement l’ensemble de l’ouvrage, d’autant plus que l’auteur établit des liens très subtils (et risqués) entre Atene et Gerusalemme, entre pensée grecque et pensée hébraïque. Les raccourcis textuels, inévitables dans une note de lecture, enferment toujours la possibilité de déformations conceptuelles et de malentendus… c’est tout à fait logique ! Vitali Rosati prévient, au début du chapitre, non sans une certaine ambigüité, qu’il veut éviter « dei fraintendimenti che ci sembrerebbero particolarmente svianti […] È chiaro, alla luce dell’interpretazione in chiave logica che ne abbiamo dato, che non è assolutamente possibile trovare degli "errori" o delle "contraddizioni" nel pensiero levinassiano » [23]. Effectivement, comme s’il s’agissait d’un « joker », l’asymétrie qui régit logiquement l’éthique de Lévinas réussit à résoudre toute apparente impasse dans ses théories. Elle empêche de la sorte un retour à l’ontologie traditionnelle. En tout état de cause, Vitali Rosati, s’inspirant encore de la pensée de Matte Blanco (« Il sistema inconscio tratta la relazione inversa di qualsiasi relazione come se fosse identica alla relazione. In altre parole, tratta le relazioni asimmetriche come se fossero simmetriche »[24] ), se posera à nouveau la question concernant l’asymétrie dans la logique de Lévinas : comment est-il possible de parler de symétrie asymétriquement ?
Dans le sous-chapitre « Pretendere l’etica »,il va se pencher sur des concepts qui se trouvent d’ordinaire à la base de l’éthique traditionnelle, tels que « volonté », « responsabilité », « souffrance », « patience » (volontà, responsabilità, sofferenza, pazienza) et il va situer la naissance de l’éthique dans le passage de la souffrance à la patience : « Questo passaggio dalla sofferenza alla pazienza è la nascita dell’ etica » [25]. Mais il ne s’attardera pas beaucoup plus sur ces concepts qu’il ne le fît auparavant sur les définitions lévinassiennes du « visage » (volto) et de la « trace » (traccia) dans « La critica a Heiddeger e all’ ontologia ». Ses analyses se concentrent essentiellement, nous insistons, sur les aspects logiques de la pensée de Lévinas. Ainsi, étudiant la constitution du soggetto (sujet), il arrivera à l’« ici » lévinassien. L’ici est « pre-riflessivo ». Sa caractéristique principale, avant même d’être « pre- », est celle d’être dans l’« entre » de l’« entre-temps » (fra-tempo). L’ici est, essentiellement, instant. Et c’est dans le fra (l’entre) que naît la possibilité de l’éthique.
Le qui (ici) comme « instant » mènera Vitali Rosati à réexaminer l’exaiphnes chez Platon (laissant la porte ouverte à ses réflexions sur la physique quantique), à Plotin, à la kinesis et à la stasis, au soggetto etico (oxymoron pour tout lévinassien), à l’epochè, etc. Cela toujours avec la crainte de tomber dans le « sistematismo in cui ogni filosofia della differenza finisce per cadere : l’etica diventa un sistema, un nuovo Spirito assoluto » [26].Hegel est toujours ressenti comme une menace. Conscient de la complexité de son texte, l’auteur propose vers la fin du chapitre son propre résumé, puis il conclut en accueillant la conclusion (ingiunzione) de Derrida dans Violence et Métaphysique : « Il pensiero dell’Altro come assolutamente altro è profondamente legato all’ ebraismo, ma svanisce alla luce del logos greco […] Il futuro della filosofia levinassina potrebbe essere un ritorno a la classicità per " risvegliare " il logos greco dormiente » [27].
Au début du quatrième chapitre, « Riflessione e molteplicità », le jeune auteur rappelle émotivement ceci : « Non siamo ebrei » [28]. « Siamo anche greci e soprattutto, quando si fa filosofia, siamo innanzi tutto greci » [29] . Et il ajoute : « L’ébraicità non è qualcosa che può essere imposto. Come può allora entrare nella filosofia e cambiare le sue leggi e i suoi fondamenti ? » [30]. Dans ces assertions il n’y a, bien sûr, aucun rejet du philosophe juif, envers lequel il laisse transparaître toujours un profond respect. Il met simplement l’accent sur la possibilité d’un retour à l’ontologie, admettant que sa propre pensée s’éloigne de celle de Lévinas : « la nostra prospettiva si allontana da quella levinassiana » [31]. Cet éloignement va déterminer chez lui une façon différente de comprendre le terme « Autre », lequel, pour Lévinas, signifie l’« autre homme ». « L’Altro non è solo l’altro uomo, l’alterità è tutto ciò che rimane indipendente da qualsiasi rapporto : da ora in poi il termine Altro dovrà essere inteso come sinonimo di trascendenza » [32], prévient-il, car il voit désormais les choses différemment : « Nella nostra ottica le cose cambiano. Anche un oggetto è "Altro" in quanto diverso dal soggetto chi cerca con esso un rapporto » [33].
Pour éclairer sa nouvelle démarche, il lui faudra donc établir une nouvelle signification (risemantizzazione) du concept de « réflexion » (riflessione), objectif qui le poussera à poser les bases (dans le cinquième et dernier chapitre) de sa « logica della riflessione », en rappelant que beaucoup de structures qui se trouvent à la base du concept de réflexion ne sont pas compatibles avec la logique formelle et engendrent des apories similaires à celles qui naissent de l’éthique lévinassienne. D’autre part, il insistera sur la possibilité de maintenir l’analogie de la réflexion avec celle du phénomène physique : la réflexion donnera toujours à l’altérité la possibilité de paraître comme dans un miroir, de se concrétiser en s’exprimant. Et dans le sous-chapitre « Verso una nuova riflessione », il va proposer sa propre définition, toujours provisoire, de la réflexion : « Chiamamo ‘‘riflessione’’ qualsiasi contatto tra l’essente e l’alterità » [34].
L’analyse faite par Vitali Rosati à propos de l’expression de l’altérité est particulièrement intéressante : « L’alterità può esprimersi quanto vuole, se non c’è qualcuno che la ascolta essa rimarrà nel buio : non ci sarà nessun rapporto. È necessario che il soggetto non ponga un veto all’ incontro […] L’Altro si esprime sempre per qualcuno » [35]. Il rappelle que pour Lévinas, l’éthique a besoin d’une structure autoréférentielle comme fondement : « L’autoreferenzialità in un rapporto con l’alterità sembra essere la prima condizione di possibilità di tale rapporto » [36]. Mais l’autoréférence n’est pas seulement le savoir du savoir ou l’auto positionnement du sujet. L’autoréférence consiste à se placer comme destinataire du message de l’altérité :
Il soggetto si apre nel sentimento di essere la condizione de la possibilità dell’espressione dell’Altro : senza di me (autoriferimento) la voce rimana inaudita […] L’alterità si esprime " per me " non significa che io verrò in possesso dell’alterità, ma che io sono il mezzo di espressione dell’alterità[37].
Cette structure ne doit pas être confondue avec celle de la « représentation », dans laquelle l’image représentée est prise pour la réelle[38]. Contrairement à l’image représentée, l’image reflétée reste quelque chose qui n’est pas possédé par le sujet, car celui-ci n’est que le moyen de l’expression de l’altérité. D’ailleurs, « si può parlare dell’alterità solo in quanto riflessa » [39], insiste Vitali Rosati, tout en ajoutant qu’il y a diverses formes de rapport à l’altérité qu’on peut appeler « réflexives », parmi lesquelles les « authentiques » et les « inauthentiques » selon la façon de comprendre l’autoréférence. Quand le « pour moi » est compris comme moyen d’expression de l’altérité, la réflexion est authentique. Elle ne l’est pas si le « pour moi » est compris comme « possession ». Dans ce cas, l’altérité n’est nullement trouvée[40]. Quand le « pour moi » est considéré comme un moyen d’expression, la relation avec l’altérité peut se consolider[41].
Parti à la recherche d’une logique de la réflexion, Vitali Rosati va maintenant entrer dans la problématique de l’unité et de la multiplicité. Il s’interroge : « Come è possibile che la riflessione sia un’unità quando l’alterità assoluta, che pure è riflessa, resta inafferrabile ? C’è bisogno di una rottura all’interno della riflessione, è necessario che essa sia molteplice e che la sua molteplicità non sia in nessun modo riducibile ad unità »[42]. Et il précise : « La riflessione è principio molteplice in quanto è l’unico piano dal quale è possibile fare filosofia, ma è frammentario » [43]. Ensuite, dans la même perspective pour structurer une logique de la réflexion, il va analyser les termes de cohérence et d’incohérence comme une autre façon de reformuler la relation entre unité et multiplicité. Il se pose la question : « In che senso si può parlare di coerenza o incoerenza dell’io ? » [44] Il s’approche alors de la problématique du « sujet » (soggetto).
Essayant de définir le « soggetto », Vitali Rosati affirme que celui-ci est un ensemble de propositions logiques, lieu d’une iconologie, et que dans la philosophie traditionnelle l’iconologie de la psyché coïncide avec le sujet lui-même. Or, l’iconologie de la psyché est un ensemble d’images qui peut être considéré aussi comme un ensemble de propositions. Revenant à Matte Blanco et à la logique symétrique avec laquelle le psychanalyste interprète le fonctionnement de l’Inconscient, Vitali Rosati avoue qu’il ne trouve aucun motif qui le pousse à considérer que l’Inconscient ne fasse pas partie de l’iconologie de la psyché. Il affirme même que « nelle sue manifestazioni (ad essempio, nei sogni) l’"inconscio" ha un’influenza ed una presenza nell’ iconologia della mente a volte superiore a quella che vi ha la vita "cosciente". L’iconologia della mente accetta in sé immagini tra loro contraddittorie, paradossali, che negano ogni principio logico » [45].
La division entre Inconscient et Conscient ne serait que le résultat du préjugé qui veut que l’iconologie de la psyché soit cohérente. Pour cacher la nature contradictoire de l’iconologie de la psyché, on cache les contradictions dans une partie « obscure », tout en essayant de maintenir dans une partie « lumineuse » la validité des lois de la logique traditionnelle. « Chi non avesse studiato la logica formale non troverebbe nessuna paradossalità nei paradossi che la minano » [46], prévient-il. Or, la prétendue cohérence de l’iconologie de la psyché est ce qui a permis de hausser le Moi au niveau de l’Esprit. Même l’éternité et l’immortalité de l’Esprit ont été fondées sur la cohérence. D’ailleurs, la division entre Esprit et Corps ressemble à celle entre Conscient et Inconscient. Mais le Moi, le sujet, ne peut pas être Esprit parce qu’il n’a pas la caractéristique primordiale de celui-ci : il n’est pas « uni ». « L’io non è, dunque, che un corpo » [47].
Vitali Rosati considère que le concept de corps est lié à celui de l’autoconservation parce que la première caractéristique du corps serait celle de vouloir se conserver lui-même. L’Esprit ne serait qu’une invention qui permet au corps de s’autoconserver. Ce qui attire le corps vers l’Esprit est seulement la cohérence de celui-ci parce que la cohérence est « survie ». Évidemment, toutes ces affirmations sont discutables, comme le laisse entendre Vitali Rosati lui-même, qui parle d’une analyse approfondie dans une recherche future. Avec une grande lucidité, il remarque que le Moi (io) voudrait posséder l’iconologie de la psyché en devenant son « artisan ». Cependant le Moi n’est pas l’artisan de l’iconologie de la psyché, comme il n’est pas non plus l’artisan de lui-même. Le Moi coïncide avec l’iconologie de la psyché, mais celle-ci n’est pas sa production. Elle est plutôt un croisement de réflexions, de rapports avec l’altérité reflétée qui ont « en soi » leur « pour soi ». En ce sens, le Moi-Corps n’est pas patron de lui-même, il est incohérent et fragmentaire. Être « corps » signifie être déjà incohérent, être déjà initié (iniziati), être déjà iconologie fragmentaire et contradictoire. « D’altra parte l’io-corpo (tutto ciò chi resta del uomo) deve avere un qualche ruolo nel rapporto con l’alterità. Ne è prova il fatto stesso che è un uomo chi può scrivere delle idee simili […] L’uomo è la possibilità d’apparizione concreta (corporale) dell’espressione dell’alterità riflessa »[48]. Et Vitali Rosati conclut : « In questo senso, l’uomo è, principalmente, scrittura, concretizzazione del linguagio » [49].
L’écriture (scrittura) apparaît maintenant en tant que telle dans le texte. Parlant du « commencement » dans le dernier sous-chapitre « Una ridefinizione del concetto di inizio », Vitali Rosati critique les idées de Lévinas sur un « principio primo » : « Levinas cade qui in una trappola linguistica che smentisce clamorosamente le sue intenzioni smascherando dietro l’ebreo errante il volto del Socrate filosofante » [50]. Il reprend la question de l’écriture et de l’inizio, notamment sur le commencement d’un conte littéraire (racconto), pris comme exemple du commencement comme choix délibéré. « L’inizio comme scelta è un cercare di riportare nella finzione l’ordine mancante nella realtà. Questo è l’inizio della scrittura, il grido di un uomo che cerca di ritrovare la sua sostanzialità almeno iniziando in senso tradizionale » [51]. Or, si le commencement était vraiment un choix, il ne serait nullement un commencement, signale-t-il, avant de poursuivre sa critique sur la responsabilité (responsabilità), laquelle selon Lévinas se positionnerait avant tout commencement (prima di ogni scelta), assertion qui, d’après Vitali Rosati, ne fait qu’empirer les choses (peggiorare le cose). En tout cas, pour lui « la riflessione ha bisogno di un inizio e tale inizio non può essere ricercato che in chi sembra essere il fruitore della riflessione : l’uomo. Sembrerebbe che non esista riflessione senza uomo dunque quest’ultimo è l’inizio della riflessione » [52].
Le chapitre IV finit avec un rappel de l’exaiphnes platonicien et du fra (entre) : « L’inizio rimanda sempre ad un passaggio tra moto e quiete, ad un presente che non è ancora presente, ma non è neanche futuro. Ogni origini e ogni inizio sono sempre un "fra". Bisogna vedere comme interpretare questo "fra" »[53]. Vitali Rosati y retournera dans le cinquième et dernier chapitre, « Una logica della riflessione », spécialement lorsqu’il aura recours au concept de « fra-tempo » (l’entre-temps).
Una logica delle riflessione va donc clore le travail de Vitali Rosati, lequel, bien entendu, laissera les portes ouvertes pour de nouvelles recherches qui permettront de clarifier, de compléter et d’enrichir sa propre pensée. Dans ce chapitre, il continue à faire appel à la logique mathématique qui va l’aider à établir finalement sa « logique de la transcendance » et une « logique de la rencontre avec l’Autre » (logica dell’incontro con l’altro). Pour y aboutir, il va s’appuyer, une fois de plus, sur les idées de Matte Blanco sur l’Inconscient et la logique symétrique que le psychanalyste voit à l’œuvre dans son fonctionnement. Mais auparavant, il va redéfinir, avec une précision accrue, le concept de riflessione : « L’atto che attraverso un ripiegamento su se stesso consente un’espressione dell’alterità e l’instaurazione di un rapporto con essa »[54]. Or, la réflexion est un principe multiple qui, en tant que tel, se structure en plans (piani) de réflexion indépendants. Pour un plan précis de réflexion, tous les autres sont transcendants. La transcendance sera la situation dans laquelle se trouvent les plans de réflexions par rapport à un plan donné. Mais qu’est-ce qu’un plan de réflexion ? « Esso è un insieme di proposizioni, in senso generalissimo, che trovano la loro "origine" in un’espressione dell’Altro passata attraverso un per sé autoreferenziale »[55]. Et Vitali Rosati précise que, dans tous les cas, le plan de réflexion peut être défini comme une iconologie.
Ayant procédé, comme dans une spirale ascendante, à une redéfinition de la riflessione, Vitali Rosati se voit désormais contraint à redéfinir les lois de la logique : « La logica formale non basta a spiegare l’incontro con l’alterità »[56]. C’est la raison ultime pour laquelle il a cherché à formuler sa logica de la trascendenza. Comment doit-on configurer cette logique de la transcendance ? Il propose la thèse suivante :
Seguiamo una suggestione di Matte Blanco alla quale dobbiamo lo spunto delle idee che stiamo per proporre. Nello stesso testo a cui ci riferivamo parlando de la logica simmetrica che starebbe alla base del funzionamento dell’inconscio fino a identificarsi con lo stesso inconscio, Matte Blanco si accorge di una necessità analoga à quella che abbiamo avvertito […] : la necessità, appunto di conciliare il principio di non contraddizzione con la possibilità reale della contraddizione[57].
« L’idea matteblanchiana è questa... » (L’idée matteblanquienne est celle-ci), annonce Vitali Rosati avant de l’expliquer et de la résumer en termes de logique traditionnelle. Il s’agit d’identifier un point, d’abord sur une ligne droite dans un espace unidimensionnel, puis d’identifier ce même point dans un espace tridimensionnel. Et il démontre que si le principe de non-contradiction est respecté sur deux dimensions, il est dépassé si on ajoute une troisième dimension ou plus (n-dimension). C’est « la logica n-dimensionale prospettata da Matte Blanco »[58]. Alors, en faisant le détour par les concepts de proposition et d’icône, il arrive à une définition logique des plans de réflexions : « Un piano di riflessione è un sistema a due dimensioni nel quale ad ogni punto (x, y) è associata una proposizione, cioè un’icona »[59].
À partir de là, et suivant toujours les idées et suggestions de Matte Blanco, il va croiser, moyennant des chiffres et des formules de logique mathématique (impossibles à reproduire dans une simple note de lecture comme celle-ci), le concept lévinassien de « diachronie », qu’il va utiliser pour désigner l’incohérence entre les lignes droites qui constituent les plans de réflexions : « La retta (x, 1) è diacronica rispetto alla retta (x, 2) » [60]. C’est cette diachronie, qui caractérise le Temps de la réflexion, qui la rend différente d’elle-même. Vitali Rosati reviendra encore au fra-tempo (entre-temps), à l’exaiphnes qui est (sta) entre le présent et le non encore présent, un passé qui n’est pas encore passé. « La struttura della diacronia e del fra-tempo impediscono che la riflessione ricada nelle critiche levinassiane. Lo spostarsi traslandosi della retta e la diacronia della traslazione impediscono una riduzione dell’alterità al piano di riflessione. La riflessione non ha in questo senso, niente in comune con la rappresentazione »[61]. Et il ajoutera encore une caractéristique du « plan de réflexion », essentielle pour l’analyse du rapport avec l’altérité : l’incomplétude, c’est à dire le manque, dans l’iconologie du plan de réflexion, de quelques icônes.
Le livre aboutit à la « Logica dell’incontro con l’altro », où Vitali Rosati introduit son concept de « diatopie » : « Introdurremo […] una nuova nozione, parallela a quella di diacronia che permetteva di gestire l’opposizione tra unità e molteplicità senza una riduzione della seconda sulla la prima e una conseguente contestualizzazione e limitazione del principio di non contraddizione : la nozione di diatopia. (La diatopia) è l’impossibilità per il piano di riflessione di muoversi in alcune dimensione »[62]. Or, tandis que la diachronie implique la possibilité de mouvement pour (per) le plan de réflexion, la diatopie empêche tout (ogni) mouvement. La diatopie est la structure qui caractérise logiquement la transcendance. L’altérité est transcendante en tant qu’elle est diatopique.
Après quelques précisions logiques mathématiques sur « le plan donnant » (il piano donante) et « le plan récepteur » (il piano ricevente) et l’analyse de la concordance (concordanza) entre les points des plans différents dans l’espace n-dimensionnel établissant un lien entre eux, même lorsqu’ils sont séparés par une diatopie insurmontable, Vitali Rosati affirme que « la struttura del piano di riflessione permette un rapporto autentico con l’alterità che non è assolutamente eticamente connotato » [63].Le lecteur du livre peut alors se poser la question : ce rapport ne peut-il pas être aussi esthétique ?
La crainte majeure pour Vitali Rosati est toujours le risque de voir ses considérations menacées par le systématisme totalitaire. Comment une logique n-dimensionnelle peut ne pas rechuter dans l’Esprit Absolu hégélien ? La réponse se trouverait, précisément, dans les concepts de diachronie et de diatopie qui sont comme des ruptures, des cassures. La diachronie est l’impossibilité de coller deux instants. La diatopie, à son tour, est la rupture entre deux plans de réflexion. L’Absolu totalitaire semble loin… L’audacieux doctorant a réussi à montrer comment la logique – outil par excellence de l’intellect – peut s’introduire partout. Et, en ce qui concerne sa propre logique de la transcendance, il indique, sans le dire, des pistes pour aller vers ce que nous pourrions appeler une « Psychologie de la transcendance » (l’io, l’io-corpo), une « Anthropologie de la transcendance » (l’uomo inizio della reflessione, l’uomo scrittore) et même une « Esthétique de la transcendance » (scrittura, inizio, finzione), esthétique qui devrait permettre, entre autres, de comprendre en termes logiques la littérature narrative et l’intertextualité. Quant à l’ontologie, récusée par Lévinas, il résout le problème avec un nouveau concept, la « metaontologia ». D’après lui, la méta-ontologie ne peut être qu’un plan de réflexion (piano di reflessione). Elle est un « philosopher » sur l’ontologie, « philosopher » qui est, lui-même, ontologie, et sa valeur consiste en son pouvoir de rendre compte d’un rapport authentique avec l’altérité, mais sans la détruire.
Pour finir, Vitali Rosati pose quelques questions auxquelles il promet de trouver une réponse dans une étude à venir. Quelle place l’homme-corps doit-il assumer dans une philosophie de l’altérité ? Cette question est solidement liée au sens philosophique de l’histoire : « La domanda ’che cosa ne è dell’uomo ?’ sarà strettamente legata alla domanda “che cosa ne è della storia’ ? » [64]. Et il s’interroge sur une autre problématique fondamentale :
Abbiamo infatti accennato che il ruolo che l’uomo-corpo potrebbe giocare nella metaontologia sarebbe quello di ‘‘scrittura’’. Ora la scrittura detiene il privileggio di un legame particolarissimo con il linguaggio. Il problema dell’uomo sarà legato anche al problema del rapporto tra riflessione e linguagio [65].
Le lecteur de Riflessione e trascendenza pourrait donc se poser la question : quel est le rôle de l’homme-corps dans l’histoire, de l’homme capable d’établir un lien privilégié avec le langage à travers l’écriture, c’est-à dire, de l’homme en tant que lecteur-écrivain ?
Appendices
Notes
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[1]
Rappelons que c’est Dante Allighieri, au début du XIVe siècle, qui posa les bases linguistiques de l’italien moderne dans De Vulgari Eloquentia, ouvrage où il va recenser des dizaines de dialectes parlés dans ce qu’est aujourd’hui l’Italie, à laquelle il offrit le ciment de son unité sociale et politique. Il structura l’italien à partir de son dialecte florentin natal, le toscan, la langue poétique de La Divine Comédie, œuvre considérée par beaucoup comme le sommet de la littérature occidentale.
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[2]
« Dans un sens très général et provisoire, nous comprenons par " réflexion " la structure suivante : le sujet, cherchant un rapport avec l’altérité, sert de miroir, de lieu d’apparition et de contact de tout ce qui est autre. Dans le " refléter " le sujet crée, en lui-même, le lieu de rencontre avec ce qui est autre. Sans un "je reflète", toute image est destinée à se dissiper, l’altérité ne peut être trouvée en aucune façon ». « Introduzione », Marcello Vitali Rosati, Riflessione e trascendenza : itinerari a partire da Levinas, Pisa, Edizioni ETS, 2003, p. 11.
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[3]
« La transcendance est la possibilité de la différence absolue de l’altérité », Ibid., p. 12.
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[4]
« L’homme hégélien est satisfait, il n’a besoin de rien d’autre, et pour cela il est fermé à toute possible altérité. Le savoir absolu est une liberté infinie de manipulation, d’appropriation et de satisfaction, qui ne laisse d’espace ni au désir ni au besoin. Le travail de la pensée hégélienne ne cherche pas à laisser la chose comme elle est, mais à l’opprimer, à la trahir pour la faire tomber dans ses propres mains et à se l’approprier comme un bien de consommation. Et elle fait ceci avec les choses comme avec les hommes », Ibid., p. 22.
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[5]
Hegel, La Phénoménologie de l’Esprit, chapitre IV « Indépendance et dépendance de la conscience de soi. Domination et servitude ».
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[6]
« Certes, il n’est pas possible de penser que le subtil talent lévinassien n’ait pas été capable d’une lecture plus attentive de Être et Temps ». M. Vitali Rosati, Riflessione e trascendenza, Ibid., note 18, p. 28.
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[7]
« Les idées lévinassiennes ne respectent pas les principes de la logique formelle, elles semblent plutôt se fonder sur une logique "autre". » « Introduzione », Ibid., p. 13.
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[8]
« Notre thèse est que la philosophie de Lévinas peut être totalement interprétée comme la construction d’une logique " autre ", ou mieux, d’une logique de l’Autrement. L’éthique est logique, une logique qui va au-delà de la logique formelle et de la dialectique. », Ibid., p. 47.
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[9]
« Ce qui l’induit à commettre une si grave transgression est le besoin […] de pouvoir avoir une multiplicité qui ne se réduise pas à l’unité. C’est à cette irréductibilité qu’est liée la possibilité de l’altérité. Si cette irréductibilité était possible […], l’aplatissement de l’Autre sous le Même serait inévitable », Ibid., p. 49.
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[10]
« La logique est un système. Comme tel, il rend symétrique toute asymétrie, il est ce qui peut donner un jugement sur tout, et qui peut " thématiser "et " totaliser ". Même s’il y avait une quelconque différence entre le Même et l’Autre, celle-ci est supprimée dans la totalisation systématique », Ibid., p. 51.
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[11]
« une erreur banale, presque une distraction de Lévinas », Ibid., p. 53.
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[12]
« La logique formelle est fondée sur une conception du Temps comme étant continu. Il est possible de parler logiquement à tout moment du futur si le Temps est quelque chose d’homogène. L’acceptation d’une discontinuité du Temps conduirait à une série de paradoxes que la logique formelle ne peut pas admettre […] La validité du principe de causalité est impensable pour celui qui pense à la possibilité des sauts du Temps, d’un morcellement qui casse la relation entre présent, passé et avenir […] D’autre part, penser le Temps comme continu et supposer une relation logique étroite et indiscutable entre les instants qui le composent rend difficile la possibilité de l’altérité. » Ibid., p. 55.
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[13]
« que son éthique soit englobée par une logique encore plus puissante, la dialectique. », Ibid., p. 56.
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[14]
Ignacio Matte Blanco (Santiago du Chili, 1908 – Rome, 1995), professeur de psychiatrie et de psychanalyse à la Faculté de médecine de l’Université du Chili dans les années 50-60, Doctor Honoris Causa de l’Université de Pise.
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[15]
Matte Blanco est l’auteur de nombreux livres en espagnol, en anglais et en italien, notamment " Lo Psíquico y la Naturaleza Humana ", " Estudios de Psicología Dinámica " (Editorial Universitaria, Universidad de Chile, 1952/1954), " Thinking, Feeling and Being " (The New Library of Psychoanalysis, London, 1988), " L’inconscio come insieme infiniti " (Einaudi, Torino, 1981), " Preludi della bi-logica, 1-2, Riflessioni sulla psicodinamica "(Liguori, Napoli, 2003), etc.
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[16]
L’effort accompli par Matte Blanco pour arriver à une compréhension rationnelle et scientifique de l’activité de l’inconscient est sans doute remarquable. Mais son travail comme professeur de psychiatrie l’est autant. C’est lui qui introduisit dans l’enseignement de la médecine au Chili les cours de psychologie clinique, notamment les séminaires de thérapie de groupe, où nous, étudiants en quête d’une connaissance directe de la psyché, nous prenions volontiers la place des patients. Il contribua aussi à la fondation de la « Asociación Psicoanalítica Chilena » en 1949.
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[17]
« Nous pouvons opposer à l’énoncé matteblanquien, l’énoncé suivant : l’éthique voit la relation inverse de n’importe quelle relation comme si elle n’était dans aucun cas identique à celle du départ. Autrement dit, elle tient compte des relations symétriques comme si elles étaient asymétriques. » M. Vitali Rosati, Riflessione e trascendenza, Ibid., p. 60.
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[18]
« L’absence des relations symétriques détermine aussi la disparition de n’importe quel type d’organisation. », Ibid., p. 61.
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[19]
« Les implications de l’éthique lévinassienne sont encore plus paradoxales que celles de l’Inconscient matteblanquien en ce qui concerne le problème de l’universalisation. », Ibid., p.61.
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[20]
« La structuration d’une logique de la transcendance est-elle possible ? D’un système qui ne soit pas système et qui, d’autre part, soit capable d’administrer le paradoxe du rapport avec une altérité qui reste telle, une altérité absolue, absoute aussi du rapport avec le système qui l’administre ? », Ibid., p. 64.
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[21]
« Le " retour au miroir " que nous allons analyser ne sera pas montré comme une nécessité innée de la pensée lévinassienne, nécessité non vue par le philosophe et que notre intelligence des textes aurait découverte. Ce " retour au miroir " sera montré plutôt comme une nouvelle possibilité de " stase éthique ". », Ibid., p. 68.
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[22]
Si on peut comprendre et accepter la métaphore du miroir en philosophie et en logique, ce recours « spéculaire » est beaucoup moins évident en psychologie. Par exemple, lorsque Lacan l’utilise pour parler du « stade du miroir » dans son interprétation de la psychanalyse freudienne, il abuse de la Phénoménologie de l’Esprit en remplaçant la conscience de soi par un objet inanimé… fût-il le mieux poli et le plus étincelant des miroirs en argent.
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[23]
« des malentendus qui nous sembleraient particulièrement déviants […] Il est clair qu’à la lumière des interprétations en clé logique que nous avons données, il n’est absolument pas possible de trouver des " erreurs " et des " contradictions " dans la pensée lévinassienne », Ibid., p. 67. En tout cas, lorsque Vitali Rosati " critique " Lévinas, il le fait toujours dans une perspective positive, cherchant à le rendre acceptable pour ceux qui s’attachent à l’ontologie comme « philosophia prima ».
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[24]
« Le système de l’Inconscient traite la relation inverse de n’importe quelle relation comme si elle était identique à la relation. Autrement dit, il traite les relations asymétriques comme si elles étaient symétriques. » Matte Blanco, L’ inconscio come insieme infiniti, Einaudi, Torino, 1981, cité par M. Vitali Rosati, Ibid., note 21, p. 59-60.
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[25]
« Ce passage de la souffrance à la patience, c’est la naissance de l’éthique. » M. Vitali Rosati, Ibid., p. 74.
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[26]
« … la systématisation dans laquelle toute philosophie de la différence finit par tomber : l’éthique devient un système, un nouvel Esprit absolu », Ibid., p. 88.
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[27]
« La pensée de l’Autre comme absolument autre est liée à l’hébraïsme, mais elle s’évanouit à la lumière du logos grec […] L’avenir de la philosophie lévinassienne pourrait être un retour au classicisme pour "réveiller" le logos grec "dormant". », Ibid., p. 90.
-
[28]
« Nous ne sommes pas Hébreux». Ibid., p. 94.
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[29]
« Nous sommes Grecs et surtout, lorsque nous faisons de la philosophie, nous sommes avant tout Grecs. » Ibid., p. 94.
-
[30]
« L’hébraïsme […] ne peut pas être imposé. Alors, comment peut-il entrer dans la philosophie et changer ses lois et ses fondements ? » Ibid., p.94.
-
[31]
« Notre perspective s’éloigne de celle de Lévinas. » Ibid., p. 95.
-
[32]
« L’Autre n’est pas seulement l’autre homme, l’altérité est tout ce qui reste indépendant de n’importe quel rapport : à partir de maintenant le mot "Autre" doit être compris comme synonyme de transcendance. » Ibid., note 1, p. 93.
-
[33]
« Dans notre optique les choses changent. Même un objet est "Autre" dans la mesure où il est différent du sujet qui cherche un rapport ». Ibid., p. 96.
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[34]
« Nous appelons "réflexion" tout contact entre l’étant et l’altérité. » Ibid., p. 101.
-
[35]
« L’altérité peut s’exprimer autant qu’elle veut, mais si il n’y a pas quelqu’un qui l’écoute elle restera dans l’obscurité : il n’y aura aucun rapport. Il est nécessaire que le sujet n’oppose pas un veto à la rencontre […] L’Autre s’exprime toujours pour quelqu’un. », Ibid., p. 102.
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[36]
« L’autoréférentialité dans un rapport avec l’altérité semble être la condition première de ce rapport. », Ibid., p.102.
-
[37]
« Le sujet s’ouvre dans le sentiment d’être la condition de la possibilité de l’expression de l’Autre : sans moi (autoréférence) la voix reste inaudible […] Que l’altérité s’exprime "pour moi" ne signifie pas que je la possède mais que je suis le "moyen" d’expression de l’altérité », Ibid., p. 103. On pourrait voir dans cette description une analogie de l’intertextualité et de l’intertexte en littérature : l’auteur intertextuel est la condition de l’expression de l’auteur cité, qui n’est pas pour autant « possédé » par l’écrivain qui le cite, contrairement à ce qui a lieu dans le plagiat.
-
[38]
On peut faire la comparaison avec le roman, fondé sur la représentation des images qui sont prises pour la réalité. Le roman « représente », tandis que l’intertexte « reflète ». (Sens Public, Bakhtine, le roman et l’intertexte).
-
[39]
« On peut parler d’altérité uniquement comme reflétée. » Ibid., p. 105.
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[40]
C’est ce qui arrive dans le roman, que nous pourrions peut-être considérer, suivant la logique de la réflexion et de la transcendance, comme une forme réflexive inauthentique, où l’écrivain et le lecteur se trouvent irrémédiablement séparés. L’altérité n’est jamais trouvée. (Sens Public, Bakhtine, le roman et l’intertexte).
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[41]
Dans l’intertexte, ouvert au lecteur-écrivain, l’altérité peut se consolider esthétiquement. Bien entendu, il ne s’agit ici que de simples analogies rendues possibles par la logique définie par Vitali Rosati. (Sens Public, Bakhtine, le roman et l’intertexte).
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[42]
« Comment est-il possible que la réflexion soit une unité quand l’altérité absolue, qui cependant est reflétée, reste insaisissable ? Il faut une rupture à l’intérieur de la réflexion, il est nécessaire que celle-ci soit multiple et que sa multiplicité ne soit réductible, en aucune façon, à l’unité. », Ibid., p. 108.
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[43]
« La réflexion est un principe multiple dans la mesure où il est le seul plan dans lequel il est possible de philosopher, mais il est fragmentaire. » Ibid., p. 109.
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[44]
« Dans quel sens peut-on parler de cohérence ou d’incohérence du moi ? », Ibid., p. 115.
-
[45]
« Dans ses manifestations (par exemple, dans les rêves), l’Inconscient a une influence et une présence dans l’iconologie de la psyché très supérieure à celle que peut y avoir la vie "consciente". L’iconologie de la psyché accepte des images contradictoires et paradoxales entre elles qui nient tout principe logique », Ibid., p. 117.
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[46]
« Celui qui n’a pas étudié la logique formelle ne trouvera rien de paradoxal dans les paradoxes qui la minent. », Ibid., p. 118.
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[47]
« Le Moi n’est donc qu’un corps. », Ibid., p. 118.
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[48]
« D’autre part, le Moi-Corps (tout ce qui reste de l’homme) doit avoir un rôle dans le rapport avec l’altérité, comme le prouve le fait que celui qui peut écrire de telles idées est un homme […] L’homme est la possibilité d’apparition concrète (corporelle) de l’expression de l’altérité reflétée », Ibid., p. 120.
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[49]
« En ce sens, l’homme est, principalement, écriture, concrétisation du langage. », Ibid., p.120. Cette proposition ouvre les portes à une véritable révolution dans la communication humaine en général, et dans la littérature en particulier : l’homme-communicant, notamment dans l’univers du numérique, cesse d’être un simple lecteur comme dans le roman, il peut devenir « lecteur-écrivain », comme dans l’intertexte. (Sens Public, Bakhtine, le roman et l’intertexte).
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[50]
« Lévinas tombe dans un piège linguistique qui dément ses intentions, démasquant derrière le juif errant le visage du Socrate philosophant. », Ibid., p. 122.
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[51]
« Le commencement comme choix est une recherche pour mettre dans la fiction l’ordre manquant dans la réalité. Ceci est le début de l’écriture, le cri de l’homme qui veut retrouver sa substantialité au moins en commençant dans un sens traditionnel. », Ibid., note 22, p. 125. Dans le roman il y a un début et une fin. Dans l’intertexte, forme narrative ouverte, évolutive dans le temps, il n’y a ni commencement, ni fin préalablement fixés. Par exemple, dans tout Faust (inéluctablement intertextuel), le commencement est au-delà de son écriture, dans la légende de l’homme qui l’a inspirée, le Docteur Faust (Knittlingen 1480 - Staufen 1540 ). (SP, Bakhtine, le roman et l’intertexte).
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[52]
« La réflexion a besoin d’un commencement, et ce commencement ne peut être cherché que dans ce qui semble être le bénéficiaire de la réflexion : l’homme. Il semblerait qu’il n’existe pas de réflexion sans l’homme, donc celui-ci est le commencement de la réflexion. », Ibid., p. 121.
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[53]
« Le commencement demande toujours un passage entre mouvement et quiétude, un présent qui n’est pas encore présent, mais pas non plus futur. Toute origine et tout commencement sont toujours un "entre". Il faut voir comment interpréter cet "entre" », Ibid., p. 124.
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[54]
« La réflexion : l’acte qui, à travers un repli sur soi-même, permet une expression de l’altérité et l’instauration d’un rapport avec elle. », Ibid., p. 131.
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[55]
« C’est un ensemble de propositions qui trouvent leur origine dans une expression de l’Autre qui est passée par un "pour soi" autoréférentiel », Ibid., p. 132. Voici encore une analogie possible avec l’intertexte, forme narrative post-romanesque tissée avec un ensemble de citations qui trouvent leur origine dans l’expression de l’auteur cité. Cette expression est passée par un « pour soi » autoréférentiel, l’écrivain intertextuel, lequel n’aplatit pas sous lui l’écrivain cité (comme cela advient dans le plagiat), détruisant toute altérité. (SP, Bakhtine, le roman et l’intertexte).
-
[56]
« La logique formelle ne suffit pas pour expliquer la rencontre avec l’altérité », Ibid., p. 141.
-
[57]
« Nous suivons une suggestion de Matte Blanco qui nous a inspiré les idées que nous allons proposer. Dans le même texte auquel nous faisions référence en parlant de la logique symétrique qui serait à la base du fonctionnement de l’Inconscient, Matte Blanco s’aperçoit d’un besoin analogue à celui que nous avons signalé […] : la nécessité de concilier le principe de non-contradiction avec la possibilité réelle de la contradiction », Ibid., p. 143.
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[58]
« C’est la logique n-dimensionnelle proposée par Matte Blanco. », Ibid., p. 145.
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[59]
« Un plan de réflexion est un système à deux dimensions dans lequel à chaque point (x, y) est associée une proposition, c’est-à-dire une icône », Ibid., p. 146.
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[60]
« La ligne droite (x, 1) est diachronique par rapport à la ligne droite (x, 2) », Ibid., p. 148.
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[61]
« La structure de la diachronie et de l’entre-temps empêche que la réflexion rechute dans la critique lévinassienne. Le déplacement en passant de la ligne droite à la diachronie de la translation empêche une réduction de l’altérité au plan de la réflexion. Dans ce sens, la réflexion n’a rien en commun avec la représentation », Ibid., p. 151.
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[62]
« Nous introduirons […] une nouvelle notion, parallèle à celle de la diachronie, qui permettait de gérer l’opposition entre unité et multiplicité sans une réduction de la deuxième sous la première, et la contextualisation et limitation conséquente du principe de non-contradiction : la notion de diatopie. La diatopie est l’impossibilité pour le plan de réflexion de bouger dans une dimension quelconque », Ibid., p. 152.
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[63]
« La structure du plan de réflexion permet un rapport authentique avec l’altérité, rapport qui n’est pas absolument éthiquement connoté », Ibid., p. 157.
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[64]
« La question ‘‘qu’en est-il de l’homme ?’’ sera étroitement liée à la question ‘‘qu’en est-il de l’histoire ?’’ », Ibid., p. 161.
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[65]
« Nous avons en effet montré que le rôle que l’homme-corps pourrait jouer dans la méta-ontologie serait celui de "l’écriture". Or, l’écriture a le privilège d’un lien particulier avec le langage. Le problème de l’homme sera aussi lié au problème du rapport entre réflexion et langage », Ibid., p.161.