Abstracts
Résumé
La question de l’interprétation juridique occupe une place paradoxale. Elle est à la fois centrale et peu questionnée au-delà de quelques cercles de spécialistes souvent proches de la sociological jurisprudence ou du réalisme américain. Le résultat est une sorte de consensus (qui sert également de principe politique) de la communauté universitaire autour de cette idée d’un rôle subsidiaire de l’activité d’interprétation dans la production normative – production normative qui ressortit donc presque exclusivement au pouvoir législatif. Pourtant, cette idée que seul le législateur crée le droit est contredite par les faits et surtout par une série de travaux de la philosophie de la traduction qui, dans le prolongement du grand tournant herméneutique initié dans la seconde moitié du XXe, met en évidence un tout autre paradigme : l’interprète ne peut être étranger au texte et il faut combattre l’idée selon laquelle il n’ajouterait jamais à ce que l’auteur ou le premier lecteur aurait pu avoir en tête ; le texte doit être replacé au centre du débat de l’interprétation et on ne peut plus en faire un « prétexte » ou un élément secondaire dans la prise de décision du juge. Enfin, la théorie de la traduction condamne de manière ferme le recours à l’intention de l’auteur.
Mots-clés :
- Interprétation,
- herméneutique juridique,
- théorie de la traduction,
- H.-G. Gadamer,
- P. Ricœur,
- G. Steiner
Abstract
The status of legal construction may at first appear paradoxical. Although essential, matters of legal interpretation are seldom addressed, except by a few specialists often very close to the sociological jurisprudence or the American Realism movements. The result is a kind of general consensus (which equally serves as a political principle) of the academic community upon the subsidiary role of interpretation in the law-making process – whereby the law-making process is deemed to fall almost entirely into the realm of the legislative branch of government. Yet, this idea that the legislative branch is the sole source of law-making is somehow at odds with the facts. This idea is above all contradicted by a set of works drawn from the philosophy of translation which, in the wake of the “hermeneutic turn” dating from the second half of the twentieth century, has brought to light a different paradigm : the interpreter is not alien to the text, and the idea that he could never add to what the author or the first reader could have had in mind should be denounced ; the text is not a “pretext” or a secondary concern in the decision-making process and should be taken seriously by legal hermeneutics. Finally, the theory of translation firmly rejects the use of the author’s intention for interpretative purposes.
Keywords:
- Interpretation,
- legal hermeneutics,
- theory of translation,
- H.-G. Gadamer,
- P. Ricœur,
- G. Steiner