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Si le sommet de Kinshasa (13-14 octobre) de la francophonie a été marqué par la rupture du président Hollande avec la Françafrique, la francophonie est apparue assez timorée avec en particulier des pays ne privilégiant plus le français comme langue internationale. La Tunisie et le Laos ont fait de l’usage de l’anglais une priorité et la Belgique est apparue divisée sur la question de l’usage du français, cette division ne faisant que refléter le désaccord entre Wallons et Flamands.
Au-delà du cortège de discours traditionnels sur le partage des valeurs, on peut se demander à juste titre si le rôle de la francophonie demeure cantonné à celui d’une promotion culturelle, artistique et linguistique à l’ère postcoloniale, ou si celui-ci ne doit pas excéder la célébration symbolique et parfois surchargée de liens parfois artificiels. En d’autres termes, la francophonie peut-elle dépasser le simple cadre linguistique ? L’hypothèse que l’on peut faire est la suivante : plus on se concentre sur la langue plus on manque l’aspect essentiel des relations politiques et économiques privilégiées entre ces pays. L’histoire des institutions francophones officielles a un peu plus de cinquante ans avec le traité de Niamey en 1970, le premier sommet francophone en 1986 et la première journée internationale de la francophonie le 20 mars 1988 (pour commémorer le traité de Niamey). En 1997, une charte de la francophonie est signée et en 2005, l’agence intergouvernementale de la francophonie devient l’Organisation Internationale de la Francophonie (O.I.F.)[1]. L’O.I.F. a 77 États-membres dont 20 ont le statut d’observateurs. La particularité de l’O.I.F. est qu’elle est passée du statut de structure intergouvernementale à celui d’acteur transnational. Cela signifie qu’à peu près un tiers des États de la planète participe à cette organisation. Pour que l’O.I.F. puisse s’affirmer comme acteur transnational, encore faut-il qu’elle se positionne sur le champ des échanges économiques. La réflexion à ce sujet est encore balbutiante puisqu’on a paradoxalement ignoré cette dimension, réduisant du même coup la francophonie à une célébration des liens des pays autour de la langue française. La France a nié cette dimension politique pour éviter des faux procès de néocolonialisme.
Outre des accords bilatéraux ou autour de la zone du franc CFA, la francophonie économique n’a pas émergé et du même coup, il n’est pas étonnant que l’Afrique regarde moins du côté de la France pour son avenir. La francophonie purement culturelle, c’est de la « francodoxie », comme le déclare François Provenzano[2], c’est-à-dire une construction romantique néocoloniale sous des aspects artificiels de fraternité. Certes, on peut louer ici et là des artistes francophones transformant notre rapport à la langue, mais la véritable innovation passe par l’adoption d’une stratégie économique des échanges. L’O.I.F est la reproduction du Commonwealth avec des valeurs à partager (droits de l’homme, gouvernance environnementale, démocratie, jeux de la francophonie qui ressemblent aux Olympiades du Commonwealth) autour de la culture francophone. Si plusieurs priorités sont venues compléter le simple agrément culturel et la traditionnelle fête de la francophonie, la francophonie économique reste à développer. Le gouvernement français semble l’avoir compris avec la nomination d’une ministre de la Francophonie déléguée auprès du Ministère des Affaires étrangères et européennes dont l’objectif est de proposer une diplomatie économique et de faire en sorte que l’ensemble des relations entre la France et le reste du monde se traduise concrètement par des transactions commerciales. Militons pour une francophonie politique où solidarité, développement, échanges économiques viennent donner une dimension plus forte aux relations entre les pays francophones. La culture retrouverait ainsi sa place et la langue serait simplement l’un des moyens et non plus une fin. La déclaration de Kinshasa propose bien d’inscrire cette stratégie économique, entérinant implicitement le fait qu’elle n’ait pas réellement existé pendant cinquante ans : « nous demandons à l’O.I.F. et aux opérateurs de proposer, en vue du prochain Sommet, une stratégie économique pour la Francophonie réunissant pouvoirs publics, entreprises, institutions éducatives et société civile »[3]. Puissions-nous sortir de la Françafrique et de la francodoxie pour réorienter le fonctionnement et les objectifs des institutions francophones.
Appendices
Notes
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[1 Voir en ligne]
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François Provenzano, Vies et mort de la francophonie. Une politique de la langue et de la littérature , Bruxelles : Les Impressions Nouvelles, 2011. Christophe Premat, "Francophonie ou francodoxie ? Réflexions sur la politique de la langue française", Acta Fabula, Notes de lecture. Voir en ligne sur Fabula.
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