Usée par une guerre sans fin contre le terrorisme et affaiblie par une crise financière et économique qui a recentré l’attention de ses citoyens sur les enjeux domestiques, l’Amérique était certainement confrontée, lors de l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche en janvier 2009, à la tentation du repli. Au contraire, trouvant une voie médiane entre deux grands axes historiques de la diplomatie américaine, l’isolationnisme et la politique de puissance, et lancé dans une quête pour restaurer le leadership moral, diplomatique et militaire des États-Unis, le président démocrate a su mettre en œuvre, au cours de son mandat, une politique étrangère imprégnée de pragmatisme et de prudence. Plus tôt cette année, Barack Obama a exprimé clairement ses vues dans un entretien avec le journaliste Fareed Zakaria : De fait, le président américain a tâché d’imprimer sa marque sur une diplomatie post-11 Septembre qui doit progressivement détourner les États-Unis du Moyen-Orient et redéployer leurs efforts et leur attention sur l’Asie, cette région qui a la plus grande croissance économique et démographique au monde et qui comptera à l’avenir, avec l’Inde, la Chine et le Japon, trois des cinq plus grandes économies mondiales. Ce pourrait bien être là son legs principal en politique étrangère, et celui sur lequel se joue en bonne partie l’avenir du leadership américain. Du discours du Caire, expression d’une volonté d’apaisement des relations avec le monde musulman, à la chute de Mouammar Kadhafi, de la réception du prix Nobel de la paix à la signature du traité New START, de la remise à plat des relations avec la Russie à la mort d’Oussama Ben Laden et de l’influent Anwar al-Awlaqi et l’affaiblissement de la nébuleuse Al-Qaida, du retrait des troupes en Irak à l’annonce d’un départ d’Afghanistan, le premier mandat de la présidence Obama fut riche en succès dans le domaine de la politique étrangère. Cela n’était pas gagné d’avance. Face à une économie qui, quatre ans après la faillite de Lehman Brothers, peine toujours à se remettre en mouvement, et refroidie par les aventures, coûteuses en vies et en dollars, de George W. Bush en Irak et en Afghanistan, on pouvait légitimement s’attendre à ce que le démocrate concentre son attention sur les enjeux domestiques Mais en 2008, lors de primaires qui l’opposent à Hillary Clinton, véritable « dame de fer » en diplomatie, puis au républicain John McCain, qui espérait gagner en partie l’élection sur ses positions en matière de défense, le candidat Obama a dû s’engager à se montrer ferme en politique étrangère, sans cacher son désir de dialoguer. Par ailleurs, il n’était pas question de laisser aux républicains un monopole dans ce domaine. Entre les divisions des démocrates lors de la guerre du Viêtnam puis le traumatisme de la crise liée à la prise d’otages de Téhéran sous Carter, la gauche américaine a pâti depuis la fin des années 1960 d’une image de faiblesse en politique extérieure. Sous Ronald Reagan, le Parti républicain n’a pas hésité à accroître les dépenses dans le domaine de la défense, exhibant ses muscles dans la « guerre des étoiles » des années 1980. Il en alla de même lors de la guerre du Golfe, placée sous le signe du réalisme par Bush père. Sans avoir un bilan négatif en politique étrangère, le démocrate Bill Clinton a manqué d’envoyer des signaux forts. Des échecs notables (en Somalie) et son absence au Rwanda ont teinté sa présidence. Sous Bush fils et les néoconservateurs, la sécurité nationale revient au premier plan dès les attentats du 11 Septembre, puis avec le déclenchement de deux guerres, en Afghanistan et en Irak. En …